mercredi 10 juin 2020

Paul Cézanne : La Bouteille de Peppermint

 "C'est une des natures mortes les plus originales de Cézanne", nous dit Schapiro

mais pas ma préférée....

                                   Entre 1890 et 1894 - Toile, 65 X 81 cm


                     "bien que chacune d'elles ait une conception particulière.

Il a supprimé la profondeur de la table - on ne voit rien de son dessus - et les

objets semblent suspendus sur des plans verticaux, comme le mur lui-même, qui a

été mis en contact étroit avec les objets grâce à ses couleurs et à ses lignes

sévères. Mais dans cet espace contracté Cézanne a osé peindre avec une adresse

parfaite le verre translucide à travers lequel nous apercevons les objets à

différents plans ; il a aussi pétri les tissus en plis compliqués dans lesquels les

objets sont installés comme des arbres et des bâtiments dissimulés par les

dépressions de terrain. En supprimant le plan horizontal, il a donné une cohésion

plus évidente aux formes et aux couleurs sur la surface de la toile, mais il a aussi

joué avec les propriétés matérielles des choses, leur solidité, leur poids, leur

opacité et leur transparence.

 Le tableau est merveilleux par l'invention des lignes. Peu d'oeuvres de Cézanne

sont aussi abondantes en courbes et en continuités. La bouteille de Peppermint,

avec son élégant double renflement, la grosse carafe - plus simple et plus

importante - sont deux mélodies d'une grande pureté et d'une grande force. Leurs

éléments  réapparaissent dans les rondeurs simplifiées des fruits. Plus belles que

tout le reste sont les courbes de la nappe - formes nouvelles ne nous rappelant

pas une draperie conventionnelle, mais de celles qui sont plus libres qu'aucune que

nous connaissions, bien qu'en sricte harmonie avec les formes voisines.

 Il y a sur le lourd tissu bleu un jeu séduisant d'ornements noirs - rythmes

secondaires de formes droites et courbes ingénieusement adaptées aux lignes des

autres objets et déployées de telle façon que nous ne pouvons distinguer le motif

qui décore ce tapis - nous connaissons seulement le motif le plus intéressant qui

résulte de son interception par des creux et des plis accidentels. Les continuités et

les croisements caractéristiques de lignes sont la bande rougeâtre sur le mur, qui

se prolonge dans la carafe, la ligne verticlale poursuivie sur le bord de la bouteille

et émergeant à nouveau dans la ligne de la nappe qui touche au citron d'où

tombent des rayures verticales sur le tapis bleu. Le mur, le tapis avec ses

ornements, la bouteille et la carafe découlent d'une même gamme sévère de verts,

de gris, de violets et de bleus avec de nombreux accents noirs ; les taches

d'intensité et de chaleur contrastantes sont groupées par ensembles verticaux et

horizontaux qui conservent l'austère architecture du mur.

On doit aussi remarquer l'audacieuse asymétrie du dessin de la carafe, le

renflement du bord gauche plus lumineux, réduit et aplat, ajusté aux formes

verticales des objets avoisinants, y compris la pomme vue à travers le verre et le

bord de la nappe blanche en dessous, qui renferme une pomme et une poire. C'est

un exemple frappant de l'indépendance de la nature de Cézanne dans l'expression

de sa volonté constructive. Chardin aurait harmonisé toutes ces formes d'objets

voisins sans les altérer : mais ses contours sembleraient dessinés de façon moins

tangible, moins ouvertement marqués par les opérations d'ajustement et de

cohésion


         https://www.youtube.com/watch?v=k0SrEiEcpRM

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