vendredi 22 janvier 2021

William Turner : technique

 Toujours à la recherche de nouveaux procédés, de recettes ou de "trucs " 

expérimentés par des maîtres, Turner  assisté de Sebastian Grandi, peint sur des

 fonds très absorbants qu'il ponçait lui-même. Très absorbants au point "d'avaler"

 quatre couches successives et les couleurs devaient recevoir trois ou quatre 

couches de vernis mastic pour espérer se fixer. Il utilise peu de pigments, du blanc

  de l'ocre, du jaune, de la terre de Sienne et terre de Sienne brûlée, du rouge

 vénitien, du vermillon et de la terre d'ombre, du bleu de Prusse et du bleu noir et 

seulement de l'huile de lin.

 Où l'on retrouve John Walter qui considère que cette méthode a réussi aux

 premières toiles mais devient plus aléatoires pour les suivantes. Les critiques

 surviennent lorsque Farington se lie à True Briton pour constater que

" Turner recherche la singularité et le sublime mais il n'a pas la force de mener à

 bien ce qu'il entreprend. Ses tableaux ont de nombreuses qualités mais il leur

 manque la technique et l'exactitude académique d"un Poussin quand il s'attaque

 au style épique. De plus dans ses scènes de bâteaux il n'a pas le goût de

 l'habileté, du trait précis, qui sont les qualités par excellence des maîtres

 hollandais et flamands" ..... Sévère !

 N'empêche !! Turner obtient le titre d'académicien à part entière à 27 ans le 12

 février 1802 à la Royal Academy.

 Turner, hormis pour le dessin d'architecture,  n'avait pas fréquenté un

 atelier  de maître et ce sont ses observations sur des toiles  comme celles de 

Poussin ou des Lorrain, qu'il forge  sa matière. Edward  Dayes dans sa biographie 

en date de 1803 écrit :

" Turner peut être considéré comme un exemple de ce que peut apporter le

travail assidu s'il s'accompagne de modération sans le soutien d'un maïtre. Il 

acquit sa force professionnelle en empruntant là où cela lui était possible, un

 dessin, une peinture pour les copier."

 La mer exerça toujours sur lui  une  grande attraction mais c'est en vue des

 montagnes alpines qu'il s'embarque le 15 juillet1802.


 Le Naufrage 1805 Tate gallery 170,5 X 241,5m

 


                           Lever de soleil dans la brume 1807 National Gallery


 https://www.tate.org.uk/art/artists/olafur-eliasson-5239/olafur-eliasson-on-jmw-turner

 

 

 

 

 





jeudi 21 janvier 2021

Turner : ses mécènes

  Turner reçoit en 1793 un prix de la Society of Arts et en 1794 un de ses dessins 

est gravé, il n'en faut pas plus pour attirer sur lui l'attention  de Sir Richard Colt

 Hoare qui deviendra son premier protecteur. Redonner vie à des édifices glorieux

 s'intéresser à leur passé pretigieux est  à la fin du XVIII ème siècle dans l'air du

 temps. Turner sait qu'il obtiendra le succés dans cette expression de l'art où il fait

 preuve d'une grande maîtrise, d'une autorité et d'une densité qui se rapprochent

 de la peinture à l'huile. En effet les effets de lumière, la construction elle-même

 de son dessin avec un premier plan pourraient être inspirés par les gravures de

 Piranèse qui circulaient en ces années-là en Angleterre.. Il n'omettra pas non

plus d'y disposer les personnages du quotidien qui permettent de donner l'échelle 

du monument.


Mais il fait mieux encore,  mettant en pratique les  propos de Shaftesbury 

"la beauté et le bien sont une seule et même chose" C'est l'esprit seul qui forme"

tout ce qui est vide d'esprit est horrible; la matière informe est la laideur même"

Il va donc superposer Esprit et méthode.



Lord Viscount Malden, cinquième vicomte d'Essex et Edward Lascelles, premier

 comte de Harewood réclament des aquarelles de lieux précis ou des panoramas 

donc des vues topographiques mais qui ont aussi une touche de pittoreque.

