8 ou 9 mai 1889
Mon cher Théo
Merci à ta lettre. Tu as bien raison de dire que M. Salles a été parfait dans tout ceci, j'ai de grandes obligations envers lui. Je voulais te dire que je crois avoir bien fait d'aller ici, d'abord en voyant la réalité de la vie des fous ou toqués divers dans cette ménagerie, je perds la crainte vague, la peur de la chose. Et peu à peu puis arriver à considérer la folie en tant qu'étant une maladie comme une autre. Puis le changement d'entourage, à ce que j'imagine me fait du bien.
Pour autant que je sache, le médecin d'ici est enclin à considérer ce que j'ai eu comme une attaque de nature épileptique. mais j'ai demandé après.
Aurais-tu reçu la caisse de tableaux, je suis curieux de savoir s'ils ont encore souffert oui ou non ?
J'en ai deux autres en train - des fleurs d'iris violets et un buisson de lilas, deux motifs pris dans le jardin.
L'idée du devoir de travailler me revient beaucoup et je crois que toutes mes facultés pour le travail me reviendront bien vite.
Seulement le travail m'absorbe souvent tellement que je crois que je resterai toujours abstrait et gauche pour me débrouiller pour le reste de la vie aussi .
Je ne t'écrirai pas une longue lettre - je chercherai à répondre à la lettre de ma nouvelle soeur, qui m'a bien touché, mais je ne sais si j'arriverai à le faire. Poignée de main et tout à toi.
Vincent
Les Iris
Mai 1889, Saint Rémy - Huile sur toile, 71 X 93 cm
" A l'asile de Saint-Rémy, entre ses crises, van Gogh s'est donné à son art
avec une volonté désespérée, sachant que c'était là son seul salut. Il appelait
la peinture "le paratonnerre de ma maladie ". Et constatant qu'il pouvait
toujours peindre, il était certain de ne pas être vraiment fou.
Les "Iris" sont peut-être le premier motif qu'il peignit à l'asile. la toile est
antérieure à sa crise initiale en ce lieu, et, tout d'abord, ne révèle aucune trace
évidente de cette tristesse et de cette forte tension qui apparaissent dans
plusieurs de ses oeuvres postérieures. Il peint ces fleurs avec joie et admiration.
La profusion d'éléments dans ce tableau extrêmement touffu est dominée et
ordonnée pour l'oeil, mais sans perdre sa liberté, par la division de la toile en
larges zones de couleurs assez distinctes et presque symétriques : le vert froid
des feuilles au milieu, le bleu des iris tâchés de jaune, d'orange et de blanc.
Chacune des zones a son dessin, sa facture propres, et toutes sont lumineuses.
Dans la gamme claire des couleurs il est intéressant de remarquer que la note
la plus forte, le bleu des iris, est aussi la plus foncée et possède encore l'échelle
la plus riche de la lumière vert bleu doux estompé de feuilles ; leurs contrastes
complémentaires avec le rouge et le jaune passent au second plan et
n'affectent que les marges du tableau. Tout ceci contribue à tempérer la
luxuriance de ce bouquet naturel et à créer une harmonie plus intime,
assourdie, sans rien ôter à la richesse allègre de la couleur.
Le dessin des iris est tout à fait original. A l'inverse des tableaux de fleurs
impressionnistes, où les plantes sont des taches de couleur sans forme, celles-
ci sont très soigneusement étudiées dans leur tracé et individualisées, avec la
même sincérité et la même précision qu'apportait van Gogh dans ses portraits
; il découvre une vatiété infinie de silhouettes recourbées, une nouvelle source
de mouvement dans ce qui aurait pu facilement devenir la répétition
ornementale et statique d'un même motif. ces lignes ondoyantes,
flamboyantes, en volutes, en sspirales ou brisées et hérissées annoncent les
oeuvres postérieures de Saint-Rémy."
https://www.metmuseum.org/metmedia/video/collections/ep/van-gogh-irises-and-roses
jeudi 7 mai 2020
mercredi 6 mai 2020
Van Gogh : fleurs
Hormis ses fameux tournesols, les iris ont attiré l'attention de van Gogh, de
même que les lauriers roses dont il peint ce joli bouquet en Arles au mois
d'août 1888.
"En plaçant un exemplaire de la "Joie de vivre", de Zola, à côté de la cruche
de lauriers épanouis, van Gogh exprime le sens de son amour pour les fleurs.
Elles se dressent et s'étendent dans la largeur de la toile comme les arbres en
fleurs de ses paysages de printemps. Lourdes, généreuses, fécondes, ces fleurs
odorantes sont peintes avec une touche virile, en coups de pinceaux
enveloppants et en épaisses taches parallèles, en contraste des plus aigus avec
les feuilles vertes pointues et enchevêtrées, cernées de noir - messagères
d'une autre vitalité. En opposition et en complément à cette étendue de rouges
et de verts jouent les accords jaunes et violets des livres, de l'ombre de la table
et de la cruche ; entre ces couples de complémentaires, le fond vert jaune sert
de médium, note puissante en harmonie avec les deux groupes. Cette
distribution de la couleur n'est pourtant pas un système décoratif ; dans la riche
variation, le mélande intime et la progression des tons, elle conserve la
vibration et la liberté des paysages de van Gogh. Les tons roses des fleurs sont
proches de la couleur de la table, et leurs blancs, de la tranche du livre. l'anse
pourpre forme une triade avec les fleurs et l'ombre lilas. la bande jaune au col
de la cruche réapparaît en rayures ondulantes dans le bouquet. Le vert des
feuilles se retrouve dans le ton plus froid, rompu de blanc à la base du vase, et
dans les touches brusques à droite de la table, mais parmi les feuilles elles-
mêmes. Les accents les plus appuyés de rouge dans les fleurs sont appliqués
de nouveau avec une grande hardiesse le long de bord de la table - décision
purement artistique, nullement motivée par la nature. Une autre hardiesse,
l'ombre lilas, se justifie par sa place entre le livre jaune, le vase turquoise et
bleu violet et le jaune vert du fond. Pour un oeil moderne le dessin des deux
livres est saisissant ; vus dans une perspective singulière, ils forment une
succession de bandes oblongues et triangulaires, chacune avec son grain
particulier, que l'on trouve à nouveau dans la dernière période cubiste. le
traitement de la table, à côté des feuilles dessinées avec soin, est d'une audace
magnifique, joyeux par sa liberté et par la variété des couleurs et des touches.
Comme beaucoup de natures mortes de van Googh, celle-ci posséde une haute
luminosité qui va de pair avec une fermeté et une réalité étonnantes des
objets."
Je préfère laisser à ces lauriers toute leur prépondérance et revenir sur
l'article précédent avec un "Champ de blé aux cyprès".
On passera aux iris demain.
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/436530
même que les lauriers roses dont il peint ce joli bouquet en Arles au mois
d'août 1888.
"En plaçant un exemplaire de la "Joie de vivre", de Zola, à côté de la cruche
de lauriers épanouis, van Gogh exprime le sens de son amour pour les fleurs.
Elles se dressent et s'étendent dans la largeur de la toile comme les arbres en
fleurs de ses paysages de printemps. Lourdes, généreuses, fécondes, ces fleurs
odorantes sont peintes avec une touche virile, en coups de pinceaux
enveloppants et en épaisses taches parallèles, en contraste des plus aigus avec
les feuilles vertes pointues et enchevêtrées, cernées de noir - messagères
d'une autre vitalité. En opposition et en complément à cette étendue de rouges
et de verts jouent les accords jaunes et violets des livres, de l'ombre de la table
et de la cruche ; entre ces couples de complémentaires, le fond vert jaune sert
de médium, note puissante en harmonie avec les deux groupes. Cette
distribution de la couleur n'est pourtant pas un système décoratif ; dans la riche
variation, le mélande intime et la progression des tons, elle conserve la
vibration et la liberté des paysages de van Gogh. Les tons roses des fleurs sont
proches de la couleur de la table, et leurs blancs, de la tranche du livre. l'anse
pourpre forme une triade avec les fleurs et l'ombre lilas. la bande jaune au col
de la cruche réapparaît en rayures ondulantes dans le bouquet. Le vert des
feuilles se retrouve dans le ton plus froid, rompu de blanc à la base du vase, et
dans les touches brusques à droite de la table, mais parmi les feuilles elles-
mêmes. Les accents les plus appuyés de rouge dans les fleurs sont appliqués
de nouveau avec une grande hardiesse le long de bord de la table - décision
purement artistique, nullement motivée par la nature. Une autre hardiesse,
l'ombre lilas, se justifie par sa place entre le livre jaune, le vase turquoise et
bleu violet et le jaune vert du fond. Pour un oeil moderne le dessin des deux
livres est saisissant ; vus dans une perspective singulière, ils forment une
succession de bandes oblongues et triangulaires, chacune avec son grain
particulier, que l'on trouve à nouveau dans la dernière période cubiste. le
traitement de la table, à côté des feuilles dessinées avec soin, est d'une audace
magnifique, joyeux par sa liberté et par la variété des couleurs et des touches.
Comme beaucoup de natures mortes de van Googh, celle-ci posséde une haute
luminosité qui va de pair avec une fermeté et une réalité étonnantes des
objets."
Je préfère laisser à ces lauriers toute leur prépondérance et revenir sur
l'article précédent avec un "Champ de blé aux cyprès".
On passera aux iris demain.
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/436530
mardi 5 mai 2020
Van Gogh : verger d'oliviers, Cyprès
Lettre à Emile Bernard : ( octobre 1889 )
Les oliviers d'ici, mon bon, ça ferait votre affaire. Je n'ai pas eu de
chance cette année pour les réussir, mais j'y reviendrai, à ce que je me
propose ; c'est de l'argent sur terrain orangeâtre ou violacé, sous le
grand soleil blanc. J'en ai, ma foi, vu de certains peintres et de moi-
même qui ne rendaient pas du tout la chose. C'est comme du Corot
d'abord, ce gris argent, et surtout cela n'a pas encore été fait, tandis
que plusieurs artistes ont réussi les pommiers - par exemple- et les
saules...
Verger d'Oliviers
septembre- octobre 1889 : Saint Rémy. Huile sur toile 72 X 92 cm
" A l'asile de Saint Rémy, van Gogh reçoit de son ami Emile Bernard une
lettre décrivant un récent tableau du Christ au jardin des Oliviers. Il répond
qu'il aimerait mieux peindre les oliviers juste devant sa fenêtre que ceux,
imaginaires du jardin de l'Agonie. Il pensait que la réalité était la seule source
de force, bien que son tourment le ramenât souvent aux idées religieuses de sa
jeunesse.
Sa peinture du verger d'oliviers est fervente, entraînée par une vague d'intense
émotion qui traverse la toile entière, communiquant la même ondulation
irrégulière à la terre, aux arbres et au ciel. Pour terminer son oeuvre, le
peintre signe son nom qui épouse un creux du sol.
Avec toute cette excitation des touches et les formes plus vastes qu'elles
tissent, le tableau s'estompe sous une couleur moelleuse - en partie à cause
de la gamme limitée de luminosité dans les trois grandes masses de bleu, de
vert et d'ocre qui le composent. Les contrastes sont réduits et adoucis ; il n'y a
pas de couleur pleinement saturée, au moins sur de grandes étendues ; une
note de réverie imprègne toute cette agitation. L'équilibre des tons froids et
chauds et la division de la toile en surfaces presque égales, étroitement jointes,
de différentes teintes, ont un effet apaisant.
Les colorations de la terre, du ciel, du feuillage, des troncs d'arbres - concert de
quatre instruments distincts - sont harmonisées par la reprise du bleu du ciel
sur les troncs et les branches, des verts et des gris des arbres dans les ombres
de la terre. Les lignes vigoureuses des branches se retrouvent dans la belle
arabesque des silhouettes plus douces sur le ciel "
Ces deux toiles sont à Otterlo. Pays Bas
https://www.youtube.com/watch?v=Xdke1s3UGdo
Lettre à Gauguin (juin 1890)
Mon cher ami Gauguin.
Merci de m'avoir de nouveau écrit mon cher ami et soyez assuré que
depuis mon retour j'ai pensé à vous tous les jours. Je ne suis resté à
Paris que trois jours et le bruit, etc., parisien me faisant une bien
mauvaise impression, j'ai jugé prudent pour ma tête de ficher le camp
pour la campagne, sans cela j'aurais bien vite couru chez vous.
Et cela me fait énormément plaisir que vous dites que le portrait de
l'Arlésienne, fondé rigoureusement sur votre dessin, vous a plu.
J'ai cherché à être fidèle à votre dessin, respectueusement et pourtant
prenant la liberté d'interprêter par le moyen d'une couleur dans le
caractère sobre et le style du dessin en question.
