lundi 25 janvier 2021

William Turner : le grand tour

  Il fait rêver ce grand tour en Europe ; à la chute de Napoléon en 1815 on peut à 

nouveau circuler librement  (et nous, quand le pourrons-nous?), Turner n'échappe 

pas à l'attrait irrésistible qu'opèrent  les pays du soleil. Que ce soit en littérature

ou en peinture,  il faut se rendre en Italie !  Ces voyages de personnages fortunés

 ne vont pas échapper aux marchands comme ils n'ont pas échappé aux pilleurs du

XXème siècle. A Venise,  le consul Smith s'était attribué l'exclusivité des 

Canaletto  que l'on retrouvait à Londres... j'ai d'ailleurs trouvé que l'aquarelle  de 

Turner de 1819  au British Museum avait un air de Canaletto !

 

                   Venise : San Giorgio Maggiore vu de la Dogana

https://www.franceculture.fr/peinture/voyagez-avec-turner-le-peintre-britannique-qui-se-joue-des-quarantaines
 

Beaucoup d'intermédiaires  approvisionnaient les amateurs d'art, c'est ainsi que 

Gavin Hamilton put dessaisir la villa Hadrien de ses bustes (je m'étonnais de la 

trouver si vide quand je l'ai visitée il y a un certain nombre d'années) Charles 

Townley grand amateur de chefs d'oeuvres en fit l'acquisition  puis à sa mort le 

British Museum se porta acquéreur de toute sa collection. Bref !

Turner prépare son voyage, se met en condition... et peint bien avant de se rendre

 sur le continent  une huile sur toile, maintenant à la Tate Gallery de Londres,

de 146 X  237,5 cm : Tempête de neige ; Hannibal et son armée traversant les 

Alpes.  Epique !  cette expédition que Turner peint selon sa perception de 

l'évènement à la suite  d'un violent orage "admiré" dans le Yorkshire,  Je trouve

 que l'on perçoit bien là l'âme poétique de cet artiste  ...un orage dans le Yorkshire

 le propulse en montagne avec Hannibal  !

C'est en tout cas dans cette toile avec quelques autres que l'on pressent ce qui 

fera la particularité de son évolution dans sa peinture. Cette toile est romantique

 La critique ne s'y trompe pas et lui décerne toutes les louanges  possibles  bien

 que surprise par la nouveauté de cette composition.

 Mais c'est en aquarellant les dix-huit  dessins de James Hakewill  qu'il prépare

 son voyage, ces dessins en seront les guides, lieux, points de vue, monuments

à visiter, le tout consigné dans un carnet "Route to Rome"

Il ne laissera pas échapper l'occasion dans sa vingtaine de carnets de tout codifier

 de tout répertorier, croquis rapides au crayon, peinture, sculptures, costumes de

 paysans, Tivoli et Rome, Vatican fragments, St Pierre.

https://www.tate.org.uk/art/artworks/turner-notes-by-james-hakewill-on-rome-d13883

                    Son approche de la montagne du Royaume-Uni   lui a permis d'avoir

 une idée précise des roches, avant même d'avoir traversé les Alpes.

 Lisez :  pages 174, 317 et 258   

                          https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02143076/document  

    de 1810 "Avalanche dans les Grisons : Chalet détruit par une avalanche.

                           Huile sur toile Tate gallery 90 X 120 cm
            

dimanche 24 janvier 2021

William Turner : voyage sur le continent

  Turner profitant de la "Paix d'Amiens" s'embarque pour le continent le 15 juillet 

1802 avec le désir de connaître par lui-même la chaîne des Alpes dont nombre de 

ses  concitoyens, peintres ou touristes décrivent avec émotion.

Il s'était déjà "essayé" sur les montagnes Ecossaises ramenant  en 1801 une 

soixantaines de planches  travaillées au crayon, à la craie et la gouache blanche. 

Pour son voyage en Suisse Turner va établir des "Carnets de notes"qui permettent

 de retracer son itinéraire. Mais c'est son débarquement à Calais qui frisa la 

catastrophe qui lui inspira les toiles que je vous ai proposées  nous laissant 

entrevoir ces thèmes d'angoisse et de détresse du "naufrage ".

                 https://carnetswt.hypotheses.org/

 L'incompréhension  de ses collègues va l'amener en 1804 à aménager sa demeure

 pour y installer sa propre galerie (On est jamais mieux servi que par soi-même 

pourrais-je dire).. Les "beaux-esprits" de ce moment tirent à boulet raccourci sur

 ses compositions, refus sans doute classique  de reconnaître l'originalité et la 

nouveauté. Outre le fait d'aménager sa propre demeure il empiétera sur les

maisons voisines pour créer sa propre galerie.

 C'est à la suite de la peinture du "Naufrage" qu'un homonyme  va tirer de ce

 tableau un mezzo-tinto,  Charles Turner, sans aucun lien de parenté, va s'associer 

avec William, et ce  avec nuages et avanies, pour créer "le Liber Studiorum" sur le

 modèle du "Liber Veritatis" dont Turner n'avait probablement jamais vu l'original. 

Le Liber Veritatis est une oeuvre de Claude Lorrain qui, pour s'opposer à ses 

faussaires, décida de créer un carnet de dessins où figurait toutes ses oeuvres.

Plusieurs personnages illustres souhaitèrent l'acquérir : le dernier étant le

 deuxième duc de Devonshire, à sa succession il fut attribué au British Museum où

 vous pouvez l'admirer au Department of Prints and Drawings. 

 

 https://www.britishmuseum.org/collection/object/P_1872-1012-4709

 

C'est à partir des gravures de l'édition qui en fut faite en 1777, que Turner imagina

 son Liber Studiorum, après hésitations il aurait dû choisir le mélange d'eau-forte 

et de mezzo-tinto, tel ne fut pas son choix et ce fut regrettable, la gravure à la

 manière noire et à l'eau-forte ne sera pas une réussite malgré sa collaboration

 avec Charles Turner. Dans son esprit ce devait être un traité de paysages servant

 à montrer au public les diverses facettes de sa capacité de peindre. Divisé  en

 plusieurs catégories elles ne virent le jour qu'en 70 feuilles au lieu des cent 

prévues décrivant "Landscape composition , Viz Historical, Montainous, Pastoral 

and Architecture". Ce recueil que l'on ne considère pas comme une grande réussite

 eut le mérite de le faire connaître. Après avoir excercé l'art de ces gravures à la 

manière noire et à l'eau-forte pendant douze ans de 1807 à 1819 et malgré la

 participation de Charles Turner et d'autres graveurs il fut obligé de terminer seul,

 cet ouvrage. Mais ce recueil lui  ayant permis  d'être connu,  c'est à la suite de ce 

dernier qu'il composa, seul, son "Petit Liber ou Suite au Liber Studiorum qui

 malgré ses grandes qualités fut peu diffusé.

 https://www.tate.org.uk/whats-on/tate-britain/exhibition/liber-studiorum-turner

 Mais repartons avec lui sur le continent et réchauffons-nous à la lueur des volcans

 le premier inspiré par un croquis exécuté par Hugh P Keane 

              "L'éruption de la Soufrière dans l'île Saint Vincent le 30 avril 1812"

 


 et l'Eruption du Vésuve la première de 1815 (à l'Université de Liverpool)  la

 seconde de 1817 : aquarelle au Yale Center.

 


 Prémices d'autres feux d'artifice de soleils couchants, des rouges, des bleus 

profonds ou éclatants, des jaunes stridents. Tout ce que l'on attend d'un Turner !! 

                   https://britishart.yale.edu/paintings-and-sculpture

http://www.impressionniste.net/turner.htm

vendredi 22 janvier 2021

William Turner : technique

 Toujours à la recherche de nouveaux procédés, de recettes ou de "trucs " 

expérimentés par des maîtres, Turner  assisté de Sebastian Grandi, peint sur des

 fonds très absorbants qu'il ponçait lui-même. Très absorbants au point "d'avaler"

 quatre couches successives et les couleurs devaient recevoir trois ou quatre 

couches de vernis mastic pour espérer se fixer. Il utilise peu de pigments, du blanc

  de l'ocre, du jaune, de la terre de Sienne et terre de Sienne brûlée, du rouge

 vénitien, du vermillon et de la terre d'ombre, du bleu de Prusse et du bleu noir et 

seulement de l'huile de lin.

 Où l'on retrouve John Walter qui considère que cette méthode a réussi aux

 premières toiles mais devient plus aléatoires pour les suivantes. Les critiques

 surviennent lorsque Farington se lie à True Briton pour constater que

" Turner recherche la singularité et le sublime mais il n'a pas la force de mener à

 bien ce qu'il entreprend. Ses tableaux ont de nombreuses qualités mais il leur

 manque la technique et l'exactitude académique d"un Poussin quand il s'attaque

 au style épique. De plus dans ses scènes de bâteaux il n'a pas le goût de

 l'habileté, du trait précis, qui sont les qualités par excellence des maîtres

 hollandais et flamands" ..... Sévère !

 N'empêche !! Turner obtient le titre d'académicien à part entière à 27 ans le 12

 février 1802 à la Royal Academy.

 Turner, hormis pour le dessin d'architecture,  n'avait pas fréquenté un

 atelier  de maître et ce sont ses observations sur des toiles  comme celles de 

Poussin ou des Lorrain, qu'il forge  sa matière. Edward  Dayes dans sa biographie 

en date de 1803 écrit :

" Turner peut être considéré comme un exemple de ce que peut apporter le

travail assidu s'il s'accompagne de modération sans le soutien d'un maïtre. Il 

acquit sa force professionnelle en empruntant là où cela lui était possible, un

 dessin, une peinture pour les copier."

 La mer exerça toujours sur lui  une  grande attraction mais c'est en vue des

 montagnes alpines qu'il s'embarque le 15 juillet1802.


 Le Naufrage 1805 Tate gallery 170,5 X 241,5m

 


                           Lever de soleil dans la brume 1807 National Gallery


 https://www.tate.org.uk/art/artists/olafur-eliasson-5239/olafur-eliasson-on-jmw-turner

 

 

 

 

 





jeudi 21 janvier 2021

Turner : ses mécènes

  Turner reçoit en 1793 un prix de la Society of Arts et en 1794 un de ses dessins 

est gravé, il n'en faut pas plus pour attirer sur lui l'attention  de Sir Richard Colt

 Hoare qui deviendra son premier protecteur. Redonner vie à des édifices glorieux

 s'intéresser à leur passé pretigieux est  à la fin du XVIII ème siècle dans l'air du

 temps. Turner sait qu'il obtiendra le succés dans cette expression de l'art où il fait

 preuve d'une grande maîtrise, d'une autorité et d'une densité qui se rapprochent

 de la peinture à l'huile. En effet les effets de lumière, la construction elle-même

 de son dessin avec un premier plan pourraient être inspirés par les gravures de

 Piranèse qui circulaient en ces années-là en Angleterre.. Il n'omettra pas non

plus d'y disposer les personnages du quotidien qui permettent de donner l'échelle 

du monument.


Mais il fait mieux encore,  mettant en pratique les  propos de Shaftesbury 

"la beauté et le bien sont une seule et même chose" C'est l'esprit seul qui forme"

tout ce qui est vide d'esprit est horrible; la matière informe est la laideur même"

Il va donc superposer Esprit et méthode.



Lord Viscount Malden, cinquième vicomte d'Essex et Edward Lascelles, premier

 comte de Harewood réclament des aquarelles de lieux précis ou des panoramas 

donc des vues topographiques mais qui ont aussi une touche de pittoreque.

Monuments du passé mais aussi des  évèments comme "Le Panthéon, le

 lendemain de l'incendie"  dessiné et aquarellé deux fois sous des aspects 

différents

Tout est matière pour le grand public à voir plus encore que ce qui est représenté 

un arbre perdu dans l'immensité évoquait la solitude humaine, les monuments du 

passé racontaient l'histoire. Il faudra attendre Constable pour  voir la peinture se

 lire pour elle-même.



 Il est à considérer que dessins et aquarelles sont les prémices de sa peinture où 

la lumière envahira ses toiles en lui donnant prospérité et renommée

 

        La Dixième plaie d'Egypte. 1802, 142 X 263 cm Tate Gallery Londres



mercredi 20 janvier 2021

Joseph William Mallord ; Turner

 


  Autoportrait vers 1798. Tate Gallery Londres

L'on n'oublie jamais Turner, quatre ans et demi pendant lesquels  je n'ai jamais 

oublié ses toiles admirées à Londres (archives  4 septembre 2016) mais 

aujourd'hui, je souhaite lui consacrer un peu plus de temps.

Nous n'allons pas plonger de suite dans "Impression soleil levant"... 

Son enfance ne fut pas drôle et il est fort probable que pour échapper aux colères

 destructives  de sa mère (dont il porte  le nom suivi de celui de son père) il ait

pris l'habitude de se faire oublier,  taciturne, effacé ? alors que d'autres de ses 

contemporains le décrivent  joyeux, aimable, cultivé. Clara Wheeler dit de lui 

"Personne n'aurait pu imaginer la ferveur des sentiments qu'il cachait derrière

une apparence rude et froide"  Poète, c'est dans la peinture qu'il exprimera sa

 poésie.

 C'est dans l'observation de la nature  que ses premiers dessins s'expriment, 

fleurs, oiseaux favorisés par la proximité de Covent garden ; son premier carnet

 de croquis date de 1789, C'est alors qu'il intègre la Royal Academic Schools, avec

  pour professeur Thomas Malton, spécialiste en sujets d'architecture, étude qu'il 

confortera dans l'atelier  de l'architecte Harwick.

 La Maison du Chapitre Salisbury  (crayon et aquarelle Victoria et Albert Museum)

 C'était une branche des Beaux-Arts très prisée du public qui pouvait  garantir 

une rentabilité.

 La Tour Tom, Christ Church, Oxford  (British Museum)


 En 1791-1792 il découvre 

la campagne anglaise en

 s'installant chez un ami de 

son père John Narraway, 

pelletier et fabricant de

 colle. 

 Voilà l'occasion  de 

découvrir de merveilleux 

paysages, de les brosser 

d'un coup de crayon et 

d'en rapporter des

 impressions mises à profit

 dans son atelier. Les

 relations qu'il entretint 

avec Thomas Girtin,

 aquarelliste de renom au

 cours d'une collaboration

 voulue par le docteur

 Monro pour achever les dessins inachevés par John Robert Cozens, lui permirent

 de parachever la connaissance de l'aquarelle tout en permettant à ces jeunes 

artistes d'arrondir leurs fins de mois et cela pendant trois ans.

                                       Le pont d' Abergavenny, Monmouthshire
 Victoria and Albert Museum

Turner considère alors sa formation suffisante pour exposer à la Royal Academy 

gérée jusqu'en 1792 par Sir Joshua Reynolds et qui imposait les canons d'un art

 suivi dans  toute l'Europe.


                         Château de Kilgarren vers 1798 City Art Manchester


mardi 19 janvier 2021

Planches de fleurs et de fruits

  Je pense vous avoir dit l'essentiel autour du florilège de Nassau, encore quelques

 planches en vélin  dont la couleur tranche sur les blancs de gel ou de neige très

 présents cette année, et qui nous incitent à envisager  un  printemps et  un été, 

"libres" et lumineux.

 Joan Walter, fecit, 1655
 

Différentes fleurs de rosiers (Rosa alba Linné); Rosa damasceana Miller : Rosa

 centifolia Linné). Au centre la rose capucine, qui fut longtemps très recherchée

. La rose existait à l'état indigène en Europe (ce n'est qu'une amélioration de la 

fleur de l'églantier) mais la plupart des espèces cultivées proviennent du Proche-

Orient et ont été introduites à partir de l'époque des croisades.


