" Victor Chocquet était un ami des impressionnistes, il est devenu un personnage
historique à cause de sa pure dévotion pour l'art contemporain. Petit fonctionnaire,
sans grandes ressources, il fut saisi par la beauté des oeuvres de Renoir et de
Cézanne et en constitua une collection au moment où elles étaient encore en butte
aux moqueries des critiques et du public. Chacun de ces artistes fit de lui plusieurs
portraits.
1876 - 1877 - Toile 46 X36 cm
Dans ceux qu'exécuta Renoir, Chocquet est d'une nature douce, ouverte ,
parfaitement détendu, il regarde aimablement le spectateur.
https://www.societe-cezanne.fr/2017/04/29/portrait-de-victor-chocquet-1876-1877-r292-fwn437/
Dans le tableau de Cézanne, les traits ne sont pas moins sensibles, mais il y a
dans le port de la tête, franchement tournée et surmontée par la haute masse des
cheveux, un accent de grandeur, un souvenir des portraits préromantiques du
Premier Empire. Une telle idéalisation est étrangère aus portraits impressionnistes
; mais nous avons déjà vu dans le portrait de Boyer comment Cézanne donne à
ses amis cette aura romantique.
Chocquet a été vu tel un personnage émacié, au type de Don Quichotte.
L'étirement de la tête ressemble aux amincissements du Greco ; ici le culte de
l'art, avec un même détachement et la même pureté d'esprit, remplace l'intention
religieuse.
On voit la tête dans une perspective curieuse, comme à travers une lentille qui
rendrait étroit le visage et raccourcirait les côtés. Les traits sont extrêmement
tendus et, par la réduction de la force de leurs axes, la direction des yeux fait
aussi ressortir la verticale de la figure, qui est encore prolongée par l'angle en haut
du front et le même angle du col ouvert.
Comparé au portrait de Boyer, c'est une étape vers la lumière et la fraîcheur de la
couleur, de la même façon que ses nouveaux paysages.
Les couleurs du jour remplacent les noirs et les ombres neutres du premier
portrait. De même que dans les paysages, nous suivons partout le travail
vigoureux et franc du pinceau qui suscite une pâte épaisse et moelleuse de
couleur, riche en vibrations, en directions et en tonalités. Toujours la touche est
intense et directe - dans l'arrière plan comme dans la tête, dans les cheveux
comme dans les traits délicats, mais avec un mouvement distinct dans chaque
partie. Cette touche bien proportionnée à l'ensemble, assez petite pour obtenir un
modelé subtil, assez large pour être parfaitement visible, tel un élément constructif
du tout - quelques petites taches rouges bondissantes et chaotiques palpitent dans
le nez et les joues - et des touches plus sombres suscitent un rythme intéressant
mais sans accent de lignes courbes, avec les contours des cheveux et de la barbe
: tout est bâti sans trace apparente de plan ou de lignes structurales maîtresses,
comme un jeu spontané du pinceau en réponse directe à l'homme. Ce qui est plus
remarquable dans tout cela - ce à quoi nous revenons sans cesse - c'est la largeur
de l'effet, la possession puissante de l'espace."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire