lundi 17 mars 2014

suite du voyage

Je me demande quel est l'artiste catalan qui pourrait accompagner la présentation de cette fin de voyage, beaucoup de noms me viennent à l'esprit:

petit port de Llançà où l'on peut déguster le "cremat", l'irish coffee catalan..
sans la crème....rhum à la place du whisky..


vous pouvez ouvrir un "you tube" et écouter en lisant quelque morceau d'Albeniz, de Pablo Cazals ou de Jordi Savall ou bien encore les chansons engagées contre la dictature de Lluis Llach ou une grande symphonie dirigée par Jean-Claude Casadesus.

phare de Sant Sébastià, le plus haut de la côte Catalane.



mais pour moi, à l'instant,  le grand Miquel Marti i Pol, ami de Lluis Llach.

À cet instant même (Ara mateix)

À cet instant même, j'enfile cette aiguille
avec le fil d'un propos que je tais et je me mets à ravauder.
Aucun des miracles qu'annonçaient les très éminents prophètes
n’est advenu et les années défilent vite.
Du néant à si peu, toujours face au vent, quel long chemin d'angoisse et de silences.


Et nous en sommes là: mieux vaut le savoir et le dire,
les pieds bien sur terre et nous proclamer les héritiers d’un temps de doutes
et de renoncements où les bruits étouffent les paroles
et la vie en miroirs déformés.

Plaintes et complaintes ne servent à rien,
pas plus que cette touche d'indifférente mélancolie,
qui nous servent de gilet ou de cravate pour sortir.
Nous avons si peu et nous n'avons rien d’autre :
un espace concret d'histoire qui nous est octroyé,
et un minuscule territoire pour la vivre.


Redressons-nous encore une fois et faisons tous entendre
notre voix, solennelle et claire.
Crions qui nous sommes et tous l'entendrons.
Après tout que chacun s'habille comme bon lui semble, et en avant !
Car tout reste à faire et tout est possible.


Que cette sérénité soit claire en nous
qui fait résonner tant d’échos jusqu’alors impossibles.
Saisissons-la clairement et volontairement afin que nous emplisse
tout l’espace réel de cet instant même,
l’espace où le hasard ne doit pas être
où tout est vieux, et triste et nécessaire
Nous avons tourné la page depuis si longtemps,
et pourtant certains s'obstinent encore
à relire toujours le même passage.


Le secret c'est peut-être qu'il n'y a pas de secret
et que nous avons parcouru ce chemin tant de fois
qu'il ne saurait plus surprendre personne;
peut-être faudrait-il casser l’habitude en faisant un geste fou,
quelque action extraordinaire qui
renverserait le cours de l'histoire.
Peut-être aussi que nous ne savons pas su profiter
du peu que nous avons ici-bas: qui sait?


Qui donc à part nous - et chacun à notre tour -
pourrait créer à partir des limites d'aujourd'hui
ce domaine de lumière où tout vent s'exalte,
l'espace de vent où toute voix résonne?
Notre vie nous engage donc publiquement;
publiquement et avec toutes les indices.


Nous serons ce que nous voudrons être.
En vain fuyons-nous le feu même puisquei le feu nous justifie.


Très lentement la noria pivote sans fin,
et passent les années et passent les siècles, l'eau monte
jusqu’au plus haut sommet et, glorieusement, diffuse la clarté partout.
Très lentement alors et sans fin descendent les godets pour recueillir davantage d'eau.


L'histoire ainsi s'écrit. De le savoir
ne peut étonner ou décevoir personne.


Trop souvent nous regardons en arrière
et ce geste trahit notre angoisse et nos défaillances.
La nostalgie, vorace, trouble notre regard et glace au plus profond nos sentiments.
Entre toutes les solitudes, voilà bien la plus noire, la plus féroce, persistante et amère.


Il convient de le savoir comme il convient aussi
de penser à un avenir lumineux et possible.


Pas de levant éblouissant, pas de couchant solennel.
Mieux vaut savoir qu'il n'y a pas de grand mystère,
pas plus que d'oiseau aux ailes immenses pour nous sauver;
rien de tout ce que si souvent ont prophétisé
d'une voix insensible tant de noirs devins.


Posons une main sur l'autre, les années renforceront chacun de nos gestes.


Nous partagerons noblement,  les mystères et les désirs secrètement enfouis en nous
dans l'espace de temps où l'on nous permettra de vivre.
Nous partagerons les projets et les soucis, les heurs et les malheurs,
et l'eau et la soif, avec grande dignité, et  l'amour et le désamour.


C'est tout cela, et plus encore, que doit nous donner
la certitude secrète, la clarté désirée.


Ni lieu, ni noms, ni d'espace suffisant pour replanter la futaie,
pas plus que de fleuve qui remonte son cours et redresse notre corps au-delà de l'oubli.
Nous savons tous bien qu'il n'y a de champ libre
pour aucun retour ni sillon dans la mer à l'heure du danger.


Posons des jalons de pierre tout le long des chemins,
jalons concrets, de profond accomplissement.


Avec la clef du temps et une grande souffrance,
voilà commenous pourrions gagner le combat
que nous livrons depuis si longtemps, intrépides.
Avec la clef du temps et peut-être seuls,
accumulant en chacun la force de tous et la projetant au-dehors.


Sillon après sillon sur la mer sans cesse recommencée,
pas après pas avec une volonté d'aurore.


Nous préservons du vent et de l'oubli.
l'intégrité de ces quelques espaces, ces
ambitions où nous nous sommes vus croître et lutter.
Et maintenant, quel sombre refus, quelle lâcheté
éteint l'ardeur d'une énergie renouvelée
qui nous faisait presque désirer la lutte?


Du fond des ans nous hèle, turbulente,
la lumière d'un temps d'espoir et de vigueur.


Nous changerons tous les silences en or et tous les mots en feu.
Dans la peau de ce retour s’accumule la pluie, et les efforts
effacent certains privilèges.
Lentement nous émergeons du grand puits sur les lierres,
et à l'abri d'un désastre.

Nous changeons la vieille douleur en amour
et, solennels, nous le léguons à l'histoire.


Le domaine de tous les domaines, adaptation libre à partir du texte révisé pour Lluis Llach, Ara mateix.

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