Les Paveurs, Boulevard Victor Hugo à Saint Rémy
Décembre 1889, Saint Rémy Huile sur toile 74 x 93 cm
" Transposition bouleversante de la scène de rue familière à
l'Impressionnisme - Manet, déjà avait peint les paveurs au travail. Ici, au milieu
de la rue éventrée par une excavation, la nature s'afirme derechef avec une
énergie impétueuse et triomphante dans les troncs géants, les branches et les
masses fougueuses de feuillage, transformant cette promenade intime en un
monde apocalyptique, ni naturel ni urbain. Dans cet espace étroit où
les branches de monstrueux platanes s'élèvent frénétiquement comme des
racines renversées vers la zone supérieure de flammes, les autres éléments
-maisons, routes, personnages en marche ou au travail - gardent leur
médiocrité quotidienne ; toutefois si on les isole en vues fragmentaires
découpées entre les voûtes des arbres, ils prennent un aspect étrange et
particulièrement irrégulier. ici comme dans d'autres oeuvres de cette époque,
la perspective est source d'inspiration et se marie à la structure instable des
objets. La diagonale aigue de la rue (qui est la diagonale même du regard du
spectateur) , où contrastent les lumières froides et les ombres chaudes ainsi
que des tas de sable houleux et désordonnés et des pierres régulièrement
taillées, est riche aussi de zigzags abrupts. Ce grand courant diagonal en
prodondeur contrebalance et soutien la turbulence des branches au-dessus et
les arches pointues et tourmentées des arbres qui encadrent les aperçus
obliques sur les maisons de l'autre côté de la rue.
Sans surfaces étendues de couleur simple, sans foyer visible ni points de
repos l'équilibre de cette peinture semble un miracle. C'est au premier regard
un chaos, un orage, non seulement dans les lignes mais dans le mouchetage
compliqué des couleurs que van Gogh recherche et multiplie sur l'arbre le plus
proche, dont l'énorme tronc est tissé de méandres de couleurs contrastées et
marbrées. Et même lorsqu'on a discerné une harmonie grave dans la gradation
serrée des couleurs locales propres aux objets - des tons chauds de la
chaussée, de la rue des maisons avec les volets verts, et du vert feuillage, aux
tons plus gris et plus rompus du reste- on est invinciblement ramené à la
violence et à la véhémence de l'ensemble. l'opposition des jaunes ardents du
lointain avec les tons froids et neutralisés des arbres et du premier plan donne
à la toile entière une saveur originale ".
https://www.youtube.com/watch?v=2r40saZCRXI
Mon cher Théo et Jo
Dans l'autre lettre j'ai d'abord oublié de te donner l'adresse d'ici, qui est provisoirement place de la Mairie chez Ravoux, puis lorsque je t'ai écrit je n'avais encore rien fait. A présent j'ai une étude de vieux toits de chaume avec sur l'avant-plan un champ de pois en fleurs et du blé, fond de colline, une étude que je crois tu aimeras.
Et je m'aperçois déjà que cela m'a fait du bien d'aller dans le Midi pour mieux voir le Nord . C'est comme je le supposais, je vois des violets davantage où ils sont. Auvers est décidément fort beau. Tellement que je crois que ce sera plus avantageux de travailler que de ne pas travailler, malgré toutes les mauvaises chances qui sont à prévoir dans les tableaux....
Escalier à Auvers
Juin 1890 Huile sur toile 51 x 71 cm
" Par sa large symétrie, ses répétitions, ses arabesques rythmées,
sa structure ondoyante et enrubannée, c'est là un des tableaux de van Gogh
les plus proches de l'ornementation et du goût décoratif populaire 1900, appelé
art nouveau. Il annonce aussi cet art par son absence de relief, sa matière
réduite et sa légéreté générale de couleur. Par rapport aux autres toiles de van
Gogh, celle-ci a une qualité nuancée en raison de l'apport de blanc et de tons
dilués de jaune, de vert et de bleu. Constituée de convergences et de
rencontres multiples, axée autour d'un foyer central au pied des escaliers, cette
scène n'a pas de dominante réelle : l'effet d'ensemble est commandé par le
mouvement trépidant de diagonales instables imposé à des objets de caractère
dissemblable. La répétition de ce thème incessant est si spontanée cependant
et contient tant de variations intéressantes que la peinture perd bientôt cet
aspect ornemental et devient une oeuvre de passion intense et de vision
concentrée. On découvre dans les maisons des lignes droites en contraste,
horizontales et verticales stabilisantes, les toits rouges importants et de
nombreuses touches comme les chapeaux jaunes, l'encadrement jaune de la
porte et les fenêtres sombres ( qui rappellent les jupes des femmes) - opposées
délibérément à l'instabilité générale, mais non complétement toutefois dans
leur propre mouchetage. Les formes onduleuses ont aussi leur caractère
individuel. Entre la maison et les escaliers, elles définissent une longue forme
sinueuse, triangulaire, qui s'apparente au cyprès et à la route dans une oeuvre
antérieure d'une qualité extatique, visionnaire (revoir "la route aux cyprès).
Ici, comme en certaines peintures plus anciennes, van Gogh pratique cet
échange de tons entre des parties très éloignées de l'espace (et entre des
objets voisins sur des plans différents ) qui est de ses plus puissants moyens
d'unification. Les mêmes tons blancs avec des notes de bleu et de vert
apparaissent dans la maison éloignée, les robes des deux fillettes au premier
plan, sur la route et le mur qu'elles réunissent. Dans toute cette agitation de
lignes et de taches il y a aussi une note de gaieté allègre et de ravisement".
https://www.youtube.com/watch?v=F3wjscNoMwQ
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