dimanche 14 juin 2020

Paul Cézanne : La montagne St Victoire vue de Bibémus

        " Dans les tableaux antérieurs de la montagne St Victoire on la voyait d'une

distance considérable et sa place dans le panorama général lui donnait un calme

plus grand. Ici, Cézanne s'est rapproché du pic, mais ce dernier est plus accessible

qu'auparavant. Au lieu de suspendre le spectateur au-dessus de la vallée, il place

un abîme entre lui et l'objet principal. C'est une carrière au delà de laquelle il voit

les rochers qui lui font face et la cime surgissante.




                                                        Entre 1898 et 1900 - Toile, 65 X 81 cm

                  https://www.youtube.com/watch?v=p6ygBSPVP4k


  Par ce moyen, le paysage lui-même est devenu dramatique, rempli d'énergies

titanesques en conflit,mais qui sont en dehors du domaine du spectateur. La

montagne, comme une sculpture héroïque, est basée sur un gigantesque pièdestal

de rochers encadré par des arbres. Un côté s'élève en pente continue et nette ;

l'autre étrangement agitée, change sa course par de nombreuses cassures

abruptes. Pour la première fois nous voyons le pic comme  un objet individualisé

 avec un profil distinct ou avec deux côtés comme un visage humain. Il a perdu la

vieille symétrie classique et il est devenu une forme dynamique et complexe.  En

même temps sa hauteur, son mouvement qui s'efforce vers le haut, est plus

prononcé. Il n'y a pas de plan général horizontal, aucune immense plate-forme du

sol pour apaiser la pyramide naturelle, mais une profonde crevasse verticale à

base convexe divisant en deux la paroi de la carrière et marquée par des troncs

penchés instables, ajoutant encore à l'effet agité de cette composition de chaleur

et de contrainte.

Le goût pour le plan vertical, que nous avons remarqué dans "Pommes et oranges"

comme un caractère typique de la dernière époque, se retrouve, traduit avec une

force grandiose, dans ce paysage, mais avec un sens autrement expressif.

 La montagne est aussi distincte que les objets les plus rapprochés, même plus

distincte si nous comparons le dessin de son contour avec les silhouettes vagues

et quelquefois même fondues des arbres du dessous. Si nous allons du premier

plan au lointain les objets deviennent plus grands, comme dans la perspective

émotionnelle d'un primitif. La grande masse de l'arbre en haut et à droite semble

appartenir à la même région de l'espace que la montagne et ce n'est que lorsque

nous suivons la ligne ondulante de son tronc que nous constatons qu'il est situé au

premier plan. Des verts très semblables interviennent sur le devant et dans le

lointain, unifiant les plans très séparés par un système commun d'accents.

 Les rochers orangés et le ciel bleu, l'accord contrastant le plus fortement, relient

aussi l'espace le plus lointain au plus rapproché. Une gradation de tons lavande,

de roses et de pourpres s'étend sur toute la profondeur. Comme dans les natures

mortes, cette vue plus proche est associée avec une intensité de sensation très

forte. Avant Cézanne, il y a peu de paysages dans lesquels l'orange et le bleu sont

appliqués avec des contrastes aussi grands et aussi lumineux."

                  https://www.youtube.com/watch?v=4dTmOec7Uq0


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