mardi 2 juin 2020

Portrait du Facteur Roulin

 Lettre à Emile Bernard

....Je viens de faire un portrait d'un facteur ou plutôt même deux portraits. Type socratique, pas moins socratique pour être un peu alcoolique, et conséquentement haut en couleur. Sa femme venait d'accoucher, le bonhomme luisait de satisfaction. Il est terriblement républicain, comme le père Tanguy. Nom de D...! Quel motif à peindre à la Daumier, eh!
Il se raidissait trop dans sa pose, voilà pourquoi je l'ai peint deux fois, la deuxième fois dans une seule séance. Sur la toile blanche, fond bleu, presque blanc, dans le visage tous les tons rompus, jaunes, verts, violacés, roses, rouges.
l'uniforme, bleu de prusse, agrémenté de jaune.


                 
                                              Le Facteur Roulin

                       Août 1888 Arles - Huile sur toile, 81 x 65 cm

Van Gogh, toujours attiré par le peuple, se lia d'amitié avec Roulin, un facteur

d'Arles, et fit de lui plusieurs portraits ainsi que de sa femme et de ses enfants.

Vincent qui aimait sa personne socratique, a décrit sa candeur, son intelligence

et son enthousisme, "sa gravité et sa tendresse silencieuse".

"Sa voix a  une qualité étrangement pure et touchante dans laquelle mon oreille a

tout de suit reconnu une berceuse douce et triste, et une sorte d'écho lointain de

la trompette de la France révolutionnaire".

L'uniforme bleu donne au portrait le ton majeur, mais le caractère officiel de

Roulin n'atténue pas sa qualité personnelle. Au total le bleu devient un attribut de

l'homme, comme ses yeux bleus (qui sont aussi semblables aux boutons dorés !)

Le visage rayonnant, fixé sur nous comme une icône, est d'une fraicheur absolue

et sans la moindre stylisation. La large barbe est un paysage, une forêt renversée

, avec une profusion de jaunes, et de verts et de bruns. La rigidité de la tête est

tempérée par les traits vibrants, animés et les tons variés de la chair. Les mains

grossières sont maladroitement dessinées, mais la gauche demeure puissante et

naturelle. La vaste étendue, presque sans ombre, de l'uniforme bleu -  problème

difficile de la peinture - s'apparie dans une sorte de contraste avec le bleu clair du

fond, parailleurs avec les tons chauds  de la tête et des mains et avec ses propres

boutons et passementeries dorés ; elle devient l'enveloppement le plus actif et le

plus tangible d'un corps humain vrai. Attaché à la réalité précise du costume

comme vêtement porté, van Gogh trace ses contours en vigoureuses lignes noires,

traitées cependant avec discrétion - omises à l'épaule et ailleurs, épaissies par

endroits en masses d'ombre - toujouts irrégulières et suscitées par le corps en

dessous, diverses comme la surface qu'elles entourent, avec sa gradation de tons

froids et chauds dans le même bleu. En apparence simple et directe, l'oeuvre est

profondèment conçue, avec de nombreuses mais discrètes reprises - accords de

couleurs et de formes : le vert de la barbe et de la table, les rouges du visage et

du coin du tableau en bas à gauche, les petits angulants caractéristiques, le coin

de la table, les revers, le devant de la chemise, le siège du fauteuil etc. Et, invite à

l'observateur qui désire comprendre aussi bien que de se délecter : la note la plus

claire du tableau, le triangle de blanc au-dessous de la barbe - ce parti nécessaire

traité avec une justesse infaillible.

                  https://www.youtube.com/watch?v=pzOt_QtEVgg

https://www.youtube.com/watch?v=T750HY_ZcZo

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