Quelques Puys et vallées encore escaladées pour un retour à Orcival avec encore
la compagnie du texte d'Henri Pourrat, plus poétique...
(Orcival , mes archives 16 10 2019)
" Enfin au lac Guéry,, c'étaient bien les hauts lieux qu'on avait
devant soi.
Sur le plat des eaux, devant une auberge de rouliers, luisait le bleu
même du ciel. Des cars passaient sans trop gêner les lentes vaches
à sonnailles, et bientôt on ne les voyait plus, engloutis par la
montagne.L'été avait jauni les gazons. j'ai roulé entre mes doigts le
méon, cette herbe fine, épaissement frisée, qui sent si fort.
On dit que par temps noir, le lac Guéry paraît aussi tragique que le
Pavin. Au creux de ce paysage rond mais âpre, vert mais nu, dominé
dans quelque éloignement par de puissant monts, il était pour ce jour
toute pureté. Je suis monté sur la rampe d'herbe, pour tenir encore
plus de pays sous ma main . J'avais là des buttes cornues ; j'avais
le Puy gros, je crois, rasé, gratté, écorché, de sorte qu'on suivait
tous les mouvements de sa masse pétrie de muscles et de tendons : une
pesante motte tourmentée, aux flancs tordus, disséqués par filets
entre de courbes ravines. A côté de son vert pâle et froid, sur la
droite, les aiguilles du Sancy pointaient en déchiquetures bleuâtres.
Peut-on bien voir les monts sans vouloir les gagner? On entre dans
leur air ; on respire la fraîcheur, la liberté du vent; on touche une
campanule, sa membrane d'un violet brumeux, les brins grêles de sa
tige, qui ont un parfum d'âcre solitude. Si seulement le regard se
pose sur un de ses versants, ces replis, ces crêtes, on imagine dans
les hauts ravins les fleurs en candélabres et les fissures de roche
hérissées de cristaux. On se hisse sur le faîte, on atteint une
plate-forme d'herbe et l'on découvre soudain le monde où volent au
large des plaines les ombres spacieuses des nuages.
La montagne, c'est le difficile paradis où l'on n'accède qu'avec un
coeur de longue haleine. mais il suffit de ce bout de prè qui s'élève
là, jusqu'au ciel d'azur pâle. Regarde à trente pas devant, sa ligne
de gazon ; que d'air on sent entre elle et le bleu qu'elle touche ; un
bleu d'une jeunesse, d'une douceur si fine qu'il donne à qui sait
voir une autre idée de l'univers."
Henri Pourrat 1935
à suivre
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