mercredi 7 janvier 2015

Les Rois démythifiés

                             enluminure du Psautier de St Albans (XIIème)

                    "Le 5 janvier clôture les Douze Jours, les Calendrous, (sur lesquels nous nous sommes penchés toute la fin d'année dernière)
cette astuce calendaire qui permet de raccorder l'année solaire et l'année lunaire.
 Cette position symétrique de celle de la Noël qui, elle, ouvre les Douze Jours, fait que les Rois ont souvent été considérés comme un doublet du 25 décembre: le dernier des Douze Jours est, comme le premier, bien que dans une moindre mesure, jour de fête et de bombance.
L'ensemble des témoignages, en effet, révèle un 5 janvier vécu comme fin des Calendrous, et donc d'un découpage luni-solaire, plutôt que du système grégorien et de la culture franque.


 Très riches heures du Duc de Berry: enluminure "Rencontre des Rois mages"

...............................................................................................................................
"Dans la tradition populaire occidentale, les Rois du 5 janvier sont rois démythifiés, voire caricaturés, qui ne sont plus dignes ni respectés, mais que l'on banalise pour un jour en les faisant boire, boire et boire encore.
Le plus pauvre parmi les pauvres peut être roi si c'est lui qui trouve la fève et le "droit divin" est remplaçé par celui des hommes.
Le 5 janvier semble bien être, en effet, un reliquat de la fonction contestataire et iconoclaste de ces Douze Jours où l'on renversait les valeurs habituelles et où, du moins dans les milieux urbains du Moyen Agen se déchaînaient la négation par le rire et les inversions en tout genre..
Si tel est le cas, on conçoit que la fête soit peu célébrée dans les hautes vallées de la Gascogne montagnarde où l'on n'avait pas besoin de jeter bas ce qui n'était pas haut plaçé; dans les communautés valléennes éloignées du pouvoir central, et où les terres seigneuriales étaient réduites, une relative autonomie de gestion faisait que les monarques étaient moins craints et moins respectés qu'en Ile- de -France ou en Vendée.
Les enquêtes de terrain, en effet, montrent que les Rois sont peu célébrés en Haute Gascogne. Et ce malgré les tentatives de "récupération" par l'Eglise qui, en une démarche habituelle, a tenté de neutraliser une coutume"païenne" en y stratifiant, ici les bibliques Gaspar, Melchior et Balthazar, et en transformant le 5 janvier en Epiphanie.

                         Très riches heures du Duc de Berry enluminure ( l'Hiver)

Mais l'histoire des traditions religieuses occidentales montre que l'adoption des fêtes chrétiennes par le peuple n'est effective que lorsque celles-ci sont plaquées sur des célébrations rituelles antérieures qui furent moments cultuels importants: les solstices par exemple.

Dans la profonde vallée du Haut-Biros, en Couserans, la négation frise l'indignation. Léontine Pélissé (née en 1895)  s'emporte presque:

"Non! On fêtait pas le jour des Rois, eh, parce qu'on les z'haïssait, parce que les rois ne nous aimaient pas, à nous autres. Ils nous plumaient, alors, eh ! c'était pas les rois qui nous empressaient!"

                 Rites, coutumes et croyances dans la tradition orale en Comminges      et   Couserans
                                                                            Isaure Gratacos

                                              Haut Biros : Antras

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire