mardi 16 juin 2020

Paul Cézanne : La Montagne Sainte Victoire

 Nouvelle version de ce massif, pour un comparatif similaire à celui des pommes ;

aujourd'hui la toile du Metropolitan Museum of Art de New-York :


     " Admirable idée d'avoir opposé au paysage éloigné l'arbre élancé du premier

plan, par lequel le proche et le lointain, la gauche et la droite deviennent plus

fermement définis, chacun avec son caractère et sa dominante propre.


                                                      Entre 1885 et 1887 - Toile, 65 X 81 cm

La largeur, la hauteur et la profondeur sont presque également développées , de

l'équilibre de ses dimensions naissent la plénitude et le calme de la peinture.

Nous mesurons l'ampleur de l'espace dans la large vallée au viaduc; nous sentons

une profondeur équivalente dans l'interminable passage de la première maison au

sommet de la montagne ; mais nous prenons conscience aussi de la grande

altitude de l'espace dans l'arbre central qui donne la mesure de la dimension

verticale, traversant toutes les zones du paysage et atteignant le bord supérieur

de la toile en partant de son bord inférieur.

Ce contraste des verticales et des horizontales est tempéré par les nombreuses

diagonales dont la pente s'échelonne à de faibles intervalles.L'arbre presque

vertical du centre fait partie d'une série d'arbres plus ou moins d'aplomb et le

tronc le plus incliné se rapproche de la pente de la montagne et de la forte

diagonale de la route. Mais cette route, elle aussi, ressemble par sa forme

sinueuse à la longue silhouette de la montagne qui dans ses chaînes moyennes et

dans les collines à ses pieds s'est établie peu à peu sur une horizontale pure

comme le viaduc.La transition du vertical à l'horizontal par de multiples et menus

changements  d'axe est comme les gradations de couleurs qui échelonnent les

extrêmes de chaleur et de froid, de lumière et d'ombre par petits intervalles pour

créer la délicatesse opaline de l'ensemble.

De toutes ces diagonales, aucune ne converge  en profondeur avec le

raccourcissement habituel de la perspective. Sur le plan du sol du paysage,

Cézanne choisit des diagonales qui vont en divergeant à partir du spectateur vrers

les côtés de la toile et supprime ainsi la tension du point de fuite. La profondeur

est établie par le chevauchement des objets, par de vastes étages horizontaux

posés l'un sur l'autre et traversés par l'arbre vertical et ses longues diagonales. Le

jeu des contrastes de couleur est aussi un moyen délicat de susciter la profondeur.

Le vert foncé de l'arbre du premier plan contraste avec un ocre vif en dessous et

le léger bleu vaporeux du ciel. Les tons rougeâteres sur le tronc de l'arbre

rappellent le rose du pic de la montagne, mais ils sont posés sur un ton de bleu

plus sombre que celui du ciel. l'opposition des tons chauds et froids vire

graduellement depuis le mariage des verts et des jaunes du premier plan jusqu'à

celui des bleus et des roses dans le lointain.

 Le travail du pinceau est l'une des principales beautés de cette peinture et mérite

la plus grande attention. Il est parfaitement visible et franc, sobre touche

d'ouvrier, et, par ses variations innombrables en direction et en taille, est un

moyen lyrique, sensible au plus infime changement dans l'accentuation visuelle

des formes et des couleurs, dans leur modelé et leur accent."

            https://www.youtube.com/watch?v=1KmrxL29-LY

http://knock-on-wood.over-blog.com/2019/06/cezanne-gauguin-van-gogh-les-initiateurs-de-l-art-moderne.html

dimanche 14 juin 2020

Paul Cézanne : La montagne St Victoire vue de Bibémus

        " Dans les tableaux antérieurs de la montagne St Victoire on la voyait d'une

distance considérable et sa place dans le panorama général lui donnait un calme

plus grand. Ici, Cézanne s'est rapproché du pic, mais ce dernier est plus accessible

qu'auparavant. Au lieu de suspendre le spectateur au-dessus de la vallée, il place

un abîme entre lui et l'objet principal. C'est une carrière au delà de laquelle il voit

les rochers qui lui font face et la cime surgissante.




                                                        Entre 1898 et 1900 - Toile, 65 X 81 cm

                  https://www.youtube.com/watch?v=p6ygBSPVP4k


  Par ce moyen, le paysage lui-même est devenu dramatique, rempli d'énergies

titanesques en conflit,mais qui sont en dehors du domaine du spectateur. La

montagne, comme une sculpture héroïque, est basée sur un gigantesque pièdestal

de rochers encadré par des arbres. Un côté s'élève en pente continue et nette ;

l'autre étrangement agitée, change sa course par de nombreuses cassures

abruptes. Pour la première fois nous voyons le pic comme  un objet individualisé

 avec un profil distinct ou avec deux côtés comme un visage humain. Il a perdu la

vieille symétrie classique et il est devenu une forme dynamique et complexe.  En

même temps sa hauteur, son mouvement qui s'efforce vers le haut, est plus

prononcé. Il n'y a pas de plan général horizontal, aucune immense plate-forme du

sol pour apaiser la pyramide naturelle, mais une profonde crevasse verticale à

base convexe divisant en deux la paroi de la carrière et marquée par des troncs

penchés instables, ajoutant encore à l'effet agité de cette composition de chaleur

et de contrainte.

Le goût pour le plan vertical, que nous avons remarqué dans "Pommes et oranges"

comme un caractère typique de la dernière époque, se retrouve, traduit avec une

force grandiose, dans ce paysage, mais avec un sens autrement expressif.

 La montagne est aussi distincte que les objets les plus rapprochés, même plus

distincte si nous comparons le dessin de son contour avec les silhouettes vagues

et quelquefois même fondues des arbres du dessous. Si nous allons du premier

plan au lointain les objets deviennent plus grands, comme dans la perspective

émotionnelle d'un primitif. La grande masse de l'arbre en haut et à droite semble

appartenir à la même région de l'espace que la montagne et ce n'est que lorsque

nous suivons la ligne ondulante de son tronc que nous constatons qu'il est situé au

premier plan. Des verts très semblables interviennent sur le devant et dans le

lointain, unifiant les plans très séparés par un système commun d'accents.

 Les rochers orangés et le ciel bleu, l'accord contrastant le plus fortement, relient

aussi l'espace le plus lointain au plus rapproché. Une gradation de tons lavande,

de roses et de pourpres s'étend sur toute la profondeur. Comme dans les natures

mortes, cette vue plus proche est associée avec une intensité de sensation très

forte. Avant Cézanne, il y a peu de paysages dans lesquels l'orange et le bleu sont

appliqués avec des contrastes aussi grands et aussi lumineux."

                  https://www.youtube.com/watch?v=4dTmOec7Uq0


Paul Cézanne : La Montagne St Victoire

 Comme les  pommes , la montagne St Victoire a été un sujet d'inspiration pour ce

peintre : pratiquement sous le même angle, telle que les Aixois la voient. Bien que

l'ayant escaladée, je n'ai jamais eu la curiosité d'aller la voir  d'une autre manière.

Les massifs mythiques de cette belle région de France sont nombreux, que ce soit

le mont Ventoux célèbre pour son étape du Tour de france ou le Luberon avec ses

villages perchés pleins de charme.


https://www.luberon-apt.fr/le-territoire/ville-et-villages-du-luberon/les-villages-de-caractere


https://www.youtube.com/watch?v=1Wy_4em4eKI


                                                 
                                                         Entre 1904 et 1906 - Toile 65 X81 cm

             " Les tableaux que Cézanne fit vers la fin de sa vie ont une liberté

passionnée qui va même jusqu'à la délivrance de l'extase. L'intensité du sentiment

qui avait marqué ses premières toiles romantiques revient sous une forme

nouvelle. Il n'y a plus d'excitation d'images mentales de désir et de violence, c'est

une rhapsodie orageuse dans laquelle la terre, la montagne, le ciel sont unis dans

un plan général, un jaillissement de couleurs, de tons riches sur une gamme

étendue. C'est un poème irrésistible d'accomplissement qui nous rappelle la

musique de Beethoven. Le dynamisme d'une émotion profonde occupe toute la

toile. Il n'y a pas seulement des contrastes entre le stable et l'instable ainsi que

dans les autres ouvrages mais entre différentes sortes de mouvements et de

couleurs intenses. La montagne s'élève passionnément vers le ciel en même temps

qu'elle glisse vers la terre ; sa surface fait comme un réseau de lignes

ascendantes en perspective, convergentes vers le pic qui est leur but. Le ciel

explose à son tour en une danse de couleurs, un épanouissement de nuages bleus

et verts aussi forts et profonds que les bleus et les verts du sol, des volumes

extraordinaires à la couleur vibrante qui forment un halo tourmenté de tons purs

autour de la montagne glorieuse et lui donnent une plus vivante qualité

dramatique. Le sol est presque chaotique, il est cependant formé de touches

nettement verticales et horizontales faisant un contraste tranchant avec les

touches diagonales de la montagne et les nombreuses touches incurvées du ciel.

