8 ou 9 mai 1889
Mon cher Théo
Merci à ta lettre. Tu as bien raison de dire que M. Salles a été parfait dans tout ceci, j'ai de grandes obligations envers lui. Je voulais te dire que je crois avoir bien fait d'aller ici, d'abord en voyant la réalité de la vie des fous ou toqués divers dans cette ménagerie, je perds la crainte vague, la peur de la chose. Et peu à peu puis arriver à considérer la folie en tant qu'étant une maladie comme une autre. Puis le changement d'entourage, à ce que j'imagine me fait du bien.
Pour autant que je sache, le médecin d'ici est enclin à considérer ce que j'ai eu comme une attaque de nature épileptique. mais j'ai demandé après.
Aurais-tu reçu la caisse de tableaux, je suis curieux de savoir s'ils ont encore souffert oui ou non ?
J'en ai deux autres en train - des fleurs d'iris violets et un buisson de lilas, deux motifs pris dans le jardin.
L'idée du devoir de travailler me revient beaucoup et je crois que toutes mes facultés pour le travail me reviendront bien vite.
Seulement le travail m'absorbe souvent tellement que je crois que je resterai toujours abstrait et gauche pour me débrouiller pour le reste de la vie aussi .
Je ne t'écrirai pas une longue lettre - je chercherai à répondre à la lettre de ma nouvelle soeur, qui m'a bien touché, mais je ne sais si j'arriverai à le faire. Poignée de main et tout à toi.
Vincent
Les Iris
Mai 1889, Saint Rémy - Huile sur toile, 71 X 93 cm
" A l'asile de Saint-Rémy, entre ses crises, van Gogh s'est donné à son art
avec une volonté désespérée, sachant que c'était là son seul salut. Il appelait
la peinture "le paratonnerre de ma maladie ". Et constatant qu'il pouvait
toujours peindre, il était certain de ne pas être vraiment fou.
Les "Iris" sont peut-être le premier motif qu'il peignit à l'asile. la toile est
antérieure à sa crise initiale en ce lieu, et, tout d'abord, ne révèle aucune trace
évidente de cette tristesse et de cette forte tension qui apparaissent dans
plusieurs de ses oeuvres postérieures. Il peint ces fleurs avec joie et admiration.
La profusion d'éléments dans ce tableau extrêmement touffu est dominée et
ordonnée pour l'oeil, mais sans perdre sa liberté, par la division de la toile en
larges zones de couleurs assez distinctes et presque symétriques : le vert froid
des feuilles au milieu, le bleu des iris tâchés de jaune, d'orange et de blanc.
Chacune des zones a son dessin, sa facture propres, et toutes sont lumineuses.
Dans la gamme claire des couleurs il est intéressant de remarquer que la note
la plus forte, le bleu des iris, est aussi la plus foncée et possède encore l'échelle
la plus riche de la lumière vert bleu doux estompé de feuilles ; leurs contrastes
complémentaires avec le rouge et le jaune passent au second plan et
n'affectent que les marges du tableau. Tout ceci contribue à tempérer la
luxuriance de ce bouquet naturel et à créer une harmonie plus intime,
assourdie, sans rien ôter à la richesse allègre de la couleur.
Le dessin des iris est tout à fait original. A l'inverse des tableaux de fleurs
impressionnistes, où les plantes sont des taches de couleur sans forme, celles-
ci sont très soigneusement étudiées dans leur tracé et individualisées, avec la
même sincérité et la même précision qu'apportait van Gogh dans ses portraits
; il découvre une vatiété infinie de silhouettes recourbées, une nouvelle source
de mouvement dans ce qui aurait pu facilement devenir la répétition
ornementale et statique d'un même motif. ces lignes ondoyantes,
flamboyantes, en volutes, en sspirales ou brisées et hérissées annoncent les
oeuvres postérieures de Saint-Rémy."
https://www.metmuseum.org/metmedia/video/collections/ep/van-gogh-irises-and-roses
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire