lundi 18 janvier 2021

Les trois Florilèges : une énigme

  Le premier ayant appartenu au comte de Nassau a disparu, le second a été 

monté et relié  pour Jean Stuart, troisième comte de Bute, ami personnel du roi 

George III dont il fut le conseiller et le ministre. La reliure a été exécutée entre 

1762, date à laquelle il fut fait chevalier de l'ordre de la Jarretière, et 1792 date de

 sa mort. Plus vraisemblablement, le terminus a quo peut être avancé jusqu'à 

1771, car, à cette date, sa première bibliothèque fut anéantie par le feu.

 Passsionné de botanique, Bute acheta en 1783 un vaste domaine à Luton Boo, 

dans le Bedforfshire. Il y fit construire une maison par les soins de l'architecte

 écossais Robert Adam, et aménager un jardin botanique. C'est dans ce cadre

 bucolique qu'il termina ses jours loin de la vie politique, occupé à ses doctes

 travaux sur la flore britannique.


 Johann Walter 1661

Le recueil conservé à la Bibliothèque nationale de Paris provient des collections du

 comte Dimitri Petrovitch Boutourlin (1763-1829). Celui-ci aide de camp de 

Potemkine puis passé aux affaires étrangères, fut nommé directeur du musée de 

l'Ermitage. Bibliophile passionné et grand amateur de fleurs, sa bibliothèque et son

 jardin botanique étaient célèbres à Moscou. Privé de sa bibliothèque par 

l'incendie de 1812 (c'était nous dit la préface du catalogue de sa seconde

 bibliothèque, une des plus belles collections de livres connues en Europe, le fruit 

de trente années de peines et de recherches, il est impossible de savoir comment

il s'était procuré cet album. En effet les bibliophiles utilisent fréquemment des

 "rabatteurs", des mandataires chargés de rechercher pour eux des pièces rares :

 on ne peut donc affirmer qu'il l'ait acheté en Italie. Le catalogue de 1831, dressé

 par Audin de Rians, ne fait pas mention des peintures : faisant la part belle aux

 manuscrits, aux éditions des Aldes, des Giunti, des Boldoni, il n'énumère aucun 

recueil d'estampes ou de dessins.

 description de cette planche, plus loin.

La vente de la bibliothèque du comte se fit en trois vacations C'est au cours de la

 dernière, qui eut lieu à Paris le jeudi 14 octobre 1841, que l'album du florilège fut

 vendu.Le catalogue le décrit (dans son supplément) sous le numéro 1709 : Vues 

des jardins et maisons de plaisance des prince de Nassau. Ouvrage d'une belle

 exécution. On y remarque le portrait du comte de Nassau, celui de son épouse et

 celui du peintre Jean Walter. Les autres pièces représentent des parterres, des 

fontaines, des grottes etc. Elles sont suivies de 31 dessins de fleurs, de fruits, de

 la main du même peintre ; puis de 13 autres, exécutées par divers artistes

 distingués, et, dont la premiére porte le nom de Marie-Isabelle Braeffin. Les

 autres contiennent des fleurs, des oiseaux et des coquilles.


description plus loin

A la vente Bourtoulin, l'album fut vraisemblablement acquis par Lemière 

marchand d'estampes. Quoiqu'il en soit, il tomba rapidement entre ses mains. Les

 archives du département nous fournissent l'indication suivante : le 17 novembre 

1841, Jean Duchesne Ainé, qui présidait aux destinées du Cabinet des Estampes,

 demandait l'autorisation d'acquérir pour la somme de 350 francs un "recueil de

 miniatures curieuses du temps de Louis XIV que proposait Lemière. L'autorisation

 ministérielle fut accordée le 6 décembre 1841. Le relevé des acquisitions note que

 l'achat fut enregistré en avril 1842 et que le volume in-folio contenait soixante-

huit peintures.Il est évidemment très regrettable de n'avoir pas conservé la reliure

 de maroquin rouge dans lequel l'ensembre des miniatures est parvenu à la

 bibliothèque nationale. Il s'agit là d'une perte irréparable pour l'histoire du

 florilège.



 L'hypothése a pu être avancée, et nous y souscrivons, que le recueil de Bute et

 celui de Bourtoulin ne faisaient initialement qu'un et qu'il s'agissait sans aucun

 doute du florillège du comte lui-même. Cette hypothése est invérifiable, mais 

vraisemblable, car dans les archives d'Ilstein, il est toujours question de deux

 florilèges et non de trois. D'autre part on sait que le florilège du comte se montait

 à  cent-quatre-vingt douze planches. Or, le florilège de Londres compte cent-

trente-sept feuilles en deux volumes, et celui de Paris cinquante-quatre, ce qui

 nous amène à un total de cent-quatre-vingt onze. On peut supposer que Bute (ou

 un possesseur antérieur actuellement inconnu) fit trier les planches, mettant de

 côté celles qui avaient un intérêt botanique éminent (parce que pourvues de

 légendes) de l'autre celles qui avaient un caractère artistique accompli, mais

 n'apportaient rien pour la connaissance de la botanique. On sait d'ailleurs que les

 doubles de la bibliothèque et de la collection d'estampes de Bude furent vendus

 après sa mort.

                                                                               à suivre




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