Monuments du passé mais aussi des  évèments comme "Le Panthéon, le

 lendemain de l'incendie"  dessiné et aquarellé deux fois sous des aspects 

différents

Tout est matière pour le grand public à voir plus encore que ce qui est représenté 

un arbre perdu dans l'immensité évoquait la solitude humaine, les monuments du 

passé racontaient l'histoire. Il faudra attendre Constable pour  voir la peinture se

 lire pour elle-même.



 Il est à considérer que dessins et aquarelles sont les prémices de sa peinture où 

la lumière envahira ses toiles en lui donnant prospérité et renommée

 

        La Dixième plaie d'Egypte. 1802, 142 X 263 cm Tate Gallery Londres



mercredi 20 janvier 2021

Joseph William Mallord ; Turner

 


  Autoportrait vers 1798. Tate Gallery Londres

L'on n'oublie jamais Turner, quatre ans et demi pendant lesquels  je n'ai jamais 

oublié ses toiles admirées à Londres (archives  4 septembre 2016) mais 

aujourd'hui, je souhaite lui consacrer un peu plus de temps.

Nous n'allons pas plonger de suite dans "Impression soleil levant"... 

Son enfance ne fut pas drôle et il est fort probable que pour échapper aux colères

 destructives  de sa mère (dont il porte  le nom suivi de celui de son père) il ait

pris l'habitude de se faire oublier,  taciturne, effacé ? alors que d'autres de ses 

contemporains le décrivent  joyeux, aimable, cultivé. Clara Wheeler dit de lui 

"Personne n'aurait pu imaginer la ferveur des sentiments qu'il cachait derrière

une apparence rude et froide"  Poète, c'est dans la peinture qu'il exprimera sa

 poésie.

 C'est dans l'observation de la nature  que ses premiers dessins s'expriment, 

fleurs, oiseaux favorisés par la proximité de Covent garden ; son premier carnet

 de croquis date de 1789, C'est alors qu'il intègre la Royal Academic Schools, avec

  pour professeur Thomas Malton, spécialiste en sujets d'architecture, étude qu'il 

confortera dans l'atelier  de l'architecte Harwick.

 La Maison du Chapitre Salisbury  (crayon et aquarelle Victoria et Albert Museum)

 C'était une branche des Beaux-Arts très prisée du public qui pouvait  garantir 

une rentabilité.

 La Tour Tom, Christ Church, Oxford  (British Museum)


 En 1791-1792 il découvre 

la campagne anglaise en

 s'installant chez un ami de 

son père John Narraway, 

pelletier et fabricant de

 colle. 

 Voilà l'occasion  de 

découvrir de merveilleux 

paysages, de les brosser 

d'un coup de crayon et 

d'en rapporter des

 impressions mises à profit

 dans son atelier. Les

 relations qu'il entretint 

avec Thomas Girtin,

 aquarelliste de renom au

 cours d'une collaboration

 voulue par le docteur

 Monro pour achever les dessins inachevés par John Robert Cozens, lui permirent

 de parachever la connaissance de l'aquarelle tout en permettant à ces jeunes 

artistes d'arrondir leurs fins de mois et cela pendant trois ans.

                                       Le pont d' Abergavenny, Monmouthshire
 Victoria and Albert Museum

Turner considère alors sa formation suffisante pour exposer à la Royal Academy 

gérée jusqu'en 1792 par Sir Joshua Reynolds et qui imposait les canons d'un art

 suivi dans  toute l'Europe.


                         Château de Kilgarren vers 1798 City Art Manchester


mardi 19 janvier 2021

Planches de fleurs et de fruits

  Je pense vous avoir dit l'essentiel autour du florilège de Nassau, encore quelques

 planches en vélin  dont la couleur tranche sur les blancs de gel ou de neige très

 présents cette année, et qui nous incitent à envisager  un  printemps et  un été, 

"libres" et lumineux.

