jeudi 14 mai 2020

Van Gogh : les cafés

 Alors qu'il n'est toujours pas possible de retrouver l'atmosphère chaleureuse 

de ces lieux publics, voyons  les cafés vus par Van Gogh.

( Quelques perturbations d'ordre technique m'ont éloignée de vous des derniers jours)

(il se pourrait d'ailleurs que je sois obligée d'interrompre cet article  mais j'y reviendrai dans tous les cas)


 Lettre à Wihelmine.

... je viens de terminer une toile qui représente un intérieur de café  la nuit éclairé par des lampes. Quelques pauvres rôdeurs de nuit dorment dans un coin. la salle est peinte en rouge et là-dedans sous le billard vert qui projette une immense ombre sur le plancher.



dans cette toile il y a 6 ou 7 rouges différents depuis le rouge sang jusqu'au rose tendre faisant opposition à autant de verts pâles et foncés..... j'ai été interrompu justement par le travail que m'a donné de ces jours-ci un nouveau tableau représentant l'extérieur d'un café le soir. Sur la terrasse il y a de petites figurines de buveurs.



  Une immense lanterne jaune éclaire la terrasse, la devanture, le trottoir, et projette même une lumière sur les pavés de la rue qui prend une teinte de violet rose. Les pignons des maisons d'une rue qui file sous le ciel bleu constellé d'étoiles, sont bleu foncé ou violets avec un arbre vert.. Voilà un tableau de nuit sans noir, rien qu'avec du bleu et du violet et du vert et dans cet entourage la place illuminée se colore de soufre pâle,  de citron vert. Cela m'amuse énormément de peindre la nuit sur place. Autrefois on dessinait et peignait le tableau le jour d'après le dessin. Mais moi je m'en trouve bien de peindre la chose immédiatement.
Il est bien vrai que dans l'obscutité je peux prendre un bleu pour un vert,  un lilas bleu pour un lilas rose, puisqu'on ne distingue pas bien la qualité du ton. Mais c'est le seul moyen de sortir de la nuit noire notre conventionnelle avec une pauvre lumière blafarde et blanchâtre, alors que pourtant une simple bougie déjà nous donne les jaunes, les orangés les plus riches. J'ai aussi fait un nouveau portrait de moi-même comme étude où j'ai l'air d'un japonais.


  Terrasse de café la nuit Septembre 188,Arles Huile sur toile 81 X 65 cm

"Peint en même temps que  le "Café de nuit"  cet extérieur coloré est une

 oeuvre moins dramatique, plus pirroresque, la vision d'un spectateur détendu 

qui savoure sasns aucun propos moral le charme de ce qui l'entoure. Il rappelle

 l'état d'esprit de van Gogh quand il écrivait que "la nuit est plus vivante et plus

 richement décorée que le jour".Alors que le "café de nuit" est irrésistiblement 

centré, avec la fuite rapide et prolongée des lignes et l'opposition dominante des

verts et des rouges , cette scène d'extérieur est vue avec plus de détachement. 

La couleur est plus largement prodiguée  et le regard erre le long des arêtes en 

gradins ou en queue de pigeon des surfaces voisines - forme irrégulières 

ajustées les unes aux autres comme un puzzle en dent de scie. Il est 

difficile pour l'oeil de maintenir dans cet espace une séparation durable entre

les objets et le fond. Le proche et le lointain sont pareillements distincts.

Le jaune du café joue sur le bleu noir de l'extrémité de la rue et le violet bleu de

 la porte à l'avant-plan; et, par un paradoxe de composition qui concourt à 

l'unité de l'oeuvre, au plus haut de contraste, l'angle obtus de l'auvent, tout

 conter nous, touche la partie la plus distante du ciel bleu. Des lignes

 raccourcies qui plongent dans la profondeur, comme un linteau de porte, sont 

strictement parallèles (sur le plan de la toile) à des lignes comme la pente de 

l 'auvent jaune et le toit de la maison au-dessus qui sont en réalité dans des 

plans perpendiculaires au premier. Dans cette vision vagabonde et sans 

contrainte la dimension verticale n'est pas moins importante et expressive que

 la profondeur.

La silhouette du ciel étoilé est la clef de toute la composition ; l'idée poétique de

 l'oeuvre -  la double illumination et le contraste du café et du ciel nocturne - se

 développe sous cette forme dentelée. la découpe du plancher orange, avec les 

portes et les fenêtres du café, est homologue du ciel bleu renversé ; les disques 

parsemés des étoiles font pendant aux plateaux elliptiques des tables 

au-dessous.  Si le café se détache comme l'objet le plus brillant et le plus 

complet de la scène, il est moins défini que le ciel étoilé ; sa couleur est la plus

 changeante, passant du jaune à l'orange et au vert, et elle tranche vivement 

sur presque toutes les autres couleurs dans le cecle de tons plus froids et plus

 sombres où elle s'inscrit. A cause de ces rapports, qui déterminent un riche 

effet spectaculaire, cette oeuvre est mons profondément absorbante, moins 

concentrée que les meilleures de van Gogh"


Ah bon !! c'est l'avis de Schapiro, mais pas le mien, je me sens très bien sur 

cette terrasse !!! 

 j'ai peut-être le temps de voir ce qu'il nous dit du "Café de nuit" , je le remets 

sous vos yeux.

  septembre 1888 ;  Arles. 70 x 89 cm


       " Van Gogh jugeait le "Café de nuit" qu'il avait peint pour son propriétaire 

en paiement du loyer "une des peintures les plus laides que j'aie faites" .

L'exécuter lui procura toutefois beaucoup de joie, et il est peu d'oeuvres sur 

lesquelles il ait écrit avec autant de conviction. Ce n'est plus l'atmosphère 

agréable du café qu'avaient illustrée les impressionnistes, c'en est le côté 

trouble et plus sombre.  La rudesse du graphisme, la concentration sur les

 objets, l'intention morale répandue évoquent l'époque hollandaise.

 Aussi parle-t-il de ce tableau comme "équivalent, quoique différent, aux 

"Mangeurs de pommes de terre" que rappelle la lumière de la lampe ; c'est

 mise en parallèle, une puissante image d'une condition humaine opposée - 

celle des viveurs et des sans-logis. Mais reportons-nous à la force de sa propre

 description.

"J'aicherché à exxprimer avec le rouge et le vert les terribles passions

 humaines.

 "la salle est rouge sang et jaune sourd , un billard vert au milieu, quatre 

lampes jaune citron à rayonnement orange et vert. C'est surtout un combat et 

une antithèse des verts et des rouges les plus différents, dans les personnages 

de voyous dormeurs petits, dans la salle vide et triste, du violet et du bleu. Le

 rouge sang et le vert jaune du billard par exemple contrastent avec le petit

vert tendre Louis XV du comptoir, où il y a un bouquel de roses.

"les vêtements blancs du patron, veillant dans un coin dans cette fournaise, 

deviennent jaune citron, vert pâle et lumineux ..."

Quelque jours après il écrit.." J'ai cherché à exprimer que le café est un endroit 

où l'on peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes. Enfin j'ai cherché à 

exprimer... comme la puissance des ténèbres d'un assomoir.... toute cela dans 

une atmosphère de fournaise infernale, de soufre pâle . Et toutefois sous une

 apparence de gaieté japonaise et la bonhomie de Tartarin".

Dans son récit, Van Gogh ne dit rien de l'un des effets les plus puissants : la 

perspective  absorbante qui nous attire tête première par delà les chaises et les 

tables vides vers des profondeurs mystérieuses, derrière une porte lointaine 

dont l'ouverture est semblable à la silhouette debout. A l'impulsive ruée de ces 

lignes convergentes s'oppose la large bande horizontale de rouge, pleine 

d'objets disséminés ; les lampes avec leurs grands halos de touches 

concentriques, la pendule verte qui marque minuit et le bouquet de fleurs, peint

 avec une incroyable furie de taches épaisses contre le mur lisse, au-dessus du 

tas de bouteilles".


 Cette toile est à New Haven  :

             https://www.youtube.com/watch?v=bT8zbcZekLQ
 

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