vendredi 24 avril 2020

Le monde extérieur (suite)

 Munch fut un grand lecteur et collectionneur de la presse nationale et

 internationale. Lui qui avait en outre une mémoire très photographique,

 s'inspira aussi de l'actualité pour peindre. maisl à encore, l'histoire et les 
 
histoires s'entremêlent. Plusieurs toiles de Munch représentent des incendies, le 

peintre ayant été témoin notamment d'un feu pris à Gronland en 1919.

Cependant, il existe beaucoup de différences entre les croquis réalisés sur le vif 

et la toile qui en résulte. Celle-ci semble avoir été graphiquement influencée par

 les articles parus autour de l'événement, mais aussi par d'autres incendies qui

 ont marqué le peintre. En observant différents thèmes récurrents dans ces

 scénettes, on comprend que Munch n'opère pas en illustrateur : ses oeuvres

ne sont pas attachées à un seul événement. Il tisse des liens entre différents 

épisodes et mêle plusieurs motifs graphiques pour former une oeuvre qui, née

 de faits isolés, en devient plus universelle, acquiert davantage de force.


                                  "Panique à Oslo".  gravure sur bois 1917

            "Je ne peins pas ce que je vois. Mais ce que j'ai vu" (1890)


                                                                      " La maison brûle" 1925-1927

En 1905, lors d'un dîner où Munch avait convié l'acteur Ludvig Müller et le 

peintre Ludvig Karsten, une violente dispute éclate. Ce dernier aurait mis en 

doute le sentiment national de Munch. En 1916 puis en 1932, des années après

 cet événement en apparence anecdotique, il reprend le sujet en réalisant

 plusieurs intitulées "La Bagarre". Karsten figure à l'arrière plan tandis que 

Munch se tient tout à l'avant tombant presque dans l'espace  du spectateur. Ce 

jeu de perspective, qui consiste à donner l'impression au regardeur d'être au 

coeur de l'action est caractéristique des illustrations de combats de la première 

Guerre Mondiale. Munch, s'en est sans doute, consciemment ou non inspiré, 

d'autant que le motif de la rixe avait un lien avec la défense de la nation. Quoi 

qu'il en soit, la dispute avec Karsten fournit à Munch plusieurs motifs différents, 

"Les Hôtes indésirables" renvoie notamment à la fin de l'épisode, où le peintre 

menace ses deux convives avec un fusil.



"La Bagarre" 1932 huile sur toile 1932

                                             "Les Hôtes indésirables" 1932 -1935

 On observe dans de nombreuses oeuvres de Munch des manifestaions de 

dédoublement physique qui renvoient inéluctablement à une division psychique 

du sujet. Le peintre exprime souvent la sensation de marcher à côté de lui-

même, un effet qui se voit renforcé avec l'alcoolisme et la dépression. Cette 

opposition répond à un tiraillement intérieur qui oscille entre la schizophrénie, 

l'hallucination, la figure d'un double créateur...

L'imaginaire de l'ubiquité n'est pas étranger à l'intérêt de Munch pour les 

phénomènes médiumniques. Dans ses autoportraits photographiques, il cherche

 souvent à prolonger le temps de pose pour fixer son double spectral. La

 silhouette monochrome, presque immatérielle, qui apparaît dans "Le 

dédoublement de Faust" renvoie à Méphisto, à une force à la fois bénéfique et

 maléfique qui pousse Munch à créer, mais aussi à faire passer l'art avant tout.




                           https://www.youtube.com/watch?v=D2_NmLp9dmE

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