mercredi 13 janvier 2021

Topiaires d'isdtein

 Dans une lettre à Fürttenbach, le comte décrit ses plates-bandes, avec une foule

 de détails que l'on ne retrouve pas tous dans les vues du florilège. Il précise que 

son jardin est divisé en trois parties, qu'au centre les massifs ont  la forme des

 meilleurs fruits de la terre : citrons, pêches, figues, ou encore noisettes, mais

que sur l'un des côtés, il a donné aux massifs la forme d'ennemis des jardins (pour

 conjurer le sort ! ), comme les chenilles et les lucarnes, et sur l'autre, celle 

d'animaux extrordinaires comme les crocodiles, dragons et autres basilics.

 A l'intérieur des massifs, la disposition des fleurs s'ordonnait selon la hiérarchie

 communément admise à l'époque : au centre les fritillaires, aux extrémités les lis.

 Puis par ordre décroissant, narcisses, jacynthes, iris anémones, crocus, 

renoncules.

 Au centre des massifs étaient plantées de minces hampes de bois couronnées de 

boules peintes, couleur d'or, d'argent ou de cuivre, et saupoudrées de sable

 étincelant , servant à la fois de décoration et d'épouvantails pour les oiseaux.

 Ainsi le comte n'avait-il rien négligé en ce qui concerne l'agencement et la 

décoration de son jardin. Le florilège par ailleurs ne nous laisse rien ignorer des

 trésors végétaux réunis par ses soins, et dont il devait tirer une légitime fierté.

Il peut sembler qu'un principicule comme Jean de Nassau-Idstein ait pu réunir

 dans ce  petit jardin tant de plantes d'espèces différentes. Il était en relation

 épistolaire avec beaucoup de nobles allemands, apparentés ou non, et il procédait 

à des échanges de renseignements sur l'horticulture, mais aussi de graines et de 

plantes. Parmi ceux-ci on mentionnera son frère, Ernst Casimir, également grand 

amateur de fleurs, puis après la mort de celui-ci, son fils Frédéric. Mais on doit

 aussi mentionner la comtesse Johanna von Erbach : son beau-frère le comte de

 Leiningen ; le comte palatin George Wilhem de Birkenfeld et au moins trois 

autres. Bien évidemment les dons ne suffisaient pa à l'enrichissement du jardin et 

le comte procédait aussi par achat. Des factures mentionnent l'envoi de la foire 

d'automne de Francfort, de livraisons de bulbes, la plupart de tulipes

 


 planche signée J Walter . f . 1652

 (chaque planche fait l'objet d'un descriptif, vais-je interrompre mon récit  ? ... 

momentanément... au profit de ce descriptif,  mais je reprendrai le fil de l'histoire)

Différentes variétés de tulipes horticoles.  Au XVII ème siècle, la tulipe, originaire

 du Proche-Orient (Iran, région de la mer Caspienne, déchaîna toute l'Europe , où 

elle avait été récemment introduite, une véritable passion. La "tulipomanie" gagna

 toutes les classes de la société et fut l'objet d'incroyables spéculations. On pouvait

 payer un prix énorme pour obtenir un oignon de cette fleur, en donner en dot à sa

 fille, et l'on sait qu'à Lille une brasserie fut cédée en échange d'un seul bulbe 

d'une variété qui pour cette raison fut dénommée 'tulipe brasserie"!.

La Bruyère a sigmatisé dans ses "Caractères" les excés de cette folie, qui perdura 

jusqu'au XVIII ème siècle.


 





 Le papillon est un Lycanea














 J W F 1655

 Tulipe horticole et iris des jardins. Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas

 ici d'iris nains, sensiblemnt différents. Le peintre a vraisemblablement représenté

 l'iris comme plus petit car la tulipe est plus haut placée dans la hiérarchie des

 fleurs. Très recherché pour son parfum, l'iris entrait aussi dans bon nombre de 

compositions pharmaceutiques.



Le choix présenté ici

 souligne le goût particulier 

du comte de Nassau  pour

 les tulipes dites

 "flamandes". Dés 1534,

 on cultivait la tulipe de 

Gesner qui fut ensuite 

l'objet de transformations 

considérables dans sa 

forme et ses coloris.

 On était particulièrement 

fier  de posséder ces 

nouveautés enflammées,

 aux couleur vives sur fond 

blanc pur, connues 

aujourd'hui sous le nom  de 

"race Rembrandt"



Planche gravée d'après un dessin de Joseph Fürttenbach l'Ancien pour l'ouvrage 

"Feriae Architectonicae" 1662  B N

Il ne pouvait manquer d'exposer un bouquet de tulipes sur le portrait que fait de 

lui Johan Walker en 1664

 


 Le comte est assis dans son cabinet. l'homme n'est ni de belle stature, ni de traits

 séduisants : ce portrait altéra du reste quelque temps ses rapports avec le

 peintre. Vétu d'un austère costume noir, il s'appuie sur une table couverte d'un

 tapis rouge, sur laquelle s'entassent divers volumes aux tranches colorées, celui

de l'extrémité gauche relié en peau de truie à cabochons, selon une mode très

répandue  dans les pays germaniques. Il tient dans la main droite un compas, dont

 il se sert pour mesurer le plan d'un ouvrage fortifié. Divers instruments de dessin

 sont posés sur la table ; une boite à compas et tire-lignes, une équerre, ainsi 

 qu'une montre dont la clé pend au bout d'un cordon.

 Son activité présente évoque sa carrière militaire, dont font aussi écho la cuirasse,

 le baudrier et l'épée, comme la peinture sur le mur du fond, une scène de bataille 

à l'antique à demi-masquée par son rideau cramoisi.

Les passions du collectionneur se signalent par les sculptures (dont une allégorie

 de l'Abondance), le vase aux tulipes, le cadre contenant une peinture de fleurs et

 les nombreux coquillages entassés dans une corbeille à même le sol. Ce portrait

 montre que si Walter était fort habile dans la peinture des objets ou des fleurs, il 

ne l'est guère pour ce qui est de la perspective (le dessin de la table, notamment 

laisse à désirer)

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