Champ de blé ; Eté 1887, Paris- Toile, 54x64 cm
" Beau paysage, impressionniste par sa coloration de plein air et la trame des
coups de pinceau, mais par-dessus tout par la qualité tendre, poétique de cette
journée de l'été à son début, traité avec une légéreté qui appartient au vent
plus qu'à l'atmosphère. Les nuages et les souples épis sont chassés dans la
même direction que l'oiseau en vol. La simplicité de la division en trois bandes -
ciel, blé et premier plan - serait exceptionnelle chez un impressionniste, plus
enclin à des vues asymétriques et inattendues. Non moins apparente et en
accord avec l'amour de van Gogh pour la réalité des choses est sa conception
de la touche comme équivalent de la structure des objets représentés ; d'où la
différence marquée entre le mouchetage du ciel et les coups de pinceau qui
rendent le blé, les coquelicots et le chaume, chacun avec sa forme et sa
direction propres et aussi sa couleur locale. L'exécution est rapide et lyrique,
complétement pénétrée des qualités de la scène - une oeuvre qui respire.
Les variations au sein des vastes et simples surfaces de la toile sont
particulièrement belles ; dans le ciel par de seuls jeux de valeurs, par diverses
nuances de bleu, plus claires et plus sombres ; dans le blé par des passages
de tons froids à des couleurs chaudes, du vert jaune au bleu vert, avec les
taches plus légéres de rouge, de bleu et de blanc des fleurs des champs ; au
premier plan, une teinte dominante plus chaude, de jaune vif, qui contraste avec
le bleu du ciel, renferme des touches de lavande."
Montmartre, Hiver 1886 Paris - Toile 44 x33 cm
" Cette peinture, une des premières exécutées par van Gogh à Paris, montre
sa rapide assimilation de l'art français. Elle n'est pas encore pleinement
impressionniste, mais elle va qu-delà de l'Impressionnisme et indique déjà le
vingtième siècle par le travail de la brosse et par la recherche d'une atmosphère
légère qui, pour un spectateur doué d'un franc penchant émotionnel, relève non
seulement de la vision mais d'un sentiment de la substance du paysage. La
grisaille, qui s'empare d'éléments aussi différents que le ciel, la terre et la cité
lointaine - vague océan qui monte à l'horizon - touche également la couleur des
palissades et des réverbères ; et, dans ces matières variées, elle se distingue
par un nuancement des tons froids et chauds dont le raffinement égale celui de
Manet, Parisien-né. Comme chez ce dernier, des touches parsemées de
couleurs, ici jaunes et bleues, en même temps que quelques accents de noir
ponctuent le gris. Mais il faut aussi noter surtout la qualité des verts
-indescriptiblement imprégnés par le gris - et aussi celle des rouges pourprés
des arbres à peine suggérés, encore sans vie. La peinture des lampadaires est
un morceau habile de gradation de tons gris. Une luminosité observée avec une
précision, presque brumeuse, baigne l'ensemble. La touche, s'adaptant avec
souplesse à la substance et à la direction des objets, est une autre source
d'animation. A l'intérieur de cette harmonie délicate de tons gris clairs,
vaporeux et légers comme un voile, on est surpris de découvrir dans le dessin
une armature précise dans laquelle la réalité des choses et la réalité moins
évidente de la perspective de l'observateur constituent une structure finement
rythmique de verticales et de diagonales. Les irrégularités des balustrades et
des poteaux, les inclinaisons et les subtiles ondulations qui s'étendent jusqu'à
la surface de l'avant-plan sont hautement réalistes mais en même temps
enregistrent les déformations d'un oeil chargé d'émotion".
Les deux toiles suivantes datent de St Rémy 1889 et 1890 un peu sur le même principe, mais la dernière, qu'en pensez vous?, il y a quelque chose dans la pespective qui me dérange ; Chapiro la définit comme déconcertante !! ,
Paysage avec champs labourés
Fin 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 71 x 90 cm
"Paysage comportant deux centres ; le point de perspective de
l'observateur, indiqué par les sillons violets qui convergent rapidement vers un
point derrière les arbres sombres à gauche de l'horizon et accompagnés de
coups de pinceaux torrentiels de couleurs contrastées, dans le champ ; le
second centre est le grand soleil sur la droite, avec ses anneaux concentriques
de traits jaunes et orangés, qui s'élancent par-delà l'horizon et le bord de la toile
et complémentaires des tons violets de l'autre partie et des bleus des
montagnes au-dessous.
