Pensez-vous que nous allons pouvoir à nouveau parcourir librement les forêts
et les plages ? dans l'expectative, rêvons encore un peu avec ce sous-bois
dans ce format rectangulaire que j'aime tant.
Sous-Bois ; Juin 1890, Auvers Huile sur toile 50X 100 cm
" Cette paisible peinture des bois, avec un homme et une femme marchant
dans l'épais fourré, est une grande surprise au milieu des oeuvres extrêmement
tendues de la période finale. Elle est exceptionnelle non seulement par
l'harmonie calme des blancs, des jaunes, des verts mouchetés et des lilas, mais
aussi par la prédominance des lignes verticales. Celles-ci donnent une
impression non pas architecturale - faute d'horizontales accentuées qui les
équilibrent - mais lyrique, une communauté d'amicales présences silhouettées.
comme les figures en marche, sur la douceur accueillante du sol avec des
touches parsemées de fleurs jaunes et blanches. C'est comme si toutes les
formes enroulées s'étaient redressées les réseaux, entrecroisés, dénoués, pour
ne laisser qu'une simple succession de lignes verticales et un sol détendu.
Pas complètement dénoués, toutefois, car il y a toujours une trace de la
perspective dramatique de ses oeuvres les plus passionnées dans les trouées
divergentes à travers le bois, qui partent de l'arbre central au premier plan,
mais la poussée du chemin ouvert en diagonale sur la gauche n'est pas
contrebalancée ailleurs par des échappées semblables. Sur la droite, la forêt
sans fin s'affirme et s'étend dans toutes les directions, sans chemins ni accents
impulsifs"
https://www.youtube.com/watch?v=kmypSuL0A78
( Retour en arrière à Saint Rémy en Juin-Juillet 1889. Rien qu'à voir ce paysage avec des oliviers on sait déjà qu'il est signé Van Gogh, ce qui n'est pas le cas du sous-bois)
Lettre à Théo (19 septembre 1889)
" "Les Oliviers" avec un nuage blanc et fond de montagnes, ainsi que le " Lever de Lune" et l'effet de nuit ce sont des exagérations au point de vue de l'arrangement, les lignes en sont contournées comme celle des bois anciens. Les oliviers sont davantage dans le caractère, ainsi que dans l'autre étude et j'ai cherché à rendre l'heure où on voit voler dans la chaleur les cétoines vertes et les cigales"
" La passion de van Gogh emplit le paysage entier - sol, arbres, montagnes,
nuages - d'un mouvement tumultueux et palpitant. Il y a plus de puissance et
d'imagination que dans une autre forme de l'art expressionniste postérieur, qui
procède d'une vision de la nature pareillement chargée d'émotion. Il est aussi
plus attaché au réel, car dans l'élan commun qui semble émaner d'une force
sous-jacente, enveloppant tous les objets, ceux-ci gardent cependant leur
individualité, leur rythme propre. C'est le caractère affirmé de chaque zone
horizontale de cette oeuvre turbulente qui empêche la peinture de sombrer
dans la monotonie du chaos qui si souvent résulte de l'abandon d'un artiste à la
sensation pure. Le nuage visionnaire, avec des striures jaunes et bleues et un
contour ondoyant, vaguement organique - on peut y voir comme un fantôme de
mère et d'enfant - l'âpre et fantastique silhouette de la montagne, avec la
masse rocheuse perforée comme un château en ruine, ce sont là des formes
nouvelles d'une grande puissance. La couleur aussi montre une variation
ordonnée, saisissante dans sa fraîcheur : le nuage clair sur le ciel froid bleu
verdâtre ; au-dessous, les verts clairs plus chauds des oliviers sur le bleu
sombre des montagnes ; et, dans la moitié inférieure de la toile, la houle agitée
de la terre, avec des bandes enroulées d'ombre et de lumière, de jaune, de bleu
et de vert. caractéristiques du graphisme, non seulement la longueur
extraordinaire des lignes sinueuses (van Gogh les comparait à celle des anciens
bois gravés)
mais aussi la profondeur de leurs creux. A première vue écrasant dans son
déferlement incessant, le paysage offre à une méditation poursuivie une
variété surprenante de qualités ; le nuage qui flotte mollement, les rochers
aigus ; l'uniformité de la couleur caressante du ciel, les violents et changeants
contrastes de l'espace en dessous ; la tempête furieuse des coups de pinceaux
dans les arbres, l'ondulation claire et rythmique des montagnes ; la couleur
locale uniforme du ciel, des montagnes et des arbres, ainsi que le pommelage
impétueux de la terre. Et partout une enveloppante luminosité, depuis le
nuage lointain jusqu'à la terre sous les oliviers."
https://www.youtube.com/watch?v=tlDYGlHEskM
lundi 4 mai 2020
samedi 2 mai 2020
Van Gogh impressionniste
Champ de blé ; Eté 1887, Paris- Toile, 54x64 cm
" Beau paysage, impressionniste par sa coloration de plein air et la trame des
coups de pinceau, mais par-dessus tout par la qualité tendre, poétique de cette
journée de l'été à son début, traité avec une légéreté qui appartient au vent
plus qu'à l'atmosphère. Les nuages et les souples épis sont chassés dans la
même direction que l'oiseau en vol. La simplicité de la division en trois bandes -
ciel, blé et premier plan - serait exceptionnelle chez un impressionniste, plus
enclin à des vues asymétriques et inattendues. Non moins apparente et en
accord avec l'amour de van Gogh pour la réalité des choses est sa conception
de la touche comme équivalent de la structure des objets représentés ; d'où la
différence marquée entre le mouchetage du ciel et les coups de pinceau qui
rendent le blé, les coquelicots et le chaume, chacun avec sa forme et sa
direction propres et aussi sa couleur locale. L'exécution est rapide et lyrique,
complétement pénétrée des qualités de la scène - une oeuvre qui respire.
