lundi 27 avril 2020

Le regard retourné : suite

 A l'instar de Rembrandt notamment dans ses derniers autoportraits Munch

 étudie la dégradation de son corps, se peint dans tous les états qu'il traverse. 

En1919, il réalise un autoportrait alors qu'il est atteint de la grippe espagnole.

 dans cette toile, dont les tons particulièrement vifs et joyeux contrastent avec

le sujet du tableau. Il se représente sans détour affaibli et décharné. Un même

  sentiment de profonde solitude se dégage du "Noctambule". Munch se peint

 comme en contre-jour, ses traits sont ainsi dissimulés derrière des ombres.

 L'absence de décoration de la pièce et le fait que la scène soit nocturne ne

font qu'accentuer l'isolement du personnage.




































                                  Autoportrait avec la grippe espagnole. 1910


       Le Noctambule . 1923-1924 ; huile sur toile, 90x68 cm

"Le bonheur est l'ami du chagrin

          le printemps est l'annonciateur de l'automne

                     la mort est la naissance de la vie  (1915-1930)

Les autoportraits que Munch peint dans les dix dernières années de sa vie

 montrent tous, sans indulgence, un vieillard attendant la mort. Dans 

"l'Autoportrait près de la fenêtre", le visage rougi du personnage traduit comme

 souvent dans les toiles de Munch, davantage un sentiment de tristesse 

intérieure que de colère. Cet effet est renforcé par une bouche tombante. En 

contraste avec ce rouge semblant confiné à la partie gauche de la toile, le

 paysage paraît peint en noir et blanc tant la froideur de ses tons éteint toute 

vie. Le radiateur lui-même est gagné par ce gel. Munch, lui,  se tient

 inconfortablement entre deux atmosphères, entre la vie, attachée au rouge et 

la mort glaciale, du paysage hivernal. Il règne dans cet autoportrait le même

 sentiment de solitude et de désolation que dans sa dernière oeuvre, peinte à  

près de 80 ans : " Autoportrait Deux heures et quart du matin"



Autoportrait :1940-1943
 

                                                        Autoportrait près de la fenêtre  vers 1940


Munch appraît ici, en proie à une grande amertume, les bras pendants,

 désoeuvré. il se tient, figé, dans un double entre-deux sinistre : entre

 l'horloge et le lit tout d'abord, comme l'indique le titre, c'est-à-dire entre deux

symboles de mort. L'horloge qui n'a même plus d'aiguilles, semble indiquer 

que le temps de l'artiste est révolu. Mais l'artiste apparaît aussi entre deux

 pièces ; une chambre toute de pénombre et une salle baignée de soleil. Dans

 cette dernière, les murs sont couverts de toiles de Munch, évoquant sa vie

 passée, maintenant derrière lui. La chambre qui s'ouvre à lui, en contraste, est

 peinte dans des tons froids et sombres. Et si un tableau est accroché sur le

 mur de droite, il s'agit d'un nu fantomatique, dont la verticalité renvoie à

 l'horloge de gauche. Cette composition en croix, entre l'horloge et le lit, entre

la lumière et la pénombre, est enfin renforcée par la croix lugubre qui git aux

 pieds du peintre, formée par son ombre, et qui semble le condamner. Plusieurs

 artistes contemporains ont été marqués par cet autoportrait. Plus de trente

 après sa réalisation, Jasper Johns fonde notamment toute une série de toiles

autour du motif graphique du couvre-lit.

    
                                           Autoportrait entre l'horloge et le lit : 1940-1943




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