Cette rivalité de deux centres nous fait sentir quelque rapport avec le conflit
humain, une tension entre le moi et ses buts. Elle a aussi une valeur picturale
comme mode dynamique d'expression et de dessin.
Les deux systèmes opposés, le convergent et le concentrique, sont brisés et
variés et s'interpénètrent par des détails de couleur et de ligne qui intensifient
aussi la réalité vivante de la scène.
Un sentier irrégulier traverse en diagonale le champ, coupant les principaux
sillons et devançant, dans le premier plan de l'observateur, les rythmes des
ombres et des collines lointaines.
Ces longues formes onduleuses s'affrontent à leur tour avec des lignes droites
du mur d'enceinte.
Malgré toutes ces oppositions vigoureuses, la couleur reste d'une subtilité
enchanteresse. Comme source et modèle, van Gogh a accepté la magie colorée
du soleil levant ; il a tenté d'en capter les variations et le pouvoir de suggestion
poétique dans les pigments de sa palette. Dans le champ vert et jaune, au
premier plan, il introduit de longues raies violettes pour les sillons et entre elles
des touches plus petites de violet, de bleu et de pourpre. Au loin, des verts
sombres et des rouges pourpre jouent sur des violets et des bleus. Et dans le
ciel, au sein de la luminosité dominante, le jaune cède la place, sur les côtés, à
des tons plus froids. Partout la couleur garde une texture entrelaçée , c'est une
interaction perpétuelle de menus contrastes et, à côté de l'énergie des points
scintillants, elle possède le dynamisme des grands courants de particules
colorées qui se meuvent dans une seule direction, en variant d'un objet à
l'autre, d'une région à l'autre de l'espace.
Le Champ clôturé
Mai-Juin, 1890 Saint-Rémy 72 x 92 cm
"Peinture déconcertante pour beaucoup, à cause de sa forme instable et de
la division abrupte du paysage en régions proche et lointaine. Ce choix risqué,
exeptionnel, se justifiera de lui-même à mesure que nous approfondirons
l'oeuvre. Il relève de van Gogh non seulement par la façon dont la nature se
pénètre de sentiments et de forces vivement contrastées, mais aussi par
l'énergie de l'exécution elle-même, le rythme affirmé des taches de couleurs,
les mouvements multipliés à travers l'espace. Un désiquilibre hardi, parmi
lequel nous observons des marques voulues de stabilisation : la tache vert
sombre ancrée en bas à droite, les horizontales du champ rouge en haut à
gauche, les plans successifs de montagnes et de maisons, et, par-dessus tout,
l'attraction de ce soleil décentré, d'une étrange couleur.
Le champ clôturé - l'univers de l'artiste lui-même, un monde de végétation
luxuriante et de chaude lumière, moucheté de coquelicots, de fleurs bleues et
blanches ( mais aussi de touches graves de noir), une région de joie pure - est
fortement incliné, pénétré de forces chaotiques et coupé du monde qui
l'environne par un puissant courant de bleu lavande qui joint en diagonale les
angles opposés du tableau par deux lignes brisées, rendues chacune encore
plus instable par la coulée d'ombre épaisse qui serpente à son bord inférieur. Par
contraste, le lointain est de couleur froide, acide même par endroits, et le ciel
d'un jaune famélique s'élève au-dessus des montagnes froides ; le soleil du
même ton, cerné en jaune plus sombre, est blême à côté des jaunes lumineux
de l'enclos. Le sol pourpre de l'olivette toute proche est également froid. Les
taches rouges et jaune vif à l'arrière plan aident à rétablir l'équilibre - par leur
groupement elles apparaissent clairement comme des éléments horizontaux. La
perspective aussi est utilisée pour un effet d'opposition.
Une succession de taches plus sombres au milieu du clos - vagues traces de
sillons - forme une ligne courbe symétrique de la clôture de gauche et dirigée
sur l'arbre solitaire au sommet de la montagne, au-dessus des maisons rouges.
Le recentrement ainsi créé de la vision de fuite entre en compétition avec le
soleil à côté, et finalement subsiste ce combat du point de fuite et d'un objet
éloigné voisin qui est un caractère si fréquent de la vision de van Gogh."
( Pas simple !! )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire