mercredi 4 février 2015

Le merle

           Il ne vient pas fourrer son bec dans ce plat de chantilly mais les graines largement jetées à même le sol car, lui, ne grimpe pas sur mes fenêtres.


         Théophile Gautier est l'auteur d'un poème tout à fait de circonstance:



Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.

C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.

Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.

Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.

Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.

Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.

Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L'autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.

A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !



mardi 3 février 2015

Les Encantats

 Elles règnent un peu partout sur la chaîne Pyrénéenne mais celles dont je veux vous parler aujourd'hui sont dans le Val d'Aran.
Ce fut le plus long voyage de retour  en traversant les Pyrénées depuis l'Espagne.
Je revenais du Vall de Boï,( je crois me souvenir que dans les archives de 2014 il doit y avoir un article qui relate ce séjour) et pour éviter un retour, le plus logique, par le col d'Envalira, toujours surchargé de circulation en été, décision fut prise de rentrer par le Val d'Aran.

                                                                               photo Isarde

 Splendides visions sur la Maladeta et le Pic d'Aneto encore partiellement enneigés cette année là, des chutes de neige très tardives ces dernières années laissent persister des névés en plein été.
 Mais aussi sur son glacier et la dernière difficulté de son ascension.

 https://www.youtube.com/watch?v=BED0NIrP1_o
 
Mais ce n'est pas exactement de tourisme que je veux vous parler.
Ce fut un autre voyage qui m'amena à la recherche des sources de la Garonne au Pla-de-Beret, sur les pas du géographe Schrader.
Les bergers de la préhistoire révéraient dans la Garonne une nymphe offrant aux voyageurs une eau désaltérante.
Mais Norbert Casteret grâce à ses expériences de fluorescence démontra que ce sont les eaux de la Maladeta qui surgissant du "Goueil de Joueu" (l'oeil de Jupiter) en sont la principale source.
De toutes les crêtes montagneuses des sierras environnantes du Val d'Aran, les Encantas, sont les plus célébres, statues de pierres avoisinant les 2.700 mètres figés pour l'éternité, deux chasseurs..... punis de s'être élancés à la poursuite d'isards au lieu d'assister à l'office.


extrait de la Bibliothèque "Rosalis"

http://numerique.bibliotheque.toulouse.fr/collect/general/index/assoc//ark:/74899/B315556101_A_GORSE_9_028.dir/B315556101_A_GORSE_9_028.jpg

Dessus-dessous

Dessus-dessous, les larges feuilles enneigées du magnolia sont un refuge pour tous les oiseaux qui se relaient pour picorer sur mes fenêtres:


            Mais horreur! le chat du voisin a laissé ses traces dans la neige....

Mes petits protégés sont toutefois bien à l'abri sur les tiges du bignonia.

les rebords de fenêtre en hauteur lui sont aussi difficilement accessibles,

                         bien malin s'il réussissait à monter sur la chaise!!



 Les tourterelles viennent jusqu'à un mètre de moi, mais il faut que je garde une immobilité absolue:


Il y a moins de merles cette année, j'ai quand même réussi à en surprendre un avant qu'il ne neige trop.


                  J'aime beaucoup ces tiges qui encore couvertes de neige 

                                  semblent  revêtues de fleurs de coton




Sen Blat

 La pleine lune de cette nuit



SI la crêpe du 2  février est pour l'aire fermée celle du 3 est pour les bêtes, les champs, la récolte.
Il y a une association qui se crée entre le Blat de Saint Blaise (Sen Blat ) et la crêpe faite de "blat".

Mais il est une autre coutume encore pratiquée de nos jours et mon informateur, en l'ocurrence Frisco, me le confirmera, cela se faisait-il à Montels?
Ce geste à valeur symbolique, le voici, conté par Isaure.
Au Val d'Aran, le Nistos et le Larboust:

"Il faut couper la queue aux vaches ce jour-là.... un peu de poil, vous savez, coupé comme cà, s'il est long, sinon tout juste leur couper, ça dépend.
"Et qu'est ce qu'on fait de ce poil?      Marie Sabaut née en 1907 répond
"Rien, rien, le jeter au fumier. Mais.. c'est le ... chose de le couper ce jour-là; ils le font, les hommes. C'est bon pour les bêtes, quoi".