 

Cette planche fut peinte en

 1662 .15 maÿ

Deux orchis encadrent une

 giroflée jaune; cette

 giroflée est une variété à 

fleur double du 

Cheiranthus cheiri Linné 

ou ravenelle, indigène en 

Europe (surtout dans les 

secteurs méridionaux). La

 fleur de gauche semble

 être un orchis pourpré 

(orchis purpurea Hudson

 indigène en Allemagne et

 en France, quoique peu

 commun. (protégés)

La giroflée est de plus belle

 venue : on peut penser que 

Johann Walter était mieux habitué aux giroflées qi'aux orchidées, plus rares et de

 formes plus difficiles à peindre. Les orchidées d'origine exotique ne seront

 introduites dans nos contrées par les floriculteurs qu'au XVIII ème siècle.


 J W F 1655

 La fleur peinte ici est une 

pivoine des jardins (Paeonia

 officinalis Retz),

 représentée à fleur

 simple 

et à fleur double.

 Introduite

 en 1548, la pivoine est 

originaire d'Europe 

méridionale. D'autres

 espèces exotiques,

 cultivées aujourd'hui

 ont été introduites 

ultérieurement.





 J W F 1654

 La fleur la plus haute est un lis blanc (Lilium candidum) Linné, fleur introduite

 depuis le Moyen-Orient à l'époque des croisades. A gauche un glaïeul (Galdiolus) 

fleur d'origine méditerranéenne. Parmi les plantes les plus basses, on remarque 

une petite fleur blanche qui est probablement une matricaire à fleur double, à 

cette réserve près que le peintre semble avoir emprunté le feuillage à une autre 

espèce. La fleur rose est une silène (Silena gallica Linné). A droite un souci 

(Calendula officinalis Linné), fleur d'origine européenne, ici en variété à fleur 

double.


 J W F 1661. M. Augusti

Des figues, fruits du Ficus carica Linné, que l'on cultivait déjà en Egypte 4000 ans

 avant notre ère. L'Ancien Testament décrit la Terre promise comme "un pays de

 froment et d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers". Au-dessous des prunes

 qui pourraient être des "perdrigones", une pêche, et des poires probablement à 

poiré  car de petite taille. En bas des pommes, une poire qui ressemble à l'Elzette 

à peau fine rouge des Cévennes, d'autres poires.

Plus bas encore, une petite poire et une noix ouverte. On remarque également une

  fleur d'Ipomoea.


                                                                               J W F 1664

 En haut, rameau fleuri et fruits, ainsi qu'un quartier de fruit montrant les graines,

 du grenadier ou Punica granatum Linné, arbre fruitier chargé de symboles depuis

 l'Antiquité dans l'Est méditerranéen. Au centre, une variété de prune fruits et

 rameau fleuillu du Prunus domestica Linné.

 En bas fruits du cédratier, le Citrus medica Linné, la "pomme de médic" de 

l'Antiquité méditerranéenne orientale. Le cédrat est l'étrog, l'un des signes 

végétaux associés au rite de la fête juive "des Tabernacles". 

Le papillon est un sphynx du troène. Le coléoptère cérambycide longicorne est

 peut-être de provenance exotique.



 


lundi 18 janvier 2021

Les trois Florilèges : une énigme

  Le premier ayant appartenu au comte de Nassau a disparu, le second a été 

monté et relié  pour Jean Stuart, troisième comte de Bute, ami personnel du roi 

George III dont il fut le conseiller et le ministre. La reliure a été exécutée entre 

1762, date à laquelle il fut fait chevalier de l'ordre de la Jarretière, et 1792 date de

 sa mort. Plus vraisemblablement, le terminus a quo peut être avancé jusqu'à 

1771, car, à cette date, sa première bibliothèque fut anéantie par le feu.

 Passsionné de botanique, Bute acheta en 1783 un vaste domaine à Luton Boo, 

dans le Bedforfshire. Il y fit construire une maison par les soins de l'architecte

 écossais Robert Adam, et aménager un jardin botanique. C'est dans ce cadre

 bucolique qu'il termina ses jours loin de la vie politique, occupé à ses doctes

 travaux sur la flore britannique.


 Johann Walter 1661

Le recueil conservé à la Bibliothèque nationale de Paris provient des collections du

 comte Dimitri Petrovitch Boutourlin (1763-1829). Celui-ci aide de camp de 

Potemkine puis passé aux affaires étrangères, fut nommé directeur du musée de 

l'Ermitage. Bibliophile passionné et grand amateur de fleurs, sa bibliothèque et son

 jardin botanique étaient célèbres à Moscou. Privé de sa bibliothèque par 

l'incendie de 1812 (c'était nous dit la préface du catalogue de sa seconde

 bibliothèque, une des plus belles collections de livres connues en Europe, le fruit 

de trente années de peines et de recherches, il est impossible de savoir comment

il s'était procuré cet album. En effet les bibliophiles utilisent fréquemment des

 "rabatteurs", des mandataires chargés de rechercher pour eux des pièces rares :

 on ne peut donc affirmer qu'il l'ait acheté en Italie. Le catalogue de 1831, dressé

 par Audin de Rians, ne fait pas mention des peintures : faisant la part belle aux

 manuscrits, aux éditions des Aldes, des Giunti, des Boldoni, il n'énumère aucun 

recueil d'estampes ou de dessins.

 description de cette planche, plus loin.

La vente de la bibliothèque du comte se fit en trois vacations C'est au cours de la

 dernière, qui eut lieu à Paris le jeudi 14 octobre 1841, que l'album du florilège fut

 vendu.Le catalogue le décrit (dans son supplément) sous le numéro 1709 : Vues 

des jardins et maisons de plaisance des prince de Nassau. Ouvrage d'une belle

 exécution. On y remarque le portrait du comte de Nassau, celui de son épouse et

 celui du peintre Jean Walter. Les autres pièces représentent des parterres, des 

fontaines, des grottes etc. Elles sont suivies de 31 dessins de fleurs, de fruits, de

 la main du même peintre ; puis de 13 autres, exécutées par divers artistes

 distingués, et, dont la premiére porte le nom de Marie-Isabelle Braeffin. Les

 autres contiennent des fleurs, des oiseaux et des coquilles.


description plus loin

A la vente Bourtoulin, l'album fut vraisemblablement acquis par Lemière 

marchand d'estampes. Quoiqu'il en soit, il tomba rapidement entre ses mains. Les

 archives du département nous fournissent l'indication suivante : le 17 novembre 

1841, Jean Duchesne Ainé, qui présidait aux destinées du Cabinet des Estampes,

 demandait l'autorisation d'acquérir pour la somme de 350 francs un "recueil de

 miniatures curieuses du temps de Louis XIV que proposait Lemière. L'autorisation

 ministérielle fut accordée le 6 décembre 1841. Le relevé des acquisitions note que

 l'achat fut enregistré en avril 1842 et que le volume in-folio contenait soixante-

huit peintures.Il est évidemment très regrettable de n'avoir pas conservé la reliure

 de maroquin rouge dans lequel l'ensembre des miniatures est parvenu à la

 bibliothèque nationale. Il s'agit là d'une perte irréparable pour l'histoire du

 florilège.



 L'hypothése a pu être avancée, et nous y souscrivons, que le recueil de Bute et

 celui de Bourtoulin ne faisaient initialement qu'un et qu'il s'agissait sans aucun

 doute du florillège du comte lui-même. Cette hypothése est invérifiable, mais 

vraisemblable, car dans les archives d'Ilstein, il est toujours question de deux

 florilèges et non de trois. D'autre part on sait que le florilège du comte se montait

 à  cent-quatre-vingt douze planches. Or, le florilège de Londres compte cent-

trente-sept feuilles en deux volumes, et celui de Paris cinquante-quatre, ce qui

 nous amène à un total de cent-quatre-vingt onze. On peut supposer que Bute (ou

 un possesseur antérieur actuellement inconnu) fit trier les planches, mettant de

 côté celles qui avaient un intérêt botanique éminent (parce que pourvues de

 légendes) de l'autre celles qui avaient un caractère artistique accompli, mais

 n'apportaient rien pour la connaissance de la botanique. On sait d'ailleurs que les

 doubles de la bibliothèque et de la collection d'estampes de Bude furent vendus

 après sa mort.

                                                                               à suivre