jeudi 7 mai 2020

Van Gogh : les iris

 8 ou 9 mai 1889


  Mon cher Théo 

Merci à ta lettre. Tu as  bien raison de dire que M. Salles a été parfait dans tout ceci, j'ai de grandes obligations envers lui. Je voulais te dire que je crois avoir bien fait d'aller ici, d'abord en voyant la réalité de la vie des fous ou toqués divers dans cette ménagerie, je perds la crainte vague, la peur de la chose. Et peu à peu puis arriver à considérer la folie en tant qu'étant une maladie comme une autre. Puis le changement d'entourage, à ce que j'imagine me fait du bien.
Pour autant que je sache, le médecin d'ici est enclin à considérer ce que j'ai eu comme une attaque de nature épileptique. mais j'ai demandé après.
Aurais-tu reçu la caisse de tableaux,  je suis curieux de savoir s'ils ont encore souffert oui ou non ?
J'en ai deux autres en train - des fleurs d'iris violets et un buisson de lilas, deux motifs pris dans le jardin.
L'idée du devoir de travailler me revient beaucoup et je crois que toutes mes facultés pour le travail me reviendront bien vite.
Seulement le travail m'absorbe souvent tellement que je crois que je resterai toujours abstrait et gauche pour me débrouiller pour le reste de la vie aussi .
Je ne t'écrirai pas une longue lettre - je chercherai à répondre à la lettre de ma nouvelle soeur, qui m'a bien touché, mais je ne sais si j'arriverai à le faire. Poignée de main et tout à toi.

                                                                              Vincent 

                                      Les Iris

                                        Mai 1889, Saint Rémy - Huile sur toile,  71 X 93 cm 

    " A l'asile de Saint-Rémy, entre ses crises, van Gogh s'est donné à son art

 avec une volonté désespérée, sachant que c'était là son seul salut. Il appelait 

la peinture "le paratonnerre de ma maladie ". Et constatant qu'il pouvait 

toujours peindre, il était certain de ne pas être vraiment fou.

Les "Iris" sont peut-être le premier motif qu'il peignit à l'asile. la toile est 

antérieure à sa crise initiale en ce lieu, et, tout d'abord, ne révèle aucune trace 

évidente de cette tristesse et de cette forte tension qui apparaissent dans 

plusieurs de ses oeuvres postérieures. Il peint ces fleurs avec joie et admiration.

La profusion d'éléments dans ce tableau extrêmement touffu est dominée et 

ordonnée pour l'oeil, mais sans perdre sa liberté, par la division de la toile en 

larges zones de couleurs assez distinctes et presque symétriques : le vert froid

 des feuilles au milieu, le bleu des iris tâchés de jaune, d'orange et de blanc.

 Chacune des zones a son dessin, sa facture propres, et toutes sont lumineuses.

 Dans la gamme claire des couleurs il est intéressant de remarquer que la note 

la plus forte, le bleu des iris, est aussi la plus foncée et possède encore l'échelle

 la plus riche de la lumière vert bleu doux estompé de feuilles ; leurs contrastes

 complémentaires avec le rouge et le jaune passent au second plan et 

n'affectent que les marges du tableau. Tout ceci contribue à tempérer la 

luxuriance de ce bouquet naturel et à créer une harmonie plus intime,

 assourdie, sans rien ôter à la richesse allègre de la couleur.

 Le dessin des iris est tout à fait original. A l'inverse des tableaux de fleurs 

impressionnistes, où les plantes sont des taches de couleur sans forme, celles-

ci sont très soigneusement étudiées dans leur tracé et individualisées, avec la

 même sincérité et la même précision qu'apportait van Gogh dans ses portraits 

; il découvre une vatiété infinie de silhouettes recourbées, une nouvelle source

 de mouvement dans ce qui aurait pu facilement devenir la répétition

 ornementale et statique d'un même motif. ces lignes ondoyantes,

 flamboyantes, en volutes, en sspirales ou brisées et hérissées annoncent les

 oeuvres postérieures de Saint-Rémy."

https://www.metmuseum.org/metmedia/video/collections/ep/van-gogh-irises-and-roses



mercredi 6 mai 2020

Van Gogh : fleurs

 Hormis ses fameux tournesols, les iris ont attiré l'attention de van Gogh, de

même que les lauriers roses  dont il peint ce joli bouquet en Arles au mois

d'août 1888.



   "En plaçant un exemplaire de la "Joie de vivre", de Zola, à côté de la cruche

 de lauriers épanouis, van Gogh exprime le sens de son amour pour les fleurs. 

Elles se dressent et s'étendent dans la largeur de la toile comme les arbres en 

fleurs de ses paysages de printemps. Lourdes, généreuses, fécondes, ces fleurs

 odorantes sont peintes avec une touche virile, en coups de pinceaux

 enveloppants et en épaisses taches parallèles, en contraste des plus aigus avec

 les feuilles vertes pointues et enchevêtrées, cernées de noir - messagères 

d'une autre vitalité. En opposition et en complément à cette étendue de rouges

 et de verts jouent les accords jaunes et violets des livres, de l'ombre de la table

 et de la cruche ; entre ces couples de complémentaires, le fond vert jaune sert 

de médium, note puissante en harmonie avec les deux groupes. Cette 

distribution de la couleur n'est pourtant pas un système décoratif ; dans la riche

 variation, le mélande intime et la progression des tons, elle conserve la

 vibration et la liberté des paysages de van Gogh. Les tons roses des fleurs sont 

proches de la couleur de la table, et leurs blancs, de la tranche du livre. l'anse

 pourpre forme une triade avec les fleurs et l'ombre lilas. la bande jaune au col

 de la cruche réapparaît en rayures ondulantes dans le bouquet. Le vert des

 feuilles se retrouve dans le ton plus froid, rompu de blanc à la base du vase, et 

dans les touches brusques à droite de la table, mais parmi les feuilles elles-

mêmes. Les accents les plus appuyés de rouge dans les fleurs sont appliqués

 de nouveau avec une grande hardiesse le long de bord de la table - décision

 purement artistique, nullement  motivée par la nature. Une autre hardiesse, 

l'ombre lilas, se justifie par sa place entre le livre jaune, le vase turquoise et 

bleu violet et le jaune vert du fond. Pour un oeil moderne le dessin des deux

 livres est saisissant ; vus dans une perspective singulière, ils forment une 

succession de bandes oblongues et triangulaires, chacune avec son grain

 particulier, que l'on trouve à nouveau dans la dernière période cubiste. le 

traitement de la table, à côté des feuilles dessinées avec soin, est d'une audace 

magnifique, joyeux par sa liberté et par la variété des couleurs et des touches. 

Comme beaucoup de natures mortes de van Googh, celle-ci posséde une haute 

luminosité qui va de pair avec une fermeté et une réalité étonnantes des 

objets."


 Je préfère laisser à ces lauriers toute leur prépondérance et revenir  sur 

l'article précédent avec un "Champ de blé aux cyprès".

On passera aux iris demain.

            https://www.metmuseum.org/art/collection/search/436530



 

mardi 5 mai 2020

Van Gogh : verger d'oliviers, Cyprès

 Lettre à Emile Bernard : ( octobre 1889 )


 Les oliviers d'ici, mon bon, ça ferait votre affaire. Je n'ai pas eu de

chance  cette année pour les réussir, mais j'y reviendrai, à ce que je me

propose ; c'est de l'argent sur terrain orangeâtre ou violacé, sous le 

grand soleil blanc. J'en ai, ma foi, vu de certains peintres et de moi-

même qui ne rendaient pas du tout la chose. C'est comme du Corot

 d'abord, ce gris argent, et surtout cela n'a pas encore été fait, tandis

 que plusieurs artistes ont réussi les pommiers - par exemple- et les 

saules...


                                                                          Verger d'Oliviers

         septembre- octobre 1889 : Saint Rémy. Huile sur toile 72 X 92 cm

     " A l'asile de Saint Rémy, van Gogh reçoit de son ami Emile Bernard une 

lettre décrivant un récent tableau du Christ au jardin des Oliviers. Il répond

qu'il aimerait mieux peindre les oliviers juste devant sa fenêtre que ceux,

 imaginaires du jardin de l'Agonie. Il pensait que la réalité était la seule source

 de force, bien que son tourment le ramenât souvent aux idées religieuses de sa

 jeunesse.

Sa peinture du verger d'oliviers est fervente, entraînée par une vague d'intense

 émotion qui traverse la toile entière, communiquant la même ondulation

 irrégulière à la terre, aux arbres et au ciel. Pour terminer son oeuvre, le 

peintre signe son nom qui épouse un creux du sol.

Avec toute cette excitation des touches et les formes plus vastes qu'elles

 tissent, le tableau s'estompe sous une couleur moelleuse - en partie à cause

 de la gamme limitée de luminosité dans les trois grandes masses de bleu, de 

vert et d'ocre qui le composent. Les contrastes sont réduits et adoucis ; il n'y a

 pas de couleur pleinement saturée, au moins sur de grandes étendues ; une

 note de réverie imprègne toute cette agitation. L'équilibre des tons froids et 

chauds et la division de la toile en surfaces presque égales, étroitement jointes, 

de différentes teintes, ont un effet apaisant.

Les colorations de la terre, du ciel, du feuillage, des troncs d'arbres - concert de

 quatre instruments distincts - sont harmonisées par la reprise du bleu du ciel

 sur les troncs et les branches, des verts et des gris des arbres dans les ombres

 de la terre. Les lignes vigoureuses des branches se retrouvent dans la belle

 arabesque des silhouettes plus douces sur le ciel "


              Ces deux toiles sont à Otterlo. Pays Bas

                                        https://www.youtube.com/watch?v=Xdke1s3UGdo


Lettre à Gauguin (juin 1890)


 Mon cher ami Gauguin.

Merci de m'avoir de nouveau écrit mon cher ami et soyez assuré que

 depuis mon retour j'ai pensé à vous tous les jours. Je ne suis resté à

 Paris que trois jours et le bruit, etc., parisien me faisant une bien

 mauvaise impression, j'ai jugé prudent pour ma tête de ficher le camp

 pour la campagne, sans cela j'aurais bien vite couru chez vous.

Et cela me fait énormément plaisir que vous dites que le portrait de

 l'Arlésienne, fondé rigoureusement sur votre dessin, vous a plu.

J'ai cherché à être fidèle à votre dessin, respectueusement et pourtant 

 prenant la liberté d'interprêter  par le moyen d'une couleur dans le

 caractère sobre et le style du dessin en question.

C'est une synthèse d'Arlésienne si vous voulez ; comme les synthèses 

d'Arlésiennes sont rares, prenez cela comme une oeuvre de vous  et de

 moi, comme résumé de nos mois de travail ensemble. Pour le faire j'ai 

payé moi pour ma part encore d'un mois de maladie, mais aussi je sais 

que c'est une toile, qui sera comprise par vous, moi, et de rares autres,

 comme nous voudrions qu'on comprenne. Ici mon ami le Dr Gachet y 

est après deux, trois hésitations venu tout à fait et dit ; "Comme c'est 

difficile d'être simple". Bon, je vais encore souligner la chose en la

 gravant à l'eau-forte, cette chose là, puis basta. L'aura qui voudra.

Avez-vous vu aussi les oliviers? Maintenant j'ai un portrait du Dr Gachet

 à expression navrée de notre temps. Si vous voulez, quelque chose

 comme vous disiez de votre Christ au jardin des Oliviers, pas destinée à

 être comprise, mais enfin là jusque-là je vous suis et mon frère saisit 

bien cette nuance.

J'ai encore de là-bas un cyprès avec une étoile, un dernier essai - un 

ciel de nuit avec une lune sans éclat, à peine le croissant mince

 émergeant de l'ombre projetée opaque de la terre- une étoile à éclat

 exagéré, si vous voulez, éclat doux de rose et vert dans le ciel outremer

 où courent des nuages. En bas une route bordée de hautes cannes 

jaunes, derrière lesquelles les basses Alpines bleues, une vieille

 auberge à fenêtres illuminés orangées et un très haut cyprès, tout 

droit, tout sombre.

 Sur la route une voiture jaune attelée d'un cheval blanc et deux

 promeneurs attardés. très romantique, si vous voulez, mais aussi je

 crois de la Provence.

Probablement je graverai à l'eau-forte celle-là et d'autres paysages et

 motifs, souvenirs de Provence, alors je me ferai une fête de vous en 

donner un, tout un résumé un peu voulu et étudié.

 Mon frère dit que Lauzet, qui fait des lithographies d'après Monticelli a

 trouvé bien la tête d'Arlésienne en question.


                             La route aux cyprès. mai 1890 92 X 73 cm

    "La force de l'exaltation extatique de van Gogh confère à un paysage

 réel un caractère extra-terrestre. L'emplacement central du cyprès dominateur, 

entre le soleil et la lune et leurs vastes halos, laisse deviner la communion

 fervente de l'artiste avec ce qu'il voyait. Le cyprès, qu'il avait admiré pour sa 

force géométrique de lignes et comparé à un obélisque, apparaît comme une

 forme tendue, hérissée, une forêt verticale composée de deux arbres si mêlés 

que l'oeil ne peut les séparer, un clocher tourmenté et vivant, qui s'élève avec

 de brusques ondulations, déborde le tableau, dépasse le soleil et la lune.

  La terre est marquée d'ondes pareillement agitées dans le champ jaune et la 

route qui coule en cascade. L'écho affaibli s'en retrouve dans les taches vertes

 et au loin dans les arbres frissonnants. Contraste étrange avec cette agitation 

grandiose ; les deux hommes sur la route, la charrette jaune et son cheval, au 

fond, la maison éclairée ; éléments poétiques d'un réalisme simple, touchant et 

plaisant, ils occupent également leur place précise dans le mouvement de 

l'ensemble visionnaire. Si puissante est l'opposition du cyprès vertical, au 

centre, et des diagonales instables du sol que le tableau balance entre ces 

 ces deux attractions contrariées. l'artiste s'efforce du lui donner l'unité : la lune,

 le soleil et l'étoile du soir reposent sur une forte diagonale un peu courbe, 

comme la lisière du chemin d'en bas, un grand nuage conduit de l'étoile à la 

terre. L'exécution passionnée, la cadence des touches, commune à toute la toile,

 aident à fondre les parties antagonistes. Dans un monde où des objets aux

 formes pointues se croisent et s'affrontent avec véhémence, nous sommes 

saisis par la continuité des différents tracés de la brosse - concentriques dans

 le ciel, parallèles, onduleux et convergents sur la terre, enflammés dans les 

arbres. Le ciel par sa couleur froide, dégradée progressivement du bleu profond 

au blanc, s'apparente à la route plus lumineuse. Dans une autre gamme, les 

cyprès verts  sombre sont rattachés à la fois au champ jaune et au ciel ; les 

tons jaunes et orangés du soleil et de la lune, les jaunes de la voiture, le rouge 

des troncs nains des cyprès relient, par des mariages de couleurs sur des axes

 inclinés et croisés, leurs zones largement séparées.

Sur tout le tableau, quelle maîtrise dans la précision des petites taches de 

couleur, dont la beauté culmine quand elles nuancent et animent la teinte 

indescriptible de la route !"


  Les dessins de van Gogh sont aussi séduisants et puissants que ses toiles  :

     le dessin d'abord,


        Champ de blé et Cyprès  1889


                                          Roseau et mine de plomb  47 x 62 cm


   et la toile d'octobre 1889 : 72,5 x 91,5 cm




      " Quoique d'une agitation sans mesure, avec peu de lignes droites, ce 

paysage est un des plus classiques de conception dans toute l'oeuvre de van 

Gogh. Il est construit par longes bandes qui traversent l'espace entier. Les

 grands cyprès sombres sur un côté contrastent puissamment aves les

 horizontales prédominantes dont ils imitent  la forme. Les oppositions de tons

 froids et chauds, les proportions des diverses parties, la hauteur relative du

ciel et de la terre sur les deux côtés, les intervalles horizontaux que l'on peut

 mesurer sur la silhouette de la montagne lointaine, deus fois coupée par des

 arbres,  tout cela est parfaitement lisible et bien équiliberé.

Dans ce paysage, la perception de la nature et l'intensité des 

sentiments du peintre sont également prononcées. Le champ de blé éclatant, 

les oliviers d'un gris subtil, dans lesquels toutes les couleurs du tableau 

semblent résumées, les cyprès chevelus ondoyants et les montagnes

 turbulentes ont été merveilleusement observées, et la lumière qui remplit cet 

espace nous parait d'une vivante réalité. La clarté qui émane du ciel froid et de 

la terre chaude est réalisée autant par les couleurs locales que par le jeu des 

lumières et des ombres - van Gogh est libre de ces dernières et n'aspire guère

à être conséquent sur ce point.

C'est surtout dans le ciel que son émotion orageuse engendre d'étranges 

formes, qui nous transportent au delà de la nature. Ces formes tourmentées,

 monstueuses, tordues et enroulées, par endroits amoncelées et peu claires, 

évoquent des images de combats surnaturels. Les bleus doux, les lilas, les

 blancs et les verts de ce ciel sont répétées en masses moindres dans le

 paysage terrestre au-dessous, et les cieux fantastiques sont finalement 

absorbés dans l'univers familier et naturel. Ce dernier aussi est traversé

 d'énergies sauvages réclamant une libération ; elles déforment les objets moins

 qu'elles ne les intensifient. Ici le pinceau, impulsif et extatique, merveilleux 

dans sa fluidité, est fidèle à la structure des choses.

 La dualité du ciel et de la terre demeure - le premier, léger, doux, avec des

 rondeurs, plein de fantaisie et de suggestions animales ; la terre, plus ferme,

 plus dure, plus haute en couleur, avec des contrastes plus forts, des zones plus 

distinctes et peut-être de nature masculine. On peut encore interpréter cette

 dualité comme celle du réel et de ce qui est confusément désiré ou imaginé.

 Les cyprès les joignent l'un à l'autre dans la seule verticale du tableau, comme

 dans la nuit étoilée, dont cette oeuvre est en quelque sorte une réplique 

diurne."

                     https://www.youtube.com/watch?v=sJwi1GvuCHo

lundi 4 mai 2020

Van Gogh : paysages

  Pensez-vous que nous allons pouvoir à nouveau parcourir librement les forêts

et les plages  ? dans l'expectative, rêvons encore un peu avec ce sous-bois

dans ce format rectangulaire que j'aime tant.



                 Sous-Bois ; Juin 1890, Auvers Huile sur toile 50X 100 cm

    " Cette paisible peinture des bois, avec un homme et une femme marchant 

dans l'épais fourré, est une grande surprise au milieu des oeuvres extrêmement 

  tendues de la période finale. Elle est exceptionnelle non seulement par 

l'harmonie calme des blancs, des jaunes, des verts mouchetés et des lilas, mais 

aussi par la prédominance des lignes verticales. Celles-ci donnent une

 impression non pas architecturale - faute d'horizontales accentuées qui les

équilibrent - mais lyrique, une communauté d'amicales présences silhouettées.

 comme les figures en marche,  sur la douceur accueillante du sol avec des

 touches  parsemées de fleurs jaunes et blanches. C'est comme si toutes les

formes enroulées s'étaient redressées les réseaux, entrecroisés, dénoués, pour

 ne laisser qu'une simple succession de lignes verticales et un sol détendu.

Pas complètement dénoués, toutefois, car il y a toujours une trace de la

perspective dramatique de ses oeuvres les plus passionnées dans les trouées

divergentes à travers le bois, qui partent de l'arbre central au premier plan,

mais la poussée du chemin ouvert en diagonale sur la gauche n'est pas

 contrebalancée ailleurs par des échappées semblables. Sur la droite, la forêt

 sans fin s'affirme et s'étend dans toutes les directions, sans chemins ni accents

impulsifs"

                    https://www.youtube.com/watch?v=kmypSuL0A78


( Retour en arrière  à Saint Rémy en Juin-Juillet 1889. Rien qu'à voir ce paysage avec des oliviers on sait déjà qu'il est signé Van Gogh, ce qui n'est pas le cas du sous-bois)


 Lettre à Théo (19 septembre 1889)

"  "Les Oliviers" avec un nuage blanc et fond de montagnes, ainsi que le " Lever de Lune" et l'effet de nuit ce sont des exagérations au point de vue de l'arrangement, les lignes en sont contournées comme celle des bois anciens. Les oliviers sont davantage dans le caractère, ainsi que dans l'autre étude et j'ai cherché à rendre l'heure où on voit voler dans la chaleur les cétoines vertes et les cigales"


   " La passion de van Gogh emplit le paysage entier - sol, arbres, montagnes, 

nuages - d'un mouvement tumultueux et palpitant. Il y a plus de puissance et 

d'imagination que dans une autre forme de l'art expressionniste postérieur, qui 

procède d'une vision de la nature pareillement chargée d'émotion. Il est aussi 

plus attaché au réel, car dans l'élan commun qui semble émaner d'une force

 sous-jacente, enveloppant tous les objets, ceux-ci gardent cependant leur

 individualité, leur rythme propre. C'est le caractère affirmé de chaque zone

 horizontale de cette oeuvre turbulente qui empêche la peinture de sombrer 

dans la monotonie du chaos qui si souvent résulte de l'abandon d'un artiste à la

 sensation pure. Le nuage visionnaire, avec des striures jaunes et bleues et un

 contour ondoyant, vaguement organique - on peut y voir comme un fantôme de

 mère et d'enfant - l'âpre et fantastique silhouette de la montagne, avec la

 masse rocheuse perforée comme un château en ruine, ce sont là des formes

 nouvelles d'une grande puissance. La couleur aussi montre une variation 

ordonnée, saisissante dans sa fraîcheur : le nuage clair sur le ciel froid bleu 

verdâtre ; au-dessous, les verts clairs plus chauds des oliviers sur le bleu

sombre des montagnes ; et, dans la moitié inférieure de la toile, la houle agitée 

de la terre, avec des bandes enroulées d'ombre et de lumière, de jaune, de bleu

et de  vert. caractéristiques du graphisme, non seulement la longueur

extraordinaire des lignes sinueuses (van Gogh les comparait à celle des anciens

 bois gravés)

mais aussi la profondeur de leurs creux. A première vue écrasant dans son

 déferlement incessant, le paysage offre à une méditation poursuivie une 

variété surprenante de qualités  ; le nuage qui flotte mollement, les rochers 

aigus ; l'uniformité de la couleur caressante du ciel, les violents et changeants 

contrastes de l'espace en dessous ; la tempête furieuse des coups de pinceaux 

dans les arbres, l'ondulation claire et rythmique des montagnes ; la couleur 

locale uniforme du ciel, des montagnes et des arbres, ainsi que le pommelage 

impétueux de la terre.  Et partout une enveloppante luminosité, depuis le 

nuage lointain jusqu'à la terre sous les oliviers."



                  https://www.youtube.com/watch?v=tlDYGlHEskM


samedi 2 mai 2020

Van Gogh impressionniste



                       Champ de blé ; Eté 1887, Paris- Toile, 54x64 cm

   " Beau paysage, impressionniste par sa coloration de plein air et la trame des 

coups de pinceau, mais par-dessus tout par la qualité tendre, poétique de cette

 journée de l'été à son début, traité avec une légéreté qui appartient au vent 

plus qu'à l'atmosphère. Les nuages et les souples épis sont chassés dans la 

même direction que l'oiseau en vol. La simplicité de la division en trois bandes -

 ciel, blé et premier plan - serait exceptionnelle chez un impressionniste, plus 

enclin à des vues asymétriques et inattendues. Non moins apparente et en

 accord avec l'amour de van Gogh pour la réalité des choses est sa conception

 de la touche comme équivalent de la structure des objets représentés ; d'où la

 différence marquée entre le mouchetage du ciel et les coups de pinceau qui 

rendent le blé, les coquelicots et le chaume, chacun avec sa forme et sa 

direction propres et aussi sa couleur locale. L'exécution est rapide et lyrique,

 complétement pénétrée des qualités de la scène - une oeuvre qui respire.
 
Les variations au sein des vastes et simples surfaces de la toile sont

 particulièrement belles ; dans le ciel par de seuls jeux de valeurs, par diverses

 nuances de bleu, plus claires et plus sombres ; dans le blé par des passages 
 
de tons froids à des couleurs chaudes, du vert jaune au bleu vert, avec les 

taches plus légéres de rouge, de bleu et de blanc des fleurs des champs ; au 

premier plan, une teinte dominante plus chaude, de jaune vif, qui contraste avec

 le bleu du ciel, renferme des touches de lavande."





                        Montmartre, Hiver 1886 Paris - Toile 44 x33 cm

   " Cette peinture, une des premières exécutées par van Gogh à Paris, montre

 sa rapide assimilation de l'art français. Elle n'est pas encore pleinement 

impressionniste, mais elle va qu-delà de l'Impressionnisme et indique déjà le 

vingtième siècle par le travail de la brosse et par la recherche d'une atmosphère

 légère qui, pour un spectateur doué d'un franc penchant émotionnel, relève non

 seulement de la vision mais d'un sentiment de la substance du paysage. La

 grisaille, qui s'empare d'éléments aussi différents que le ciel, la terre et la cité

 lointaine - vague océan qui monte à l'horizon - touche également la couleur des

 palissades et des réverbères ; et, dans ces matières variées, elle se distingue

 par un nuancement des tons froids et chauds dont le raffinement égale celui de 

Manet, Parisien-né. Comme chez ce dernier, des touches parsemées de

 couleurs, ici jaunes et bleues, en même temps que quelques accents de noir 

ponctuent le gris. Mais il faut aussi noter surtout la qualité des verts 

-indescriptiblement imprégnés par le gris - et aussi celle des rouges pourprés 

des arbres à peine suggérés, encore sans vie. La peinture des lampadaires est 

un morceau habile de gradation de tons gris. Une luminosité observée avec une 

précision, presque brumeuse, baigne l'ensemble. La touche, s'adaptant avec

 souplesse à la substance et à la direction des objets, est une autre source

 d'animation. A l'intérieur de cette harmonie délicate de tons gris clairs,

 vaporeux et légers comme un voile, on est surpris de découvrir dans le dessin

 une armature précise dans laquelle la réalité des choses et la réalité moins 

évidente de la perspective de l'observateur constituent une structure finement 

rythmique de verticales et de diagonales. Les irrégularités des balustrades et 

des poteaux, les inclinaisons et les subtiles ondulations qui s'étendent  jusqu'à 

la surface de l'avant-plan sont hautement réalistes mais en même temps

 enregistrent les déformations d'un oeil chargé d'émotion".


 Les deux toiles suivantes datent de St Rémy 1889 et 1890 un peu sur le même principe, mais la dernière, qu'en pensez vous?, il y a quelque chose dans la pespective qui me dérange ; Chapiro la définit comme déconcertante !! ,


                                       Paysage avec champs labourés 

                                        Fin 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 71 x 90 cm



      "Paysage comportant deux centres ; le point de perspective de 

l'observateur, indiqué par les sillons violets qui convergent rapidement vers un 

point derrière les arbres sombres à gauche de l'horizon et accompagnés de

 coups de pinceaux torrentiels de couleurs contrastées, dans le champ ; le

 second centre est le grand soleil sur la droite, avec ses anneaux concentriques

de traits jaunes et orangés, qui s'élancent par-delà l'horizon et le bord de la toile

et complémentaires des tons violets de l'autre partie et des bleus des

 montagnes au-dessous.

Cette rivalité de deux centres nous fait sentir quelque rapport avec le conflit

 humain, une tension entre le moi et ses buts. Elle a aussi une valeur picturale 

comme mode dynamique d'expression et de dessin.

Les deux systèmes opposés, le convergent et le concentrique, sont brisés et 

variés et s'interpénètrent par des détails de couleur et de ligne qui intensifient

 aussi la réalité vivante de la scène.

  Un sentier irrégulier traverse en diagonale le champ, coupant les principaux 

sillons et devançant, dans le premier plan de l'observateur, les rythmes des

 ombres et des collines lointaines.

Ces longues formes onduleuses s'affrontent à leur tour avec des lignes droites 

du mur d'enceinte.

Malgré toutes ces oppositions vigoureuses, la couleur reste d'une subtilité 

enchanteresse. Comme source et modèle, van Gogh a accepté la magie colorée

 du soleil levant ; il a tenté d'en capter les variations et le pouvoir de suggestion

 poétique dans les pigments de sa palette. Dans le champ vert et jaune, au

 premier plan, il introduit de longues raies violettes pour les sillons et entre elles

 des touches plus petites de violet, de bleu et de pourpre. Au loin, des verts 

sombres et des rouges pourpre jouent sur des violets et des bleus. Et dans le 

ciel, au sein de la luminosité dominante, le jaune cède la place, sur les côtés, à 

des tons plus froids. Partout la couleur garde une texture entrelaçée , c'est une

 interaction perpétuelle de menus contrastes et, à côté de l'énergie des points 

scintillants, elle possède le dynamisme des grands courants de particules 

colorées qui se meuvent dans une seule direction, en variant d'un objet à 

l'autre, d'une région à l'autre de l'espace. 


                                       Le Champ clôturé

                                             Mai-Juin, 1890 Saint-Rémy 72 x 92 cm





      "Peinture déconcertante pour beaucoup, à cause de sa forme instable et de

 la division abrupte du paysage en régions proche et lointaine. Ce choix risqué,

 exeptionnel, se justifiera de lui-même à mesure que nous approfondirons 

l'oeuvre. Il relève de van Gogh non seulement par la façon dont la nature se 

pénètre de sentiments et de forces vivement contrastées, mais aussi par

 l'énergie de l'exécution elle-même, le rythme affirmé des taches de couleurs, 

les mouvements multipliés à travers l'espace. Un désiquilibre hardi, parmi

lequel nous observons des marques voulues de stabilisation : la tache vert

 sombre ancrée en bas à droite, les horizontales du champ rouge en haut à

 gauche, les plans successifs de montagnes et de maisons, et, par-dessus tout, 

l'attraction de ce soleil décentré, d'une étrange couleur.

  Le champ clôturé - l'univers de l'artiste lui-même,  un monde  de végétation

 luxuriante et de chaude lumière, moucheté de coquelicots, de fleurs bleues et 

blanches ( mais aussi de touches graves de noir), une région de joie pure - est

 fortement incliné, pénétré de forces chaotiques et coupé du monde qui 

l'environne par un puissant courant de bleu lavande qui joint en diagonale les

 angles opposés du tableau par deux lignes brisées, rendues chacune encore 

plus instable par la coulée d'ombre épaisse qui serpente à son bord inférieur. Par

 contraste, le lointain est de couleur froide, acide même par endroits, et le ciel 

d'un jaune famélique s'élève au-dessus des montagnes froides ; le soleil du 

même ton, cerné en jaune plus sombre, est blême à côté des jaunes lumineux

de l'enclos. Le sol pourpre de l'olivette toute proche est également froid. Les 

taches rouges et jaune vif à l'arrière plan aident à rétablir l'équilibre - par leur 

groupement elles apparaissent clairement comme des éléments horizontaux. La

 perspective aussi est utilisée pour un effet d'opposition.

Une succession de taches plus sombres au milieu du clos - vagues traces de 

sillons - forme une ligne courbe symétrique de la clôture de gauche et dirigée 

 sur l'arbre solitaire au sommet de la montagne, au-dessus des maisons rouges.

 Le recentrement ainsi créé de la vision de fuite entre en compétition avec le

 soleil à côté, et finalement subsiste ce combat du point de fuite et d'un objet

 éloigné voisin qui est un caractère si fréquent de la vision de van Gogh."

( Pas simple !! )

vendredi 1 mai 2020

Van Gogh impressionniste

               Verger au printemps : Avril 1888. Arles, Huile sur toile 65 x81 cm



   "Dans cette oeuvre, l'une des plus impressionnistes de toutes celles de van

 Gogh, l'Impressionisme est une recherche pour capter moins la qualité du jour

et de l'atmosphère que celle des choses ; les plus aériennes, il est vrai, les plus

légères et les plus proches de la lumière solaire - les arbres en fleurs. Le

verger est clairsemé, ses fleurs, immatérielles et par conséquent fondues dans

le ciel, lui-même semblable aux fleurs par son fin et délicat mouchetage de

blanc et de bleu. Un mouchetage identique nuance le sol, mariage rare et doux

de tons chauds de bleu et de lilas avec des jaunes clairs, comparables au

 mélange des fleurs et du ciel plus froid. La terre et le ciel semblent faits de la

 même matière transparente - minuscules particules de vibrante couleur pure.

 La touche impressionniste méthodique et la division du ton ne sont pas ici une

formule stricte. Les arbres du lointain, d'un bleu d'encre, sont aussi fragiles et

impondérables que des fleurs, quoique très précis ; la clôture, une délicate

 pellicule spectrale ; les ombres projetées par les arbres, un joyeux bariolage

de bleus gais, clairs et sombres. Chaque objet, chaque division du sol a sa

qualité propre de teinte et de touche, tandis que tout concourt dans un

ensemble diaphane et brillant à exhaler une douceur et un charme qui

n'appartiennent plus à ce monde ".


On y est presque !!!pas possible de rajouter autre chose après tant de poésie.

                 https://www.youtube.com/watch?v=tmvnvRBQWmc

jeudi 30 avril 2020

autoportraits : suite et Verger

 Plongée plus avant dans l'étude de Schapiro ;

  " En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née

 de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus

 troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé 

d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,

 extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes 

controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en

 hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A 

Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son

 art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition

 surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme 

dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)

Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût 

original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en 

opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-

profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes 

divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-

plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux 

dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque

 le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une 

conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent 

parvenus à un résultat similaire".


   
            Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm

    "Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu

 de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui 

couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour 

quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état 

pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle

 et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable

 d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les 

rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa 

dominante bleuâtre.

Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation 

continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les

 formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence

 ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un 

débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du

modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur

 apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes 

reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes

 pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre 

attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se

 multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent

 à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.

 Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent 

l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe 

roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des 

traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des 

continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un 

esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".


  Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de 

bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne 

le voient plus que de leur fenêtre.



Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans 
 
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :




        " Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour

 chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour 

van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la 

distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la 

couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose 

immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et 

suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de 

feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire 

rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse 

discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.




              " Le Verger "  Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm

" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau

 des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation

 toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans

 ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant 

l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et

 obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la

zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,

 avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs 

d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur 

couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi 

palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes - 

panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en

 gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire

 qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures 

de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une 

manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".