mercredi 20 mai 2020
Van Gogh : Jardin public en Arles
Mon cher Théo (septembre 1888)
Je sais bien que je t'ai déjà écrit hier, mais la journée a été si belle. Mon grand chagrin est que tu ne puisses pas voir ce que je vois ici.
A partir de 7 heures du matin j'étais assis devant pourtant bien pas grand'chose, un buisson de cèdre ou de cyprès en boule, planté dans l'herbe. Tu le connais déjà ce buisson en boule, puisque tu as déjà une étude du jardin. D'ailleurs ci-inclus un croquis de ma toile, toujours un 30 carré.
Le buisson est vert, un peu bronzé et varié.
L'herbe est très, très verte, du Véronèse citronné, le ciel est très, très bleu.
La rangée de buissons dans le fond sont tous des lauriers- roses, fous furieux, les sacrées plantes fleurissent d'une façon que certes elles pourraient attraper une ataxie locomotrice. Elles sont chargées de fleurs fraîches et puis de tas de fleurs fanées, leur verdure également se renouvelle par de vigoureux jets nouveaux inépuisables en apparence.
Un funèbre cyprès tout noir se dresse là-dessus et quelques figurines colorées se baladent sur un sentier rose. Cela fait pendant à une toile de 30 du même endroit, seulement d'un tout autre point de vue, où tout le jardin est coloré de verts très différents sous un ciel jaune citron pâle.
Mais n'est-ce pas vrai, que ce jardin a un drôle de style, qui fait qu'on peut fort bien se représenter les poètes de la Renaissance : le Dante, Pétrarque, Boccace, se baladant dans ces buissons sur l'herbe fleurie. Il est maintenant vrai que j'ai retranché des arbres mais ce que j'ai gardé dans la composition se trouve réellement tel quel. Seulement on l'a surchargé de certains buissons pas dans le caractère.
D'ailleurs pour trouver ce caractère plus vrai et plus fondamental, voilà la troisième fois que je peins le même endroit.
Or voilà pourtant le jardin qui est tout juste devant ma maison. Mais ce coin de jardin est un bon exemple de ce que je te disais, que pour trouver le caractère réel des choses d'ici, il faut les regarder et les peindre très longtemps. Car peut-être verras-tu rien que par le croquis que la ligne est simple maintenant.
Ce tableau-ci est encore fort empâté comme son pendant à ciel jaune. Demain j'espère travailler encore avec Millet. Aujourd'hui encore à partir de 7 heures du matin jusqu'à 6 heure du soir j'ai travaillé sans bouger que pour manger un morceau à deux pas de distance.
Voilà pourquoi le travail va vite.
Mais qu'en diras-tu, qu'est-ce qui m'en semblera à moi-même dans quelque temps d'ici?
J'ai une lucidité ou un aveuglement d'amoureux pour le travail actuellement. Puisque cet entourage de couleur est pour moi tout nouveau et m'exhalte extraordinairement.
De fatigue pas question, je ferais encore un tableu cette nuit même et je l'amènerais...
https://www.fondation-vincentvangogh-arles.org/documentation/vincent-van-gogh/van-gogh-et-le-paysage-urbain-de-la-ville-darles/
Jardin Public en Arles
Octobre 1888 Arles - Huile sur toile 73x 92 cm
" Cette étude fait partie d'une série sur le jardin public, ce lieu cher à
l'humeur flâneuse des impressionnistes. le vrai thème est ici le somptueux pin
bleu que van Gogh admirait ; il devient idyllique par la présence de deux
amoureux en bleu qui surgissent dans son ombre, la main dans la main, et
s'attardent dans la zone de l'arbre vénérable et prolifique qui les abrite et les
protège.
La toile est frappante par sa division diagonale ; une moitié toute richement
colorée de végétation, l'autre occupée principalement par l'allée sablée.
Compartimentage audacieux, instable, étrange à l'oeil, mais justifié par la
passion de van Gogh pour les perspectives aiguës ; appliqué ici à un espace
étroit, intime même, il est stabilisé et doucement raccordé par la projection
normale du sol et de l'arrière plan par les lumières et les ombres du chemin et
par l'étalement du gigantesque pin en travers de la toile entière ; celui-ci
prend appui sur l'ombre horizontale intense qui se continue, dans une tonalité
plus grise, en travers du chemin plus clair. Les deux silhouettes sur cette ombre,
seules verticales de la toile, contribuent à fixer la place de l'arbre à mi-distance,
cependant que son profil dur la gauche prolonge la diagonale de l'allée -
continuité voulue d'une ligne en profondeur avec une ligne en surface, pratiquée
dans l'art de la Renaissance et reprise dans la peinture moderne.
L'harmonie des couleurs est particulièrement heureuse. dans la teinte bleuâtre
de base, van Gogh a travaillé la richesse de verts et de bleus et leurs tons
rompus de blanc, avec quelques touches dispersées de couleur chaude,
agissant en contrastes mineurs. ce monde bleu et vert renferme lui-même une
gamme étendue du clair au sombre, du froid au chaud, de l'intense au neutre.
Dans les tons de sable de l'allée intervient un ordre nouveau d'oppositions :
entre la douceur de la partie plus chaude et lointaine, en lumière, et les
ombres du premier plan, brossées avec véhémence, dont les valeurs plus
grises se relient aux tons saturés de la végétation. Par dessus tout, le tableau
doit sa vitalité à la ferveur de la touche qui, dans l'arbre luxuriant, est une
merveille de caractérisation graphique par le jeu de lignes colorées vivement
tracées. dans leur diagonales et leurs convergences, elles reprennent les
diagonales plus grandes du tableau et la poussée d'éléments angulaires peu
marqués dans le voisinage - les lumières sur le chemin, l'angle du tournant, les
jambes de l'homme."
https://www.routevangogheurope.eu/fr/visite/detailevenement/1671/kroeller-mueller-museum-otterlo
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