 Celles-ci répparaissent en bas, au premier plan, dans des bleus, des pourpres et

des violets, écho renversé de la montagne lointaine. 

La grande étendue de la terre repose sous toute cette turbulence de coups de

pinceau et de la couleur."

samedi 13 juin 2020

Paul Cézanne : Portrait de Victor Chocquet

   " Victor Chocquet était un ami des impressionnistes, il est devenu un personnage

historique à cause de sa pure dévotion pour l'art contemporain. Petit fonctionnaire,

sans grandes ressources, il fut saisi par la beauté des oeuvres de Renoir et de

Cézanne et en constitua une collection au moment où elles étaient encore en butte

aux moqueries des critiques et du public. Chacun de ces artistes fit de lui plusieurs

portraits.




                                                                1876 - 1877 - Toile 46 X36 cm

           Dans ceux qu'exécuta Renoir, Chocquet est d'une nature douce, ouverte ,

parfaitement détendu, il regarde aimablement le spectateur.

https://www.societe-cezanne.fr/2017/04/29/portrait-de-victor-chocquet-1876-1877-r292-fwn437/


Dans le tableau de Cézanne, les traits ne sont pas moins sensibles, mais il y a

dans le port de la tête, franchement tournée et surmontée par la haute masse des

cheveux, un accent de grandeur, un souvenir des portraits préromantiques du

Premier Empire. Une telle idéalisation est étrangère aus portraits impressionnistes

; mais nous avons déjà vu dans le portrait de Boyer comment Cézanne donne à

ses amis cette aura romantique.


                                                Portrait de  Boyer


Chocquet a été vu tel un personnage émacié, au type de Don Quichotte.

L'étirement de la tête ressemble aux amincissements du Greco ; ici le culte de

l'art, avec un même détachement et la même pureté d'esprit, remplace l'intention

religieuse.

On voit la tête dans une perspective curieuse, comme à travers une lentille qui

rendrait étroit le visage et raccourcirait les côtés. Les traits sont extrêmement

tendus et, par la réduction de la  force  de leurs axes, la direction  des yeux fait

aussi ressortir la verticale de la figure, qui est encore prolongée par l'angle en haut

du front et le même angle du col ouvert.

Comparé au portrait de Boyer, c'est une étape vers la lumière et la fraîcheur de la

couleur, de la même façon que ses nouveaux paysages.

Les couleurs du jour remplacent les noirs et les ombres neutres du premier

portrait. De même que dans les paysages, nous suivons partout le travail

vigoureux et franc du pinceau qui suscite une pâte épaisse et moelleuse de

couleur, riche en vibrations, en directions et en tonalités. Toujours la touche est

intense et directe - dans l'arrière plan comme dans la tête, dans les cheveux

comme dans les traits délicats, mais avec un mouvement distinct dans chaque

partie. Cette touche bien proportionnée à l'ensemble, assez petite pour obtenir un

modelé subtil, assez large pour être parfaitement visible, tel un élément constructif

du tout - quelques petites taches rouges bondissantes et chaotiques palpitent dans

le nez et les joues - et des touches plus sombres suscitent un rythme intéressant

 mais sans accent de lignes courbes, avec les contours des cheveux et de la barbe

: tout est bâti sans trace apparente de plan ou de lignes structurales maîtresses,

comme un jeu spontané du pinceau en réponse directe à l'homme.  Ce qui est plus

remarquable dans tout cela - ce à quoi nous revenons sans cesse - c'est la largeur

de l'effet, la possession puissante de l'espace."


vendredi 12 juin 2020

Paul Cézanne : Jeune italienne accoudée

              " Cézanne utilise ici plusieurs éléments et des procédés du "Vase bleu", du

Jeu de Paume : le dessus de table à dessins, la table penchée, la grande masse

blanche avec ses nombreuses couleurs. Ce tableau ressemble aussi à la nature

morte par l'inclinaison prononcée de la forme principale. Pourtant l'effet est très

différent - un peu plus équilibré d'éléments simples ou riches, du stable et de

l'instable. L'ensemble est traité avec une ampleur qui rappelle les grands portraits

vénitiens de la Renaissance. Les formes sont étonnament pleines et bien définies.
 
 : le personnage penché remplit son espace de façon splendide.



C'est une oeuvre puissamment construite, compacte et claire, dont les différentes

parties sont admirablement assorties les unes aux autres et à la surface de la toile.

Les masses inclinées du haut du corps ( avec l'angle droit du coude) sont opposées

aux masses rectangulaires de la jupe et du dessus de table ; pourtant on ne voit

pas beaucoup d'horizontales ni de verticales et seulement par petits fragments.

Les masses les plus stables sont couvertes de lignes et de taches au caractère peu

architectural, procédé typique de la dernière manière de Cézanne par lequel la

sévérité de la construction est adoucie et les qualités opposées entremêlées.

La couleur est riche, grave et puissante. la sismplicité du vaste aspect cache tout

d'abord la variété des relations de couleurs. Considérons seulement le bleu sombre

de la jupe qui fait un contraste différent avec chacune des grandes surfaces de

couleur. Son obscurité ou sa valeur basse est opposée au blanc ; son froid est

opposé aux chauds complémentaires de jaune et d'orange du fichu et de la figure ;

son uniformité ou son unité, aux couleurs bigarrées du tapis ; sa pureté, au brun

neutre et mélangé du mur. En même temps cette masse bleue est harmonisée

avec tous les champs opposés et distincts: ses rayures convergentes

réapparaissent dans la manche blanche, qui est elle aussi teintée de bleu et de

gris; des lignes de bleu sombre indiquent les contours de la figure, des traits et du

bras droit et on trouve du bleu, du gris et du noir dans le fichu qui est relié au mur

non seulement par un vert flou et des teintes poupres dans le brun, par les lignes

du mur et du dé à gauche, mais encore par la gamme de couleurs sombres ; enfin,

la zone bleue est en rapport avec le dessus de la table grâce à sa position, à sa

forme pareille et aussi grâce à l'analogie des lignes. Des touches de rouge et de

vert lient le visage à la décoration du dessus de la table.

La composition et l'ordre des couleurs ont un sens expressif - le registre le plus

intime, plus proche, plus chaud étant dans la moitié gauche du tableau ; le côté de

la rêverie et les éléments les plus froids, mais aussi les plus puissamment

contrastés, sur le côté droit, le côté du corps.

 Enfin je dois mentionner le magnifique modelé de la tête avec les accents forts

que le pinceau lui donne - lignes bleues peintes en épaisseur, très soignées et

précises, qui confèrent au dessin une solidité sculpturale."









jeudi 11 juin 2020

Paul Cézanne : Les Grosses Pommes

    " Cette nature morte se distingue par une extraordinaire recherche de

compacité et de solidité. Il est difficile de se souvenir d'un autre tableau de fruits

qui soit aussi densément coloré et aussi attirant pour le toucher .



 

                                                           Entre 1890 et 1894 - Toile 46 X 55 cm


Cependant la réalité est sacrifiée dans de nombreux détails non pas pour le simple

plaisir de l'imagination, mais pour arriver à une peinture cohérente, plus

concentrée de ce qui existe tout près de l'oeil. L'assiette sous les pommes disparaît

brusquement à droite ; l'ellipse de la table ronde  est aplatie et étrangement

contractée sous l'assiette, la soucoupe a une asymétrie semblable, la seconde

rangée de pommes est tangente à la première de façon telle qu'elle dément la

position qu'on leur prête.

Pourquoi Cézanne n'aurait-il pas continué l'assiette sur la droite en assombrissant

simplement sa couleur et en la compensant dans les objets voisins ? Cela aurait-il

affaibli la composition ? On ne peut guère le penser d'un compositeur aussi fécond

que Cézanne. Mais dans ce tableau, les silhouettes résultant des déformations sont

si puissamment cohérentes que nous ne pouvons (et ne voulons pas ) imaginer

d'autre solution. Le désir de jouer des variations semble, ici, avoir été très

important : le bord de l'assiette avec ses pommes arrangées symétriquement se

distingue du bord gauche, comme la symétrie de la tasse est brisée par son anse

et les deux côtés de la soucoupe, qui sont étonnament différents.

A gauche, l'assiette émerge de dessous les pommes, qui la recouvrent entièrement

à droite, et le contraste de leur couleur avec le blanc teinté de bleu de l'assiette se

déplace vers le petit arc qui se découpe sur le mur clair. Les contours des pommes,

ronds et angulaires, sont fortement opposés à la plaque rectangulaire et à la

soucoupe voisines. Il est paradoxal qu'un artiste tellement libre avec les formes

réelles soit aussi attaché aux caractères constants des choses.

