Plongée plus avant dans l'étude de Schapiro ;
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
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