mercredi 12 décembre 2018

Murillo


                     Vierge du Rosaire : avant 1650. Musée du Prado Madrid

De l'Italie nous passons à l'Espagne, avec le Sévillan Murillo qui ne quitta pas sa

ville natale, et pourtant son oeuvre se ressent des influences vénitiennes et

surtout flamandes; on continuera à sa suite à peindre suivant son école jusqu'à

 la moitié du XIXème. Alonso Cano eut sans doute sur lui, au moins à ses débuts,

    une certaine influence. On peut le vérifier sur cette composition identique à

 celle de Murillo : une grande simplicité dans les costumes, rien d'ostentatoire.



 Et pourquoi pas un poème de Frédéric Mistral, en occitan, notre félibre

 provençal :


O bello Vierge Inmaculado
Que dins lis astre enmantelada
Tèmes d'à lou monde e nôsti van trafé,
O douço Reino de la Franço
Qu'em'un regard debenuranço
Pos abouca l'infère e si rire trufet.
 Di man indigno dôu felibre,
 Recibe en gràci aqueste libre
Ounte li gènt de Franço an estampa sa fe !



 Sus chaque pive, sur chasco cimo
 Noso nacioun crestianissimo
 T'a dreissa de capello à ras di nivoulum ;
Touti li flour de si mountagno.
De la Prouvènço à la Bretagno 
Te brulon soum encens ; e tout soun aucelun
Te canto li sèt alegresso
 Qu'à Belelelèn i' avies apresso
Quand bressaves toun fiéu agouloupa de lum


I'a gens de bourg que noun, en aio,
Chasque ans te vogue pèr sa maio,
 O femo vinceiris qu'as escracha la serp !
J'a gens de prèire dins soun prone, 
Gens de marin sus mar o de pastre au desert
Que noun te digne Noetro-Damo !
E l'univers, de cor et d'amo


Te prègo d'à geinoui e s'apound' au councert !
Nèu dou Liban, neu eternalo
Ounte l'idéio divinalo
 S'èro dicho toustèms de traire soun belu,
 Nèu cando e bléujo, nèu blanduèlo
Qu'entre senti la belugneto
 Illuninè d'amour la terro e lou céu blu,
Nèu mai courouso que lis ièli
 Que l'ange, nous dis l'Evangéli !
De la part d'ôu Segnour, t'aduguè lou salut !

 Santo Marîo, fai nous lume !
Que nosto  raço noun s'embrüme
Dins l'embriagamen, dins lou foum e l'ourquei
De la matèri ! Zou estrasso
De ti lusour la niué nefrasso
 Que sous lou mounde entié lou mau escampo vuei
Emé toun fiéu qu'as sus ta faudo
 Enca saunous, Maire esbribaudo
Tôuti li manufatam que seménon lou juei !



« Ô Belle Vierge immaculée qui, emmantelée dans les astres, veilles sur notre monde et nos vaines agitations ; ô douce Reine de la France qui d'un regard béatifique peux confondre l'enfer et ses sarcasmes ; des mains indignes du félibre, reçois bienveillante ce livre où les peuples de la France ont imprimé leur foi. Sur chaque puy, sur chaque cime, notre nation très chrétienne t'éleva des chapelles au ras des nues ; toutes les fleurs de ses montagnes, de Provence à la Bretagne te brulèrent leur encens ; et tous ses oisillons te chantent les Sept Allégresses qu'à Bethléem tu leur appris quand tu berçais ton Fils enveloppé de lumière. Il n'y a point de bourg qui, en émoi ne te consacre chaque année son mois de mai, ô femme triomphante qui écrasa le serpent ! Et point de reine sur le trône et point de prêtre dans son prêche, sur mer point de marin ou de pâtre au désert qui ne t'appelle Notre-Dame ! Et l'univers, d'âme et de cœur, Te prie agenouillé et s'unit au concert. Mais si tu es, ô Bienheureuse, à Toulouse Notre-Dame la Daurade car l'or pur du soleil est effacé par toi ; si entre Avignon, Marseille et Vence, si tu es Notre-Dame de Provence car sainte Anne et sa tombe y appellent tes bienfaits ; sur la roche Corneille du Puy, tu es, ô Vierge aimée, Notre Dame de France, un nom que nous te fîmes ! Ta gloire croît de siècle en siècle, car ton sein vierge est un ciboire où mon Rédempteur s'incarne pour moi ! Et tu es la merveille humaine car dans son sang et dans sa fille, Adam peut vénérer la Mère de son Dieu ; tu es près de Dieu l'avocate qui défend l'homme et qui le couvre contre le courroux du ciel et ses foudres vengeresses. De ta couronne virginale, hier enfin unanime l'Église a voulu dévoiler le diamant le plus beau; et le grand prêtre du Très-Haut ; celui qui tient l'anneau de Pierre, a fait sur nos ténèbres resplendir le flambeau, te proclamant Immaculée comme la neige amoncelée qui se fond en rivière au lever du soleil. Neige du Liban, neige éternelle où l'Idéal divin s'était dit avant le temps de jeter son rayon ; neige pure, éblouissante, neige blanche qui, au contact de l'étincelle illumina d'amour la terre et le ciel bleu ; neige plus que les lis brillante que l'ange, nous dit l'Évangile, de la part du Seigneur vint saluer ! Aujourd'hui les langues antiques de notre France, ô fleur mystique, veulent te saluer pour embaumer leur fin : mères du peuple, humbles et craintives, mais avec foi et de bon cœur, avant que de mourir, elles viennent te demander le sauvement de cette France qui tant de fois rompit sa lance pour défendre les uns ou pour aider les autres. Les populaires parleries de saint Elzéar, saint Hilaire, de saint Vincent de Paul, du pèlerin saint Roch, les pauvres vieilles défaillantes que, dédaigneux, le monde oublie, viennent te rendre grâce de t'être sur nos rocs manifestée à l'innocence, lorsque tu la ravis dans l'éclat de l'Extase, lui parlant doucement en notre langue d'oc. Louange à Toi, Mère du Verbe ! Tu abaisses ainsi les superbes, élevant les petits jusques à tes pieds blancs... Et sur les montagnes bénies que tu t'es choisies pour autels, à la pointe des Alpes, au front des Pyrénées, aussitôt prononcés tes oracles, aussitôt les miracles se montrent, et ta source aux malades moribonds rend la vie ! Arrière donc, science profane, avec ta présomption qui s'obstine à nier les pouvoirs du Maître tout-puissant ; toi qui te vantes d'êtres à point pour maîtriser la grande nature, arrière ! Au fond des cœurs une autre voix s'entend qui, surnaturelle, crie : « En bas, la science est défleurie ; en haut, au sein de Dieu, la science reste en fleurs ». Sainte Marie, éclaire-nous ! Que notre race ne s'enténèbre pas dans les ivresses, la fumée et l'orgueil de la matière ! Oui, déchire de ta splendeur la nuit obscure qu'aujourd'hui sur le monde entier le mal répand ; avec ton Fils qui saigne encore sur ton giron, éblouis, ô Mère, tous les malfaiteurs qui sèment l'ivraie. Ainsi soit-il. »
                                                              Frédéric Mistral (1830-1914)

https://www.youtube.com/watch?v=iu_4LP7dKCY

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