L'assiette de pommes est merveilleusement peinte. Il faut remarquer que chaque

pomme est disposée différemment. Ensemble elles constituent un groupe

symétrique et formel dans lequel chaque élément est penché d'une manière qui lui

est propre. Et, ce qui est encore plus original, chaque pomme est modelée

autrement, avec des transitions uniques de riches couleurs, de lumière et d'ombre.

Les taches sombres des tiges, semblables aux pôles de sphère en mouvement,

forment un ensemble plein d'intérêt. Par leur dessin arrondi, les pommes dessinent

un triangle exceptionnel sur la toile. Il y a une sorte de perspective des contours

vers le montant  vertical de la cheminée. A côté, sur la droite, on trouve un autre

essai de création de profondeur dans la succession des objets qui se chevauchent

avec des axes changeants, dans un alignement vertical : pommes, tasse et

soucoupe, plaque rectangulaire, pincettes et tisonnier. Parmi cette série Cézanne a

créé un contrepoids secret par de petits accents dans les ombres. Les touches,

dans leurs directions variées, sont elles-aussi un facteur très évident de la

structure de l'ensemble."

Amusez-vous à établir l'analyse de cette "Corbeille de Pommes"  d'une

façon aussi approfondie que celle de Schapiro. Je rajouterai  son texte

demain et vous serez à même de comparer vos visions respectives de

cette oeuvre.


         Entre 1890 et 1894 - Toile 65 X 81 cm

                https://www.youtube.com/watch?v=KnaoHNLZyRY


    " Il est difficile d'imaginer un moment de la vie quotidienne dans lequel les

objets seraient disposés exactement de cette façon. Nous sommes conduits à

considérer cet ensemble comme un arrangement de l'artiste, une pure invention.

la corbeille s'appuie sur un bloc, les pâtisseries sont dressées sur un plat posé sur

un livre, les pommes s'étalent sur une nappe aux riches plis, l'snsemble groupé

sur une table. Cette superposition des objets - bien évidente dans les gâteaux - 

est un indice de l'idée de l'artiste ; la peinture est une construction. La table, elle

aussi, est traitée comme une sorte de maçonnerie avec des formes stables. ce qui

rend cet ensemble encore plus intéressant c'est que tant d'éléments soient anti-

architecturaux ; ces quelques trente pommes sont complexes par la gamme de

couleurs, chaque fruit est un morceau de peinture original, un objet irremplaçable

; la bouteille et la corbeille, inclin&ées assymétriquement; la nappe froissée et

pendante. Cette nature morte sosigneusement étudiée garde cependant un aspect

de composition accidentelle, due au hasard. C'est un arrangement dans lequel les

groupes d'éléments d'ordre et de degrés différents sont harmonisés ; les pommes

dans la corbeille et sur la nappe, les plis brisés de cette dernière, la disposition

régulière des gâteaux. Bien qu'équilibrée en tant que composition, la toile risque

un grand déséquilibre dans les détails. l'inclinaison curieuse de la bouteille doit être

envisagée dans son rapport avec les autres parties instables comme une donnée

du problème : créer un ensemble équilibré dans lequel certaines parties ne le sont

pas. Dans l'art ancien on y arrivait par des personnages en mouvement, par un sol

en pente, des rideaux pendants ou des objets en perspective. Ce qui est nouveau

chez Cézanne, c'est l'axe instable d'un objet vertical - un personnage assis,     

une maison, une bouteille. De telles inflexions font que l'équilibre final du tableau

semble être plus l'oeuvre de l'artiste que l'imitation d'une stabilité préexistante

dans la nature.Ici, nous ne pouvons nous empêcher de considérer d'un même oeil,

comme les variations équilibrées d'un déséquilibre commun, les diagonales des

divers plans - l'inclinaison de la bouteille, celle de la corbeille, les lignes raccourcies

des gâteaux et, correspondant à ces trois formes obliques, les lignes de la nappe

qui convergent vers le bord inférieur du tableau. La couleur est lumineuse, robuste

et claire, tempérée dans les grands objets, plus intense dans les petits, et partout

finement nuancée, produit d'un pinceau visiblement actif. Bien que la bouteille ait

l'aspect lisse du verre, les autres objets ont une matière plutôt neutre, ils ont l'air

solides, mais ce ne sont pas des substances distinctes. la bouteille elle aussi, est

soumise à cette apparence concrète de la peinture et de la touche dans

l'expression de son bord droit, ouvert et vague.

