" Dans les tableaux antérieurs de la montagne St Victoire on la voyait d'une
distance considérable et sa place dans le panorama général lui donnait un calme
plus grand. Ici, Cézanne s'est rapproché du pic, mais ce dernier est plus accessible
qu'auparavant. Au lieu de suspendre le spectateur au-dessus de la vallée, il place
un abîme entre lui et l'objet principal. C'est une carrière au delà de laquelle il voit
les rochers qui lui font face et la cime surgissante.
Entre 1898 et 1900 - Toile, 65 X 81 cm
https://www.youtube.com/watch?v=p6ygBSPVP4k
Par ce moyen, le paysage lui-même est devenu dramatique, rempli d'énergies
titanesques en conflit,mais qui sont en dehors du domaine du spectateur. La
montagne, comme une sculpture héroïque, est basée sur un gigantesque pièdestal
de rochers encadré par des arbres. Un côté s'élève en pente continue et nette ;
l'autre étrangement agitée, change sa course par de nombreuses cassures
abruptes. Pour la première fois nous voyons le pic comme un objet individualisé
avec un profil distinct ou avec deux côtés comme un visage humain. Il a perdu la
vieille symétrie classique et il est devenu une forme dynamique et complexe. En
même temps sa hauteur, son mouvement qui s'efforce vers le haut, est plus
prononcé. Il n'y a pas de plan général horizontal, aucune immense plate-forme du
sol pour apaiser la pyramide naturelle, mais une profonde crevasse verticale à
base convexe divisant en deux la paroi de la carrière et marquée par des troncs
penchés instables, ajoutant encore à l'effet agité de cette composition de chaleur
et de contrainte.
Le goût pour le plan vertical, que nous avons remarqué dans "Pommes et oranges"
comme un caractère typique de la dernière époque, se retrouve, traduit avec une
force grandiose, dans ce paysage, mais avec un sens autrement expressif.
La montagne est aussi distincte que les objets les plus rapprochés, même plus
distincte si nous comparons le dessin de son contour avec les silhouettes vagues
et quelquefois même fondues des arbres du dessous. Si nous allons du premier
plan au lointain les objets deviennent plus grands, comme dans la perspective
émotionnelle d'un primitif. La grande masse de l'arbre en haut et à droite semble
appartenir à la même région de l'espace que la montagne et ce n'est que lorsque
nous suivons la ligne ondulante de son tronc que nous constatons qu'il est situé au
premier plan. Des verts très semblables interviennent sur le devant et dans le
lointain, unifiant les plans très séparés par un système commun d'accents.
Les rochers orangés et le ciel bleu, l'accord contrastant le plus fortement, relient
aussi l'espace le plus lointain au plus rapproché. Une gradation de tons lavande,
de roses et de pourpres s'étend sur toute la profondeur. Comme dans les natures
mortes, cette vue plus proche est associée avec une intensité de sensation très
forte. Avant Cézanne, il y a peu de paysages dans lesquels l'orange et le bleu sont
appliqués avec des contrastes aussi grands et aussi lumineux."
https://www.youtube.com/watch?v=4dTmOec7Uq0
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire