dimanche 21 juin 2020

Auguste Renoir : Les canotiers à Chatou

La composition de cette toile  me fait penser à "la Promenade en bord de Garonne"

d' Henri Martin.





                 https://www.youtube.com/watch?v=6bjnaa8ZCo0



     " Ici Renoir est revenu à l'un de ses coins favoris sur les bords de Seine pour

 y explorer à nouveau les beautés de l'eau miroitante. Suivant la pratique

impressionniste, l'artiste centre son intérêt sur le spectre glorieux de la lumière de

 plein air, qui inonde le paysage. Avec une technique à la fois impulsive et

rigoureusement contrôlée il recompose en peinture sa moelleuse vision personnelle

du rayonnement de la nature. Mais il demeure également sensible à la profusion

de textures contrastées qui réjouissent son oeil, ajustant sa touche  pour suggérer

non seulement la couleur, mais aussi "la sensation" de l'herbe, de l'eau ou du ciel

plein de nuages et de vent. Qu'il ait accompli cette tache sans sacrifier la

consistance interne de la technique ni perdre son sens primordial de l'individualité

artistique nous montre combien Renoir avait parfaitement plié la méthode

impressionniste à ses buts personnels.

C'est presque en se jouant qu'il saisit la courbe du paysage et la joyeuse

camaraderie du groupe de quatre personnages esquissés en bas à gauche de la

composition. La présence même des rameurs évoque une autre caractéristique de

 l'art de Renoir. S'il peint, comme les autres impressionnistes, le paysage pour lui-

même, il aime à inclure ses amis dans ses toiles. Le rapport entre les figures et

leur emplacement est complet. Elles apparaissent au sein même de la nature, sans

être distinctes d'elle. Elles partagent avec elle les mêmes qualités de texture, de

lumière, de couleur et, dans une nonchanlance heureuse, épousent les beautés qui

les entourent. Mais leur fonction est de structure autant que narrative. L'accent du

groupe immobilise la diagonale aiguë du bateau vermillon qui contre-balance à son

tour la fuite du fleuve et de ses rives vers le lointain, en haut à gauche. Les

verticales des figures servent en outre de support et de repère aux éléments des

horizontaux des bateaux et, plus loin, des rives qui délimitent et amplifient à la

fois le flot des eaux, larges et miroitantes. En un seul endroit, peut-être, l'intention

du peintre n'est pas claire : là un lambeau de ciel gris bleu, en bas à gauche,    

semble s'avancer agressivement depuis le fond de l'horizon. Partout ailleurs la

conciliation de l'espace et de la surface est extraordinaire - particulièrement dans 

les rouges. Leur nette organisation de surface ne menace jamais l'ordre des

relations spatiales, car l'artiste joue sur une gamme allant de l'écarlate aux roses

les plus pâles, à travers le réseau continu des tons contrastés. Le résultat est

visible pour tous ; un monde au coeur léger qu'embrase une chatoyante lumière

d'été."

samedi 20 juin 2020

Auguste Renoir : Le Jugement de Pâris

Voilà un thème largement exploité au cours des siècles par beaucoup d'artistes.

 La toile de Renoir relève plutôt de l'inspiration de celle de Rubens si toutefois il y a

influence.

             https://www.societe-cezanne.fr/2016/08/07/le-jugement-de-paris/


                                  Vers 1914 - Huile, 81 X 101



                   " L'action représentée ici fut à l'origine d'une guerre. Le prince-berger

Pâris, connaisseur célèbre en matière de beauté, avait été sommé de donner à la

plus belle des trois déesses rivales : Junon, Minerve et Vénus, une pomme d'or

portant l'inscription ; "A la plus belle".

Comme si la soudaine apparition devant lui des trois déesses nues n'était pas

suffisante, chacune d'elles tente de le corrompre par des présents : pouvoir et

richesse, renommée par les armes ou bien pour compagne la plus belle de toutes

les mortelles. Le dernier de ces dons n'était évidemment pas le moindre et Pâris

n'hésita pas à l'accepter, décernant aussitôt la pomme d'or à Vénus.

"La plus belle de toutes les  mortelles" se révéla être Hélène de Troie, et le

résultat de sa fuite avec Pâris fut, d'après la mythologie, que les armées grecque

et troyenne se prirent à la gorge.

Renoir nous montre l'octroi de la pomme, tandis que Mercure, à gauche, indique

la fin de l'épreuve.

La peinture est d'une curieuse et désarmante naïveté. Pâris, qui porte une tunique

de berger et un bonnet phrygien, est Gabrielle, de même que la déesse de droite.

 Le paysage reste dans la manière impressionniste, bien qu'il représente une

scène classique. Les nus sont typiques de la période finale ave leurs seins petits,

leur taille longue, leurs hanches fortes, leur modelé volumineux de statues, mais

peints en couleurs fluides et moelleuses. Les visages n'ont rien du traditionnel type

classique idéalisé.

Renloir n'est pas troublé par les contradictions fondamentales de sujet et de style,

et c'est pourquoi l'une des choses frappantes de ce tableau est le succès avec

lequel il les résout dans une unité originale. Il n'est pas tombé dans le piège

académique de se prétendre plus Grec que les Grecs. Ce n'est pas l'apparence

extérieure de la tradition classique - exténuée par des siècles de mésusage - qui a

motivé le choix du sujet, mais son esprit essentiel. En sorte que, sans contrainte,

et dessinant selon sa propre vitalité toujours éclatante de jeunesse, Renoir apporte

une vie nouvelle à la grande tradition humaniste."


            https://www.musee-orangerie.fr/fr/oeuvre/gabrielle-au-jardin

vendredi 19 juin 2020

Auguste Renoir : Escalier à Alger

Je n'ai pas encore cherché de textes ou de lettres de Renoir donnant ses

impressions sur la lumière de l'Algérie : est-ce l'activité du port de Marseille qui lui

donna  l'envie d'aller soigner sa pneumonie contractée à l' Estaque ?

Les peintures de Delacroix ont sans doute été aussi une incitation  à ces voyages.

 Cependant il note que c'est à Alger qu'il a découvert le blanc, car tout y est blanc.
 

        http://www.algeriades.com/auguste-renoir/article/renoir-and-algeria


 Vers 1882 - Huile, 72 X 59 cm


                " Cette peinture de soleil torride et de végétation dense nous montre

bien la façon dont Renoir approchait un sujet. "Il attaque sa toile, écrit Albert

André, lorsque le sujet en est simple, en traçant au pinceau, généralement avec

du  brun rouge, quelques indications très sommaires pour voir les proportions des

éléments qui constitueront son tableau... Puis, tout de suite, avec les tons purs

délayés à l'essence, comme s'il procédait à l'aquarelle, il frotte rapidement la toile

et on voit apparaître quelque chose d'imprécis, d'irisé, les tons coulant les uns

dans les autres, quelque chose qui nous ravit avant même qu'on ait compris le

sens de l'image".

Les figures du premier plan à l'extrême droite sont indiquées légérement par

quelques touches de brun rouge qui établissent le schéma général du tableau.

Avec cette note sténographique pour base, on s'aperçoit que l'élément majeur

d'organisation de la composition réside dans le degré de fini des différentes parties

de la toile. Dans les figures et dans les marches du premier plan, il y a un

caractère d'esquisse, une liberté de main très proche de la technique de

l'aquarelle.

L'exécution plus relâchée correspond aux surfaces les plus ouvertes; en allant vers

le haut, le traitement du mur et des arbres devient plus serré, le pigment plus

épais et le feuillage plus riche dans le détail. Les zones de couleur séparées du

premier plan sont développées avec une grande échelle de teintes au sommet de

la toile. Renoir s'enchante au contraste du soleil, qui blanchit la couleur partout où

il frappe directement la scène, avec le rayonnement des zones d'ombre. Cette

ombre ici n'est pas obscurité - l'absence de lumière - mais une autre sorte de

lumière et de couleur ; il est difficile d'imaginer jeu plus merveilleux, plus varié de

couleurs apparentées que les lavandes iridescents, clairs et chauds, du mur et de

la façade, au sommet du tableau. Quelque chose de chacun des différents

éléments - les petites touches du feuillage, l'architecture et le ciel délicatement

peint - se trouve fondu dans le traitement des habitations. Les figures humaines

sont seulement esquissées ; pourtant le sûr instinct de Renoir pour les choses       

essentielles leur donne une réalité convaincante."

                         https://www.youtube.com/watch?v=1Au47ymfSnw

mercredi 17 juin 2020

Auguste Renoir :

 Nous sommes allés beaucoup plus loin que "le Cri" de Munch, des "Tournesols" de

Van Gogh et des "Montagnes St Victoire" de Cézanne ;  auparavant nous avions

fait le tour des oeuvres d'Ingres, et il n'est pas inutile de le rappeller car il fut une

source d'inspiration pour Renoir.
 
Quand je vous dis Renoir ... quelles images viennent à vos yeux ?

En ce qui me concerne ce sont ses nus translucides de jeunes filles en fleurs qu'il

peignit jusqu'à la fin de sa vie. Il ne fut pas exempt de souci de santé ni de soucis

d'argent. Vous connaissez ma passion pour la céramique,  c'est dans ce domaine

qu'il débuta sa carrière et avec succès. Comme ses prédécesseurs il fit le voyage

en Italie, Naples, la Sicile,  l'Algérie. De l'Italie, il reviendra séduit  par les peintres

vénitiens mais surtout Raphaël. A Palerme, il va rencontrer Wagner dont il brosse

le portrait en 35 minutes, était- ce le seul temps de pose octroyé par le "maître"....

Il fréquentera Cézanne tant à l'Estaque en 1882 qu'ailleurs dans le Midi  en 1883 ;

 Le Midi, mais aussi Guernesey.
 
Grâce à Durand-Ruel qui expose une trentaine de ses oeuvres à New- York, il

connaît enfin une sécurité financière et cela ne s'arrêtera pas là.

Ses périodes  ? la période aigre, la période nacrée, la période de plénitude et le

succés définitif avec l'entrée  de six de ses oeuvres au Louvre en 1897.

Je suppose qu'amoureux de la nature et précurseur des écolgistes , en  1905, il

sauve une plantation d'oliviers millénaires, en achetant le terrain sur lequel ils

étaient plantés  et y fait construire une maison.

En italie, il avait été  séduit par le "Traité sur la peinture" de Cennino Cennini, en

1910 il en écrit une préface.
 
Malgré ses crises de rhumatime articulaire, il peindra jusqu'au bout de ses forces,

en se faisant attacher le pinceau à ses doigts par une bande..

Voilà  un rapide  tour d'horizon  que je compléterai avec les oeuvres choisies (les

moins connues)  et le texte de  Walter Pach.

 Pour commencer , sans doute inspiré par Cézanne, cette Nature Morte.

                               Fruits du Midi  de 1881

                        Huile sur toile  50 X 68 cm




                    " Cette nature morte, pleine de surprises, est à la fois conforme à ce

que l'on attend de Renoir et différente. Une certaine rudesse de la touche, du

volume et du dessin suggère l'influence de Cézanne : peut-être même a-t-elle été

peinte à l'Estaque. Mais la profusion - il n'y a pas moins de vingt-quatre fruits de

nombreuses variétés différentes - est le signe de Renoir et non point de Cézanne.

 De même aussi le souci de la texture, l'abondance de la couleur, la préoccupation

de l'aspect et du sentiment des choses ; l'intérêt soutenu dans la variété des

centres lumineux est propre à Renoir, comme la  découverte des subtiles qualités

décoratives du sujet.
 
L'ellipse en forme festonnée du plat manifeste, avec la plus  nette évidence, un

thème décoratif. Si l'oeil parcourt le périmètre extérieur de la nature morte

entière, il décrit, de ce thème, une variation plus large. A l'intérieur du tas de

fruits, comme aussi dans les objets isolés - les poivrons par exemple - d'autres

échos s'en percoivent.

Sur la gauche de la toile, l'organisation de la couleur s'oppose à ce développement.

 Les rouges éclatants sont surtout vers la droite et, avec les piments pour angles,

forment un triangle équilatéral presque parfait. Les bleus violets sombres, les

jaunes et les verts sont limités à l'autre côté de la composition ; mais ils sont

relevés par les fruits dans le centre du triangle rouge, tandis que le rouge trouve

un écho dans les deux fruits ronds à gauche. De même, les violets sont présents

dans les grenades et dans les ombres portées (tout à fait inhabituelles pour Renoir

 à cette époque et rappelant à nouveau Cézanne).  Toutes les couleurs majeures

sont projetées à travers la partie supérieure du fond, et leurs nuances délicates 

reviennent à nouveau dans la nappe.

D'autres thèmes sont visibles : les formes en rondeur, qui vont de la sphère à la

forme de l'oeuf : les ellipses allongées des feuilles ; et le mouvement irrégulier,

saccadé, des tiges, variante du rebord blanc du  plat et repoussoir à la plénitude

éclatante des fruits."





Paul Cézanne ; La Montagne St Victoire au grand pin

                https://www.youtube.com/watch?v=LjYEajPg34Q&list=PLJZypgi6QlH5m5_PbzFa4yOTn_BtWGc2n&index=3&t=0s




                                                Entre 1885 et 1887 - Toile 67 X 92 cm

                " La montagne St Victoire, près d'Aix, attira Cézanne toute sa vie. Il

s'identifia à elle comme les Anciens à une montagne sainte sur laquelle ils

plaçaient la demeure ou le lieu de naissance d'un dieu. Seulement pour Cézanne

c'était un dieu intérieur qu'il concrétisait en ce sommet, son effort, son exaltation

et son désir de repos. Dans le tableau du Metropolitan Museum de New-York, la

montagne vient moins pleinement en vue, sa majesté est amoindrie par les arbres

du premier plan et par la vaste amplitude de la vallée à droite. La toile de

Londres, plus large, rend la grandeur caractéristique du site, mais elle offre aussi

un champ plus vaste à l'artiste observateur et à son humeur turbulente. Cette

montagne tranquille porte la marque du coeur tourmenté de Cézanne, et le pic

même, bien que plus serein, est traversé de formes mouvementées comme le

balaiement des branches dans le ciel. Une passion envahissante agite les lignes

répétées dans chacun d'eux. Même les pentes du viaduc et les lignes horizontales

de la vallée, ainsi que leurs couleurs, sont plus brisées que dans le tableau de

New-York. Le dessin et la touche sont partout plus impulsifs. Pourtant le paysage

lointain résout dans une certaine mesure les efforts du monde du premier plan.

Les versants de la montagne unifient dans une seule forme équilibrée les dualités

distinctes tendues et instables de l'espace de l'observateur ; l'arbre vertical rigide

et ses branches étendues et flexibles, le dialogue des grandes frondaisons

véhémentes qui, bien que voisines, ne peuvent se rejoindre ou les mouvements

divergents dans la vallée au bord inférieur du cadre.

Merveille ! tout semble frémir dans les couleurs changeantes de touche en

touche; cependant que de ce vaste mouvement sans repos émerge un monde

solide à l'étendue sans fin, qui s'élève et s'établit. La grande profondeur est bâtie

sur de larges assises, fixées et croisées de manière serrée, sans plan apparent de

construction. Vers nous, ces bases deviennent de plus en plus diagonales : les

lignes divergentes au premier plan semblent une vague réflexion de la forme de la

montagne. Ces diagonales ne sont pas des lignes en perspective menant au pic,

mais comme dans l'autre tableau, elles nous conduisent au loin, vers les côtés, là

où les pentes de la montagne commencent : elles sont prolongées par une

branche   basse tombant de l'arbre.