C'est une synthèse d'Arlésienne si vous voulez ; comme les synthèses
d'Arlésiennes sont rares, prenez cela comme une oeuvre de vous et de
moi, comme résumé de nos mois de travail ensemble. Pour le faire j'ai
payé moi pour ma part encore d'un mois de maladie, mais aussi je sais
que c'est une toile, qui sera comprise par vous, moi, et de rares autres,
comme nous voudrions qu'on comprenne. Ici mon ami le Dr Gachet y
est après deux, trois hésitations venu tout à fait et dit ; "Comme c'est
difficile d'être simple". Bon, je vais encore souligner la chose en la
gravant à l'eau-forte, cette chose là, puis basta. L'aura qui voudra.
Avez-vous vu aussi les oliviers? Maintenant j'ai un portrait du Dr Gachet
à expression navrée de notre temps. Si vous voulez, quelque chose
comme vous disiez de votre Christ au jardin des Oliviers, pas destinée à
être comprise, mais enfin là jusque-là je vous suis et mon frère saisit
bien cette nuance.
J'ai encore de là-bas un cyprès avec une étoile, un dernier essai - un
ciel de nuit avec une lune sans éclat, à peine le croissant mince
émergeant de l'ombre projetée opaque de la terre- une étoile à éclat
exagéré, si vous voulez, éclat doux de rose et vert dans le ciel outremer
où courent des nuages. En bas une route bordée de hautes cannes
jaunes, derrière lesquelles les basses Alpines bleues, une vieille
auberge à fenêtres illuminés orangées et un très haut cyprès, tout
droit, tout sombre.
Sur la route une voiture jaune attelée d'un cheval blanc et deux
promeneurs attardés. très romantique, si vous voulez, mais aussi je
crois de la Provence.
Probablement je graverai à l'eau-forte celle-là et d'autres paysages et
motifs, souvenirs de Provence, alors je me ferai une fête de vous en
donner un, tout un résumé un peu voulu et étudié.
Mon frère dit que Lauzet, qui fait des lithographies d'après Monticelli a
trouvé bien la tête d'Arlésienne en question.
La route aux cyprès. mai 1890 92 X 73 cm
"La force de l'exaltation extatique de van Gogh confère à un paysage
réel un caractère extra-terrestre. L'emplacement central du cyprès dominateur,
entre le soleil et la lune et leurs vastes halos, laisse deviner la communion
fervente de l'artiste avec ce qu'il voyait. Le cyprès, qu'il avait admiré pour sa
force géométrique de lignes et comparé à un obélisque, apparaît comme une
forme tendue, hérissée, une forêt verticale composée de deux arbres si mêlés
que l'oeil ne peut les séparer, un clocher tourmenté et vivant, qui s'élève avec
de brusques ondulations, déborde le tableau, dépasse le soleil et la lune.
La terre est marquée d'ondes pareillement agitées dans le champ jaune et la
route qui coule en cascade. L'écho affaibli s'en retrouve dans les taches vertes
et au loin dans les arbres frissonnants. Contraste étrange avec cette agitation
grandiose ; les deux hommes sur la route, la charrette jaune et son cheval, au
fond, la maison éclairée ; éléments poétiques d'un réalisme simple, touchant et
plaisant, ils occupent également leur place précise dans le mouvement de
l'ensemble visionnaire. Si puissante est l'opposition du cyprès vertical, au
centre, et des diagonales instables du sol que le tableau balance entre ces
ces deux attractions contrariées. l'artiste s'efforce du lui donner l'unité : la lune,
le soleil et l'étoile du soir reposent sur une forte diagonale un peu courbe,
comme la lisière du chemin d'en bas, un grand nuage conduit de l'étoile à la
terre. L'exécution passionnée, la cadence des touches, commune à toute la toile,
aident à fondre les parties antagonistes. Dans un monde où des objets aux
formes pointues se croisent et s'affrontent avec véhémence, nous sommes
saisis par la continuité des différents tracés de la brosse - concentriques dans
le ciel, parallèles, onduleux et convergents sur la terre, enflammés dans les
arbres. Le ciel par sa couleur froide, dégradée progressivement du bleu profond
au blanc, s'apparente à la route plus lumineuse. Dans une autre gamme, les
cyprès verts sombre sont rattachés à la fois au champ jaune et au ciel ; les
tons jaunes et orangés du soleil et de la lune, les jaunes de la voiture, le rouge
des troncs nains des cyprès relient, par des mariages de couleurs sur des axes
inclinés et croisés, leurs zones largement séparées.
Sur tout le tableau, quelle maîtrise dans la précision des petites taches de
couleur, dont la beauté culmine quand elles nuancent et animent la teinte
indescriptible de la route !"
Les dessins de van Gogh sont aussi séduisants et puissants que ses toiles :
le dessin d'abord,
Champ de blé et Cyprès 1889
Roseau et mine de plomb 47 x 62 cm
et la toile d'octobre 1889 : 72,5 x 91,5 cm
" Quoique d'une agitation sans mesure, avec peu de lignes droites, ce
paysage est un des plus classiques de conception dans toute l'oeuvre de van
Gogh. Il est construit par longes bandes qui traversent l'espace entier. Les
grands cyprès sombres sur un côté contrastent puissamment aves les
horizontales prédominantes dont ils imitent la forme. Les oppositions de tons
froids et chauds, les proportions des diverses parties, la hauteur relative du
ciel et de la terre sur les deux côtés, les intervalles horizontaux que l'on peut
mesurer sur la silhouette de la montagne lointaine, deus fois coupée par des
arbres, tout cela est parfaitement lisible et bien équiliberé.
Dans ce paysage, la perception de la nature et l'intensité des
sentiments du peintre sont également prononcées. Le champ de blé éclatant,
les oliviers d'un gris subtil, dans lesquels toutes les couleurs du tableau
semblent résumées, les cyprès chevelus ondoyants et les montagnes
turbulentes ont été merveilleusement observées, et la lumière qui remplit cet
espace nous parait d'une vivante réalité. La clarté qui émane du ciel froid et de
la terre chaude est réalisée autant par les couleurs locales que par le jeu des
lumières et des ombres - van Gogh est libre de ces dernières et n'aspire guère
à être conséquent sur ce point.
C'est surtout dans le ciel que son émotion orageuse engendre d'étranges
formes, qui nous transportent au delà de la nature. Ces formes tourmentées,
monstueuses, tordues et enroulées, par endroits amoncelées et peu claires,
évoquent des images de combats surnaturels. Les bleus doux, les lilas, les
blancs et les verts de ce ciel sont répétées en masses moindres dans le
paysage terrestre au-dessous, et les cieux fantastiques sont finalement
absorbés dans l'univers familier et naturel. Ce dernier aussi est traversé
d'énergies sauvages réclamant une libération ; elles déforment les objets moins
qu'elles ne les intensifient. Ici le pinceau, impulsif et extatique, merveilleux
dans sa fluidité, est fidèle à la structure des choses.