Les variations au sein des vastes et simples surfaces de la toile sont
particulièrement belles ; dans le ciel par de seuls jeux de valeurs, par diverses
nuances de bleu, plus claires et plus sombres ; dans le blé par des passages
de tons froids à des couleurs chaudes, du vert jaune au bleu vert, avec les
taches plus légéres de rouge, de bleu et de blanc des fleurs des champs ; au
premier plan, une teinte dominante plus chaude, de jaune vif, qui contraste avec
le bleu du ciel, renferme des touches de lavande."
Montmartre, Hiver 1886 Paris - Toile 44 x33 cm
" Cette peinture, une des premières exécutées par van Gogh à Paris, montre
sa rapide assimilation de l'art français. Elle n'est pas encore pleinement
impressionniste, mais elle va qu-delà de l'Impressionnisme et indique déjà le
vingtième siècle par le travail de la brosse et par la recherche d'une atmosphère
légère qui, pour un spectateur doué d'un franc penchant émotionnel, relève non
seulement de la vision mais d'un sentiment de la substance du paysage. La
grisaille, qui s'empare d'éléments aussi différents que le ciel, la terre et la cité
lointaine - vague océan qui monte à l'horizon - touche également la couleur des
palissades et des réverbères ; et, dans ces matières variées, elle se distingue
par un nuancement des tons froids et chauds dont le raffinement égale celui de
Manet, Parisien-né. Comme chez ce dernier, des touches parsemées de
couleurs, ici jaunes et bleues, en même temps que quelques accents de noir
ponctuent le gris. Mais il faut aussi noter surtout la qualité des verts
-indescriptiblement imprégnés par le gris - et aussi celle des rouges pourprés
des arbres à peine suggérés, encore sans vie. La peinture des lampadaires est
un morceau habile de gradation de tons gris. Une luminosité observée avec une
précision, presque brumeuse, baigne l'ensemble. La touche, s'adaptant avec
souplesse à la substance et à la direction des objets, est une autre source
d'animation. A l'intérieur de cette harmonie délicate de tons gris clairs,
vaporeux et légers comme un voile, on est surpris de découvrir dans le dessin
une armature précise dans laquelle la réalité des choses et la réalité moins
évidente de la perspective de l'observateur constituent une structure finement
rythmique de verticales et de diagonales. Les irrégularités des balustrades et
des poteaux, les inclinaisons et les subtiles ondulations qui s'étendent jusqu'à
la surface de l'avant-plan sont hautement réalistes mais en même temps
enregistrent les déformations d'un oeil chargé d'émotion".
Les deux toiles suivantes datent de St Rémy 1889 et 1890 un peu sur le même principe, mais la dernière, qu'en pensez vous?, il y a quelque chose dans la pespective qui me dérange ; Chapiro la définit comme déconcertante !! ,
Paysage avec champs labourés
Fin 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 71 x 90 cm
"Paysage comportant deux centres ; le point de perspective de
l'observateur, indiqué par les sillons violets qui convergent rapidement vers un
point derrière les arbres sombres à gauche de l'horizon et accompagnés de
coups de pinceaux torrentiels de couleurs contrastées, dans le champ ; le
second centre est le grand soleil sur la droite, avec ses anneaux concentriques
de traits jaunes et orangés, qui s'élancent par-delà l'horizon et le bord de la toile
et complémentaires des tons violets de l'autre partie et des bleus des
montagnes au-dessous.
Cette rivalité de deux centres nous fait sentir quelque rapport avec le conflit
humain, une tension entre le moi et ses buts. Elle a aussi une valeur picturale
comme mode dynamique d'expression et de dessin.
Les deux systèmes opposés, le convergent et le concentrique, sont brisés et
variés et s'interpénètrent par des détails de couleur et de ligne qui intensifient
aussi la réalité vivante de la scène.
Un sentier irrégulier traverse en diagonale le champ, coupant les principaux
sillons et devançant, dans le premier plan de l'observateur, les rythmes des
ombres et des collines lointaines.
Ces longues formes onduleuses s'affrontent à leur tour avec des lignes droites
du mur d'enceinte.
Malgré toutes ces oppositions vigoureuses, la couleur reste d'une subtilité
enchanteresse. Comme source et modèle, van Gogh a accepté la magie colorée
du soleil levant ; il a tenté d'en capter les variations et le pouvoir de suggestion
poétique dans les pigments de sa palette. Dans le champ vert et jaune, au
premier plan, il introduit de longues raies violettes pour les sillons et entre elles
des touches plus petites de violet, de bleu et de pourpre. Au loin, des verts
sombres et des rouges pourpre jouent sur des violets et des bleus. Et dans le
ciel, au sein de la luminosité dominante, le jaune cède la place, sur les côtés, à
des tons plus froids. Partout la couleur garde une texture entrelaçée , c'est une
interaction perpétuelle de menus contrastes et, à côté de l'énergie des points
scintillants, elle possède le dynamisme des grands courants de particules
colorées qui se meuvent dans une seule direction, en variant d'un objet à
l'autre, d'une région à l'autre de l'espace.
Le Champ clôturé
Mai-Juin, 1890 Saint-Rémy 72 x 92 cm
"Peinture déconcertante pour beaucoup, à cause de sa forme instable et de
la division abrupte du paysage en régions proche et lointaine. Ce choix risqué,
exeptionnel, se justifiera de lui-même à mesure que nous approfondirons
l'oeuvre. Il relève de van Gogh non seulement par la façon dont la nature se
pénètre de sentiments et de forces vivement contrastées, mais aussi par
l'énergie de l'exécution elle-même, le rythme affirmé des taches de couleurs,
les mouvements multipliés à travers l'espace. Un désiquilibre hardi, parmi
lequel nous observons des marques voulues de stabilisation : la tache vert
sombre ancrée en bas à droite, les horizontales du champ rouge en haut à
gauche, les plans successifs de montagnes et de maisons, et, par-dessus tout,
l'attraction de ce soleil décentré, d'une étrange couleur.
Le champ clôturé - l'univers de l'artiste lui-même, un monde de végétation
luxuriante et de chaude lumière, moucheté de coquelicots, de fleurs bleues et
blanches ( mais aussi de touches graves de noir), une région de joie pure - est
fortement incliné, pénétré de forces chaotiques et coupé du monde qui
l'environne par un puissant courant de bleu lavande qui joint en diagonale les
angles opposés du tableau par deux lignes brisées, rendues chacune encore
plus instable par la coulée d'ombre épaisse qui serpente à son bord inférieur. Par
contraste, le lointain est de couleur froide, acide même par endroits, et le ciel
d'un jaune famélique s'élève au-dessus des montagnes froides ; le soleil du
même ton, cerné en jaune plus sombre, est blême à côté des jaunes lumineux
de l'enclos. Le sol pourpre de l'olivette toute proche est également froid. Les
taches rouges et jaune vif à l'arrière plan aident à rétablir l'équilibre - par leur
groupement elles apparaissent clairement comme des éléments horizontaux. La
perspective aussi est utilisée pour un effet d'opposition.
Une succession de taches plus sombres au milieu du clos - vagues traces de
sillons - forme une ligne courbe symétrique de la clôture de gauche et dirigée
sur l'arbre solitaire au sommet de la montagne, au-dessus des maisons rouges.
Le recentrement ainsi créé de la vision de fuite entre en compétition avec le
soleil à côté, et finalement subsiste ce combat du point de fuite et d'un objet
éloigné voisin qui est un caractère si fréquent de la vision de van Gogh."
( Pas simple !! )
vendredi 1 mai 2020
Van Gogh impressionniste
Verger au printemps : Avril 1888. Arles, Huile sur toile 65 x81 cm
"Dans cette oeuvre, l'une des plus impressionnistes de toutes celles de van
Gogh, l'Impressionisme est une recherche pour capter moins la qualité du jour
et de l'atmosphère que celle des choses ; les plus aériennes, il est vrai, les plus
légères et les plus proches de la lumière solaire - les arbres en fleurs. Le
verger est clairsemé, ses fleurs, immatérielles et par conséquent fondues dans
le ciel, lui-même semblable aux fleurs par son fin et délicat mouchetage de
blanc et de bleu. Un mouchetage identique nuance le sol, mariage rare et doux
de tons chauds de bleu et de lilas avec des jaunes clairs, comparables au
mélange des fleurs et du ciel plus froid. La terre et le ciel semblent faits de la
même matière transparente - minuscules particules de vibrante couleur pure.
La touche impressionniste méthodique et la division du ton ne sont pas ici une
formule stricte. Les arbres du lointain, d'un bleu d'encre, sont aussi fragiles et
impondérables que des fleurs, quoique très précis ; la clôture, une délicate
pellicule spectrale ; les ombres projetées par les arbres, un joyeux bariolage
de bleus gais, clairs et sombres. Chaque objet, chaque division du sol a sa
qualité propre de teinte et de touche, tandis que tout concourt dans un
ensemble diaphane et brillant à exhaler une douceur et un charme qui
n'appartiennent plus à ce monde ".
On y est presque !!!pas possible de rajouter autre chose après tant de poésie.
https://www.youtube.com/watch?v=tmvnvRBQWmc
"Dans cette oeuvre, l'une des plus impressionnistes de toutes celles de van
Gogh, l'Impressionisme est une recherche pour capter moins la qualité du jour
et de l'atmosphère que celle des choses ; les plus aériennes, il est vrai, les plus
légères et les plus proches de la lumière solaire - les arbres en fleurs. Le
verger est clairsemé, ses fleurs, immatérielles et par conséquent fondues dans
le ciel, lui-même semblable aux fleurs par son fin et délicat mouchetage de
blanc et de bleu. Un mouchetage identique nuance le sol, mariage rare et doux
de tons chauds de bleu et de lilas avec des jaunes clairs, comparables au
mélange des fleurs et du ciel plus froid. La terre et le ciel semblent faits de la
même matière transparente - minuscules particules de vibrante couleur pure.
La touche impressionniste méthodique et la division du ton ne sont pas ici une
formule stricte. Les arbres du lointain, d'un bleu d'encre, sont aussi fragiles et
impondérables que des fleurs, quoique très précis ; la clôture, une délicate
pellicule spectrale ; les ombres projetées par les arbres, un joyeux bariolage
de bleus gais, clairs et sombres. Chaque objet, chaque division du sol a sa
qualité propre de teinte et de touche, tandis que tout concourt dans un
ensemble diaphane et brillant à exhaler une douceur et un charme qui
n'appartiennent plus à ce monde ".
On y est presque !!!pas possible de rajouter autre chose après tant de poésie.
https://www.youtube.com/watch?v=tmvnvRBQWmc
jeudi 30 avril 2020
autoportraits : suite et Verger
Plongée plus avant dans l'étude de Schapiro ;
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
mercredi 29 avril 2020
Van Gogh : autoportraits
Début 1888, Paris Huile sur toile 65x 50,5
"Durant son séjour à Paris, van Gogh réalise en moins de deux ans, vingt-deux
autoportraits, deux fois autant qu'il en devait peindre dans les deux années qui
lui restaient à vivre. Comparée au nombre des autoportraits de Rembrandt ;
un peu plus de soixante en quarante ans, l'abondance des portraits de van Gogh
est étonnante, plus étonnante encore en regard de la gaieté et de l'expansivité
de beaucoup de ses peintures parisiennes.
Maladies, querelles, et le conflit - important dans son oeuvre du début de la fin
- entre les exigences de l'art nouveau et les valeurs personnelles
profondément enracinées le rejettent sur lui-même.
Dans quelques uns de ses portraits on voit un visage profondément ardent,
troublé, qui cherche et qui lutte pour découvrir sa voie.
Ce dernier autoportrait de sa période de Paris est le chef-d'oeuvre de la série,
il résume ce qu'il a appris durant ces deux années.
Largement recouvert par l'ombre, il est pourtant tout entier pénétré de
lumière, avec, dans cette ombre, sa plus grande masse de couleur riche : le
bleu ; les mêmes rouges et verts apparaissent dans l'ombre et en pleine
lumière. Le ton verdâtre fait ressortir l'intensité de la barbe et recouvre les traits
contractés et méditatifs, valeur la plus sombre de l'oeuvre. Le contraste du clair
et de l'obscur, comme celui du rouge et du vert, suggère un contraste dans la
personnalité, qui se manifeste dans la différence entre les deux côtés du visage
: l'un plus ténébreux, plus déprimé, est prisonnier de l'angle de la haute toile,
l'autre, plus clair, plus actif, plus ouvert, domine son espace et surmonte les
deux godets, sombres comme les yeux, la palette et la main, avec leur jeu plus
dégagé de rouges et de verts. Les accords majeurs de jaune et de bleu, de vert
et de rouge s'entrelacent et circulent à travers l'espace tout entier avec une
périodicité inattendue - utilisation imaginative de la couleur par delà la
technique et les règles. Le dosage de menues taches contrastées - leçon des
néo-impressionnistes, appliquée librement, sans esprit doctrinaire - donne à la
surface une grande variété et accentue ls formes ; le fond est traité, sans perte
de luminosité, d'une manière plus traditionnelle.
Sous cet ensemble massif, fermement construit, coule un sentiment d'instabilité
; les puissantes diagonales de la palette et des pinceaux, qui rejoignent celles
du chevalet et du montant du châssis, constituent un réseau irrégulier qui
comprend les diagonales brisées de la blouse. Toutes ces lignes contribuent à
l'expression de la tête, qui posséde des formes aussi angulaires, étroitement
emboîtées, et ne paraît arrondie que relativement aux angles plus aigus du
dessous".
Autoportrait 1887
-Carton. 42x33cm
Autoportrait. Carton
1887 19 x 14cm
Lettre à Théo (septembre 1189)
... On dit - et je le crois fort volontiers- qu'il est difficile de se connaître
soi-même - mais il n'est pas aisé non plus de se peindre soi-même.
Ainsi je travaille à deux portraits dans ce moment - faute d'autre
modèle - parce qu'il est plus que le temps que je fasse un peu de
figure. L'un je l'ai commencé le premier jour que je me suis levé, j'étais
maigre, pâle comme un diable. C'est bleu violet fonçé et la tête
blanchâtre avec des cheveux jaunes, donc un effet de couleur.
Mais depuis j'en ai commencé un de trois-quarts sur fond clair. Puis je
retouche des études de cet été - enfin je travaille du matin jusqu'au soir.
Est-ce que tu vas bien - bigre je voudrais bien pour toi que tu fusses
deux ans plus loin et que ces premiers temps de mariage, quelque beau
que ce soit par moments, fussent derrière le dos. Je crois si fermement
qu'un mariage devient surtout bon à la longue et qu'alors on se refait le
tempérament...