 Joan Walter, fecit, 1655
 

Différentes fleurs de rosiers (Rosa alba Linné); Rosa damasceana Miller : Rosa

 centifolia Linné). Au centre la rose capucine, qui fut longtemps très recherchée

. La rose existait à l'état indigène en Europe (ce n'est qu'une amélioration de la 

fleur de l'églantier) mais la plupart des espèces cultivées proviennent du Proche-

Orient et ont été introduites à partir de l'époque des croisades.


 

Cette planche fut peinte en

 1662 .15 maÿ

Deux orchis encadrent une

 giroflée jaune; cette

 giroflée est une variété à 

fleur double du 

Cheiranthus cheiri Linné 

ou ravenelle, indigène en 

Europe (surtout dans les 

secteurs méridionaux). La

 fleur de gauche semble

 être un orchis pourpré 

(orchis purpurea Hudson

 indigène en Allemagne et

 en France, quoique peu

 commun. (protégés)

La giroflée est de plus belle

 venue : on peut penser que 

Johann Walter était mieux habitué aux giroflées qi'aux orchidées, plus rares et de

 formes plus difficiles à peindre. Les orchidées d'origine exotique ne seront

 introduites dans nos contrées par les floriculteurs qu'au XVIII ème siècle.


 J W F 1655

 La fleur peinte ici est une 

pivoine des jardins (Paeonia

 officinalis Retz),

 représentée à fleur

 simple 

et à fleur double.

 Introduite

 en 1548, la pivoine est 

originaire d'Europe 

méridionale. D'autres

 espèces exotiques,

 cultivées aujourd'hui

 ont été introduites 

ultérieurement.





 J W F 1654

 La fleur la plus haute est un lis blanc (Lilium candidum) Linné, fleur introduite

 depuis le Moyen-Orient à l'époque des croisades. A gauche un glaïeul (Galdiolus) 

fleur d'origine méditerranéenne. Parmi les plantes les plus basses, on remarque 

une petite fleur blanche qui est probablement une matricaire à fleur double, à 

cette réserve près que le peintre semble avoir emprunté le feuillage à une autre 

espèce. La fleur rose est une silène (Silena gallica Linné). A droite un souci 

(Calendula officinalis Linné), fleur d'origine européenne, ici en variété à fleur 

double.


 J W F 1661. M. Augusti

Des figues, fruits du Ficus carica Linné, que l'on cultivait déjà en Egypte 4000 ans

 avant notre ère. L'Ancien Testament décrit la Terre promise comme "un pays de

 froment et d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers". Au-dessous des prunes

 qui pourraient être des "perdrigones", une pêche, et des poires probablement à 

poiré  car de petite taille. En bas des pommes, une poire qui ressemble à l'Elzette 

à peau fine rouge des Cévennes, d'autres poires.

Plus bas encore, une petite poire et une noix ouverte. On remarque également une

  fleur d'Ipomoea.


                                                                               J W F 1664

 En haut, rameau fleuri et fruits, ainsi qu'un quartier de fruit montrant les graines,

 du grenadier ou Punica granatum Linné, arbre fruitier chargé de symboles depuis

 l'Antiquité dans l'Est méditerranéen. Au centre, une variété de prune fruits et

 rameau fleuillu du Prunus domestica Linné.

 En bas fruits du cédratier, le Citrus medica Linné, la "pomme de médic" de 

l'Antiquité méditerranéenne orientale. Le cédrat est l'étrog, l'un des signes 

végétaux associés au rite de la fête juive "des Tabernacles". 

Le papillon est un sphynx du troène. Le coléoptère cérambycide longicorne est

 peut-être de provenance exotique.



 


lundi 18 janvier 2021

Les trois Florilèges : une énigme

  Le premier ayant appartenu au comte de Nassau a disparu, le second a été 

monté et relié  pour Jean Stuart, troisième comte de Bute, ami personnel du roi 

George III dont il fut le conseiller et le ministre. La reliure a été exécutée entre 

1762, date à laquelle il fut fait chevalier de l'ordre de la Jarretière, et 1792 date de

 sa mort. Plus vraisemblablement, le terminus a quo peut être avancé jusqu'à 

1771, car, à cette date, sa première bibliothèque fut anéantie par le feu.