La dualité du ciel et de la terre demeure - le premier, léger, doux, avec des
rondeurs, plein de fantaisie et de suggestions animales ; la terre, plus ferme,
plus dure, plus haute en couleur, avec des contrastes plus forts, des zones plus
distinctes et peut-être de nature masculine. On peut encore interpréter cette
dualité comme celle du réel et de ce qui est confusément désiré ou imaginé.
Les cyprès les joignent l'un à l'autre dans la seule verticale du tableau, comme
dans la nuit étoilée, dont cette oeuvre est en quelque sorte une réplique
diurne."
https://www.youtube.com/watch?v=sJwi1GvuCHo
Les oliviers d'ici, mon bon, ça ferait votre affaire. Je n'ai pas eu de
chance cette année pour les réussir, mais j'y reviendrai, à ce que je me
propose ; c'est de l'argent sur terrain orangeâtre ou violacé, sous le
grand soleil blanc. J'en ai, ma foi, vu de certains peintres et de moi-
même qui ne rendaient pas du tout la chose. C'est comme du Corot
d'abord, ce gris argent, et surtout cela n'a pas encore été fait, tandis
que plusieurs artistes ont réussi les pommiers - par exemple- et les
saules...
Verger d'Oliviers
septembre- octobre 1889 : Saint Rémy. Huile sur toile 72 X 92 cm
" A l'asile de Saint Rémy, van Gogh reçoit de son ami Emile Bernard une
lettre décrivant un récent tableau du Christ au jardin des Oliviers. Il répond
qu'il aimerait mieux peindre les oliviers juste devant sa fenêtre que ceux,
imaginaires du jardin de l'Agonie. Il pensait que la réalité était la seule source
de force, bien que son tourment le ramenât souvent aux idées religieuses de sa
jeunesse.
Sa peinture du verger d'oliviers est fervente, entraînée par une vague d'intense
émotion qui traverse la toile entière, communiquant la même ondulation
irrégulière à la terre, aux arbres et au ciel. Pour terminer son oeuvre, le
peintre signe son nom qui épouse un creux du sol.
Avec toute cette excitation des touches et les formes plus vastes qu'elles
tissent, le tableau s'estompe sous une couleur moelleuse - en partie à cause
de la gamme limitée de luminosité dans les trois grandes masses de bleu, de
vert et d'ocre qui le composent. Les contrastes sont réduits et adoucis ; il n'y a
pas de couleur pleinement saturée, au moins sur de grandes étendues ; une
note de réverie imprègne toute cette agitation. L'équilibre des tons froids et
chauds et la division de la toile en surfaces presque égales, étroitement jointes,
de différentes teintes, ont un effet apaisant.
Les colorations de la terre, du ciel, du feuillage, des troncs d'arbres - concert de
quatre instruments distincts - sont harmonisées par la reprise du bleu du ciel
sur les troncs et les branches, des verts et des gris des arbres dans les ombres
de la terre. Les lignes vigoureuses des branches se retrouvent dans la belle
arabesque des silhouettes plus douces sur le ciel "
Ces deux toiles sont à Otterlo. Pays Bas
https://www.youtube.com/watch?v=Xdke1s3UGdo
Lettre à Gauguin (juin 1890)
Mon cher ami Gauguin.
Merci de m'avoir de nouveau écrit mon cher ami et soyez assuré que
depuis mon retour j'ai pensé à vous tous les jours. Je ne suis resté à
Paris que trois jours et le bruit, etc., parisien me faisant une bien
mauvaise impression, j'ai jugé prudent pour ma tête de ficher le camp
pour la campagne, sans cela j'aurais bien vite couru chez vous.
Et cela me fait énormément plaisir que vous dites que le portrait de
l'Arlésienne, fondé rigoureusement sur votre dessin, vous a plu.
J'ai cherché à être fidèle à votre dessin, respectueusement et pourtant
prenant la liberté d'interprêter par le moyen d'une couleur dans le
caractère sobre et le style du dessin en question.
C'est une synthèse d'Arlésienne si vous voulez ; comme les synthèses
d'Arlésiennes sont rares, prenez cela comme une oeuvre de vous et de
moi, comme résumé de nos mois de travail ensemble. Pour le faire j'ai
payé moi pour ma part encore d'un mois de maladie, mais aussi je sais
que c'est une toile, qui sera comprise par vous, moi, et de rares autres,
comme nous voudrions qu'on comprenne. Ici mon ami le Dr Gachet y
est après deux, trois hésitations venu tout à fait et dit ; "Comme c'est
difficile d'être simple". Bon, je vais encore souligner la chose en la
gravant à l'eau-forte, cette chose là, puis basta. L'aura qui voudra.
Avez-vous vu aussi les oliviers? Maintenant j'ai un portrait du Dr Gachet
à expression navrée de notre temps. Si vous voulez, quelque chose
comme vous disiez de votre Christ au jardin des Oliviers, pas destinée à
être comprise, mais enfin là jusque-là je vous suis et mon frère saisit
bien cette nuance.
J'ai encore de là-bas un cyprès avec une étoile, un dernier essai - un
ciel de nuit avec une lune sans éclat, à peine le croissant mince
émergeant de l'ombre projetée opaque de la terre- une étoile à éclat
exagéré, si vous voulez, éclat doux de rose et vert dans le ciel outremer
où courent des nuages. En bas une route bordée de hautes cannes
jaunes, derrière lesquelles les basses Alpines bleues, une vieille
auberge à fenêtres illuminés orangées et un très haut cyprès, tout
droit, tout sombre.
Sur la route une voiture jaune attelée d'un cheval blanc et deux
promeneurs attardés. très romantique, si vous voulez, mais aussi je
crois de la Provence.
Probablement je graverai à l'eau-forte celle-là et d'autres paysages et
motifs, souvenirs de Provence, alors je me ferai une fête de vous en
donner un, tout un résumé un peu voulu et étudié.
Mon frère dit que Lauzet, qui fait des lithographies d'après Monticelli a
trouvé bien la tête d'Arlésienne en question.
La route aux cyprès. mai 1890 92 X 73 cm
"La force de l'exaltation extatique de van Gogh confère à un paysage
réel un caractère extra-terrestre. L'emplacement central du cyprès dominateur,
entre le soleil et la lune et leurs vastes halos, laisse deviner la communion
fervente de l'artiste avec ce qu'il voyait. Le cyprès, qu'il avait admiré pour sa
force géométrique de lignes et comparé à un obélisque, apparaît comme une
forme tendue, hérissée, une forêt verticale composée de deux arbres si mêlés
que l'oeil ne peut les séparer, un clocher tourmenté et vivant, qui s'élève avec
de brusques ondulations, déborde le tableau, dépasse le soleil et la lune.
La terre est marquée d'ondes pareillement agitées dans le champ jaune et la
route qui coule en cascade. L'écho affaibli s'en retrouve dans les taches vertes
et au loin dans les arbres frissonnants. Contraste étrange avec cette agitation
grandiose ; les deux hommes sur la route, la charrette jaune et son cheval, au
fond, la maison éclairée ; éléments poétiques d'un réalisme simple, touchant et
plaisant, ils occupent également leur place précise dans le mouvement de
l'ensemble visionnaire. Si puissante est l'opposition du cyprès vertical, au
centre, et des diagonales instables du sol que le tableau balance entre ces
ces deux attractions contrariées. l'artiste s'efforce du lui donner l'unité : la lune,
le soleil et l'étoile du soir reposent sur une forte diagonale un peu courbe,
comme la lisière du chemin d'en bas, un grand nuage conduit de l'étoile à la
terre. L'exécution passionnée, la cadence des touches, commune à toute la toile,
aident à fondre les parties antagonistes. Dans un monde où des objets aux
formes pointues se croisent et s'affrontent avec véhémence, nous sommes
saisis par la continuité des différents tracés de la brosse - concentriques dans
le ciel, parallèles, onduleux et convergents sur la terre, enflammés dans les
arbres. Le ciel par sa couleur froide, dégradée progressivement du bleu profond
au blanc, s'apparente à la route plus lumineuse. Dans une autre gamme, les
cyprès verts sombre sont rattachés à la fois au champ jaune et au ciel ; les
tons jaunes et orangés du soleil et de la lune, les jaunes de la voiture, le rouge
des troncs nains des cyprès relient, par des mariages de couleurs sur des axes
inclinés et croisés, leurs zones largement séparées.
Sur tout le tableau, quelle maîtrise dans la précision des petites taches de
couleur, dont la beauté culmine quand elles nuancent et animent la teinte
indescriptible de la route !"
Les dessins de van Gogh sont aussi séduisants et puissants que ses toiles :
le dessin d'abord,
Champ de blé et Cyprès 1889
Roseau et mine de plomb 47 x 62 cm
et la toile d'octobre 1889 : 72,5 x 91,5 cm
" Quoique d'une agitation sans mesure, avec peu de lignes droites, ce
paysage est un des plus classiques de conception dans toute l'oeuvre de van
Gogh. Il est construit par longes bandes qui traversent l'espace entier. Les
grands cyprès sombres sur un côté contrastent puissamment aves les
horizontales prédominantes dont ils imitent la forme. Les oppositions de tons
froids et chauds, les proportions des diverses parties, la hauteur relative du
ciel et de la terre sur les deux côtés, les intervalles horizontaux que l'on peut
mesurer sur la silhouette de la montagne lointaine, deus fois coupée par des
arbres, tout cela est parfaitement lisible et bien équiliberé.
Dans ce paysage, la perception de la nature et l'intensité des
sentiments du peintre sont également prononcées. Le champ de blé éclatant,
les oliviers d'un gris subtil, dans lesquels toutes les couleurs du tableau
semblent résumées, les cyprès chevelus ondoyants et les montagnes
turbulentes ont été merveilleusement observées, et la lumière qui remplit cet
espace nous parait d'une vivante réalité. La clarté qui émane du ciel froid et de
la terre chaude est réalisée autant par les couleurs locales que par le jeu des
lumières et des ombres - van Gogh est libre de ces dernières et n'aspire guère
à être conséquent sur ce point.
C'est surtout dans le ciel que son émotion orageuse engendre d'étranges
formes, qui nous transportent au delà de la nature. Ces formes tourmentées,
monstueuses, tordues et enroulées, par endroits amoncelées et peu claires,
évoquent des images de combats surnaturels. Les bleus doux, les lilas, les
blancs et les verts de ce ciel sont répétées en masses moindres dans le
paysage terrestre au-dessous, et les cieux fantastiques sont finalement
absorbés dans l'univers familier et naturel. Ce dernier aussi est traversé
d'énergies sauvages réclamant une libération ; elles déforment les objets moins
qu'elles ne les intensifient. Ici le pinceau, impulsif et extatique, merveilleux
dans sa fluidité, est fidèle à la structure des choses.
La dualité du ciel et de la terre demeure - le premier, léger, doux, avec des
rondeurs, plein de fantaisie et de suggestions animales ; la terre, plus ferme,
plus dure, plus haute en couleur, avec des contrastes plus forts, des zones plus
distinctes et peut-être de nature masculine. On peut encore interpréter cette
dualité comme celle du réel et de ce qui est confusément désiré ou imaginé.
Les cyprès les joignent l'un à l'autre dans la seule verticale du tableau, comme
dans la nuit étoilée, dont cette oeuvre est en quelque sorte une réplique
diurne."
https://www.youtube.com/watch?v=sJwi1GvuCHo
lundi 4 mai 2020
Van Gogh : paysages
Pensez-vous que nous allons pouvoir à nouveau parcourir librement les forêts
et les plages ? dans l'expectative, rêvons encore un peu avec ce sous-bois
dans ce format rectangulaire que j'aime tant.
Sous-Bois ; Juin 1890, Auvers Huile sur toile 50X 100 cm
" Cette paisible peinture des bois, avec un homme et une femme marchant
dans l'épais fourré, est une grande surprise au milieu des oeuvres extrêmement
tendues de la période finale. Elle est exceptionnelle non seulement par
l'harmonie calme des blancs, des jaunes, des verts mouchetés et des lilas, mais
aussi par la prédominance des lignes verticales. Celles-ci donnent une
impression non pas architecturale - faute d'horizontales accentuées qui les
équilibrent - mais lyrique, une communauté d'amicales présences silhouettées.
comme les figures en marche, sur la douceur accueillante du sol avec des
touches parsemées de fleurs jaunes et blanches. C'est comme si toutes les
formes enroulées s'étaient redressées les réseaux, entrecroisés, dénoués, pour
ne laisser qu'une simple succession de lignes verticales et un sol détendu.
Pas complètement dénoués, toutefois, car il y a toujours une trace de la
perspective dramatique de ses oeuvres les plus passionnées dans les trouées
divergentes à travers le bois, qui partent de l'arbre central au premier plan,
mais la poussée du chemin ouvert en diagonale sur la gauche n'est pas
contrebalancée ailleurs par des échappées semblables. Sur la droite, la forêt
sans fin s'affirme et s'étend dans toutes les directions, sans chemins ni accents
impulsifs"
https://www.youtube.com/watch?v=kmypSuL0A78
( Retour en arrière à Saint Rémy en Juin-Juillet 1889. Rien qu'à voir ce paysage avec des oliviers on sait déjà qu'il est signé Van Gogh, ce qui n'est pas le cas du sous-bois)
Lettre à Théo (19 septembre 1889)
" "Les Oliviers" avec un nuage blanc et fond de montagnes, ainsi que le " Lever de Lune" et l'effet de nuit ce sont des exagérations au point de vue de l'arrangement, les lignes en sont contournées comme celle des bois anciens. Les oliviers sont davantage dans le caractère, ainsi que dans l'autre étude et j'ai cherché à rendre l'heure où on voit voler dans la chaleur les cétoines vertes et les cigales"
" La passion de van Gogh emplit le paysage entier - sol, arbres, montagnes,
nuages - d'un mouvement tumultueux et palpitant. Il y a plus de puissance et
d'imagination que dans une autre forme de l'art expressionniste postérieur, qui
procède d'une vision de la nature pareillement chargée d'émotion. Il est aussi
plus attaché au réel, car dans l'élan commun qui semble émaner d'une force
sous-jacente, enveloppant tous les objets, ceux-ci gardent cependant leur
individualité, leur rythme propre. C'est le caractère affirmé de chaque zone
horizontale de cette oeuvre turbulente qui empêche la peinture de sombrer
dans la monotonie du chaos qui si souvent résulte de l'abandon d'un artiste à la
sensation pure. Le nuage visionnaire, avec des striures jaunes et bleues et un
contour ondoyant, vaguement organique - on peut y voir comme un fantôme de
mère et d'enfant - l'âpre et fantastique silhouette de la montagne, avec la
masse rocheuse perforée comme un château en ruine, ce sont là des formes
nouvelles d'une grande puissance. La couleur aussi montre une variation
ordonnée, saisissante dans sa fraîcheur : le nuage clair sur le ciel froid bleu
verdâtre ; au-dessous, les verts clairs plus chauds des oliviers sur le bleu
sombre des montagnes ; et, dans la moitié inférieure de la toile, la houle agitée
de la terre, avec des bandes enroulées d'ombre et de lumière, de jaune, de bleu
et de vert. caractéristiques du graphisme, non seulement la longueur
extraordinaire des lignes sinueuses (van Gogh les comparait à celle des anciens
bois gravés)
mais aussi la profondeur de leurs creux. A première vue écrasant dans son
déferlement incessant, le paysage offre à une méditation poursuivie une
variété surprenante de qualités ; le nuage qui flotte mollement, les rochers
aigus ; l'uniformité de la couleur caressante du ciel, les violents et changeants
contrastes de l'espace en dessous ; la tempête furieuse des coups de pinceaux
dans les arbres, l'ondulation claire et rythmique des montagnes ; la couleur
locale uniforme du ciel, des montagnes et des arbres, ainsi que le pommelage
impétueux de la terre. Et partout une enveloppante luminosité, depuis le
nuage lointain jusqu'à la terre sous les oliviers."
https://www.youtube.com/watch?v=tlDYGlHEskM
et les plages ? dans l'expectative, rêvons encore un peu avec ce sous-bois
dans ce format rectangulaire que j'aime tant.
Sous-Bois ; Juin 1890, Auvers Huile sur toile 50X 100 cm
" Cette paisible peinture des bois, avec un homme et une femme marchant
dans l'épais fourré, est une grande surprise au milieu des oeuvres extrêmement
tendues de la période finale. Elle est exceptionnelle non seulement par
l'harmonie calme des blancs, des jaunes, des verts mouchetés et des lilas, mais
aussi par la prédominance des lignes verticales. Celles-ci donnent une
impression non pas architecturale - faute d'horizontales accentuées qui les
équilibrent - mais lyrique, une communauté d'amicales présences silhouettées.
comme les figures en marche, sur la douceur accueillante du sol avec des
touches parsemées de fleurs jaunes et blanches. C'est comme si toutes les
formes enroulées s'étaient redressées les réseaux, entrecroisés, dénoués, pour
ne laisser qu'une simple succession de lignes verticales et un sol détendu.
Pas complètement dénoués, toutefois, car il y a toujours une trace de la
perspective dramatique de ses oeuvres les plus passionnées dans les trouées
divergentes à travers le bois, qui partent de l'arbre central au premier plan,
mais la poussée du chemin ouvert en diagonale sur la gauche n'est pas
contrebalancée ailleurs par des échappées semblables. Sur la droite, la forêt
sans fin s'affirme et s'étend dans toutes les directions, sans chemins ni accents
impulsifs"
https://www.youtube.com/watch?v=kmypSuL0A78
( Retour en arrière à Saint Rémy en Juin-Juillet 1889. Rien qu'à voir ce paysage avec des oliviers on sait déjà qu'il est signé Van Gogh, ce qui n'est pas le cas du sous-bois)
Lettre à Théo (19 septembre 1889)
" "Les Oliviers" avec un nuage blanc et fond de montagnes, ainsi que le " Lever de Lune" et l'effet de nuit ce sont des exagérations au point de vue de l'arrangement, les lignes en sont contournées comme celle des bois anciens. Les oliviers sont davantage dans le caractère, ainsi que dans l'autre étude et j'ai cherché à rendre l'heure où on voit voler dans la chaleur les cétoines vertes et les cigales"
" La passion de van Gogh emplit le paysage entier - sol, arbres, montagnes,
nuages - d'un mouvement tumultueux et palpitant. Il y a plus de puissance et
d'imagination que dans une autre forme de l'art expressionniste postérieur, qui
procède d'une vision de la nature pareillement chargée d'émotion. Il est aussi
plus attaché au réel, car dans l'élan commun qui semble émaner d'une force
sous-jacente, enveloppant tous les objets, ceux-ci gardent cependant leur
individualité, leur rythme propre. C'est le caractère affirmé de chaque zone
horizontale de cette oeuvre turbulente qui empêche la peinture de sombrer
dans la monotonie du chaos qui si souvent résulte de l'abandon d'un artiste à la
sensation pure. Le nuage visionnaire, avec des striures jaunes et bleues et un
contour ondoyant, vaguement organique - on peut y voir comme un fantôme de
mère et d'enfant - l'âpre et fantastique silhouette de la montagne, avec la
masse rocheuse perforée comme un château en ruine, ce sont là des formes
nouvelles d'une grande puissance. La couleur aussi montre une variation
ordonnée, saisissante dans sa fraîcheur : le nuage clair sur le ciel froid bleu
verdâtre ; au-dessous, les verts clairs plus chauds des oliviers sur le bleu
sombre des montagnes ; et, dans la moitié inférieure de la toile, la houle agitée
de la terre, avec des bandes enroulées d'ombre et de lumière, de jaune, de bleu
et de vert. caractéristiques du graphisme, non seulement la longueur
extraordinaire des lignes sinueuses (van Gogh les comparait à celle des anciens
bois gravés)
mais aussi la profondeur de leurs creux. A première vue écrasant dans son
déferlement incessant, le paysage offre à une méditation poursuivie une
variété surprenante de qualités ; le nuage qui flotte mollement, les rochers
aigus ; l'uniformité de la couleur caressante du ciel, les violents et changeants
contrastes de l'espace en dessous ; la tempête furieuse des coups de pinceaux
dans les arbres, l'ondulation claire et rythmique des montagnes ; la couleur
locale uniforme du ciel, des montagnes et des arbres, ainsi que le pommelage
impétueux de la terre. Et partout une enveloppante luminosité, depuis le
nuage lointain jusqu'à la terre sous les oliviers."
https://www.youtube.com/watch?v=tlDYGlHEskM
samedi 2 mai 2020
Van Gogh impressionniste
Champ de blé ; Eté 1887, Paris- Toile, 54x64 cm
" Beau paysage, impressionniste par sa coloration de plein air et la trame des
coups de pinceau, mais par-dessus tout par la qualité tendre, poétique de cette
journée de l'été à son début, traité avec une légéreté qui appartient au vent
plus qu'à l'atmosphère. Les nuages et les souples épis sont chassés dans la
même direction que l'oiseau en vol. La simplicité de la division en trois bandes -
ciel, blé et premier plan - serait exceptionnelle chez un impressionniste, plus
enclin à des vues asymétriques et inattendues. Non moins apparente et en
accord avec l'amour de van Gogh pour la réalité des choses est sa conception
de la touche comme équivalent de la structure des objets représentés ; d'où la
différence marquée entre le mouchetage du ciel et les coups de pinceau qui
rendent le blé, les coquelicots et le chaume, chacun avec sa forme et sa
direction propres et aussi sa couleur locale. L'exécution est rapide et lyrique,
complétement pénétrée des qualités de la scène - une oeuvre qui respire.
Les variations au sein des vastes et simples surfaces de la toile sont
particulièrement belles ; dans le ciel par de seuls jeux de valeurs, par diverses
nuances de bleu, plus claires et plus sombres ; dans le blé par des passages
de tons froids à des couleurs chaudes, du vert jaune au bleu vert, avec les
taches plus légéres de rouge, de bleu et de blanc des fleurs des champs ; au
premier plan, une teinte dominante plus chaude, de jaune vif, qui contraste avec
le bleu du ciel, renferme des touches de lavande."
Montmartre, Hiver 1886 Paris - Toile 44 x33 cm
" Cette peinture, une des premières exécutées par van Gogh à Paris, montre
sa rapide assimilation de l'art français. Elle n'est pas encore pleinement
impressionniste, mais elle va qu-delà de l'Impressionnisme et indique déjà le
vingtième siècle par le travail de la brosse et par la recherche d'une atmosphère
légère qui, pour un spectateur doué d'un franc penchant émotionnel, relève non
seulement de la vision mais d'un sentiment de la substance du paysage. La
grisaille, qui s'empare d'éléments aussi différents que le ciel, la terre et la cité
lointaine - vague océan qui monte à l'horizon - touche également la couleur des
palissades et des réverbères ; et, dans ces matières variées, elle se distingue
par un nuancement des tons froids et chauds dont le raffinement égale celui de
Manet, Parisien-né. Comme chez ce dernier, des touches parsemées de
couleurs, ici jaunes et bleues, en même temps que quelques accents de noir
ponctuent le gris. Mais il faut aussi noter surtout la qualité des verts
-indescriptiblement imprégnés par le gris - et aussi celle des rouges pourprés
des arbres à peine suggérés, encore sans vie. La peinture des lampadaires est
un morceau habile de gradation de tons gris. Une luminosité observée avec une
précision, presque brumeuse, baigne l'ensemble. La touche, s'adaptant avec
souplesse à la substance et à la direction des objets, est une autre source
d'animation. A l'intérieur de cette harmonie délicate de tons gris clairs,
vaporeux et légers comme un voile, on est surpris de découvrir dans le dessin
une armature précise dans laquelle la réalité des choses et la réalité moins
évidente de la perspective de l'observateur constituent une structure finement
rythmique de verticales et de diagonales. Les irrégularités des balustrades et
des poteaux, les inclinaisons et les subtiles ondulations qui s'étendent jusqu'à
la surface de l'avant-plan sont hautement réalistes mais en même temps
enregistrent les déformations d'un oeil chargé d'émotion".
Les deux toiles suivantes datent de St Rémy 1889 et 1890 un peu sur le même principe, mais la dernière, qu'en pensez vous?, il y a quelque chose dans la pespective qui me dérange ; Chapiro la définit comme déconcertante !! ,
Paysage avec champs labourés
Fin 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 71 x 90 cm
"Paysage comportant deux centres ; le point de perspective de
l'observateur, indiqué par les sillons violets qui convergent rapidement vers un
point derrière les arbres sombres à gauche de l'horizon et accompagnés de
coups de pinceaux torrentiels de couleurs contrastées, dans le champ ; le
second centre est le grand soleil sur la droite, avec ses anneaux concentriques
de traits jaunes et orangés, qui s'élancent par-delà l'horizon et le bord de la toile
et complémentaires des tons violets de l'autre partie et des bleus des
montagnes au-dessous.
Cette rivalité de deux centres nous fait sentir quelque rapport avec le conflit
humain, une tension entre le moi et ses buts. Elle a aussi une valeur picturale
comme mode dynamique d'expression et de dessin.
Les deux systèmes opposés, le convergent et le concentrique, sont brisés et
variés et s'interpénètrent par des détails de couleur et de ligne qui intensifient
aussi la réalité vivante de la scène.
Un sentier irrégulier traverse en diagonale le champ, coupant les principaux
sillons et devançant, dans le premier plan de l'observateur, les rythmes des
ombres et des collines lointaines.
Ces longues formes onduleuses s'affrontent à leur tour avec des lignes droites
du mur d'enceinte.
