vendredi 5 novembre 2021

La Bourboule

 Ces deux stations thermales se touchent  et eurent leurs heures de gloire à la

 Belle Epoque de la même façon. C'est ici que siège encore  la célèbre maison

 Rozier, ancienne patisserie, reconnaissable à sa façade couverte de mosaïques à

la gloire de l'eau et à son balcon d'opérette.


 Après un passage à l'office du Tourisme 

 

 

      qui suggère un tour de ville

 


la façade du casino,  d'après moi un peu défigurée par sa nouvelle enseigne

            le  dôme des thermes


Ce qu j'ai sans doute le plus apprécié est la décoration des ponts sur la Dordogne

               https://www.youtube.com/watch?v=iBECBqL0V4M

A voir si Pourrat est plus enthousiaste que moi ... le passé et le futur .

"La Bourboule est assise au débouché de ce qui fut un lac dans les 

âges. Le site est moins pathétique qu'au Mont Dore, où la Dordogne 

remonte vers les sapins foudroyés, les pics ébréchés, et tout le 

fracas du style alpestre ; mais il est plus aéré, plus amène.

On assure qu'il y a entre les deux stations, comme jadis entre Riom et

 Clermont, de l'envie et de la noise. Chacune serait pour l'autre la

 boutique en face. Elles disent pourtant qu'elles ne sont pas 

destinées à soulager les mêmes maux. Il n'est pas d'eaux  dans le

 monde aussi arsenicales que celles de La Bourboule : elles font la 

fibre plus ferme, le sang plus vif. On a donc nommé La Bourboule

 Reine de l'Arsenic. Titre un peu bien  sinistre. Dans quelque château

 des solitudes, un Glandier délabré, il fait imaginer une blême jeune

 femme, plus mince qu'un courant d'air, et redressée comme une vipère

 prête à lancer son coup de pioche. De sorte qu'on se hâte de dire 

aussi La Bourboule, paradis des enfants.

  Heureux enfants ! Il y a ici de petits ânes et de grandes gentianes,

 assez de boîtes de fruits confits et d'échantillons de montagnes, en

 table, en pin, en flèche, en piton pour qu'ils se forgent une 

félicité complète. On leur a même affecté un parc spécial, dans la 

partie la plus ensoleillée du parc Fenestre.

Du temps de nos grands-pères, La Bourboule n'était qu'un hameau. 

La ville s'est bâtie sur les deux rives de la Dordogne, avec quais, 

allées, promenades . Tout semble battant, assez plat et bourgeois. 

L'église n'est rien: une église romane moderne. Mais plus de deux

 cents villas,plus de cinquante hôtels ; le parc des jeux, le parc du

 Casino, l'établissement des thermes, l'établissement Mabru, 

l'établissement Choussy ! Et La Bourboule reçoit à présent autant de 

baigneurs que le Mont Dore."

                                         Henri Pourrat 1935


                  https://www.youtube.com/watch?v=R8kgSJHadC4

jeudi 4 novembre 2021

Le Mont - Dore

 Impression mitigée, beaucoup de boutiques et de monde et la grande déception

de se casser le nez sur la fermeture de l'établissement thermal  et beaucoup 

 d'autres où j'ai pu pénétrer en ... trichant !

Une continuité puisque les Romains avaient installé  ici des thermes.

Les guides vous diront que c'est une ravissante station thermale, que le site 

favorable à de multiples randonnées est dominé par le Puy de Sancy, que c'est ici 

que naît la Dordogne, je ne l'avais jamais imaginé !! que vous pouvez venir ici 

pratiquer les sports d'hiver et soigner de multiples maux.

 Ses eaux sont les plus siliceuses de France et s'infiltrent entre les filons de lave 

pour émerger dans l'établissement thermal entre 38 et 44 degrés.

Ce n'était pas le but,  mais la connaissance  de cette architecture Belle Epoque.




             https://www.youtube.com/watch?v=BrnvJWUCiRA


https://www.youtube.com/watch?v=uHxQoaOaLT0

 


   L'hôtel Sarciron est  fondé en 1806,  le plus grand et luxueux hôtel de la ville. 


 

Les travaux, confiés à l'architecte Louis Jarrier, sont réalisés entre 1893 et 1907

 Le décor sculpté, de style éclectique, est réalisé par Emile Gourgouillon.



A  l'intérieur, l'hôtel a conservé son hall monumental néo-classique avec guirlandes

 sculptées et ferronneries ouvragées. 

 


 

Riondel Hector (architecte), Jarrier Louis (architecte), Gourgouillon Emile

 (sculpteur)

 


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 Je ne sais si les impressions, que d'aucuns pourraient trouver surannées, d'Henri 

Pourrat vous intéressent,  elles nous apportent dans tous les cas des souvenirs de

 l'époque.

 " Les Romains avaient là des thermes; des colonnes imposantes

 en témoignent et même une louve en lave. On a mis à jour une piscine,

 un panthéon. Et les Gaulois, parait-il, traitaient déjà ici les voies

 respiratoires.

Dites encore que le bain d'un Auvergnat consiste à cracher en l'air et

 à sauter à travers. 

 "Mille ans sans un bain" Mais c'est vrai que le père de Michel-Ange

 lui écrivait entre autres recommandations ; Mon fils, ne te lave

 jamais" Dès le temps du roi Henri, on est peu revenu au Mont Dore. 

Jusqu'à la Restauration les voyageurs n'en parlent que comme d'un 

"sale et dégoûtant village". Ensuite la vogue est arrivée, avec les

 romanciers, _ on relira La Peau de chagrin, Jean de la Roche,_avec 

les peintres romantiques.Une vogue européenne. Le Mont Dore est

 l'ancêtre des stations thermales auvergnates. Ses eaux de par les

 métaux rares et les radiations peuvent passer pour des philtres.

 Elles réduisent l'asthme, l'emphysème, le catarrhe, et même le rhume

 des foins. ici les cordes vocales se refont une jeunesse ; pas un 

ténor de l'Opéra Comique, du Parlement ou de la Cour d'Assises qui ne 

soit venu au Mont Dore

 On a inventé de mélanger l'air de la montagne à une eau saturée de 

sels pour produire un brouillard médicamenteux. Des batteries  de 

générateurs, des vaporisateurs et des pulvérisateurs desservent plus 

de trente salles où se répand une vapeur brûlante. d'autres appareils

 à air comprimé soufflant sur elle la refroidissent juste à point

 pour la laisser aspirer par les malades.

Va voir ces salles fumantes au fort des montagnes. Va voir leur peuple

 singulier de baigneurs ; uniformément vêtus du pantalon et de la 

veste à capuchon, dans leur laine blanche, ils ne sont plus ni hommes

 ni femmes, ils sont fils adoptifs de l'Auvergne.

Il est loin le temps où le grand bain n'était qu'une manière de 

hangar, au bassin divisé en deux par une cloison de sapin," pour que 

les deux sexes ne se vissent pas"  ( subjonctif du verbe voir )

 Le temps où c'était une cérémonie de se doucher, le patient élevant

 une tente afin de se mettre à l'abri de l'air, et faisant verser de 

l'eau, trop brûlante ou trop froide, cela allait comme il se pouvait

sur la nuque, puis sur l'échine, et en suivant, le long des cuisses,

 des jambes,  pour finir par la plante des pieds et le dos de la main.

 Le temps où les malades riches, au sortir du bain, se faisaient

 emporter dans des boîtes nommées chaises à porteur ; les pauvres, eux

 couraient s'enfoncer dans les fenils, mais souvent on les en 

chassait, parce que leur sueur gâtait le fourrage.

  En ces temps-là, les eaux guérissaient les ulcères et l'hypocondrie,

 les plaies et les rhumatismes. Le Mont Dore hésitait avant de se 

spécialiser . Il n'en faisait pas moins des cures miraculeuses.

On venait là, d'ailleurs, comme en une autre planète de volcans et de 

glaciers, aux aspects terrifiants, et peuplée de naturels intéressants

 par leur innocence, mais repoussants par leur malpropreté, leur

 sauvagerie.

Le Mont Dore s'est adapté, civilisé, équipé. Il a eu le premier grand

 hôtel aménagé en Auvergne. Il a eu tout ce qui peut se souhaiter en

 fait d'attractions. Des hôtels et des parcs, oui, et des courts de 

tennis, et la voie ferrée, et des pharmacies, et des boutiques de 

dentelles et de pierres d'Auvergne, tout, jusqu'à des pistes de

 courses, jusqu'à des abattoirs modèles, jusqu'à des buanderies 

perfectionnées où passent chaque jour cinq, dix, quinze mille 

serviettes et peignoirs!

