lundi 19 octobre 2015

La Terre-Mère

 Toutes ces coutumes ne sont pas inhérentes à la montagne gasconne, il n'y a qu'à voir celles destinées à Pachamama en Amérique du Sud, par exemple, mais encore dans beaucoup d'autres pays d'Europe ou d'Asie.

                       
                               "Les morts qui, pour une nuit, reviennent dans la maison, apportent avec eux les forces vitales des profondeurs de la Terre-Mère et permettent ainsi à la vie de la surface de continuer. De continuer et non de commencer.
N'oublions pas que dans la montagne, la mythologie montre que nous sommes ici dans un monde jamais né parce qu'il a toujours été.
Elle montre aussi que le "surnaturel" imprègne toute chose au point qu'il est identique au "naturel".

Le retour des morts, dans la nuit du premier au deux novembre, est donc vécu comme un épisode de la vie, qu'elle soit des ancêtres ou celle des vivants.
Si ceux-ci laissent sur la table, le pain, la pomme ou le fromage, et s'ils font brûler la bûche, c'est pour remercier les ancêtres à qui ils doivent la vie.
Mais c'est aussi pour les aider et "réchauffer leur âme".
En une dualité fréquente dans le don rituel aux ancêtres ou aux dieux, on craint le châtiment si l'on ne s'est pas plié au don obligatoire, tout en espérant de la part de ceux que l'on a honorés, un don en retour si l'on a effectué le rite comme il convient.
Le jour de la Toussaint est donc un noeud de signifiances qui lui donnent une densité symbolique lourde et complexe.
Car les mémoires ont conservé tous ces thèmes entremêlés en un amalgame confus où subsiste, toutefois, l'idée de descente, de repli, d'enfermement.


Quand le solstice sera là, le soir de la Noël, on déposera de nouveau l'offrande alimentaire, sans oublier, surtout, la bûche qui réchauffe.
La fonction symbolique est identique à celle de la Toussaint, même si la christianisation du geste, pour la Noêl, a fait oublier les destinataires premiers.
Le don aux ancêtres est demeuré plus "authentique" pour la nuit de tous les Saints qui est restée, dans le vécu populaire, celle de tous les morts.
Dans la montagne gasconne, les mots qui racontent les jours apportent le souvenir d'un monde où les Hommes n'avaient pas encore eu besion de partir à la recherche de leur origine. Ils disent un univers où le balancement inexorable du temps de Chronos ne commence ni ne finit.
Le temps annuel y est encore un temps pendulaire qui bat au rythme de l'apparent mouvement du soleil.
Et les récits des Hommes de la montagne dessinent, de l'un à l'autre, la sinusoïde éternelle d'un temps invulnérable qui ne peut pas mourir parce qu'il n'a jamais commencé."




http://cent.ans.free.fr/pj1913/pj119802111913.htm



dimanche 18 octobre 2015

Le monde mythique souterrain



                   La montagne des grottes et la montagne sans grottes.
       
           " Dans la partie calcaire qui est, de par sa nature même, le monde des grottes, la version la plus fréquente du retour des Morts se construit autour du thème du linge et de celui des "hados" bénéfiques.
Le monde souterrain est familier à ceux qui voient quotidiennement, dans les falaises et les bois qui les entourent, des entrées de grottes et des ouvertures de gouffres.
(Je vais vous décevoir mais je me suis souvent penchée sur l'entrée de Fontestorbes, les anciens d'ici m'avaient dit que les hadas y battaient leur linge avec des battoirs d'or, mais je n'ai jamais entendu que le bruit des flots qui en jaillissent.
La verticalité du gouffre, toutefois, fait peur, alors que l'horizontalité de la grotte rassure : les êtres qui y vivent ne peuvent qu'être proches des humains...
Et puis, il arrive souvent que la grotte soit une résurgence, une source qui apporte l'eau.
Elle est alors appellée : era boca (la bouche), celle qui donne la vie qui sort du ventre de la terre.
Pourtant , même dans la montagne calcaire, le blanc du linge étendu est souvent celui du linceul.
Il est à la fois la couleur de la féminité porteuse de vie et la couleur du vêtement des morts.
Les morts comme les "hados" arrivent de l'ailleurs du monde souterrain et, dans la mémoire populaire, le retour des défunts se mêle souvent à celui des êtres mythiques bénéfiques.
Car les témoignages montrent qu'il s'agit là du retour des morts protecteurs si l'on a su les honorer, et non celui de la Mort implacable et destructive de toute vie.
La Toussaint retour des ancêtres, rejoint, dans sa symbolique, le mythe des "hados" féminines qui sortent de l'au-delà de leur demeure chtonienne pour conseiller et guider des humains avec qui elles parlent et à qui elles ressemblent parce qu'elles viennent du même univers.


Il faut être sur les schistes puis, au-dessus des métamorphismes marbreux, sur les zones primaires granitiques de l'amont des vallées, là où les cavités n'existent plus, pour que le monde mythique de l'au-delà souterrain, réveillé par le linge étendu le jour de la Toussaint, soit celui des "hantaumas" redoutées.
Dans ces  hautes vallées sans grottes, tout ce qui vient des ténèbres incompréhensibles  du monde chthnonien, ne peut qu'être la "différence", le non-humain maléfique.
Dans la Haute-Pique, la vallée d'Oueil et le Larboust, la même unanimité assimile le linge étendu le jour de la Toussaint au monde inquiétant et fangereux des hantaumas, ceux qui reviennent pour tourmenter et non pour aider."



http://www.cds09.com/Topos/Corbeaux.pdf

http://fontestorbes.canalblog.com/albums/la_beaute_de_la_fontaine_sous_le_soleil____/index.html


samedi 17 octobre 2015

Fruits de saison

                                             
                                                Les potimarrons

                                            citrouilles et potirons
                                            
                                               les courges.... tous ronds.


                                                  Puis les butternuts

                                               les courges asiatiques
                                              
                                                   en bonnes soupes

                                        
                                                  Et la pastèque

                                                  ira en confiture

                                                   vieille recette . 




                            Pour rester dans le cadre des siècles passés,
                                le livre de mes arrières grands-mères
 (mise au courant du progrés annuel  !!! tenez-vous bien ) 
          une mine de "savoir-faire" complètement dépassés.......

vendredi 16 octobre 2015

L'offrande aux ancêtres


Voilà bien un sujet qui n'intéresse guère.
On veut bien jouer à mettre une bougie dans la citrouille ou se recouvrir d'un drap pour jouer au fantôme mais imaginer le retour"en vrai" des ancêtres paraît plutôt glaçant.

Et pourtant, les anciens faisaient bon ménage avec ces coutumes.

                                   il y a des brodeuses dans la maison

ou même cette boite de ma confection, où j'ai intégré les petits personnages dans un paysage Pyrénéen.
Cette introduction un peu ludique, est destinée à banaliser le texte, un peu inquiétant pour les enfants.