Malgré toutes ces oppositions vigoureuses, la couleur reste d'une subtilité
enchanteresse. Comme source et modèle, van Gogh a accepté la magie colorée
du soleil levant ; il a tenté d'en capter les variations et le pouvoir de suggestion
poétique dans les pigments de sa palette. Dans le champ vert et jaune, au
premier plan, il introduit de longues raies violettes pour les sillons et entre elles
des touches plus petites de violet, de bleu et de pourpre. Au loin, des verts
sombres et des rouges pourpre jouent sur des violets et des bleus. Et dans le
ciel, au sein de la luminosité dominante, le jaune cède la place, sur les côtés, à
des tons plus froids. Partout la couleur garde une texture entrelaçée , c'est une
interaction perpétuelle de menus contrastes et, à côté de l'énergie des points
scintillants, elle possède le dynamisme des grands courants de particules
colorées qui se meuvent dans une seule direction, en variant d'un objet à
l'autre, d'une région à l'autre de l'espace.
Le Champ clôturé
Mai-Juin, 1890 Saint-Rémy 72 x 92 cm
"Peinture déconcertante pour beaucoup, à cause de sa forme instable et de
la division abrupte du paysage en régions proche et lointaine. Ce choix risqué,
exeptionnel, se justifiera de lui-même à mesure que nous approfondirons
l'oeuvre. Il relève de van Gogh non seulement par la façon dont la nature se
pénètre de sentiments et de forces vivement contrastées, mais aussi par
l'énergie de l'exécution elle-même, le rythme affirmé des taches de couleurs,
les mouvements multipliés à travers l'espace. Un désiquilibre hardi, parmi
lequel nous observons des marques voulues de stabilisation : la tache vert
sombre ancrée en bas à droite, les horizontales du champ rouge en haut à
gauche, les plans successifs de montagnes et de maisons, et, par-dessus tout,
l'attraction de ce soleil décentré, d'une étrange couleur.
Le champ clôturé - l'univers de l'artiste lui-même, un monde de végétation
luxuriante et de chaude lumière, moucheté de coquelicots, de fleurs bleues et
blanches ( mais aussi de touches graves de noir), une région de joie pure - est
fortement incliné, pénétré de forces chaotiques et coupé du monde qui
l'environne par un puissant courant de bleu lavande qui joint en diagonale les
angles opposés du tableau par deux lignes brisées, rendues chacune encore
plus instable par la coulée d'ombre épaisse qui serpente à son bord inférieur. Par
contraste, le lointain est de couleur froide, acide même par endroits, et le ciel
d'un jaune famélique s'élève au-dessus des montagnes froides ; le soleil du
même ton, cerné en jaune plus sombre, est blême à côté des jaunes lumineux
de l'enclos. Le sol pourpre de l'olivette toute proche est également froid. Les
taches rouges et jaune vif à l'arrière plan aident à rétablir l'équilibre - par leur
groupement elles apparaissent clairement comme des éléments horizontaux. La
perspective aussi est utilisée pour un effet d'opposition.
Une succession de taches plus sombres au milieu du clos - vagues traces de
sillons - forme une ligne courbe symétrique de la clôture de gauche et dirigée
sur l'arbre solitaire au sommet de la montagne, au-dessus des maisons rouges.
Le recentrement ainsi créé de la vision de fuite entre en compétition avec le
soleil à côté, et finalement subsiste ce combat du point de fuite et d'un objet
éloigné voisin qui est un caractère si fréquent de la vision de van Gogh."
( Pas simple !! )
vendredi 1 mai 2020
Van Gogh impressionniste
Verger au printemps : Avril 1888. Arles, Huile sur toile 65 x81 cm
"Dans cette oeuvre, l'une des plus impressionnistes de toutes celles de van
Gogh, l'Impressionisme est une recherche pour capter moins la qualité du jour
et de l'atmosphère que celle des choses ; les plus aériennes, il est vrai, les plus
légères et les plus proches de la lumière solaire - les arbres en fleurs. Le
verger est clairsemé, ses fleurs, immatérielles et par conséquent fondues dans
le ciel, lui-même semblable aux fleurs par son fin et délicat mouchetage de
blanc et de bleu. Un mouchetage identique nuance le sol, mariage rare et doux
de tons chauds de bleu et de lilas avec des jaunes clairs, comparables au
mélange des fleurs et du ciel plus froid. La terre et le ciel semblent faits de la
même matière transparente - minuscules particules de vibrante couleur pure.
La touche impressionniste méthodique et la division du ton ne sont pas ici une
formule stricte. Les arbres du lointain, d'un bleu d'encre, sont aussi fragiles et
impondérables que des fleurs, quoique très précis ; la clôture, une délicate
pellicule spectrale ; les ombres projetées par les arbres, un joyeux bariolage
de bleus gais, clairs et sombres. Chaque objet, chaque division du sol a sa
qualité propre de teinte et de touche, tandis que tout concourt dans un
ensemble diaphane et brillant à exhaler une douceur et un charme qui
n'appartiennent plus à ce monde ".
On y est presque !!!pas possible de rajouter autre chose après tant de poésie.
https://www.youtube.com/watch?v=tmvnvRBQWmc
"Dans cette oeuvre, l'une des plus impressionnistes de toutes celles de van
Gogh, l'Impressionisme est une recherche pour capter moins la qualité du jour
et de l'atmosphère que celle des choses ; les plus aériennes, il est vrai, les plus
légères et les plus proches de la lumière solaire - les arbres en fleurs. Le
verger est clairsemé, ses fleurs, immatérielles et par conséquent fondues dans
le ciel, lui-même semblable aux fleurs par son fin et délicat mouchetage de
blanc et de bleu. Un mouchetage identique nuance le sol, mariage rare et doux
de tons chauds de bleu et de lilas avec des jaunes clairs, comparables au
mélange des fleurs et du ciel plus froid. La terre et le ciel semblent faits de la
même matière transparente - minuscules particules de vibrante couleur pure.
La touche impressionniste méthodique et la division du ton ne sont pas ici une
formule stricte. Les arbres du lointain, d'un bleu d'encre, sont aussi fragiles et
impondérables que des fleurs, quoique très précis ; la clôture, une délicate
pellicule spectrale ; les ombres projetées par les arbres, un joyeux bariolage
de bleus gais, clairs et sombres. Chaque objet, chaque division du sol a sa
qualité propre de teinte et de touche, tandis que tout concourt dans un
ensemble diaphane et brillant à exhaler une douceur et un charme qui
n'appartiennent plus à ce monde ".
On y est presque !!!pas possible de rajouter autre chose après tant de poésie.
https://www.youtube.com/watch?v=tmvnvRBQWmc
jeudi 30 avril 2020
autoportraits : suite et Verger
Plongée plus avant dans l'étude de Schapiro ;
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
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