 C'est ce contraste des mouvements des côtés et du centre, de symétrie et de

déséquilibre, qui donne à la scène son aspect de tension dramatique. Pourtant

cette peinture est une harmonie profonde, construite avec une merveilleuse

finesse. Il est étonnant de voir combien Cézanne a orchestré cet ensemble

complexe. Si nous désirons voir sa subtilité à l'oeuvre, considérons seulement la

courbe des arbres qui devient perpendiculaire au  versant de la montagne quand  

elle atteint l'horizon. Ou encore observons les formes rectangulaires et pointues de

la maison à côté du même arbre. "


             https://www.youtube.com/watch?v=7UjDbMdgBXI

 Si vous le pouvez allez à Paris visiter le Musée Marmottan jusqu'au 3 janvier "Cézanne et les maîtres, rêve d'Italie".

          https://www.youtube.com/watch?v=hku_dNy8EeI


mardi 16 juin 2020

Paul Cézanne : La Montagne Sainte Victoire

 Nouvelle version de ce massif, pour un comparatif similaire à celui des pommes ;

aujourd'hui la toile du Metropolitan Museum of Art de New-York :


     " Admirable idée d'avoir opposé au paysage éloigné l'arbre élancé du premier

plan, par lequel le proche et le lointain, la gauche et la droite deviennent plus

fermement définis, chacun avec son caractère et sa dominante propre.


                                                      Entre 1885 et 1887 - Toile, 65 X 81 cm

La largeur, la hauteur et la profondeur sont presque également développées , de

l'équilibre de ses dimensions naissent la plénitude et le calme de la peinture.

Nous mesurons l'ampleur de l'espace dans la large vallée au viaduc; nous sentons

une profondeur équivalente dans l'interminable passage de la première maison au

sommet de la montagne ; mais nous prenons conscience aussi de la grande

altitude de l'espace dans l'arbre central qui donne la mesure de la dimension

verticale, traversant toutes les zones du paysage et atteignant le bord supérieur

de la toile en partant de son bord inférieur.

Ce contraste des verticales et des horizontales est tempéré par les nombreuses

diagonales dont la pente s'échelonne à de faibles intervalles.L'arbre presque

vertical du centre fait partie d'une série d'arbres plus ou moins d'aplomb et le

tronc le plus incliné se rapproche de la pente de la montagne et de la forte

diagonale de la route. Mais cette route, elle aussi, ressemble par sa forme

sinueuse à la longue silhouette de la montagne qui dans ses chaînes moyennes et

dans les collines à ses pieds s'est établie peu à peu sur une horizontale pure

comme le viaduc.La transition du vertical à l'horizontal par de multiples et menus

changements  d'axe est comme les gradations de couleurs qui échelonnent les

extrêmes de chaleur et de froid, de lumière et d'ombre par petits intervalles pour

créer la délicatesse opaline de l'ensemble.

De toutes ces diagonales, aucune ne converge  en profondeur avec le

raccourcissement habituel de la perspective. Sur le plan du sol du paysage,

Cézanne choisit des diagonales qui vont en divergeant à partir du spectateur vrers

les côtés de la toile et supprime ainsi la tension du point de fuite. La profondeur

est établie par le chevauchement des objets, par de vastes étages horizontaux

posés l'un sur l'autre et traversés par l'arbre vertical et ses longues diagonales. Le

jeu des contrastes de couleur est aussi un moyen délicat de susciter la profondeur.

Le vert foncé de l'arbre du premier plan contraste avec un ocre vif en dessous et

le léger bleu vaporeux du ciel. Les tons rougeâteres sur le tronc de l'arbre

rappellent le rose du pic de la montagne, mais ils sont posés sur un ton de bleu

plus sombre que celui du ciel. l'opposition des tons chauds et froids vire

graduellement depuis le mariage des verts et des jaunes du premier plan jusqu'à

celui des bleus et des roses dans le lointain.

 Le travail du pinceau est l'une des principales beautés de cette peinture et mérite

la plus grande attention. Il est parfaitement visible et franc, sobre touche

d'ouvrier, et, par ses variations innombrables en direction et en taille, est un

moyen lyrique, sensible au plus infime changement dans l'accentuation visuelle

des formes et des couleurs, dans leur modelé et leur accent."

            https://www.youtube.com/watch?v=1KmrxL29-LY

http://knock-on-wood.over-blog.com/2019/06/cezanne-gauguin-van-gogh-les-initiateurs-de-l-art-moderne.html

dimanche 14 juin 2020

Paul Cézanne : La montagne St Victoire vue de Bibémus

        " Dans les tableaux antérieurs de la montagne St Victoire on la voyait d'une

distance considérable et sa place dans le panorama général lui donnait un calme

plus grand. Ici, Cézanne s'est rapproché du pic, mais ce dernier est plus accessible

qu'auparavant. Au lieu de suspendre le spectateur au-dessus de la vallée, il place

un abîme entre lui et l'objet principal. C'est une carrière au delà de laquelle il voit

les rochers qui lui font face et la cime surgissante.




                                                        Entre 1898 et 1900 - Toile, 65 X 81 cm

                  https://www.youtube.com/watch?v=p6ygBSPVP4k


  Par ce moyen, le paysage lui-même est devenu dramatique, rempli d'énergies

titanesques en conflit,mais qui sont en dehors du domaine du spectateur. La

montagne, comme une sculpture héroïque, est basée sur un gigantesque pièdestal

de rochers encadré par des arbres. Un côté s'élève en pente continue et nette ;

l'autre étrangement agitée, change sa course par de nombreuses cassures

abruptes. Pour la première fois nous voyons le pic comme  un objet individualisé

 avec un profil distinct ou avec deux côtés comme un visage humain. Il a perdu la

vieille symétrie classique et il est devenu une forme dynamique et complexe.  En

même temps sa hauteur, son mouvement qui s'efforce vers le haut, est plus

prononcé. Il n'y a pas de plan général horizontal, aucune immense plate-forme du

sol pour apaiser la pyramide naturelle, mais une profonde crevasse verticale à

base convexe divisant en deux la paroi de la carrière et marquée par des troncs

penchés instables, ajoutant encore à l'effet agité de cette composition de chaleur

et de contrainte.

Le goût pour le plan vertical, que nous avons remarqué dans "Pommes et oranges"

comme un caractère typique de la dernière époque, se retrouve, traduit avec une

force grandiose, dans ce paysage, mais avec un sens autrement expressif.

 La montagne est aussi distincte que les objets les plus rapprochés, même plus

distincte si nous comparons le dessin de son contour avec les silhouettes vagues

et quelquefois même fondues des arbres du dessous. Si nous allons du premier

plan au lointain les objets deviennent plus grands, comme dans la perspective

émotionnelle d'un primitif. La grande masse de l'arbre en haut et à droite semble

appartenir à la même région de l'espace que la montagne et ce n'est que lorsque

nous suivons la ligne ondulante de son tronc que nous constatons qu'il est situé au

premier plan. Des verts très semblables interviennent sur le devant et dans le

lointain, unifiant les plans très séparés par un système commun d'accents.

 Les rochers orangés et le ciel bleu, l'accord contrastant le plus fortement, relient

aussi l'espace le plus lointain au plus rapproché. Une gradation de tons lavande,

de roses et de pourpres s'étend sur toute la profondeur. Comme dans les natures

mortes, cette vue plus proche est associée avec une intensité de sensation très

forte. Avant Cézanne, il y a peu de paysages dans lesquels l'orange et le bleu sont

appliqués avec des contrastes aussi grands et aussi lumineux."

                  https://www.youtube.com/watch?v=4dTmOec7Uq0