vendredi 12 mars 2021

Trésors de marqueterie

 Nous voilà partis pour Vérone, non pas à la rencontre de ses fameux amants mais 

des "intarsia" de Santa Maria in Organo, ancienne abbaye de l'ordre des Olivétains

 où Fra Giovanni da Verona exerça son art entre 1493 et 1499. Il va là, illustrer

les stalles de tout un bestiaire où les symboles chrétiens vont pouvoir prendre

forme avec les animaux  représentatifs  de leur fonction. L'art véronais en est la

 spécialité,  et Fra Giovanni va y exceller.

 



  L' intarsia est un art consistant à incruster des pièces de bois sur un

 support de même matériau afin de créer des images par la juxtaposition des

 teintes de bois. Le mot intarsia vient du mot latin interserere qui signifie insérer.

 Cette technique apparaît en Europe au XVe siècle pour la décoration des édifices

 religieux où le marbre était également utilisé. La ville de Sienne était réputée

 pour cette technique, notamment grâce au travail de Domenico di Niccolo  et de

 son élève Mattia di Nanni. Le maître qui enseigna cette technique à Fra Giovanni 

était Sébastiano da Rovigno

 Du petit lapin du lutrin, que l'on peut transposer en une image du moine et par

 extension du bon chrétien, ou de l'âme contemplative  et de la cavité rocheuse qui

 l'abrite on peut comprendre que ce petit animal sans défense représente  le 

chrétien qui  trouve refuge dans la protection du Très Haut  : Fra Giovanni attribue

à ce petit mammifère vigilance et solitude contemplative, comme la sienne, yeux

 grands ouverts, état nécessaire à l'élévation de l'esprit humain. C'est la place

 centrale du lutrin qu'il choisit pour le mettre en évidence. Tous les panneaux qui

 illustrent le haut des stalles , se faisant face étaient une source de méditation ou 

de... distraction pour les moines en prière.

 


 

 A la chouette associée, elle, au savant solitaire plongé dans la lecture des Saintes 

Ecritures

 


 et aux Chouettes ou hibou, auxquels il adjoindra d'autres oiseaux, pinson ou

 chardonneret, rouge-gorge aussi  qu'il n'a pas manqué de signaler comme

 éléments traditionnels de l'iconographie chrétienne. Fra Giovanni invitait ainsi ses 

frères à  la nécessité de faire quotidiennement de la Passion (le chardonneret) 

l'objet de leur méditation solitaire (la chouette). Ces passereaux étant d'après les

 légendes paysannes ceux qui s'étaient apitoyés sur les souffrances du Christ et en

 avaient reçu les stigmates..

 


 

 Il nous faut aussi signaler  une autre face du lutrin  sans doute une petite belette

 synonyme  d'agent prophylactique  qui par son odeur écarte les êtres immondes, 

mais d'autres y voient un petit écureuil synonyme de prudence


Vous l'avez compris les marqueteries de Santa maria in Organo  sont un livre

 d'images naturalistes mais avec une lecture chrétienne.


 Bien que d'une culture plus complexe, on peut encore voir un héritier des frères 

de Lendinara, inventeurs de la technique des bois teints, auteurs des 

marqueteries du chœur de la cathédrale de Modène, dans Fra Giovanni da 

Verona, qui, durant son noviciat (1474-1478), put connaître la tradition lombardo-

émilienne. Il dut cependant apprendre son art avec Fra Sebastiano da Rovigno en

 collaborant à des travaux de marqueterie, perdus, à l'église S. Elena à Venise 

(1489-90). Entre 1491 et 1499, il exécute le fameux chœur de S. Maria in Organo 

à Vérone et s'impose avec cette œuvre importante dans le groupe des habiles 

marqueteurs de l'époque.

 Fra Giovanni da Verona ne se contente plus de la gamme chromatique naturelle

 fournie par les bois et, voulant rivaliser avec la peinture, il teint les bois dans le 

coloris désiré. Ses déplacements continus d'une abbaye bénédictine à l'autre font 

connaître partout son habileté, et, en 1503, il reçoit la commande du chœur de 

Monteoliveto, près de Sienne. L'œuvre, terminée en 1505, n'occupe plus sa place 

originelle, mais peut être admirée maintenant au dôme de Sienne ; Monteoliveto 

Maggiore a, au contraire, récupéré le chœur exécuté par Fra Giovanni da Verona 

pour le couvent de S. Benedetto fuori Porta Tufi, près de Sienne (1511-1516). De 

1506 à 1511, Fra Giovanni travaille aux marqueteries du couvent de Monteoliveto

 à Naples (passées maintenant à l'église S. Anna dei Lombardi) et, sitôt après, il 

atteint le sommet de sa carrière avec l'exécution des dossiers marquetés de la 

Sala della Segnatura au Vatican (1511-12), très vite remplacés malheureusement 

par une autre décoration. Ses dernières œuvres sont de nouveau réalisées en

 Italie septentrionale (à Vérone et Lodi), mais, en Italie centrale, il a laissé ses 

élèves ou des maîtres marqueteurs influencés par sa manière, comme Giovanni 

Francesco d'Arezzo, auteur du chœur des Convers de la Certosa di S. Martino 

à Naples (av. 1524), ou les frères Bencivenni, qui, de 1521 à 1530, travaillent a

u chœur de la cathédrale de Todi.

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