jeudi 7 mai 2020

Van Gogh : les iris

 8 ou 9 mai 1889


  Mon cher Théo 

Merci à ta lettre. Tu as  bien raison de dire que M. Salles a été parfait dans tout ceci, j'ai de grandes obligations envers lui. Je voulais te dire que je crois avoir bien fait d'aller ici, d'abord en voyant la réalité de la vie des fous ou toqués divers dans cette ménagerie, je perds la crainte vague, la peur de la chose. Et peu à peu puis arriver à considérer la folie en tant qu'étant une maladie comme une autre. Puis le changement d'entourage, à ce que j'imagine me fait du bien.
Pour autant que je sache, le médecin d'ici est enclin à considérer ce que j'ai eu comme une attaque de nature épileptique. mais j'ai demandé après.
Aurais-tu reçu la caisse de tableaux,  je suis curieux de savoir s'ils ont encore souffert oui ou non ?
J'en ai deux autres en train - des fleurs d'iris violets et un buisson de lilas, deux motifs pris dans le jardin.
L'idée du devoir de travailler me revient beaucoup et je crois que toutes mes facultés pour le travail me reviendront bien vite.
Seulement le travail m'absorbe souvent tellement que je crois que je resterai toujours abstrait et gauche pour me débrouiller pour le reste de la vie aussi .
Je ne t'écrirai pas une longue lettre - je chercherai à répondre à la lettre de ma nouvelle soeur, qui m'a bien touché, mais je ne sais si j'arriverai à le faire. Poignée de main et tout à toi.

                                                                              Vincent 

                                      Les Iris

                                        Mai 1889, Saint Rémy - Huile sur toile,  71 X 93 cm 

    " A l'asile de Saint-Rémy, entre ses crises, van Gogh s'est donné à son art

 avec une volonté désespérée, sachant que c'était là son seul salut. Il appelait 

la peinture "le paratonnerre de ma maladie ". Et constatant qu'il pouvait 

toujours peindre, il était certain de ne pas être vraiment fou.

Les "Iris" sont peut-être le premier motif qu'il peignit à l'asile. la toile est 

antérieure à sa crise initiale en ce lieu, et, tout d'abord, ne révèle aucune trace 

évidente de cette tristesse et de cette forte tension qui apparaissent dans 

plusieurs de ses oeuvres postérieures. Il peint ces fleurs avec joie et admiration.

La profusion d'éléments dans ce tableau extrêmement touffu est dominée et 

ordonnée pour l'oeil, mais sans perdre sa liberté, par la division de la toile en 

larges zones de couleurs assez distinctes et presque symétriques : le vert froid

 des feuilles au milieu, le bleu des iris tâchés de jaune, d'orange et de blanc.

 Chacune des zones a son dessin, sa facture propres, et toutes sont lumineuses.

 Dans la gamme claire des couleurs il est intéressant de remarquer que la note 

la plus forte, le bleu des iris, est aussi la plus foncée et possède encore l'échelle

 la plus riche de la lumière vert bleu doux estompé de feuilles ; leurs contrastes

 complémentaires avec le rouge et le jaune passent au second plan et 

n'affectent que les marges du tableau. Tout ceci contribue à tempérer la 

luxuriance de ce bouquet naturel et à créer une harmonie plus intime,

 assourdie, sans rien ôter à la richesse allègre de la couleur.

 Le dessin des iris est tout à fait original. A l'inverse des tableaux de fleurs 

impressionnistes, où les plantes sont des taches de couleur sans forme, celles-

ci sont très soigneusement étudiées dans leur tracé et individualisées, avec la

 même sincérité et la même précision qu'apportait van Gogh dans ses portraits 

; il découvre une vatiété infinie de silhouettes recourbées, une nouvelle source

 de mouvement dans ce qui aurait pu facilement devenir la répétition

 ornementale et statique d'un même motif. ces lignes ondoyantes,

 flamboyantes, en volutes, en sspirales ou brisées et hérissées annoncent les

 oeuvres postérieures de Saint-Rémy."

https://www.metmuseum.org/metmedia/video/collections/ep/van-gogh-irises-and-roses



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