 Oui, j'aime les natures mortes,  jeune, je raffolais des natures mortes hollandaises

je n'oserais pas insérer les miennes dans un article à part entière, elles ne

méritent que de rester un peu cachées, mais je vis avec, car elles décorent ma

cuisine.

 J'ai commencé par de l'acrylique  et puis je trouve que le pastel correspond mieux

à mes essais car je suis totalement autodidacte. Un peu comme Cézanne je

rassemble mes légumes et on voit bien ce qu'il en ressort !!



                                Potimarron, betteraves poivrons et choux



un peu suspendus je vous l'accorde !!! bananes, grenade, avocat et fruit de la passion



                   citrouille et tomates

                                Plat d' Oignons et tomates


 Tout pour la ratatouille !!

mercredi 10 juin 2020

Paul Cézanne : La Bouteille de Peppermint

 "C'est une des natures mortes les plus originales de Cézanne", nous dit Schapiro

mais pas ma préférée....

                                   Entre 1890 et 1894 - Toile, 65 X 81 cm


                     "bien que chacune d'elles ait une conception particulière.

Il a supprimé la profondeur de la table - on ne voit rien de son dessus - et les

objets semblent suspendus sur des plans verticaux, comme le mur lui-même, qui a

été mis en contact étroit avec les objets grâce à ses couleurs et à ses lignes

sévères. Mais dans cet espace contracté Cézanne a osé peindre avec une adresse

parfaite le verre translucide à travers lequel nous apercevons les objets à

différents plans ; il a aussi pétri les tissus en plis compliqués dans lesquels les

objets sont installés comme des arbres et des bâtiments dissimulés par les

dépressions de terrain. En supprimant le plan horizontal, il a donné une cohésion

plus évidente aux formes et aux couleurs sur la surface de la toile, mais il a aussi

joué avec les propriétés matérielles des choses, leur solidité, leur poids, leur

opacité et leur transparence.

 Le tableau est merveilleux par l'invention des lignes. Peu d'oeuvres de Cézanne

sont aussi abondantes en courbes et en continuités. La bouteille de Peppermint,

avec son élégant double renflement, la grosse carafe - plus simple et plus

importante - sont deux mélodies d'une grande pureté et d'une grande force. Leurs

éléments  réapparaissent dans les rondeurs simplifiées des fruits. Plus belles que

tout le reste sont les courbes de la nappe - formes nouvelles ne nous rappelant

pas une draperie conventionnelle, mais de celles qui sont plus libres qu'aucune que

nous connaissions, bien qu'en sricte harmonie avec les formes voisines.

 Il y a sur le lourd tissu bleu un jeu séduisant d'ornements noirs - rythmes

secondaires de formes droites et courbes ingénieusement adaptées aux lignes des

autres objets et déployées de telle façon que nous ne pouvons distinguer le motif

qui décore ce tapis - nous connaissons seulement le motif le plus intéressant qui

résulte de son interception par des creux et des plis accidentels. Les continuités et

les croisements caractéristiques de lignes sont la bande rougeâtre sur le mur, qui

se prolonge dans la carafe, la ligne verticlale poursuivie sur le bord de la bouteille

et émergeant à nouveau dans la ligne de la nappe qui touche au citron d'où

tombent des rayures verticales sur le tapis bleu. Le mur, le tapis avec ses

ornements, la bouteille et la carafe découlent d'une même gamme sévère de verts,

de gris, de violets et de bleus avec de nombreux accents noirs ; les taches

d'intensité et de chaleur contrastantes sont groupées par ensembles verticaux et

horizontaux qui conservent l'austère architecture du mur.

On doit aussi remarquer l'audacieuse asymétrie du dessin de la carafe, le

renflement du bord gauche plus lumineux, réduit et aplat, ajusté aux formes

verticales des objets avoisinants, y compris la pomme vue à travers le verre et le

bord de la nappe blanche en dessous, qui renferme une pomme et une poire. C'est

un exemple frappant de l'indépendance de la nature de Cézanne dans l'expression

de sa volonté constructive. Chardin aurait harmonisé toutes ces formes d'objets

voisins sans les altérer : mais ses contours sembleraient dessinés de façon moins

tangible, moins ouvertement marqués par les opérations d'ajustement et de

cohésion


         https://www.youtube.com/watch?v=k0SrEiEcpRM