On me dit aussi plus souvent, brûler le poil dans un chaudron.
Geste cathartique ou vaccin symbolique? Le feu purificateur ou le mal par le mal?
L'office religieux du 3 février destiné à la protection des animaux, fut répandu dans ces pays d"élevage:
A la Saint Blaise il fallait aller à l'église tabé (aussi) parce que  c'était la messe des bêtes. (Barousse, Ourse de Sost.)
Dans le Haut-nistos, on le pratique encore:
A St Blaise, il  faut faire dire une messe pour les animaux.

(petite aparté, je doute qu'en 2015 où il n'y a plus assez de prêtres pour dire la messe dans les villages, le Dimanche, il y en ait qui puisse dire la messe en pleine semaine pour les animaux)

En Bethmale, "on ne part pas à la montagne.
Les vieux allaient  faire bénir Sen Blas en'a gleisa (à l'église).
Georgette née en 1913 se souvient soudain de la prière récitée pour Saint Blaise:

"Ah! Jo m'en rapeti!
"Nostra dama de sen Blas, proteja-nos eras amas e bestias!"
(Ah! je m'en souviens! Notre Dame de Saint Blaise, protège nos âmes et nos bêtes)
Dans la Haute Barousse, il en était de même. En Couserans, à Montfaucon," pour sen Blas, on ne les changeait jamais de grange, ni les bêtes les faire sortir"

Nous retrouvons ici à la fois le besoin de l'enclos, du fermé, de l'immobilité réparatrice pendant les mois d'hibernation et celui du geste protecteur avant la première sortie; la bénédiction prophylactique est aussi indispensable pour le nouveau-né humain que l'on ne sort jamais avant qu'il soit baptisé, que pour les bêtes que l'on n'envoie pas à la montagne avant la bénédiction pour Saint Blaise".
                Isaure

 Remarquons les variantes dans le propos, tantôt Sen Blat et pour d'autres Sen Blas
Ne trouvons-nous pas ici l'illustration du changement et du décalage climatique, un siècle après ?
Je vous assure que vu ce qui tombe ce matin  il  ne serait pas  envisageable de sortir les bêtes !
 Si les averses de neige des jours précédentes étaient impressionantes par leur densité, les chutes de ce matin, épaisses, cotonneuses, adhèrent au sol et sur les végétaux
 Je vais anticiper la St Jean et rester devant mon feu !!!


lundi 2 février 2015

Précisément

Ce jour, présenté comme la St Théophane est précisément celui de la Présentation du Seigneur et de la Chandeleur, aube douce, malgré tout, je pense que notre ami Martin sous les mètres de neige qui viennent de tomber,


n'aura pas envie de se réveiller. Alors deux réflexions:
Mon amie "La Dormeuse" nous présentait hier des précisions sur ce fameux calendrier républicain que je n'avais fait qu'effleurer récemment en vous parlant de Nivôse, grâce à elle je peux vous dire que nous sommes désormais en Pluviose et le jour de " Mousse" exit les Saints du calendrier Grégorien.

Pour Martin, je m'en tiens aux coutumes qui faisaient qu'on évitait de prononcer le mot "ours".
J'ai été profondément touchée par ce nomade de Montgolie qui appliquait exactement ce précepte pour les loups qui se faisaient la dent sur ses troupeaux. Il leur trouvait toujours un sobriquet mais ne prononçait jamais non plus le mot "loup".
et j'ai été profondément émue de le voir pleurer à chaudes larmes sur la disparition de la faune sauvage.
(Emission sur la 5 hier en début d'aprés midi)
Je pense avoir suffisamment évoqué ce vecteur de prospérité "symbolique subconsciemment mais solidement accrochée au vécu" qu'est la confection des crèpes.
Ces habitudes de ce geste "porte-bonheur" de l'expédier sur des hauteurs:

Entà era Candelera                                     A la Chandeleur

Hè pasteras hastio era capelera                Fais des crêpes jusqu'à la faîtière

 mais aussi d'aller offrir la seconde:
"La seconde crêpe que l'on faisait, eh bé, le plus grand ami que vous aviez, s'il passait par là, vous l'appeliez et vous la lui offriez" dit Jeanne de chez Davath à Arbon née en 1903.
Nous verrons demain pour la St Blaise que la crêpe sur l'armoire-buffet de la cuisine c'est l'abondance alimentaire et la crêpe sur l'armoire à linge, c'est l'aisance financière.