Septembre 1889. Saint-Rémy. Toile 57 x43 cm
"Le bleu partout répandu de ce portrait, plus chaud, plus violet dans le fond,
plus froid dans les vêtements, engendre une atmosphère que les mots sont
impuissants à rendre, mais dont le sens d'intériorité ne saurait échapper. Non
seulement le bleu est commun au costume et à l'entourage "abstrait" mais le
jeu vivant du pinceau qui construit le fond cerne comme une auréole, de ses
traces entrecroisées, les bords changeants de la tête ; il se conforme en même
temps, dans son flot véhément, aux rythmes passionnés des touches qui
modèlent le costume et la chevelure. D'une cavité sombre au centre de ce bleu
émerge la tête avec une ardente intensité -le croissant et la chevelure et de la
barbe est comme la lune dans la "Nuit étoilée". Le visage est en grande partie
dans l'ombre, une ombre trasparente magnifiquement peinte, riche en verts et
en bleus, voile sombre à travers lequel pointent les yeux cernés de rouge,
scrutateurs et tristes. En peigant la chevelure, la moustache et la barbe, van
Gogh oublie l'ombre, donnant à ces morceaux leur pleine force de couleurs
lumineuses exceptionnelles, avec des verts, des garance et des rouges
entremêlés. Un courant d'ombre claire, enjambé par le noeud de la blouse,
monte du coin émoussé, relevé vers le haut, de la palette, qui fait écho au
visage. Ici les couleurs sont couchées en ligne horizontale, adaptées de façon
surprenante au bord de la toile, défiant la perspective de la palette elle-même.
Les pinceaux en jaillissent, ainsi que les lignes de la blouse, en une sorte
d'éventail qui va de la tache violette au-dessous au coin d'arrière-plan en dessus
- formes triangulaires répétées et inversées dans les surfaces proches, et qui
culminent dans la région pathétique de l'oeil droit. La tête tournée vers la
droite, en même temps que la palette, donne à ce côté une qualité plus
abrupte, plus resserrée, plus tendue ; l'autre moitié est arrondie et continue
dans ses formes. En même temps, van Gogh, avec une certaine sensibilité
classique dans sa nouvelle manière curviligne, a continué le bord creux du
visage dans la ligne de l'épaule droite, produisant dans ce large tracé en
croissant une symétrie cachée des deux côtés de la tête et des épaules dans un
pose de trois-quarts. Ce portrait, dans sa perfection de joyau et sa profondeur
de sentiment, nous permet de mesurer le grand progrès de van Gogh depuis le
dernier de ses autoportraits parisiens ; il correspond à une plus intime
connaissance de soi aussi bien qu'à un énorme développement de sa puissance
d'expression."
(Magnifique analyse !! )
"Durant son séjour à Paris, van Gogh réalise en moins de deux ans, vingt-deux
autoportraits, deux fois autant qu'il en devait peindre dans les deux années qui
lui restaient à vivre. Comparée au nombre des autoportraits de Rembrandt ;
un peu plus de soixante en quarante ans, l'abondance des portraits de van Gogh
est étonnante, plus étonnante encore en regard de la gaieté et de l'expansivité
de beaucoup de ses peintures parisiennes.
Maladies, querelles, et le conflit - important dans son oeuvre du début de la fin
- entre les exigences de l'art nouveau et les valeurs personnelles
profondément enracinées le rejettent sur lui-même.
Dans quelques uns de ses portraits on voit un visage profondément ardent,
troublé, qui cherche et qui lutte pour découvrir sa voie.
Ce dernier autoportrait de sa période de Paris est le chef-d'oeuvre de la série,
il résume ce qu'il a appris durant ces deux années.
Largement recouvert par l'ombre, il est pourtant tout entier pénétré de
lumière, avec, dans cette ombre, sa plus grande masse de couleur riche : le
bleu ; les mêmes rouges et verts apparaissent dans l'ombre et en pleine
lumière. Le ton verdâtre fait ressortir l'intensité de la barbe et recouvre les traits
contractés et méditatifs, valeur la plus sombre de l'oeuvre. Le contraste du clair
et de l'obscur, comme celui du rouge et du vert, suggère un contraste dans la
personnalité, qui se manifeste dans la différence entre les deux côtés du visage
: l'un plus ténébreux, plus déprimé, est prisonnier de l'angle de la haute toile,
l'autre, plus clair, plus actif, plus ouvert, domine son espace et surmonte les
deux godets, sombres comme les yeux, la palette et la main, avec leur jeu plus
dégagé de rouges et de verts. Les accords majeurs de jaune et de bleu, de vert
et de rouge s'entrelacent et circulent à travers l'espace tout entier avec une
périodicité inattendue - utilisation imaginative de la couleur par delà la
technique et les règles. Le dosage de menues taches contrastées - leçon des
néo-impressionnistes, appliquée librement, sans esprit doctrinaire - donne à la
surface une grande variété et accentue ls formes ; le fond est traité, sans perte
de luminosité, d'une manière plus traditionnelle.
Sous cet ensemble massif, fermement construit, coule un sentiment d'instabilité
; les puissantes diagonales de la palette et des pinceaux, qui rejoignent celles
du chevalet et du montant du châssis, constituent un réseau irrégulier qui
comprend les diagonales brisées de la blouse. Toutes ces lignes contribuent à
l'expression de la tête, qui posséde des formes aussi angulaires, étroitement
emboîtées, et ne paraît arrondie que relativement aux angles plus aigus du
dessous".
Autoportrait 1887
-Carton. 42x33cm
Autoportrait. Carton
1887 19 x 14cm
Lettre à Théo (septembre 1189)
... On dit - et je le crois fort volontiers- qu'il est difficile de se connaître
soi-même - mais il n'est pas aisé non plus de se peindre soi-même.
