mercredi 22 juillet 2020

Champ de coquelicots près de Giverny

 Très champêtres ces études concernant les coquelicots !! c'est de saison.


                                                                        1885 - Huile sur toile , 67 X 83 cm


                     "Octave Mirbeau attribuait justement à Monet le renouvellement de

la peinture au dix neuvième siècle. Deux particularités parmi d'autres, et qui sont

en rapport, le mettaient à même de remplir ce rôle historique : d'abord son

manque d'intérêt pour la tradition de peindre les paysages en atelier sur

d'hypothétiques schèmes colorés, avec une lumière et et une ombre toutes

théoriques ; ensuite la surprenante sensibilité visuelle qui lui faisait voir le monde

dans sa pleine richesse chromatique.

 Dans un essai de 1916, intitulé "L'oeil de Claude Monet", Rémy de Gourmont

observe néammoins qu'il n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler un "coloriste"

parce qu' "il fait la nature grise quand elle est grise". Monet peignait un monde

coloré parce que celui-ci existait et parce qu'l avait la naïveté, la persistance et le

génie de lui conformer sa pensée et sa technique.

 Comme l'ont reconnu ses pairs, il les surpassait dans ce pouvoir qui a

révolutionné la peinture en Occident. Sans codifier ses découvertes, Monet a utilisé

pleinement les oppositions de couleurs spectrales qu'il trouvait dans la nature: bleu

et orange dans "Impression", violet et jaune quand il peint l'ombre et la lumière,

vert et rouge dans les "Coquelicots" et le "Champ de coquelicots près de Giverny".



Impression : Port du havre 1872

Camille  Monet à Chailly 1873 : Les  coquelicots.

             Il est interessant de comparer ces deux peintures d'un motif similaire,

séparées par plus de dix ans. L'atmosphère de la première est celle d'une

bucolique insouciance. L'horizon y est assez bas pour montrer des nuages ouatés,

les menus détails restent flous, la couche de peinture est mince et esquissée et les

contours indécis. Semées à la violée, les fleurs sont des taches liquides, formant

chacune une unité indépendante, sur l'herbe verte estompée. Dans le second

tableau on est dès l'abord saisi par le schème inattendu d'une perspective centrée

en un point - bien qu'elle n'entraîne pas de profondeur du champ (laquelle serait

démentie par le motif uniforme et plat des rouges et des verts) mais apporte le

fondement d'un dessin géométrique et presque symétrique couronné par les

courbes en chaîne de l'arrière-plan renforcé.

 La surface réservée au ciel est petite ; et, au lieu de la surface relaxée de 1873,

l'ordonnance chromatique et la texture rythmique de chaque surface  sont

examinées avec un soin pénétrant et transposées dans un équivalent pictural

clarifié.Cependant, bien que l'atmosphère et la manière soient plus analytiques et

plus conscientes, aucun changement fondamental de principe n'est intervenu.

Comme tant d'autres oeuvres celle-ci est unique, car il ne s'agissait pas pour

Monet d'appliquer les règles ou d'endosser une livrée, mais de porter l'accent sur

les qualités déjà présentes dans le motif.

A tous égards, on peut dire que la date du Champ des coquelicots près de Giverny

inaugure la période des" coloristes" avérés, scientifiques et symbolistes ; Gauguin,

commençant ses paysages de Bretagne, poussera l'interprètation de la nature

comme surface plane, organisation décorative et symbole, et le néo-

Impressionisme développera les théories des complémentaires, du divisionnisme et

du dessin."

                 https://books.openedition.org/puc/10311?lang=fr

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