 Passsionné de botanique, Bute acheta en 1783 un vaste domaine à Luton Boo, 

dans le Bedforfshire. Il y fit construire une maison par les soins de l'architecte

 écossais Robert Adam, et aménager un jardin botanique. C'est dans ce cadre

 bucolique qu'il termina ses jours loin de la vie politique, occupé à ses doctes

 travaux sur la flore britannique.


 Johann Walter 1661

Le recueil conservé à la Bibliothèque nationale de Paris provient des collections du

 comte Dimitri Petrovitch Boutourlin (1763-1829). Celui-ci aide de camp de 

Potemkine puis passé aux affaires étrangères, fut nommé directeur du musée de 

l'Ermitage. Bibliophile passionné et grand amateur de fleurs, sa bibliothèque et son

 jardin botanique étaient célèbres à Moscou. Privé de sa bibliothèque par 

l'incendie de 1812 (c'était nous dit la préface du catalogue de sa seconde

 bibliothèque, une des plus belles collections de livres connues en Europe, le fruit 

de trente années de peines et de recherches, il est impossible de savoir comment

il s'était procuré cet album. En effet les bibliophiles utilisent fréquemment des

 "rabatteurs", des mandataires chargés de rechercher pour eux des pièces rares :

 on ne peut donc affirmer qu'il l'ait acheté en Italie. Le catalogue de 1831, dressé

 par Audin de Rians, ne fait pas mention des peintures : faisant la part belle aux

 manuscrits, aux éditions des Aldes, des Giunti, des Boldoni, il n'énumère aucun 

recueil d'estampes ou de dessins.

 description de cette planche, plus loin.

La vente de la bibliothèque du comte se fit en trois vacations C'est au cours de la

 dernière, qui eut lieu à Paris le jeudi 14 octobre 1841, que l'album du florilège fut

 vendu.Le catalogue le décrit (dans son supplément) sous le numéro 1709 : Vues 

des jardins et maisons de plaisance des prince de Nassau. Ouvrage d'une belle

 exécution. On y remarque le portrait du comte de Nassau, celui de son épouse et

 celui du peintre Jean Walter. Les autres pièces représentent des parterres, des 

fontaines, des grottes etc. Elles sont suivies de 31 dessins de fleurs, de fruits, de

 la main du même peintre ; puis de 13 autres, exécutées par divers artistes

 distingués, et, dont la premiére porte le nom de Marie-Isabelle Braeffin. Les

 autres contiennent des fleurs, des oiseaux et des coquilles.


description plus loin

A la vente Bourtoulin, l'album fut vraisemblablement acquis par Lemière 

marchand d'estampes. Quoiqu'il en soit, il tomba rapidement entre ses mains. Les

 archives du département nous fournissent l'indication suivante : le 17 novembre 

1841, Jean Duchesne Ainé, qui présidait aux destinées du Cabinet des Estampes,

 demandait l'autorisation d'acquérir pour la somme de 350 francs un "recueil de

 miniatures curieuses du temps de Louis XIV que proposait Lemière. L'autorisation

 ministérielle fut accordée le 6 décembre 1841. Le relevé des acquisitions note que

 l'achat fut enregistré en avril 1842 et que le volume in-folio contenait soixante-

huit peintures.Il est évidemment très regrettable de n'avoir pas conservé la reliure

 de maroquin rouge dans lequel l'ensembre des miniatures est parvenu à la

 bibliothèque nationale. Il s'agit là d'une perte irréparable pour l'histoire du

 florilège.