Déjà perturbée par la pleine lune, j'étais debout à 3 heures.
 Quel est ce hasard, Nistosien, qui vous a fait vous brancher sur ce blog, qui m'a fait aller prendre dans ma bibliothèque ce livre sur les rites et coutumes, qui ravive chez vous des souvenirs d'enfance?
Un jour, peut-être, nous nous rendrons compte que nous nous sommes rencontrés à Toulouse ? sur le chemin de la Fac ? peut-être !
Vous parlez de route non goudronnée........je suis toujours très fière d'avoir fait monter mes quatre petits jusqu'à notre cabane d'altitude, à pied sur un chemin d'adret, sacs à dos proportionnés à leur âge; sans les commodités dites "modernes", où nous avons passé de merveilleuses vacances.(1 heure de montée pour les petites jambes, un peu plus pour moi, chargée)
Nous montions, Frisco et moi, la nourriture pour trois jours, grosses miches achetées à Eycheil, les côtelettes d'agneau à consommer dans la foulée...........
stop !!! je vais vous raconter ma vie !!!!

dimanche 1 février 2015

Les gris aussi

 Le ciel hésite
Soleil, nuages, neige,
En alternance.

Interrogations
Sur le devenir du temps
Pour quarante jours.

Dans sa tanière,
Sent-il ces frémissements
Qui vont l'éveiller?

Nous ne  le saurons
Précisément que demain
Le deux février

Mais les gris aussi
Ont leur charme tout spécial
Flous à la Turner...


Haï-Kaï
            Isarde
                                     les photos aussi

Le plec

 Qu'es aquo?
Les crèpes et la chandelle sont les ingrédients de base des recettes rituéliques propitiatoires de la Chandeleur.

"D'une part, la déchristianisation a suivi la dépopulation et, d'autre part, la chandelle protectrice n'a plus lieu d'être utilisée dans une économie traditionnelle devenue exsangue. Fabrication et bénédiction ont disparu, comme d'ailleurs la majorité des coutumes nécessitant une organisation collective (sauf pour la St Jean)"

 Alors? cette plec? C'est une fine chandelle de cire d'abeille (1 cm environ de diamètre). La cire s'interrompt tous les 15 à 20 cm, mais le filament de la mèche est lui, continu et reste nu sur deux ou trois centimètres entre deux enrobages de cire.
La chandelle est donc un long cordon qui peut se plier, d'où son nom.
Jusque dans les années 20, le filament était en lin.
Lorsque les femmes filaient à la quenouille, les restes inutilisables étaient ceux qui, torsadés ensemble, seraient la mèche de la candela.

Il me vient à l'esprit que dans plusieurs siècles, si l'homme existe encore, ces coutumes seront regardées comme nous considérons aujourd'hui le Magdalénien ou le Néolithique. Je n'en est jamais vu.
Le Musée Pyrénéen, de Lourdes, que je n'ai jamais visité, en conserve parait-il plusieurs.
Cette photo de plecs tressés qui s'y trouve est destinée à éclairer  les célébrations funéraires et on les retrouve dans les traditions de l'eskouak basque.

Sur la suivante, c'est Maruis Sost né en Barousse en 1900, qui allume la candela de plec.

" D'autrefois on se faisait les draps, le linge, on filait. Et alors des débris de fil, on appelait ça la riscla. Il y avait vous savez, la fleur de lin pour faire le fil et il y avait un débris qu'on mettait à part et alors on faisait la candela avec ça et la cire du miel" (Bertrande Cazes, née en 1885, Arbon).

"Mais dans des maisons "moins riches" raconte Marguerite, on prenait la cire de ses propres abeilles pour se fabriquer la candela. On utilisait comme moule la tige creuse du sureau,(samuquè) aussi abondant dans la flore du pays, qu'important dans la mythologie locale et fréquemment utilisé en phytothérapie"
La candela de plec n'était moyen d'éclairage qu'en dernier recours quand il n'y avait plus ni "lampiou" ni carbure. Elle ne fut plus utilisée plus régulièrement que pendant les époques difficiles, celle des deux guerres".

L'électricité n'est arrivée dans les coins de montagne reculés qu'en 1949.

J'ajouterai que sur les hauteurs d'Ercé, dans notre petite maison, nous nous éclairons à la chandelle.
C'est d'ailleurs la fête, de veiller au milieu de toutes nos bougies.

Mais ici, je ne vous cache pas que lorsque éclatent les orages violents, et il y en a de terribles !.. j'allume une bougie de préférence celle, bénie, au Val d'Amour.