Sa vallée enfoncée est une chose assez grande. Un couloir dont les 

crêtes, d'un beau mouvement se relèvent, et se cabrent. Ces redans 

s'échelonnent, plaqués de forêts, couronnés d'un bandeau de roc, ou de

 quelque dôme de gazon à demi-dépecé ; et d'escarpement en 

escarpement, ils s'en vont vers les Cheminées du Diable, ces dents 

ébréchées qui, là-bas, au Sancy, mordent le bas du ciel.

 "Le serrement de coeur à perpétuité", soupirent ceux qui n'ont pas

 une faveur d'esprit pour la montagne. A la rigueur du temps, par la

 brume ou la pluie, c'est bien sûr que l'endroit peut paraître sévère.

Mais il y a la route thermale, qui permet les randonnées vers la

 Limagne, vers les cantons de soleil. Et puis, dès qu'approche 

l'arrière saison, ces hêtraies s'illuminent. Leur vert tourne au 

citron, à l'orangé, hésite entre le rose et la couleur du feu, avant

 de prendre cette rouille tellement éclatante dans le rougeoîment des

 soirs d'octobre. Seules, au sol nu, des flaques de mousse verdoient 

encore en lueurs de velours. gris et tachetés de rosettes grises,

 tendus de longs muscles, les fûts montent en faisceaux de

 colonnettes, semblables à certains piliers de cathédrales.

...................................................................

Anciennement on écrivait monts d'Or. On feignait de croire qu'ils 

étaient ainsi nommés pour la beauté de leurs eaux et la fécondité des

 pâturages : mons aureus, gratus in aquis et fecundus in herbis.

C'étaient ces monts, les plus hauts, les plus gras, qui marquaient

 surtout en Auvergne : ce furent eux qui donnèrent son premier nom au 

département. Mais "département du Mont-d'or, cela n'allait-il pas 

faire croire que là s'entassaient à monceaux tous les biens de la

 terre?

Les Auvergnats se ravisèrent. Ils préférèrent se mettre sous le signe 

du puy de Dôme, plus central, plus historique , et dont le nom ne

 risquait pas de les faire accabler d'impôts. Au vrai, le nom latin 

du mont Dore était mons duronius. Dore, en celtique, doit signifier

 eau. Tant de rivières se nomment Dore, Doire, Dolore, Durolle, Adour

, Durance. Les Monts Dore, ce sont les monts des eaux : ils ne sont

 pas plus des monts en or que les monts Dôme ne sont des monts en 

dômes."

                                          Henri Pourrat 1935                                      


mercredi 3 novembre 2021

Le châtau de Cordès

  Pour Henri Pourrat c'est dans son texte "le château du Démon de Midi", et pour 

moi seulement des grilles fermées et le temps de sortir le pique-nique en 

compagnie des vaches venues grapiller l'herbe plus fraîche sous la clôture .


de quoi aussi se rincer les doigts aux deux fontaines sises de part et d'autre des 

grilles ; en faisant les cent pas, admirer aussi ces pavés de lave...

 moi aussi je n'ai roulé que trois minutes après Orcival...

               Le Château du Démon de Midi , mais pourquoi ?

 " Nous n'avons roulé que trois minutes. Des barrières peintes en blanc

    encadraient la prairie. Dans une cour aux parterres tout bordés,

 tout brodés de buis, attend, sagement rangé, un troupeau de 

limousines, de cabriolets et de cars. Sur les murs en hémicycle se

 dressent, percés de longs jours, d'autres murs de feuillage plus 

hautes que des maisons.

Quelles tranches de hêtre et de charme. Taillées au ciseau, ces

 murailles de huit mètres s'ouvrent en corridors.

 Le Nôtre a tracé là, parmi un afflux d'eaux vives, un petit

 Versailles à charmilles géantes, de relief non moins vigoureux que 

ces monts.

                https://www.youtube.com/watch?v=CEs2yXr7E6w

   D'une mosaïque de pierre, gris de plomb et gris d'étain, sous les

 écailles gis d'argent des toitures, c'est un château aussi XV ème 

siècle qu'on peut l'être, un manoir fait à plaisirs de tours carrées

 et de tourelles rondes, d'échauguettes, de contreforts, de lucarnes

 grillées, de pignons à girouettes. Ce semble le rêve d'un lansquenet

 au soir de ses campagnes.Il est venu se retirer au milieu des gaies 

bergerettes sentant le serpolet qu'aimait Panurge. Ce lansquenet un

 peu naïf gardait une faveur à tous les accessoires du fourniment

 guerrier, mais il avait beaucoup de goût.

 

                     http://www.chateau-cordes-orcival.com/ 

Le château de Cordès est charmant. C'est le château du Démon de Midi,

  bien reconnaissable. Un jour Paul Bourget nous en parlait sur une

 terrasse du Royat-Palace. Il ajoutait qu'en son oeuvre il attache 

plus de prix à ce roman qu'à tout autre et il concluait : "C'est

 l'Auvergne que je considère comme mon pays, ma province."

Cordès, pour le Démon de Midi, voilà qui est bien. Ce château 

représente parfaitement la part d'enfantillage, d'amour de l'imagerie 

et de l'imaginaire que tout mortel renfonce en son coeur. Il est bien 

aussi que s'étende devant le château, comme une fastueuse

 représentation du monde conquis et dominé, le parc à la française.

 Autrement ces jardins seraient un peu trop classiques pour cet

 agréable fortin de la vie gaillarde, où boire à lampées l'hypocras, 

la dague sur la panse, après les langues de boeuf fumées et les 

andouilles à la moutarde.

 Par bonheur, cette foison de verdure, découpée en alexandrins de 

vingt-quatre pieds, reste faite du fayard et du frêne paysans ; et la 

rusticité à gros appareil de ces murailles de bastions sent encore 

carrément la montagne.

Puis soudain, tout au bout de ces couloirs de feuilles, à quatre ou 

cinq lieues, apparaît le grand Puy, le Puy de Dôme. Et sa tête d'un 

bleu gris de nuée est à peine plus consistante que le bleu vacant du 

ciel.

http://lisolee.free.fr/pages/chateaux%20pages/chateau%20de%20cordes%20orcival.htm


mes compagnes de pique-nique : il n'y a pas que des châteaux en 

Auvergne !!



https://www.races-montagnes.com/fr/aires-geographiques/massif-central.php


 


mardi 2 novembre 2021

La Maison de Prières

  C'est ainsi qu'Henri Pourrat  intitule les pages qu'il consacre à Orcival.

 En ce qui me concerne,  c'était un dimanche, l'office était en cours aussitôt suivi

 par la cérémonie d'un baptême,  et l'attente a été de ce fait assez longue...

 heureusement il faisait beau, et les lourdes portes de cèdre se sont enfin 

ouvertes.

 Contrairement à ma dernière visite de 2019 la clarté intérieure du sanctuaire était

 plus vive et sa Vierge en Majesté moins plongée dans l'obscurité.

 


 

 Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce cinquième joyau du roman auvergnat, 

avant de passer au texte d'Henri Pourrat,  un bref rappel historique s'impose.

 Mais au fond ne fait-il pas aussi bien sinon mieux que moi pour vous la décrire !!!

" Le monde avait pris un air ardu et dru que je ne lui ai vu que dans

 ces cantons-là. Ah ! que l'herbe était verte. Et le basalte devait 

être diablement dur, dessous. On avait retaillé les foins. Cela

 faisait des pelouses rigoureusement nettes, où pas un frêne isolé ne

 traînait, pas une touffe de vergne. La pastorale ne s'affadira pas,

 ici.

On sent que l'herbage est pris trop au sérieux pour n'être pas tenu 

comme il se doit. Tout ce qui aurait aimé s'égailler, on l'a fait

 rentrer dans ces haies d'arbres qui marquent les limites. Sous leur 

haut toit lisse, les fermes ont des arêtes vives. Les éboulis même, au

 flanc de ces rampes, sont creusés en rond comme des écuelles. 

 Chaque forme est sévèrement dessinée. Oui, un pays de gazon, dont la

 bosse se relève par crans et cassures, tracés à larges courbes contre

 le bleu du beau temps.

Dans les branchages est apparu un bizarre clocher octogonal, à deux

 étages ; puis sur le côté d'un bourg à poivrières de manoirs, à

fontaines chantantes, nous avons découvert le sanctuaire le plus en 

renom de l'Auvergne. Les pèlerins se signent dès qu'ils l'apeçoivent

 et invoquent par trois fois Notre-Dame d'Orcival.On dit même qu'il y

 a dans les paroisses des pierres "signades", levées aux points qui le

 regardent, de façon que celui qui passe se tourne vers le clocher

 fameux, et dise un Je vous salue... Nous arrivions, nous trouvions

 devant le porche les baraques à chapelets et à cierges.

(Ce qui n'est plus le cas) 

L'église est bien aussi longue que Notre Dame du Port (Clermont-

Ferrand)  et elle est plus ample. Un biais assez austère, non pas sans

 grandeur ni sveltesse. On la donne pour une oeuvre du XI ème siècle,

 le clocher étant un peu moins antique. Les portes aux belles 

pentures, seraient en cèdre du Liban et rapportées des croisades !

La nef reste claire dans son gris de cendre, éclairée de quatre-vingt

 verrières, et peuplée de colonnes à chapiteaux imagés qui montent

 bien vers la voûte ronde.La crypte passe pour plus vaste qu'aucune

 autre de ces pays.


 Ourchevau, comme disent les montagnards, ce serait la source de la 

vallée ; celle où on célébrait à l'arrière saison les fêtes druidiques

 et qui devint la fontaine de Notre-Dame. Aujourd'hui, un oratoire la

 signale encore dans la montagne. Certaine chronique de Provence

 relate que vers l'an 878 des reliques de la Vierge furent portées,

 partie à Rocamadour, partie à "Orcivaus in Auvergnia".

Selon M. l'abbé Quinty, curé-doyen l'église d'alors devait être sise

 sur la colline faisant face à la source, et nommée le Tombeau de la 

Vierge. La statue miraculeuse avait été trouvée là dans une cachette

, sous les décombres. Peut-être  n'a-t-on plus que la copie gothique

 de la primitive icône qui aurait été sculptée par saint Luc. la 

Vierge est dans une chaire, assise et tenant l'enfant Jésus assis sur

 elle. Dans ses voiles aux plis roides, elle semble sévère, avec l'air

 de bonté et de grand gouvernement que doit avoir une maîtresse de

 domaine. C'est une Vierge noire. (elle ne l'est plus )



Ces figures n'étaient  pas d'ailleurs noires lorsqu'elles sortirent 

des mains du statuaire : la mode courut de les teindre ainsi, on ne 

sait trop ni quand ni pourquoi. Lorsque l'ayant tirée des ruines, on 

eut décidé de lui bâtir une grande église, ce fut naturellement sur 

cette colline du Tombeau. On attaqua les cantiques, et, hardi, à 

l'ouvrage ! Le lendemain tout était à bas. On s'étonna, on reprit le

 travail : il n'avançait pas comme il aurait dû. Finalement, le 

maître de l'oeuvre fit tournoyer son marteau et l'envoya dans les airs

 : "Là où il tombera, là se bâtira l'église." L'outil s'envola et

alla tomber à plus de trois cents pas, à la racine de la montagne. Il

 fallut détourner le ruisseau et entailler la pente, mais on 

connaissait les désirs de la Vierge : rien n'arrêta les bâtisseurs.

Il arriva toutefois que lorsque la statue fut logée dans sa demeure

 nouvelle, elle la quitta d'elle-même et fit retour au Tombeau.

 Ramenée en pompe à la basilique, elle retournait sans cesse sur sa

 colline. On établit donc cette coutume de porter processionnellement

 là-haut la statue miraculeuse pour la fête de l'Ascension.

 Ce furent sans doute les moines de la Chaise-Dieu qui firent élever

 l'église.

  (à la fin du Vème siècle devant l'affluence des pèlerins l'évêque de Clermont et Guillaume VII d'Auvergne décidèrent de construire cette église aux dimensions importantes, aidés par les moines bâtisseurs de la Chaise-Dieu)

Et puis, vers l'an 1200, au prieuré bénédictin succéda une communauté

 de prêtres filleuls qui compta parfois plus de cinquante membres. 

Le sanctuaire était devenu l'un des plus fréquentés du royaume. Des 

rois, Philippe dit Le Long et Charles dit Le Bel, des barons, des 

 prélats, des marchands, des laboureurs, l'enrichissaient de dons, 

de fondations. Lorsque de mauvaises fièvres passaient, les paroisses 

décimées Thiers  ou Issoire, Montluçon ou Vic-le-Comte, se tournaient

vers Notre-Dame d'Orcival. Jusqu'en 1789, les échevins de Clermont 

vinrent chaque lundi de Pentecôte rendre un voeu fait lors d'une

 effrayante peste. La paroisse de Royat, plus fidèle parce qu'en air

 plus pur, s'y rend toujours à cette date.Pour le grand pèlerinage de

 l'Ascension, l'église  et la crypte sont pleines, pleines à étouffer,

 et une épingle ne tomberait pas à terre. Par tous les sentiers,

 chantant ou dévidant des dizaines d'Ave, dévalent les gens de la 

montagne. Les voilà avec leurs vivres de la journée, et de leur presse

 monte une chaude odeur d'étable, de fromage et de foin.

 Dès la veille, après vêpres, durant quatre ou cinq heures, ils

 défilent devant la statue, la touchant d'un chapelet  ou d'un ruban

 de pèlerinage. Ils feront aussi leurs romagnes, s'agenouillant devant

 chacun des sept autels, iront remplir leurs fioles et bidons à 

l'antique source. Vers huit heures, sort une double procession. Aux

 lumières des cierges, l'une monte vers le Tombeau, l'autre vers la

 chapelle de la source. Puis celle de la chapelle  entonne l'Ave Maria

 Stella,  et l'autre, du tombeau, lui répond, strophe par strophe.

 Lorsqu'elles regagnent l' église, commence la nuit sainte, toute aux 

sermons, aux cantiques, à la messe de minuit qui avec tant de

 communions, va jusqu'aux messes  basses de l'aube.


 

Mgr de Clermont est toujours là pour la grand'messe, après laquelle

 huit prêtres et laïcs, pieds nus dans les cailloux, portent la statue

 miraculeuse là-haut, au Tombeau de la Vierge. Telle année, les

 pèlerins qui la suivent sont dix ou douze milliers. Il est de 

tradition qu'ensuite ils mangent leurs vivres sur l'herbe des prés, 

parmi les giboulées qui ne sont pas rares en mai, dans ces montagnes.

 Ce soir-là autos et carrioles se suivent à la file durant des 

kilomètres. Comment l'ont-ils vue, les gens d'ici, celle à qui 

 demander assistance ? Non pas comme la madone de la vie en sa fleur,

 la jeune mère gracieuse qui tient près du bambin la grappe ou la 

rose brûlante. C'est la reine de grand ordre, la bonne, grave, qui

 sait toute la peine qu'il y a dans les maisons . Ils la nommaient

 Notre- Dame des Fers. Je crois qu'on voit encore au-dessus de la 

porte du transept quelques menottes suspendues, et les fiches de fer

 auxquelles, anciennement, les chaînes de prisonniers délivrés étaient

 accrochées par liasses.  (il y en a encore)  Mais qui n'est pas aux fers,

 en ce monde brutal.

Il n'y a personne dans l'église. La porte ouverte donne sur un silence

 qu'on sent s'étendre par delà les bruits calmes du bourg. On décharge

 un char de fagots devant chez le boulanger; des voix sonnent dans un 

jardin ; une cruche s'emplit sous la fontaine. Ce qui touche ce sont 

ces ex-voto naïfs, dans le choeur, où la statue miraculeuse 

miraculeuse a sa place sur le tabernacle.

Il y a des cadres, des fleurs en papier, des photographies, des cartes

 postales. Sur les deux piliers du fond, je lis ces gribouillages sans

 orthographe : "Notre Dame d' Orcival, c'est moi qui est le plus 

besoin de vous". "Bénissez l'avenir de Jeanne" "Faites que mon petit

 garçon guérisse". On prend le sentiment de tant de peines, le 

sentiment de ces vies, dans les fermes, dans les moulins,au creux des 

combes, dans l'épicerie ou le débit de tabac du bourg. Si l'on savait

 penser plus souvent à ces angoisses ; à ceux, qui à cette heure même,

 dans le deuil, dans la honte, n'ont plus ni courage ni espérance...

 Ni espérance : pense à ce mot. Ils sont de la race opiniâtre qui ne 

peut pas croire qu'en s'efforçant de tout son coeur, elle ne trouvera

 pas la force de vivre. La montagne, c'est le pays du Quand même, et

 du temps clair, au bout de la montée, Notre-Dame d'Orcival, Notre

 Dame des Fers, c'est Notre-Dame de la Délivrance".

                                          Henri Pourrat 1935 

Dans le bourg une jolie enseigne

 





lundi 1 novembre 2021

Lac Guéri, vers Orcival

 Quelques Puys et vallées encore escaladées pour un retour à Orcival avec encore

la compagnie du texte d'Henri Pourrat, plus poétique...