 L'hypothése a pu être avancée, et nous y souscrivons, que le recueil de Bute et

 celui de Bourtoulin ne faisaient initialement qu'un et qu'il s'agissait sans aucun

 doute du florillège du comte lui-même. Cette hypothése est invérifiable, mais 

vraisemblable, car dans les archives d'Ilstein, il est toujours question de deux

 florilèges et non de trois. D'autre part on sait que le florilège du comte se montait

 à  cent-quatre-vingt douze planches. Or, le florilège de Londres compte cent-

trente-sept feuilles en deux volumes, et celui de Paris cinquante-quatre, ce qui

 nous amène à un total de cent-quatre-vingt onze. On peut supposer que Bute (ou

 un possesseur antérieur actuellement inconnu) fit trier les planches, mettant de

 côté celles qui avaient un intérêt botanique éminent (parce que pourvues de

 légendes) de l'autre celles qui avaient un caractère artistique accompli, mais

 n'apportaient rien pour la connaissance de la botanique. On sait d'ailleurs que les

 doubles de la bibliothèque et de la collection d'estampes de Bude furent vendus

 après sa mort.

                                                                               à suivre




samedi 16 janvier 2021

Johann Walter : chroniqueur et ornithologue

 

 Johann Walter. Gustave-Adolphe, Roi de Suède à la Bataille de Breitenfelf (1632)

                                            conservé à Strasbourg au Musée Historique

 Walter n'est en effet pas connu comme peintre, mai aussi chroniqueur. Il a laissé 

une chronique relatant l'histoire de sa ville natale, des origines à son temps, dont 

la bibliothèque de Strasbourg possède deux manuscrits. Cette chronique nous

 montre un homme honnête, d'une innocence candide, qui "copiait" aveuglément

 les autres historiens, commençant son récit par le Déluge et attribuant la 

fondation de Strasbourg aux Assyriens, très précisément à Trébéta, beau-fils de la

 reine Sémiramis en l'an 2683, avec trois-cent cinquante ans d'antériorité par 

rpport à Rome!

C'est un peu la loi de ce genre de chronique : les temps les plus proches du

 narrateur sont seuls utiles et même précieux pour le XVII ème siècle.

Il apparaît comme un homme sincère, de bon sens, bien informé. Sa chronique est

 intéressante pour la guerre de Trente Ans mais pour la lente décadence de sa ville

 natale (1649-1676) et la montée du pouvor absolu de Louis XIV.  Son témoignage

 est précieux du point de vue économique,  politique et religieux. Mais ce brave

 bourgeois, protestant zélé, est aussi crédule (il croit aux 'Poltergeyst, esprits 

 frappeurs et autres phénomènes) que cancanier. Il rapporte avec les mêmes 

frissons les faits d'armes de son pays et les exécutions de femme convaincues

 d'adultère. Il fustige le dévergondage des moeurs, et relate avec une feinte 

épouvante dissimulant mal une certaine satisfaction, le châtiments des coureuses

 de foire.

 Sa vie ne dut pas être de tout repos, car on le voit parcourir  des contrées

 dangereuses : ainsi raconte-t-il revenir d'Ilstein alors que les armées impériales

 font diversion au roi de France aux environs de Francfort et comment il passe le 7

 octobre 1672 avec cinq compagnons en voyage au milieu de deux armées ;

 quelques jours plus tard on le voit assurer le tour de garde avec sa compagnie 

alors qu'il est presque septuagénaire. Sa haine des Français éclate partout, 

pourtant il truffe son texte d'expressions françaises.

Walter dont le style est si serein et si pur, qui est attaché à peindre les merveilles 

de la nature a donc vécu dans une période les plus terribles de l'histoire 

européenne. Pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648) l'Alsace servit de

 champ de bataille. Les armées impériales suédoises, françaises la parcoururent 

en tous sens. Massacres et famines décimèrent les populations, et ce fut une 

Alsace misérable que le traité de Westphalie céda finalement à la France.

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 C'est surtout pour ses peintures sur vélin que Walter est passé à la postérité. Son

 oeuvre la plus célèbre est" l'Ornithographia" que conserve aujourd'hui l'Albertina 

de Vienne. C'est un sublime recueil d'une centaine de dessins aquarellés d'oiseaux 

de toutes sortes dont beaucoup d'exotiques. Le margrave de Bade-Durlach lui 

envoya des spécimens rares, sachant qu'il les recherchait.

