Peut-être moins attractifs que des paysages ou des bouquets mais très
représentatifs de la grande histoire de l'impressionisme, acteurs majeurs de la
découverte de ses artistes, de leur valorisation, grâce à leurs collections privées
et à l'ouverture commerciale vers le monde dont ils furent les acteurs.
On voit cela de plus près :
Portrait de Victor Chocquet
vers 1876 - Huile, 46 X 36 cm
" Une sorte de célébrité enveloppe cet homme, par ailleurs obscur
employé des douanes ; il était l'ami et le modèle de quelques uns des plus grands
artistes de son temps. Amateur passionné de l'art d'avant-garde, Chocquet
découvrit l'oeuvre de Renoir à la vente historique des impressionnistes, en 1875, à
l'Hôtel Drouot. Il lui écrivit immédiatement, lui demandant de faire le portrait de
Mme Chocquet avec dans le fond, un tableau de Delacroix : " Je vous veux tous les
deux, vous et Delacroix."Le peintre fit ensuite deux portraits de Chocquet. Exécuté
à un moment de sa vie où Renoir, assailli de problèmes financiers, avait
douloureusement besoin d'un amateur, ce portrait affectueux montre avec
évidence combien l'artiste fut touché par l'enthousiasme, la sensibilité, la
gentillesse du modèle.
La tonalité délicate, lumineuse, la légéreté de la touche révèlent le style
authentique de Renoir à cette époque, différent du traitement plus compassé de
ses portraits bourgeois de commande. L'alliance merveilleuse d'une compréhension
pleine de sympathie de la personnalité de Chocquet et d'une élégante maîtrise
technique convient parfaitement à ce portrait détendu.
Cézanne aussi a peint Chocquet. Dans sa version, on est immédiatement frappé
par sa facture rude, presque brutale, sa préoccupation de la structure, les os sous
la chair. Renoir, captivé par la personnalité du sujet, montre combien compte
davantage pour lui le rayonnement spirituel de l'homme ( en dernière analyse les
portraitistes, au meilleur de leur inspiration, se peignent eux-mêmes autant que
leurs modèles).
Dans le rendu spontané, presque négligé, de la chemise et de la chevelure, cet
amour du naturel, inhérent à la plupart des portraits intimes de Renoir, se voit
mieux encore. L'exécution libre et délicate des doigts, dont les contours sont
inexacts, révèle beaucoup d'instinct et une grande part d'essai ; c'est vers ce qui
est éprouvé, ressenti, que se porte l'inérêt de Renoir.
Sur ses maigres ressorces, Chocquet acheta des toiles à Renoir, à Cézanne et aux
autres impressionnistes avant qu'ils fussent appréciés du grand public. Il
combattit acvec zèle pour faire reconnaître les jeunes peintres et constitua une
éblouissante collection de leurs oeuvres qui fut dispersée après sa mort."
Paul Durand-Ruel
" Il y a cent ans il n'existait pas à Paris de galeries d'art
comme aujourd'hui, avec leurs expositions constamment renouvelées, leurs
publications, leurs "écuries" d'artistes ; il y avait seulement quelques boutiques
où l'on pouvait voir de la peinture. Les artistes ne devaient compter, pour vivre de
leur profession, que sur des ventes problématiques, l'espoir des commandes
publiques, des postes d'enseignement et la chance. Pour les peintres d'avant-garde
la route était dure.
Peu après l'Exposition Universelle de Paris en 1855, Paul Durand-Ruel, marchand
de tableaux, ouvrit une boutique rue de la Paix. Il avait combattu pour faire
reconnaître les peintres de Barbizon, dont les paysages paraissent maintenant si
arcadiens dans leur paix et leur intimité: et il devait bientôt livrer les plus âpres
batailles :il se fit le champion des impressionnistes. Il commença d'acquérir leurs
oeuvres vers 1870 et, dès lors, son destin et celui des impressionnistes furent
étroitemen liés.
En 1886, toujours attaqué par les critiques, il prit conseil d'un ami américain et
exposa aux Etats-Unis un choix de peintures. Comme il le rappelle dans ses
Mémoires : "L'exposition eut un immense succès de curiosité et, à l'inverse de ce
qui s'était passé à Paris, elle ne provoqua ni tapage, ni stupides remarques et ne
souleva aucune protestation. La presse fut unanimement favorable et de nombreux
articles élogieux parurent dans les journaux de New-York et de toutes les grandes
villes des Etats-Unis."
Le résusltat de cet accueil (en réalité moins unanime qu'il ne l'évoque) fut
l'ouverture de la Galerie Durand-Ruel à New-York.
C'est en grande partie aux efforts de cet homme que les problèmes financiers de
Renoir - et ceux des autres impressionnistes - furent résolus. Et c'est ainsi qu'il se
tailla pour lui-même une place dans l'histoire de la peinture moderne."
Charles et Georges Durand-Ruel
1892 - Huile, 64 X 81 cm
" Dans ce portrait direct, Renoir nous donne l'image de deux des
fils du célèbre marchand qui, de bonne heure, encouragea les impressionnistes.
Il y a dans la composition une certaine maladresse (pas tant que cela, je trouve )
quelque chose de posé qui n'existe pas dans les oeuvres mieux réussies du
peintre. Cependant dans cette toile, l'exécution des accessoires est superbe. Le
vêtement plus clair de l'homme à gauche offre un excellent exemple de la façon
dont Renoir recherche les multiples variations d'une seule couleur de base , et le
costume sombre, plus largement traité, présente une belle richesse de valeurs. Le
feuillage arrière, quoique librement brossé, donne une sensation d'exubérance et
de profondeur. Cette peinture est la dernière exécutée selon le style
impressionniste des débuts."
https://www.youtube.com/watch?v=W9SdbAVzWEI
https://www.youtube.com/watch?v=QF4Q437x33A