Ainsi je travaille à deux portraits dans ce moment - faute d'autre
modèle - parce qu'il est plus que le temps que je fasse un peu de
figure. L'un je l'ai commencé le premier jour que je me suis levé, j'étais
maigre, pâle comme un diable. C'est bleu violet fonçé et la tête
blanchâtre avec des cheveux jaunes, donc un effet de couleur.
Mais depuis j'en ai commencé un de trois-quarts sur fond clair. Puis je
retouche des études de cet été - enfin je travaille du matin jusqu'au soir.
Est-ce que tu vas bien - bigre je voudrais bien pour toi que tu fusses
deux ans plus loin et que ces premiers temps de mariage, quelque beau
que ce soit par moments, fussent derrière le dos. Je crois si fermement
qu'un mariage devient surtout bon à la longue et qu'alors on se refait le
tempérament...
Septembre 1889. Saint-Rémy. Toile 57 x43 cm
"Le bleu partout répandu de ce portrait, plus chaud, plus violet dans le fond,
plus froid dans les vêtements, engendre une atmosphère que les mots sont
impuissants à rendre, mais dont le sens d'intériorité ne saurait échapper. Non
seulement le bleu est commun au costume et à l'entourage "abstrait" mais le
jeu vivant du pinceau qui construit le fond cerne comme une auréole, de ses
traces entrecroisées, les bords changeants de la tête ; il se conforme en même
temps, dans son flot véhément, aux rythmes passionnés des touches qui
modèlent le costume et la chevelure. D'une cavité sombre au centre de ce bleu
émerge la tête avec une ardente intensité -le croissant et la chevelure et de la
barbe est comme la lune dans la "Nuit étoilée". Le visage est en grande partie
dans l'ombre, une ombre trasparente magnifiquement peinte, riche en verts et
en bleus, voile sombre à travers lequel pointent les yeux cernés de rouge,
scrutateurs et tristes. En peigant la chevelure, la moustache et la barbe, van
Gogh oublie l'ombre, donnant à ces morceaux leur pleine force de couleurs
lumineuses exceptionnelles, avec des verts, des garance et des rouges
entremêlés. Un courant d'ombre claire, enjambé par le noeud de la blouse,
monte du coin émoussé, relevé vers le haut, de la palette, qui fait écho au
visage. Ici les couleurs sont couchées en ligne horizontale, adaptées de façon
surprenante au bord de la toile, défiant la perspective de la palette elle-même.
Les pinceaux en jaillissent, ainsi que les lignes de la blouse, en une sorte
d'éventail qui va de la tache violette au-dessous au coin d'arrière-plan en dessus
- formes triangulaires répétées et inversées dans les surfaces proches, et qui
culminent dans la région pathétique de l'oeil droit. La tête tournée vers la
droite, en même temps que la palette, donne à ce côté une qualité plus
abrupte, plus resserrée, plus tendue ; l'autre moitié est arrondie et continue
dans ses formes. En même temps, van Gogh, avec une certaine sensibilité
classique dans sa nouvelle manière curviligne, a continué le bord creux du
visage dans la ligne de l'épaule droite, produisant dans ce large tracé en
croissant une symétrie cachée des deux côtés de la tête et des épaules dans un
pose de trois-quarts. Ce portrait, dans sa perfection de joyau et sa profondeur
de sentiment, nous permet de mesurer le grand progrès de van Gogh depuis le
dernier de ses autoportraits parisiens ; il correspond à une plus intime
connaissance de soi aussi bien qu'à un énorme développement de sa puissance
d'expression."
(Magnifique analyse !! )
mardi 28 avril 2020
Vincent Van Gogh
Partageons cette étude sur l'oeuvre de Van Gogh : nous venons de l'évoquer
au sujet d'une toile de Munch qui semble s'inspirer de sa "la Nuit étoilée "
que nous verrons bientôt.
Je vais faire confiance à Meyer Schapiro, ce célèbre critique d'art new-yorkais,
mais je ne serai peut-être pas toujours d'accord avec lui : sa vision "marxiste"
de l'art abstrait, ne sera pas forcèment la mienne ; on en discutera.
Peut-être tout le monde ne connaissait-il pas Munch, mais Van Gogh est
universel,
Rien à voir avec Munch, Vincent s'est suicidé à trente-sept ans désespéré
d'être à la charge de son frère Théo, Edvard est mort à quatre-vingt ans couvert
d'honneurs.
Qu'ont-ils de commun ? l'hopital psychiatrique et pour des raisons différentes
pas tant que cela, en tout cas sentimentales, Van Gogh se mutile à la suite de
ses disputes avec Gauguin, Munch déplore une mésentente avec son amie.
Je voudrais débuter par les autoportraits de Van Gogh puisque nous avons vu
que Munch grâce à la photographie, outre ses peintures, en a fait beaucoup.
J'ai trouvé un certain narcissisme chez lui, il était plutôt "beau gosse" ; les
autoportraits de Van Gogh sont sans concession.
Mais tout d'abord une toile lumineuse, notre horizon rempli de nuages sans
être certains d'une éclaircie, un présent bien bouché, il ne nous reste plus qu'à
nous tourner vers le passé.
Champ de blé aux corbeaux. Juillet 1890 -Huile sur toile 50,5 X 100,5
au sujet d'une toile de Munch qui semble s'inspirer de sa "la Nuit étoilée "
que nous verrons bientôt.
Je vais faire confiance à Meyer Schapiro, ce célèbre critique d'art new-yorkais,
mais je ne serai peut-être pas toujours d'accord avec lui : sa vision "marxiste"
de l'art abstrait, ne sera pas forcèment la mienne ; on en discutera.
Peut-être tout le monde ne connaissait-il pas Munch, mais Van Gogh est
universel,
Rien à voir avec Munch, Vincent s'est suicidé à trente-sept ans désespéré
d'être à la charge de son frère Théo, Edvard est mort à quatre-vingt ans couvert
d'honneurs.
Qu'ont-ils de commun ? l'hopital psychiatrique et pour des raisons différentes
pas tant que cela, en tout cas sentimentales, Van Gogh se mutile à la suite de
ses disputes avec Gauguin, Munch déplore une mésentente avec son amie.
Je voudrais débuter par les autoportraits de Van Gogh puisque nous avons vu
que Munch grâce à la photographie, outre ses peintures, en a fait beaucoup.
J'ai trouvé un certain narcissisme chez lui, il était plutôt "beau gosse" ; les
autoportraits de Van Gogh sont sans concession.
Mais tout d'abord une toile lumineuse, notre horizon rempli de nuages sans
être certains d'une éclaircie, un présent bien bouché, il ne nous reste plus qu'à
nous tourner vers le passé.
Champ de blé aux corbeaux. Juillet 1890 -Huile sur toile 50,5 X 100,5
"Lorsqu'il écrit à propos de ce tableau, peu avant son suicide, van Gogh
témoigne de son atmosphère tragique. Le format de la toile est en rapport avec
le sujet même, un champ qui se déploie depuis l'avant-plan par trois chemins
divergents.
Situation angoissante pour le spectateur, maintenu dans l'équivoque devant ce
grand horizon qu'il ne peut atteindre par aucune des voies qui s'ouvrent devant
lui, car elles s'aveuglent dans les blés ou s'évadent hors des limites du
tableau.
Les lignes perspectives familières de ce large champ sont maintenant inversées
: elles convergent de l'horizon vers le premier plan, comme si l'espace avait
soudain perdu son foyer et que toutes choses se soient retournées
agressivement contre le spectateur. Le ciel bleu et et les champs jaunes se
repoussent mutuellement avec une violence troublante. A travers leur
démarcation, un vol noir de corbeaux s'avance vers un premier plan anarchique.
Et là, dans ce désarroi pathétique, se dessine une puissante réaction de l'artiste.
En contraste avec la turbulence de la touche, l'ensemble de l'espace est d'une
largeur et d'une simplicité primordiales. La fréquence avec laquelle chaque
couleur a été appliquée est liée à l'étendue et à la stabilité des surfaces qu'elle
couvre. L'artiste semble avoir compté : un est le bleu unique du ciel- unité,
ampleur, résolution ultime ; deux est le jaune complémentaire des masses
bifurquées, instables, du blé qui pousse ; trois est le rouge des chemins
divergents qui ne conduisent nulle part ; quatre est le vert complémentaire de
l'herbe en friche qui borde ces routes ; et comme le "n" de la série, il y a la
progression sans fin du zig-zag ds corbeaux, ces figures du destin qui viennent
de l'horizon lointain. De même qu'un homme en détresse compte et énumère
pour se raccrocher solidement aux choses et combattre une impulsion, van
Gogh, au dernier degré de l'angoisse, crée un ordre arithmétique qui lui permet
de résister à la désintrégation. Il fait un effort intense de contrôle et
d'organisation. Les contrastes fondamentaux deviennent les apparences
essentielles ; et, dans cet ordre simple, les zones séparées sont reliées par des
échos de couleur, sans changer les forces plus importantes de l'ensemble. Les
deux nuages verts sont des reflets, très affaiblis, du vert des routes. Et dans le
bleu du ciel est une vague pulsation d'obsurité et de clarté qui résume la
grande inquiétude de la terre au-dessous".
https://www.youtube.com/watch?v=WGIyx11nnfU
lundi 27 avril 2020
Le regard retourné : suite
A l'instar de Rembrandt notamment dans ses derniers autoportraits Munch
étudie la dégradation de son corps, se peint dans tous les états qu'il traverse.
En1919, il réalise un autoportrait alors qu'il est atteint de la grippe espagnole.
dans cette toile, dont les tons particulièrement vifs et joyeux contrastent avec
le sujet du tableau. Il se représente sans détour affaibli et décharné. Un même
sentiment de profonde solitude se dégage du "Noctambule". Munch se peint
comme en contre-jour, ses traits sont ainsi dissimulés derrière des ombres.
L'absence de décoration de la pièce et le fait que la scène soit nocturne ne
font qu'accentuer l'isolement du personnage.
