lundi 1 novembre 2021

Lac Guéri, vers Orcival

 Quelques Puys et vallées encore escaladées pour un retour à Orcival avec encore

la compagnie du texte d'Henri Pourrat, plus poétique...

  (Orcival , mes archives 16 10 2019)


 " Enfin au lac Guéry,, c'étaient bien les hauts lieux qu'on avait

 devant soi.

Sur le plat des eaux, devant une auberge de rouliers, luisait le bleu

 même du ciel. Des cars passaient sans trop gêner les lentes vaches 

à sonnailles, et bientôt on ne les voyait plus, engloutis par la

 montagne.L'été avait jauni les gazons. j'ai roulé entre mes doigts le

 méon, cette herbe fine, épaissement frisée, qui sent si fort.

On dit que par temps noir, le lac Guéry paraît aussi tragique que le 

Pavin. Au creux de ce paysage rond mais âpre, vert mais nu, dominé

 dans quelque éloignement par de puissant monts, il était pour ce jour

 toute pureté. Je suis monté sur la rampe d'herbe, pour tenir encore

 plus de pays sous ma main . J'avais là des buttes cornues ; j'avais

 le Puy gros, je crois, rasé, gratté, écorché, de sorte qu'on suivait

 tous les mouvements de sa masse pétrie de muscles et de tendons : une

 pesante motte tourmentée, aux flancs tordus, disséqués par filets 

entre de courbes ravines. A côté de son vert pâle et froid, sur la 

droite, les aiguilles du Sancy pointaient en déchiquetures bleuâtres.

  Peut-on bien voir les monts sans vouloir les gagner? On entre dans 

leur air ; on respire la fraîcheur, la liberté du vent; on touche une 

campanule, sa membrane d'un violet brumeux, les brins grêles de sa

 tige, qui ont un parfum d'âcre solitude. Si seulement le regard se 

pose sur un de ses versants, ces replis, ces crêtes, on imagine dans 

les hauts ravins les fleurs en candélabres et les fissures de roche

 hérissées de cristaux. On se hisse sur le faîte, on atteint une

 plate-forme d'herbe et l'on découvre soudain le monde où volent au 

large des plaines les ombres spacieuses des nuages.

 


 La montagne, c'est le difficile paradis où l'on n'accède qu'avec un

 coeur de longue haleine. mais il suffit de ce bout de prè qui s'élève

 là, jusqu'au ciel d'azur pâle. Regarde à trente pas devant, sa ligne 

de gazon ; que d'air on sent entre elle et le bleu qu'elle touche ; un

 bleu d'une jeunesse, d'une douceur si fine qu'il donne à qui sait

 voir une autre idée de l'univers."

 

                                        Henri Pourrat 1935

 

                                à suivre

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