 Outre du Florilège c'est d'un autre volume que peut s'enorgueillir le

 Département des Estampes de la Bibliothèque nationale, un sublime recueil

 attribué de nos jours à Georges Hoefnagel, attribution flatteuse s'il en est mais

 erronée, bien qu'elle ait été toujours considérée comme intangible, en raison

 d'une mention manuscrite sur la page de titre. Ce volume relié par Derôme le

 Jeune, comporte quarante et une planches de la main de Walter. Le Cabinet des 

Estampes de Strasbourg possède de son côté vingt planches qui pourraient bien

 avoir initialement appartenu au même recueil. Au début du XVIII ème siècle,

 Claude Aubriet, peintre attaché au jardin du roi, possédait en effet une 

Ornithologie due au pinceau de Johann Walter.

 

 'Picus maximus niger, vulgo "Ein Trâbe Pfecht" 17 octobre 1646 

                                                                         grand pic noir. 

 Les légendes sont en latin et en allemand. La valeur scientifique est très grande, 

car Walter peignait avec une exactitude scrupuleuse. Il a en outre noté les 

passages d'oiseaux en Alsace. L'album comporte des indications biographiques.

 C'est ainsi que sur la légende d'un oiseau, il explique avoir vu l'animal à Chantilly 

: pour tel autre il précise que ce spécimen lui a été envoyé par le margrave de 

Bade-Durlach.


                                                               "Pica Marina" (Planche 19)



vendredi 15 janvier 2021

Johann Walter

 

                                        Autoportrait de 1667

Le peintre s'est représenté à lge de cinquante-sept ans,( il se rajeunissait, sur la 

légende de la planche, car il avait en réalité soixante-trois ans en 1667), assis  

dans un fauteiuil recouvert de cuir repoussé, en train de peindre la seconde épouse

 de Johan de Nassau, Anna von Leiningen, en robe de grand apparat ornée de 

broderies, de perles et de pierres précieuses. Un petit bouquet dans un vase de

 bronze du XVI ème sur le bahut ainsi que la reproduction - minuscule- de la

 statue colossale dite Flore Farnèse (aujourd'hui au musée de Naples)rappelle que

 le peintre lui aussi est un collectionneur. Walter ne peignit ce portrait qu'après

des admonestations réitérées de son bienfaiteur. Il se fit aider pour la circonstance

par Barthélémy Hopfer, portraitiste originaire d'Augsbourgg, actif à cette époque à

 Strasbourg

  Walter est né le 23 janvier 1604 à Strasbourg, dans une ville déjà célèbre depuis

le XIV ème siècle pour son activité artistique ; l'arrivée de réfugiés français tels

 que les Aubry, Etienne Delaune, de flamands et wallons comme Théodore de Bry

ou Daniel Soreau ou les graveurs Van der Heyden ajoutent encore à ce prestige.

 Les princes alentour favorisaient  une vie artistique variée où les peintres

 venaient en résidence, si je puis dire.

 Les cabinets de curiosité regorgeaient  d'estampes,  de médailles, de jetons, de 

pierres gravées, de minéraux, d'instruments.

 Cet environnement a sans doute favorisé sa vocation qu'il débute selon toute 

probabilité  chez le miniaturiste et graveur Frédéric Brentel (1580-1651).

 Ce dernier est célèbre pour un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale :

un livre d'heures destiné à l'usage de Rome. On trouve dans les heures de 

Guillaume de Bade illustrant le calendrier dont le sujet et le style s'apparentent 

fort aux allégories des saisons du florilège de Walter. Mais pour l'instant ce sont

  justement des extraits de ce manuscrit de Brentel que je veux vous proposer.

 Nous verrons par la suite que Walter ne s'est pas contenté de planches de fleurs.

 mais a su aussi s'intéresser aux oiseaux.

             Frédéric Brentel. Livre d'heures à l'usage de Rome 

               .BN. Manuscrits      (Fol. D V°)                                Mars la chasse 

                             Août : La moisson et la chasse au faucon



                                      Septembre.  La chasse aux cerfs