Autoportrait avec la grippe espagnole. 1910
Le Noctambule . 1923-1924 ; huile sur toile, 90x68 cm
"Le bonheur est l'ami du chagrin
le printemps est l'annonciateur de l'automne
la mort est la naissance de la vie (1915-1930)
Les autoportraits que Munch peint dans les dix dernières années de sa vie
montrent tous, sans indulgence, un vieillard attendant la mort. Dans
"l'Autoportrait près de la fenêtre", le visage rougi du personnage traduit comme
souvent dans les toiles de Munch, davantage un sentiment de tristesse
intérieure que de colère. Cet effet est renforcé par une bouche tombante. En
contraste avec ce rouge semblant confiné à la partie gauche de la toile, le
paysage paraît peint en noir et blanc tant la froideur de ses tons éteint toute
vie. Le radiateur lui-même est gagné par ce gel. Munch, lui, se tient
inconfortablement entre deux atmosphères, entre la vie, attachée au rouge et
la mort glaciale, du paysage hivernal. Il règne dans cet autoportrait le même
sentiment de solitude et de désolation que dans sa dernière oeuvre, peinte à
près de 80 ans : " Autoportrait Deux heures et quart du matin"
Autoportrait :1940-1943
Autoportrait près de la fenêtre vers 1940
Munch appraît ici, en proie à une grande amertume, les bras pendants,
désoeuvré. il se tient, figé, dans un double entre-deux sinistre : entre
l'horloge et le lit tout d'abord, comme l'indique le titre, c'est-à-dire entre deux
symboles de mort. L'horloge qui n'a même plus d'aiguilles, semble indiquer
que le temps de l'artiste est révolu. Mais l'artiste apparaît aussi entre deux
pièces ; une chambre toute de pénombre et une salle baignée de soleil. Dans
cette dernière, les murs sont couverts de toiles de Munch, évoquant sa vie
passée, maintenant derrière lui. La chambre qui s'ouvre à lui, en contraste, est
peinte dans des tons froids et sombres. Et si un tableau est accroché sur le
mur de droite, il s'agit d'un nu fantomatique, dont la verticalité renvoie à
l'horloge de gauche. Cette composition en croix, entre l'horloge et le lit, entre
la lumière et la pénombre, est enfin renforcée par la croix lugubre qui git aux
pieds du peintre, formée par son ombre, et qui semble le condamner. Plusieurs
artistes contemporains ont été marqués par cet autoportrait. Plus de trente
après sa réalisation, Jasper Johns fonde notamment toute une série de toiles
autour du motif graphique du couvre-lit.
Autoportrait entre l'horloge et le lit : 1940-1943
étudie la dégradation de son corps, se peint dans tous les états qu'il traverse.
En1919, il réalise un autoportrait alors qu'il est atteint de la grippe espagnole.
dans cette toile, dont les tons particulièrement vifs et joyeux contrastent avec
le sujet du tableau. Il se représente sans détour affaibli et décharné. Un même
sentiment de profonde solitude se dégage du "Noctambule". Munch se peint
comme en contre-jour, ses traits sont ainsi dissimulés derrière des ombres.
L'absence de décoration de la pièce et le fait que la scène soit nocturne ne
font qu'accentuer l'isolement du personnage.
Autoportrait avec la grippe espagnole. 1910
Le Noctambule . 1923-1924 ; huile sur toile, 90x68 cm
"Le bonheur est l'ami du chagrin
le printemps est l'annonciateur de l'automne
la mort est la naissance de la vie (1915-1930)
Les autoportraits que Munch peint dans les dix dernières années de sa vie
montrent tous, sans indulgence, un vieillard attendant la mort. Dans
"l'Autoportrait près de la fenêtre", le visage rougi du personnage traduit comme
souvent dans les toiles de Munch, davantage un sentiment de tristesse
intérieure que de colère. Cet effet est renforcé par une bouche tombante. En
contraste avec ce rouge semblant confiné à la partie gauche de la toile, le
paysage paraît peint en noir et blanc tant la froideur de ses tons éteint toute
vie. Le radiateur lui-même est gagné par ce gel. Munch, lui, se tient
inconfortablement entre deux atmosphères, entre la vie, attachée au rouge et
la mort glaciale, du paysage hivernal. Il règne dans cet autoportrait le même
sentiment de solitude et de désolation que dans sa dernière oeuvre, peinte à
près de 80 ans : " Autoportrait Deux heures et quart du matin"
Autoportrait :1940-1943
Autoportrait près de la fenêtre vers 1940
Munch appraît ici, en proie à une grande amertume, les bras pendants,
désoeuvré. il se tient, figé, dans un double entre-deux sinistre : entre
l'horloge et le lit tout d'abord, comme l'indique le titre, c'est-à-dire entre deux
symboles de mort. L'horloge qui n'a même plus d'aiguilles, semble indiquer
que le temps de l'artiste est révolu. Mais l'artiste apparaît aussi entre deux
pièces ; une chambre toute de pénombre et une salle baignée de soleil. Dans
cette dernière, les murs sont couverts de toiles de Munch, évoquant sa vie
passée, maintenant derrière lui. La chambre qui s'ouvre à lui, en contraste, est
peinte dans des tons froids et sombres. Et si un tableau est accroché sur le
mur de droite, il s'agit d'un nu fantomatique, dont la verticalité renvoie à
l'horloge de gauche. Cette composition en croix, entre l'horloge et le lit, entre
la lumière et la pénombre, est enfin renforcée par la croix lugubre qui git aux
pieds du peintre, formée par son ombre, et qui semble le condamner. Plusieurs
artistes contemporains ont été marqués par cet autoportrait. Plus de trente
après sa réalisation, Jasper Johns fonde notamment toute une série de toiles
autour du motif graphique du couvre-lit.
Autoportrait entre l'horloge et le lit : 1940-1943
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