                       "On honore les morts de la maison qui reviennent pour une nuit parmi les vivants, en les nourrissant et en les réchauffant.
Dans le Haut Nistos, Jeanne Pène (née en 1909) a laissé jusqu'en 1982, sur deux assiettes posées devant le foyer :
"des noix, des châtaignes et même du fromage. On l'a toujours fait, pauvre."
Et si Jeanne ne dépose plus son offrande depuis 1982, ce n'est pas pour des raisons métaphysiques :
"Les souris m'y foutent la pagaille. Alors je le fais plus"
Jeanne ajoute vite, pour montrer qu'elle se comporte tout de même comme il convient:
"Et dans la cheminée j'y mets le souquet, qu'il brûle toute la nuit"
Les morts qui reviennent ne sont plus morts.
Il est bon de les réchauffer comme on le ferait pour les vivants.
La tradition est encore vivante chez bon nombre des plus de 70 ans.
Dans le Nistos, Léontine, née en 1905 explique comment:
"Y en a qui y croyaient, eh, aux esprits des morts, ça je l'ai entendu et j'ai connu un bonhomme qui y croyait.
Il fallait laisser le soir de Toussaint deux tisons allumés, dus tisons alugats
(deux tisons allumés). Pour qu'ils viennent se chauffer! Botaon dus tisons que's punen e que s'amortashen cap. (Ils mettaient deux tisons qui s'embrassent et qui ne s'éteignent pas).
Dans le Haut-Job, de même Maria (née en 1900) affirme, désireuse de convaincre, que son père, "il y croyait'. (au retour des âmes des morts pour la Toussaint).Et elle enchaîne avec des recommandations vigoureuses, qui montrent qu'elle y croit tout autant:
"Que cau dishar dus tisons alugats, cogar-les amb un tinhà de cendres per dessus,'ta quan vendran, se han hereth que's poiran cauhar, eths morts que siran a casa". ( Il faut laisser deux tisons allumés, les couver avec un tas de cendres pardessus, de telle façon que lorsqu'ils viendront s'ils ont froid, ils pourront se chauffer, les morts qui seront à la maison).
Le témoignage de Maria est aussi un de ceux qui montrent comment le premier Novembre est le jour du nécessaire repli sur l'aire domestique; il convient visiter la maison.
Ainsi la veille de Toussaint, sa mère refusait à Maria l'autorisation de sortir pour aller veiller dans une maison amie:
"Ma maï disio que cau demorar a casa"
(Ma mère disait qu'il faut rester à la maison )

Ici, c'est une joyeuse pagaille dans les produits de beauté et de maquillage, pour les déguisements.



jeudi 15 octobre 2015

Un culte immortel

  Je poursuis cette lecture du temps de Toussaint tout en écoutant sur France Musique une émission vouée à Marc Chagall mettant en évidence une exposition qui lui est consacrée  à la Philarmonie de Paris.


 Comme plupart des fêtes calendaires de la montagne gasconne, celle de la  Toussaint est l'habituel et inévitable amalgame entre vieux fonds "païen" et liturgie chrétienne.
La tentative que fit Louis le Pieux, en 835, de remplacer la célébration des morts par celle de tous les saints, fut un échec.
 Ainsi, à Malvezie, j'ai à peine prononcé le mot "Toussaint"  que Lucie Boué (née en 1871) s'exclame:
Oh! les morts, on les respectait plus que maintenant ! Eh ! Vous badinez ! 
La religion, plus que maintenant ! (1972)
On ne peut mieux exprimer cette constante cultuelle de la religion populaire, présente, d'ailleurs, dans tout l'Occident chrétien : à la fin du XXème siècle, pour Lucie Boué comme pour des millions d'autres avant elle, ce sont les honneurs rendus aux morts le Premier novembre qui constituent l'acte religieux.
Comme les autres axes cardinaux de l'année solaire, le temps pascal de l'équinoxe ou la Saint Jean solsticiale par exemple, la célébration des morts de Premier novembre, était trop authentiquement une composante première des comportements religieux pré-chrétiens, pour être extirpée par un décret, fut-il toyal.
Ce fut aussi le cas, nous l'avons vu, pour tous les autres repères au rythme quarantenaire qui découlent de la scansion solsticiale de l'année.



Ne parvenant pas à substituer le culte des saints à celui des morts, l'Eglise se résolut à les faire cohabiter en instituant, au lendemain de la Toussaint, une fête des morts : vers l'an 1000, Odilon, troisième abbé de Cluny, ordonna que fut célébrée le 2 novembre, une messe pout tous les morts qui dorment en Christ.
Mais le peuple continua à honorer pareillement les morts le Premier novembre, faisant du jour de tous les Saints ce qu'il avait toujours été, à savoir celui de tous les Ancêtres.
                                                                                                                                                            Au point que de nos jours, dans le calendrier civil, c'est le Premier novembre qui est férié et consacré au souvenir des morts, et non le deux, pourtant dit "le jour des morts".