  (Orcival , mes archives 16 10 2019)


 " Enfin au lac Guéry,, c'étaient bien les hauts lieux qu'on avait

 devant soi.

Sur le plat des eaux, devant une auberge de rouliers, luisait le bleu

 même du ciel. Des cars passaient sans trop gêner les lentes vaches 

à sonnailles, et bientôt on ne les voyait plus, engloutis par la

 montagne.L'été avait jauni les gazons. j'ai roulé entre mes doigts le

 méon, cette herbe fine, épaissement frisée, qui sent si fort.

On dit que par temps noir, le lac Guéry paraît aussi tragique que le 

Pavin. Au creux de ce paysage rond mais âpre, vert mais nu, dominé

 dans quelque éloignement par de puissant monts, il était pour ce jour

 toute pureté. Je suis monté sur la rampe d'herbe, pour tenir encore

 plus de pays sous ma main . J'avais là des buttes cornues ; j'avais

 le Puy gros, je crois, rasé, gratté, écorché, de sorte qu'on suivait

 tous les mouvements de sa masse pétrie de muscles et de tendons : une

 pesante motte tourmentée, aux flancs tordus, disséqués par filets 

entre de courbes ravines. A côté de son vert pâle et froid, sur la 

droite, les aiguilles du Sancy pointaient en déchiquetures bleuâtres.

  Peut-on bien voir les monts sans vouloir les gagner? On entre dans 

leur air ; on respire la fraîcheur, la liberté du vent; on touche une 

campanule, sa membrane d'un violet brumeux, les brins grêles de sa

 tige, qui ont un parfum d'âcre solitude. Si seulement le regard se 

pose sur un de ses versants, ces replis, ces crêtes, on imagine dans 

les hauts ravins les fleurs en candélabres et les fissures de roche

 hérissées de cristaux. On se hisse sur le faîte, on atteint une

 plate-forme d'herbe et l'on découvre soudain le monde où volent au 

large des plaines les ombres spacieuses des nuages.

 


 La montagne, c'est le difficile paradis où l'on n'accède qu'avec un

 coeur de longue haleine. mais il suffit de ce bout de prè qui s'élève

 là, jusqu'au ciel d'azur pâle. Regarde à trente pas devant, sa ligne 

de gazon ; que d'air on sent entre elle et le bleu qu'elle touche ; un

 bleu d'une jeunesse, d'une douceur si fine qu'il donne à qui sait

 voir une autre idée de l'univers."

 

                                        Henri Pourrat 1935

 

                                à suivre

vendredi 29 octobre 2021

Vers le lac Chambon

 "C'était une autre fois, à la mi-avril. Nous revenions à pied  du 

Chambon à Murols.  La route toute noire avait des flaques jaunes.

 Tirés d'en haut, les nuages découvraient les puys. Derrière nous,

 les Dore bruns et blancs se recueillaient.

 


 Plissoté sous un peu de vent, le lac battait à petites tapes

 mouillées le parapet que la chaussée longe.

 Sur la gauche, d'un gros bosselage sortait la Dent du Marais, ou Saut

 de la Pucelle : un pan de tuf, couleur de racine, aussi haut qu'un 

pic et cassé droit. On conte qu'une pucelle poursuivie, préférant la

 mort à la brutalité de ses poursuivants, se jeta de la cime. Elle 

atterrit doucement, sans doute portée par les anges.

Mais elle fut si glorieuse de cette miraculeuse faveur, qu'elle désira

 triompher devant tout le pays. Elle assembla les gens et derechef

 elle se précipita de la roche. Cette fois comme elle était soutenue 

du soin d'une vaine gloire et non de sa pureté, elle s'écrasa 

misérablement sur le sol.

 Le lac était clair, derrière les gros saules têtards à branchages

 jaunâtres. Il fallait en être plus près, marcher sur son bord, sur 

son herbe.


Nous avons pris par les sentiers, dans un désordre de monticules à

 monceaux de pierres. La Dent pointait, Capitole et Roche Carpienne à

 la fois. Bordée de laves, la sente musait ; et le sombre feuillage

 héraldique de l'ellébore pied de griffon avoisinait celui, tout menu,

 tout persillé, d'une anémone au beau pourpre sombre.

On arrivait sur une étendue de sable noir : Chambon-Plage! Des 

barques, des chalets (où je vais dormir), des constructions de champs 

de course attendaient le retour de la saison balnéaire. On verrait

 alors devant les cabines des ombrelles rayées de rouge. On fait là du

 camping, ce qui doit effrayer les gens du pays, mais c'est bien

 d'aimer à même la peau le soleil et le vent. Reste que je me sens en

 doute quand j'entends parler de naturisme.

Tous leurs goûts sont dans la nature; seulement la nature goûte-t'elle

ces goûts appris ? Je vois une malédiction sur ce qui est ainsi 

cherché, fait exprès, sans authenticité profonde. Naturisme, ce peut

 être aussi loin de la nature que le rationalisme peut l'être de la

 raison ou le spiritualisme de l'esprit.

 Le Tartaret, en calotte bourrue, barre le Val. Est-ce lui, l'un des

 plus jeunes volcans d'Auvergne, qui se soulevant a retenu les eaux ?

 Est-ce l'effondrement d'une moitié de la Dent du Marais qui a fait

 barrage ?

 Sous les pins du Tartaret, nous causions avec l'abbé Boudal, curé de

 Murols. Il expliquait qu'au moyen âge seulement, après le demi-

éboulement de la Dent les eaux se seraient amassées ; et elles

 auraient reflué jusqu'à l'église du Chambon, car on constate que 

  cette église a été ensablée et ce ne peut être qu'après le XII ème 

siècle.

Que savoir ?  M. l'abbé Boudal nous montrait presque à l'opposé des

 Monts Dore le plateau de Bessolles et la Roche Romaine. Là, à une

 croix barbare, arrivent sept sentiers et l'on y remarque des blocs 

énormes, monuments mégalithiques, sans doute, mais auxquels, disait-

il, n'a encore daigné s'intéresser personne. Lui, avec son air 

d'explorateur, de missionnaire retour d'Extrême-Orient, que lui 

donnait une pendante barbe jaune, on sentait qu'il s'intéressait à 

tout.

Il nous entretenait de ses fouilles, puis de ses peintures, _ il a 

décoré à neuf son église,_ il parlait des touristes, des artistes, de

 Matisse et de Roybet, de Charreton, de Clémenat et de Mario Pérouse,

 des régionaux et des autres, venus des U.S ou de l'Argentine, qu'en 

un temps il avait attiré à Murols.."

                                             Henri Pourrat 1935

       Musée des peintres de l'école de Murol

https://www.youtube.com/watch?v=oo_k7yB0Duc

https://www.youtube.com/watch?v=1o18BvoP-UY


 Ce curé Léon Boudal  successeur des impressionnistes et des fauves peignait

 avec aussi  Jules Zingg, Wladimir Terlikowski, Victor Charreton, Maurice 

Busset... une bonne cinquantaine qui, en sa compagnie partagèrent la même

 passion pour la lumière locale et la neige.

              https://www.dailymotion.com/video/xchxjx

jeudi 28 octobre 2021

Le jardin remarquable d'Hauterive

 Pour ceux qui aiment les parcs et les fleurs, celui du château d'Hauterive  a 

obtenu ce label de" jardin remarquable".

Agrémenté et animé, en cette année, d'une exposition de plein air et dans les 

communs, sur le thème du jeu d'échecs.






















                                  https://www.youtube.com/watch?v=4yW7D6XE3DA



  

Belle collection de dahlias
































































         Un paradis pour les abeilles





















                                                                               et les bourdons

 Un peu d'histoire :

 Sur l'emplacement du château d'Hauterive se trouvait au 10 ème siècle un vaste 

domaine dépendant de l'abbaye d'issoire. Sous sa forme actuelle elle a été bâtie

 par la famille Chaudesolle au cours du 17 ème siècle. Par mariage, la seigneurie, 

les terres et le domaine sont transmis à Chrétien de Lamoignon de Basville en

 1706 ; elle échoie par vente en 1761 à François Lecourt de Saint Agnes dont les 

descendants vous accueillent dorénavant. Au fil des alliances nouées au 19 ème 

siècle, Georgine Onslow, fille du compositeur auvergnat d'origine anglaise George

 Onslow, puis Jeannine Dumas, fille d'Alexandre Dumas fils, mariée à l'historien

 Ernest d'Hauterive vécurent à Hauterive.

 Et aujourd'hui, il se murmure que l'on peut parfois entendre l'écho lointain d'un 

quatuor à cordes s'échapper par la fenêtre d'un salon ou retrouver quelques 

pétales de camélias dans la chambre de verdure.

Mais la journée n'est pas finie.....