mercredi 20 janvier 2021

Joseph William Mallord ; Turner

 


  Autoportrait vers 1798. Tate Gallery Londres

L'on n'oublie jamais Turner, quatre ans et demi pendant lesquels  je n'ai jamais 

oublié ses toiles admirées à Londres (archives  4 septembre 2016) mais 

aujourd'hui, je souhaite lui consacrer un peu plus de temps.

Nous n'allons pas plonger de suite dans "Impression soleil levant"... 

Son enfance ne fut pas drôle et il est fort probable que pour échapper aux colères

 destructives  de sa mère (dont il porte  le nom suivi de celui de son père) il ait

pris l'habitude de se faire oublier,  taciturne, effacé ? alors que d'autres de ses 

contemporains le décrivent  joyeux, aimable, cultivé. Clara Wheeler dit de lui 

"Personne n'aurait pu imaginer la ferveur des sentiments qu'il cachait derrière

une apparence rude et froide"  Poète, c'est dans la peinture qu'il exprimera sa

 poésie.

 C'est dans l'observation de la nature  que ses premiers dessins s'expriment, 

fleurs, oiseaux favorisés par la proximité de Covent garden ; son premier carnet

 de croquis date de 1789, C'est alors qu'il intègre la Royal Academic Schools, avec

  pour professeur Thomas Malton, spécialiste en sujets d'architecture, étude qu'il 

confortera dans l'atelier  de l'architecte Harwick.

 La Maison du Chapitre Salisbury  (crayon et aquarelle Victoria et Albert Museum)

 C'était une branche des Beaux-Arts très prisée du public qui pouvait  garantir 

une rentabilité.

 La Tour Tom, Christ Church, Oxford  (British Museum)


 En 1791-1792 il découvre 

la campagne anglaise en

 s'installant chez un ami de 

son père John Narraway, 

pelletier et fabricant de

 colle. 

 Voilà l'occasion  de 

découvrir de merveilleux 

paysages, de les brosser 

d'un coup de crayon et 

d'en rapporter des

 impressions mises à profit

 dans son atelier. Les

 relations qu'il entretint 

avec Thomas Girtin,

 aquarelliste de renom au

 cours d'une collaboration

 voulue par le docteur

 Monro pour achever les dessins inachevés par John Robert Cozens, lui permirent

 de parachever la connaissance de l'aquarelle tout en permettant à ces jeunes 

artistes d'arrondir leurs fins de mois et cela pendant trois ans.

                                       Le pont d' Abergavenny, Monmouthshire
 Victoria and Albert Museum

Turner considère alors sa formation suffisante pour exposer à la Royal Academy 

gérée jusqu'en 1792 par Sir Joshua Reynolds et qui imposait les canons d'un art

 suivi dans  toute l'Europe.


                         Château de Kilgarren vers 1798 City Art Manchester


mardi 19 janvier 2021

Planches de fleurs et de fruits

  Je pense vous avoir dit l'essentiel autour du florilège de Nassau, encore quelques

 planches en vélin  dont la couleur tranche sur les blancs de gel ou de neige très

 présents cette année, et qui nous incitent à envisager  un  printemps et  un été, 

"libres" et lumineux.

 Joan Walter, fecit, 1655
 

Différentes fleurs de rosiers (Rosa alba Linné); Rosa damasceana Miller : Rosa

 centifolia Linné). Au centre la rose capucine, qui fut longtemps très recherchée

. La rose existait à l'état indigène en Europe (ce n'est qu'une amélioration de la 

fleur de l'églantier) mais la plupart des espèces cultivées proviennent du Proche-

Orient et ont été introduites à partir de l'époque des croisades.


 

Cette planche fut peinte en

 1662 .15 maÿ

Deux orchis encadrent une

 giroflée jaune; cette

 giroflée est une variété à 

fleur double du 

Cheiranthus cheiri Linné 

ou ravenelle, indigène en 

Europe (surtout dans les 

secteurs méridionaux). La

 fleur de gauche semble

 être un orchis pourpré 

(orchis purpurea Hudson

 indigène en Allemagne et

 en France, quoique peu

 commun. (protégés)

La giroflée est de plus belle

 venue : on peut penser que 

Johann Walter était mieux habitué aux giroflées qi'aux orchidées, plus rares et de

 formes plus difficiles à peindre. Les orchidées d'origine exotique ne seront

 introduites dans nos contrées par les floriculteurs qu'au XVIII ème siècle.


 J W F 1655

 La fleur peinte ici est une 

pivoine des jardins (Paeonia

 officinalis Retz),

 représentée à fleur

 simple 

et à fleur double.

 Introduite

 en 1548, la pivoine est 

originaire d'Europe 

méridionale. D'autres

 espèces exotiques,

 cultivées aujourd'hui

 ont été introduites 

ultérieurement.





 J W F 1654

 La fleur la plus haute est un lis blanc (Lilium candidum) Linné, fleur introduite

 depuis le Moyen-Orient à l'époque des croisades. A gauche un glaïeul (Galdiolus) 

fleur d'origine méditerranéenne. Parmi les plantes les plus basses, on remarque 

une petite fleur blanche qui est probablement une matricaire à fleur double, à 

cette réserve près que le peintre semble avoir emprunté le feuillage à une autre 

espèce. La fleur rose est une silène (Silena gallica Linné). A droite un souci 

(Calendula officinalis Linné), fleur d'origine européenne, ici en variété à fleur 

double.


 J W F 1661. M. Augusti

Des figues, fruits du Ficus carica Linné, que l'on cultivait déjà en Egypte 4000 ans

 avant notre ère. L'Ancien Testament décrit la Terre promise comme "un pays de

 froment et d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers". Au-dessous des prunes

 qui pourraient être des "perdrigones", une pêche, et des poires probablement à 

poiré  car de petite taille. En bas des pommes, une poire qui ressemble à l'Elzette 

à peau fine rouge des Cévennes, d'autres poires.

Plus bas encore, une petite poire et une noix ouverte. On remarque également une

  fleur d'Ipomoea.


                                                                               J W F 1664

 En haut, rameau fleuri et fruits, ainsi qu'un quartier de fruit montrant les graines,

 du grenadier ou Punica granatum Linné, arbre fruitier chargé de symboles depuis

 l'Antiquité dans l'Est méditerranéen. Au centre, une variété de prune fruits et

 rameau fleuillu du Prunus domestica Linné.

 En bas fruits du cédratier, le Citrus medica Linné, la "pomme de médic" de 

l'Antiquité méditerranéenne orientale. Le cédrat est l'étrog, l'un des signes 

végétaux associés au rite de la fête juive "des Tabernacles". 

Le papillon est un sphynx du troène. Le coléoptère cérambycide longicorne est

 peut-être de provenance exotique.



 


lundi 18 janvier 2021

Les trois Florilèges : une énigme

  Le premier ayant appartenu au comte de Nassau a disparu, le second a été 

monté et relié  pour Jean Stuart, troisième comte de Bute, ami personnel du roi 

George III dont il fut le conseiller et le ministre. La reliure a été exécutée entre 

1762, date à laquelle il fut fait chevalier de l'ordre de la Jarretière, et 1792 date de

 sa mort. Plus vraisemblablement, le terminus a quo peut être avancé jusqu'à 

1771, car, à cette date, sa première bibliothèque fut anéantie par le feu.

 Passsionné de botanique, Bute acheta en 1783 un vaste domaine à Luton Boo, 

dans le Bedforfshire. Il y fit construire une maison par les soins de l'architecte

 écossais Robert Adam, et aménager un jardin botanique. C'est dans ce cadre

 bucolique qu'il termina ses jours loin de la vie politique, occupé à ses doctes

 travaux sur la flore britannique.


 Johann Walter 1661

Le recueil conservé à la Bibliothèque nationale de Paris provient des collections du

 comte Dimitri Petrovitch Boutourlin (1763-1829). Celui-ci aide de camp de 

Potemkine puis passé aux affaires étrangères, fut nommé directeur du musée de 

l'Ermitage. Bibliophile passionné et grand amateur de fleurs, sa bibliothèque et son

 jardin botanique étaient célèbres à Moscou. Privé de sa bibliothèque par 

l'incendie de 1812 (c'était nous dit la préface du catalogue de sa seconde

 bibliothèque, une des plus belles collections de livres connues en Europe, le fruit 

de trente années de peines et de recherches, il est impossible de savoir comment

il s'était procuré cet album. En effet les bibliophiles utilisent fréquemment des

 "rabatteurs", des mandataires chargés de rechercher pour eux des pièces rares :

 on ne peut donc affirmer qu'il l'ait acheté en Italie. Le catalogue de 1831, dressé

 par Audin de Rians, ne fait pas mention des peintures : faisant la part belle aux

 manuscrits, aux éditions des Aldes, des Giunti, des Boldoni, il n'énumère aucun 

recueil d'estampes ou de dessins.

 description de cette planche, plus loin.

La vente de la bibliothèque du comte se fit en trois vacations C'est au cours de la

 dernière, qui eut lieu à Paris le jeudi 14 octobre 1841, que l'album du florilège fut

 vendu.Le catalogue le décrit (dans son supplément) sous le numéro 1709 : Vues 

des jardins et maisons de plaisance des prince de Nassau. Ouvrage d'une belle

 exécution. On y remarque le portrait du comte de Nassau, celui de son épouse et

 celui du peintre Jean Walter. Les autres pièces représentent des parterres, des 

fontaines, des grottes etc. Elles sont suivies de 31 dessins de fleurs, de fruits, de

 la main du même peintre ; puis de 13 autres, exécutées par divers artistes

 distingués, et, dont la premiére porte le nom de Marie-Isabelle Braeffin. Les

 autres contiennent des fleurs, des oiseaux et des coquilles.


description plus loin

A la vente Bourtoulin, l'album fut vraisemblablement acquis par Lemière 

marchand d'estampes. Quoiqu'il en soit, il tomba rapidement entre ses mains. Les

 archives du département nous fournissent l'indication suivante : le 17 novembre 

1841, Jean Duchesne Ainé, qui présidait aux destinées du Cabinet des Estampes,

 demandait l'autorisation d'acquérir pour la somme de 350 francs un "recueil de

 miniatures curieuses du temps de Louis XIV que proposait Lemière. L'autorisation

 ministérielle fut accordée le 6 décembre 1841. Le relevé des acquisitions note que

 l'achat fut enregistré en avril 1842 et que le volume in-folio contenait soixante-

huit peintures.Il est évidemment très regrettable de n'avoir pas conservé la reliure

 de maroquin rouge dans lequel l'ensembre des miniatures est parvenu à la

 bibliothèque nationale. Il s'agit là d'une perte irréparable pour l'histoire du

 florilège.



 L'hypothése a pu être avancée, et nous y souscrivons, que le recueil de Bute et

 celui de Bourtoulin ne faisaient initialement qu'un et qu'il s'agissait sans aucun

 doute du florillège du comte lui-même. Cette hypothése est invérifiable, mais 

vraisemblable, car dans les archives d'Ilstein, il est toujours question de deux

 florilèges et non de trois. D'autre part on sait que le florilège du comte se montait

 à  cent-quatre-vingt douze planches. Or, le florilège de Londres compte cent-

trente-sept feuilles en deux volumes, et celui de Paris cinquante-quatre, ce qui

 nous amène à un total de cent-quatre-vingt onze. On peut supposer que Bute (ou

 un possesseur antérieur actuellement inconnu) fit trier les planches, mettant de

 côté celles qui avaient un intérêt botanique éminent (parce que pourvues de

 légendes) de l'autre celles qui avaient un caractère artistique accompli, mais

 n'apportaient rien pour la connaissance de la botanique. On sait d'ailleurs que les

 doubles de la bibliothèque et de la collection d'estampes de Bude furent vendus

 après sa mort.

                                                                               à suivre




samedi 16 janvier 2021

Johann Walter : chroniqueur et ornithologue

 

 Johann Walter. Gustave-Adolphe, Roi de Suède à la Bataille de Breitenfelf (1632)

                                            conservé à Strasbourg au Musée Historique

 Walter n'est en effet pas connu comme peintre, mai aussi chroniqueur. Il a laissé 

une chronique relatant l'histoire de sa ville natale, des origines à son temps, dont 

la bibliothèque de Strasbourg possède deux manuscrits. Cette chronique nous

 montre un homme honnête, d'une innocence candide, qui "copiait" aveuglément

 les autres historiens, commençant son récit par le Déluge et attribuant la 

fondation de Strasbourg aux Assyriens, très précisément à Trébéta, beau-fils de la

 reine Sémiramis en l'an 2683, avec trois-cent cinquante ans d'antériorité par 

rpport à Rome!

C'est un peu la loi de ce genre de chronique : les temps les plus proches du

 narrateur sont seuls utiles et même précieux pour le XVII ème siècle.

Il apparaît comme un homme sincère, de bon sens, bien informé. Sa chronique est

 intéressante pour la guerre de Trente Ans mais pour la lente décadence de sa ville

 natale (1649-1676) et la montée du pouvor absolu de Louis XIV.  Son témoignage

 est précieux du point de vue économique,  politique et religieux. Mais ce brave

 bourgeois, protestant zélé, est aussi crédule (il croit aux 'Poltergeyst, esprits 

 frappeurs et autres phénomènes) que cancanier. Il rapporte avec les mêmes 

frissons les faits d'armes de son pays et les exécutions de femme convaincues

 d'adultère. Il fustige le dévergondage des moeurs, et relate avec une feinte 

épouvante dissimulant mal une certaine satisfaction, le châtiments des coureuses

 de foire.

 Sa vie ne dut pas être de tout repos, car on le voit parcourir  des contrées

 dangereuses : ainsi raconte-t-il revenir d'Ilstein alors que les armées impériales

 font diversion au roi de France aux environs de Francfort et comment il passe le 7

 octobre 1672 avec cinq compagnons en voyage au milieu de deux armées ;

 quelques jours plus tard on le voit assurer le tour de garde avec sa compagnie 

alors qu'il est presque septuagénaire. Sa haine des Français éclate partout, 

pourtant il truffe son texte d'expressions françaises.

Walter dont le style est si serein et si pur, qui est attaché à peindre les merveilles 

de la nature a donc vécu dans une période les plus terribles de l'histoire 

européenne. Pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648) l'Alsace servit de

 champ de bataille. Les armées impériales suédoises, françaises la parcoururent 

en tous sens. Massacres et famines décimèrent les populations, et ce fut une 

Alsace misérable que le traité de Westphalie céda finalement à la France.

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 C'est surtout pour ses peintures sur vélin que Walter est passé à la postérité. Son

 oeuvre la plus célèbre est" l'Ornithographia" que conserve aujourd'hui l'Albertina 

de Vienne. C'est un sublime recueil d'une centaine de dessins aquarellés d'oiseaux 

de toutes sortes dont beaucoup d'exotiques. Le margrave de Bade-Durlach lui 

envoya des spécimens rares, sachant qu'il les recherchait.

 Outre du Florilège c'est d'un autre volume que peut s'enorgueillir le

 Département des Estampes de la Bibliothèque nationale, un sublime recueil

 attribué de nos jours à Georges Hoefnagel, attribution flatteuse s'il en est mais

 erronée, bien qu'elle ait été toujours considérée comme intangible, en raison

 d'une mention manuscrite sur la page de titre. Ce volume relié par Derôme le

 Jeune, comporte quarante et une planches de la main de Walter. Le Cabinet des 

Estampes de Strasbourg possède de son côté vingt planches qui pourraient bien

 avoir initialement appartenu au même recueil. Au début du XVIII ème siècle,

 Claude Aubriet, peintre attaché au jardin du roi, possédait en effet une 

Ornithologie due au pinceau de Johann Walter.

 

 'Picus maximus niger, vulgo "Ein Trâbe Pfecht" 17 octobre 1646 

                                                                         grand pic noir. 

 Les légendes sont en latin et en allemand. La valeur scientifique est très grande, 

car Walter peignait avec une exactitude scrupuleuse. Il a en outre noté les 

passages d'oiseaux en Alsace. L'album comporte des indications biographiques.

 C'est ainsi que sur la légende d'un oiseau, il explique avoir vu l'animal à Chantilly 

: pour tel autre il précise que ce spécimen lui a été envoyé par le margrave de 

Bade-Durlach.


                                                               "Pica Marina" (Planche 19)



vendredi 15 janvier 2021

Johann Walter

 

                                        Autoportrait de 1667

Le peintre s'est représenté à lge de cinquante-sept ans,( il se rajeunissait, sur la 

légende de la planche, car il avait en réalité soixante-trois ans en 1667), assis  

dans un fauteiuil recouvert de cuir repoussé, en train de peindre la seconde épouse

 de Johan de Nassau, Anna von Leiningen, en robe de grand apparat ornée de 

broderies, de perles et de pierres précieuses. Un petit bouquet dans un vase de

 bronze du XVI ème sur le bahut ainsi que la reproduction - minuscule- de la

 statue colossale dite Flore Farnèse (aujourd'hui au musée de Naples)rappelle que

 le peintre lui aussi est un collectionneur. Walter ne peignit ce portrait qu'après

des admonestations réitérées de son bienfaiteur. Il se fit aider pour la circonstance

par Barthélémy Hopfer, portraitiste originaire d'Augsbourgg, actif à cette époque à

 Strasbourg

  Walter est né le 23 janvier 1604 à Strasbourg, dans une ville déjà célèbre depuis

le XIV ème siècle pour son activité artistique ; l'arrivée de réfugiés français tels

 que les Aubry, Etienne Delaune, de flamands et wallons comme Théodore de Bry

ou Daniel Soreau ou les graveurs Van der Heyden ajoutent encore à ce prestige.

 Les princes alentour favorisaient  une vie artistique variée où les peintres

 venaient en résidence, si je puis dire.

 Les cabinets de curiosité regorgeaient  d'estampes,  de médailles, de jetons, de 

pierres gravées, de minéraux, d'instruments.

 Cet environnement a sans doute favorisé sa vocation qu'il débute selon toute 

probabilité  chez le miniaturiste et graveur Frédéric Brentel (1580-1651).

 Ce dernier est célèbre pour un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale :

un livre d'heures destiné à l'usage de Rome. On trouve dans les heures de 

Guillaume de Bade illustrant le calendrier dont le sujet et le style s'apparentent 

fort aux allégories des saisons du florilège de Walter. Mais pour l'instant ce sont

  justement des extraits de ce manuscrit de Brentel que je veux vous proposer.

 Nous verrons par la suite que Walter ne s'est pas contenté de planches de fleurs.

 mais a su aussi s'intéresser aux oiseaux.

             Frédéric Brentel. Livre d'heures à l'usage de Rome 

               .BN. Manuscrits      (Fol. D V°)                                Mars la chasse 

                             Août : La moisson et la chasse au faucon



                                      Septembre.  La chasse aux cerfs

 

mercredi 13 janvier 2021

Topiaires d'isdtein

 Dans une lettre à Fürttenbach, le comte décrit ses plates-bandes, avec une foule

 de détails que l'on ne retrouve pas tous dans les vues du florilège. Il précise que 

son jardin est divisé en trois parties, qu'au centre les massifs ont  la forme des

 meilleurs fruits de la terre : citrons, pêches, figues, ou encore noisettes, mais

que sur l'un des côtés, il a donné aux massifs la forme d'ennemis des jardins (pour

 conjurer le sort ! ), comme les chenilles et les lucarnes, et sur l'autre, celle 

d'animaux extrordinaires comme les crocodiles, dragons et autres basilics.

 A l'intérieur des massifs, la disposition des fleurs s'ordonnait selon la hiérarchie

 communément admise à l'époque : au centre les fritillaires, aux extrémités les lis.

 Puis par ordre décroissant, narcisses, jacynthes, iris anémones, crocus, 

renoncules.

 Au centre des massifs étaient plantées de minces hampes de bois couronnées de 

boules peintes, couleur d'or, d'argent ou de cuivre, et saupoudrées de sable

 étincelant , servant à la fois de décoration et d'épouvantails pour les oiseaux.

 Ainsi le comte n'avait-il rien négligé en ce qui concerne l'agencement et la 

décoration de son jardin. Le florilège par ailleurs ne nous laisse rien ignorer des

 trésors végétaux réunis par ses soins, et dont il devait tirer une légitime fierté.

Il peut sembler qu'un principicule comme Jean de Nassau-Idstein ait pu réunir

 dans ce  petit jardin tant de plantes d'espèces différentes. Il était en relation

 épistolaire avec beaucoup de nobles allemands, apparentés ou non, et il procédait 

à des échanges de renseignements sur l'horticulture, mais aussi de graines et de 

plantes. Parmi ceux-ci on mentionnera son frère, Ernst Casimir, également grand 

amateur de fleurs, puis après la mort de celui-ci, son fils Frédéric. Mais on doit

 aussi mentionner la comtesse Johanna von Erbach : son beau-frère le comte de

 Leiningen ; le comte palatin George Wilhem de Birkenfeld et au moins trois 

autres. Bien évidemment les dons ne suffisaient pa à l'enrichissement du jardin et 

le comte procédait aussi par achat. Des factures mentionnent l'envoi de la foire 

d'automne de Francfort, de livraisons de bulbes, la plupart de tulipes

 


 planche signée J Walter . f . 1652

 (chaque planche fait l'objet d'un descriptif, vais-je interrompre mon récit  ? ... 

momentanément... au profit de ce descriptif,  mais je reprendrai le fil de l'histoire)

Différentes variétés de tulipes horticoles.  Au XVII ème siècle, la tulipe, originaire

 du Proche-Orient (Iran, région de la mer Caspienne, déchaîna toute l'Europe , où 

elle avait été récemment introduite, une véritable passion. La "tulipomanie" gagna

 toutes les classes de la société et fut l'objet d'incroyables spéculations. On pouvait

 payer un prix énorme pour obtenir un oignon de cette fleur, en donner en dot à sa

 fille, et l'on sait qu'à Lille une brasserie fut cédée en échange d'un seul bulbe 

d'une variété qui pour cette raison fut dénommée 'tulipe brasserie"!.

La Bruyère a sigmatisé dans ses "Caractères" les excés de cette folie, qui perdura 

jusqu'au XVIII ème siècle.


 





 Le papillon est un Lycanea














 J W F 1655

 Tulipe horticole et iris des jardins. Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas

 ici d'iris nains, sensiblemnt différents. Le peintre a vraisemblablement représenté

 l'iris comme plus petit car la tulipe est plus haut placée dans la hiérarchie des

 fleurs. Très recherché pour son parfum, l'iris entrait aussi dans bon nombre de 

compositions pharmaceutiques.



Le choix présenté ici

 souligne le goût particulier 

du comte de Nassau  pour

 les tulipes dites

 "flamandes". Dés 1534,

 on cultivait la tulipe de 

Gesner qui fut ensuite 

l'objet de transformations 

considérables dans sa 

forme et ses coloris.

 On était particulièrement 

fier  de posséder ces 

nouveautés enflammées,

 aux couleur vives sur fond 

blanc pur, connues 

aujourd'hui sous le nom  de 

"race Rembrandt"



Planche gravée d'après un dessin de Joseph Fürttenbach l'Ancien pour l'ouvrage 

"Feriae Architectonicae" 1662  B N

Il ne pouvait manquer d'exposer un bouquet de tulipes sur le portrait que fait de 

lui Johan Walker en 1664

 


 Le comte est assis dans son cabinet. l'homme n'est ni de belle stature, ni de traits

 séduisants : ce portrait altéra du reste quelque temps ses rapports avec le

 peintre. Vétu d'un austère costume noir, il s'appuie sur une table couverte d'un

 tapis rouge, sur laquelle s'entassent divers volumes aux tranches colorées, celui

de l'extrémité gauche relié en peau de truie à cabochons, selon une mode très

répandue  dans les pays germaniques. Il tient dans la main droite un compas, dont

 il se sert pour mesurer le plan d'un ouvrage fortifié. Divers instruments de dessin

 sont posés sur la table ; une boite à compas et tire-lignes, une équerre, ainsi 

 qu'une montre dont la clé pend au bout d'un cordon.

 Son activité présente évoque sa carrière militaire, dont font aussi écho la cuirasse,

 le baudrier et l'épée, comme la peinture sur le mur du fond, une scène de bataille 

à l'antique à demi-masquée par son rideau cramoisi.

Les passions du collectionneur se signalent par les sculptures (dont une allégorie

 de l'Abondance), le vase aux tulipes, le cadre contenant une peinture de fleurs et

 les nombreux coquillages entassés dans une corbeille à même le sol. Ce portrait

 montre que si Walter était fort habile dans la peinture des objets ou des fleurs, il 

ne l'est guère pour ce qui est de la perspective (le dessin de la table, notamment 

laisse à désirer)

mardi 12 janvier 2021

La Tourelle d'Istein

  Jean de Nassau se mettait en scène, tout était occasion d'afficher ses armes et

 faire remonter son ascendance au comte Balthazar, seul catholique et chevalier

de l'Ordre Teutonique, dans des cartouches soutenus par des putti  ou sur fond

noir, sur l'un d'entre eux, on peut lire " (traduction)  L'an 1652, le noble Jean

 comte de Nassau, Sarrebrûck, Saarwerden etc, a restauré agrandi et décoré cette

 tour et ce jardin, à l'occasion de ses secondes noces avec Anna, comtesse de

 Linange-Dabo" 

Sur un autre en marbre noir il fait graver "De tout temps les comtes de Nassau 

sont nés pour exercer leur héroisme dans l'art et dans la guerre. Le comte Jean a

 passé ses jeunes années jour et nuit sans dormir dans la tente de Mars et de

 Minerve. Un triste destin lui a infligé treize ans de misère, mais les armes une fois

 déposées, tout en atteignant le faîte de la puissance et de la sagesse, il s'est

 diverti durant vingt cinq ans à décorer ces lieux de fleurs, d'arbres rares et de

 jeux d'eau" 

Les sept voûtains sont décorés par des peintures sur toile marouflées dues au

 pinceau de Johan Walter. Ces voûtains sont dédiées aux sept divinités qui régnent 

sur les jours de la semaine. Celles-ci sont représentées dans les cieux avec leurs 

attributs habituels.


 Au sommet de chaque voûtain sont placés le ou les signes zodiacaux dans 

lesquels la planète concernée a son ou ses domiciles.