 C'est pour le Premier novembre que les cimetières se remplissent des vivants venus fleurir les tombes.
On les fleurit avec d'autant plus de soin, ces demeures des morts honorés, qu'elles sont ressenties comme un prolongement  de la demeure des vivants : le rectangle tombal s'inscrit dans l'aire domestique.
Jusqu'en 1940, à l'église, dés le début de la messe de la Toussaint, chaque maison allumait son "plec" (nous avons vu précédemment comment il était confectionné
la Chandeleur) édifié avec la fine chandelle de cire que l'on avait fait bénir à la Chandeleur et le laissait brûler pendant toute la cérémonie.
En cette descente vers l'ombre de l'hiver et du domaine des morts, la flamme symbolique qui est à la fois le soleil et la vie, compense et exorcise ses contraires."



http://philharmoniedeparis.fr/fr/musee-expositions/expositions/expositions-venir

mercredi 14 octobre 2015

Le Balancier des saisons

http://www.tdg.ch/culture/toutatis-chant-carnyx-cicle-helvetes/story/28267029

Très hésitante sur le titre à donner à cet article, ce n'est pas ce dont j'avais pensé vous parler ce matin, mais actualité oblige puis ma fascination pour cette trompe celte que j'ai pu admirer par deux fois (je ne parle pas de cette reconstitution), font que je souhaite partager cet article avec vous.

C'est d'ailleurs aux Celtes  et les survivances de leurs coutumes dans nos Pyrénées  du Comminges et du Couserans, que je souhaite consacrer les prochains articles.
 (qui ne seront que la fidèle restitution des pages d'Isaure Gratacos )
 entrecoupés sans doute de quelques chrysanthèmes et autres,  de saison.

                
                                  "Le premier novembre eut un éclat particulier dans le calendrier celtique puisque presque tous les chercheurs s'accordent à penser que le Nouvel An se situait le 1er novembre, à la grande fête de Samain.
La Samain, un des quatre grands axes du calendrier celte, ouvre la saison de l'hiver.
Dans la culture orale de Haute-Gascogne, le Premier novembre n'a pas l'éclat ni la primauté qu'il eut chez les Celtes ; dans la montagne vasconne, ce sont plutôt les solstices qui ont la fonction d'ouvrir l'année.
Mais s'il n'est pas un axe calendaire premier, le Premier novembre est tout de même un des jours essntiels du cycle annuel: il marque le passage d'une saison à l'autre et l'entrée dans le monde clos de l'hiver.
C'est une constante de tous les calendriers solaires, celte ou non, de faire de l'automne le moment du mouvement vers l'intérieur chtonien, de la descente vers l'ombre et le creux de la terre.
De même, il est fréquent que dans les rituels de nombreuses autres cultures traditionnelles, les défunts quittent l'au-delà, au moment du basculement des saisos, pour tetourner parmi les vivants, le temps du passage de l'année morte à celle qui est en train de naître."

http://mythologica.fr/celte/samain.htm

http://www.agencebretagnepresse.com/23714









 

mardi 13 octobre 2015

l'automne encore

Un voile gris s'est abattu ce matin sur la nature, il pleut, j'avais tant à faire encore, dehors !! alors....

 revoyons ces richesses qu'elle nous offre;

 mon village, sous le Pic de Mède


                 dans le jardin, il est grand temps de fleurir une fois encore.


"C'est parce que je crois à l'évolution perpétuelle de l'humanité et à ses formes incessantes, que je hais tous les cadres où on veut la fourrer de vive force, toutes les formalités dont on la définit, tous les plans que l'on rêve pour elle. La démocratie n'est pas plus son dernier mot que l'esclavage ne l'a été, que la féodalité ne l'a été, que la monarchie ne l'a été. L'horizon perçu par les yeux humains n'est jamais le rivage, parce qu'au delà de cet horizon, il y en a un autre, et toujours !."
                        Gustave Flaubert,
"Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule"

            Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913