 Ces divinités survolent les paysages des contrées dont le comte s'enorgueillit 

 d'être seigneur, paysages peints par Walter non sur place mais chez lui, à 

Strasbourg, probablement d'après des gravures ou des esquisses de Mathieu

 Mérian le jeune. (Et ce n'est pas fini !! ) Sous chaque compartiment peut se lire

 gravé en lettres d'or sur une table de marbre noir, un quatrain en latin chantant 

les bienfaits supposés de chaque divinité envers les fleurs et notamment l'octroi de

 leur couleur. A partir de la porte d'entrée, dans le sens inverse des aiguilles d'une

 montre, on voit successivement : Apollon, dans un char tiré par quatre chevaux

 blancs, accompagné par le Zéphire et les Brises. Au-dessus, le signe zodiacal du

 Lion (le soleil n'a qu'une seule demeure).


 (on retrouve, à droite, la gravure de la ville d'idstein faite par Matthieu Mérian)

 "Vita meum munus, vitam sol floribus addo./ Nulla potest radiis planta carere 

meis./ Aureus a nobis color est spectandus in hortis/ et referunt patrem nostra 

creata suum " (Petite leçon de latin et de mythologie pour les visiteurs du jardin)

Diane nimbée d'un croissant de lune, dans un char tiré par un cerf et une biche, 

ces deux animaux lui étant consacrés. Des amours font tomber sur elle une pluie 

de pétales de fleurs. Au-dessus, on reconnaît  le signe du Cancer (la Lune, elle

 aussi,  n'a qu'une seule demeure. (Je vous épargne le latin)

"Moi, Cynthie, j'arrose les fleurs de liqueurs nocturnes. Mes lis montrent leur 

blancheur. Je couvre d'une parure variée toute plante pour peu qu'elle soit cultivée

 par une main habile).

                                                                    à suivre

 

Planche de Yucca peinte en 1652 par Walter



















Prunus de 1661



Mars, dans son char tiré par deux molosses, est accompagné par la renommée

 reconnaissable à ses trompettes, et de la Guerre, qui brandit torche et épée.

 Au-dessus, le Bélier (sa demeure diurne) etle Scorpion sa demeure nocturne.

 Au dessous s'étend une vue de Nassau. 

Grata rubedo mihi rubros Mars profero flores / Val quoniam speciem Flos rubicondus Habet /Quas fundunt Flammas rutilentia Cariophilla / Flori romanoquantus habetur honos

Mercure apparaît dans le voûtain suivant, coiffé de son pétase et chaussé de ses

 sandales ailées, la main droite tenant le caducée, dans son char tiré par des deux

 animaux fidèles, le coq et le dindon. A ses pieds deux putti font pleuvoir des

 richesses sur  Idstein

dont on reconnaît

 aisément  le château et

 le jardin ceint de  sa 

clôture verte. Les signes

 zodiacaux sont les

 Gémeaux (demeure

 diurne) et la Vierge

 demeure nocturne)

  Le cartouche en latin: 

"Garde-toi d'arborer

 trop de couleurs 

communes : une couleur

 simple est digne de

louange

. Voyant des fleurs

 peintes de tons 

bigarrés, qu'il laisse 

parler son génie

 propre, 

l'Atlantiade l'emporte.

 Jupiter vient ensuite, non pas tiré sur un char, mais trônant majestueusement sur

 la nuée, ayant à ses côtés Junon  qui se blottit contre lui. Deux aigles les

 entourent, tandis que deux paonss se reconnaissent à l'arrière-plan. Les signes

 zodiacaux représentés sont le Sagittaire (demeure diurne de Jupiter et les

 Poissons  (sa demeure nocturne) Aux pieds du couple divin s'étend la ville

 d'Idstein reconnaissable à son château et à la tour des Sorcières

 (la composition est agréable, mais l'on retrouve les mêmes maladresses  de Walter  : Vénus n'est vraiment pas à son avantage)

 Moi, Vénus Erycine, je donne aux fleurs de charmantes couleurs. J'habille de 

lumière  pourpre les roses délicates . Regarde la belle robe de la tulipe que les

 matelot nous a apporté des rivages dalmates.