Déclinant à l'envi les thèmes qui lui sont chers, Munch offre de véritables
exemples de variations au sens musical du terme. Répétition et récurrence
s'enrichissent chaque fois d'un regard différent qui vient modifier l'ambiance
d'une oeuvre, son élairage, sa tonalité, de façon tout à fait contrapuntique.
Munch tente de restituer ses premières impressions d'uns scène en la reprenant
sans cesse. La réitatération d'un motif touche parfois à l'obsession : les
déclinaisons, à la différence du phénomène des reprises par lequel Munch
revient sur un thème des années après sa première réalisation, sont resserrées
sur une période très courte. De sa rencontre avec le modèle Rosa Meissner en
1907 naîtront de nombreuses oeuvres. "femme en pleurs" sera réalisé sous
formes de toiles, mais aussi de dessins de photographies, de lithographies, et
donnera même naissance à l'une de ses très rares sculptures en bronze.
Nu en pleurs. 1907
" On comprendra alors ce qu'il y a de sacré et d'imposant dans le motif
et l'on se découvrira devant comme dans une église" '1889)
Si la femme que l'on peut voir photographiée est élancée et gracieuse, celle qui
est peinte dans ses toiles, bien qu'immobilisée quasiment dans la même
position, paraît beaucoup moins à l'aise dans son corps. Munch a réduit des
seins et gommé ses formes, si bien que l'on peut se demander si la tristesse de
cette femme à la tête penchée ne renvoie pas aux angoises de la puberté déjà
traitées dans d'autres toiles. les épaules élégamment rejetées en arrière sur la
photographie, sont tombantes, abattues qur les toiles, qui rappellent certains
nus de Pierre Bonnard. Dans la sculpture, qui évoque davantage la manière
d'Auguste Rodin, les épaules du modèle sont courbées vers l'avant.
Femme en pleurs 1907
Femme en pleurs 1907
Une fois guéri de la grippe espagnole, Munch se retire dans sa propriété
d'Ekely. Il y réalise davantage de nus et continuera à y peindre des modèles
féminins jusqu'à la fi de sa vie. Il est la plupart du temps proche de son sujet.
Il cherche à déceler les sentiments profonds qui gouvernent les femmes qu'il
peint pour rendre leurs portraits plus puissants. Dans "L'artiste et son modèle"
les deux protagonistes semblent entretenir des rapports intimes, comme en
témoigne le lit défait au fond de la pièce qui n'est autre que la chambre à
coucher de Munch à Ekely . Ici encore, les personnages, parmi lesquels figure le
peintre, au second plan, font face au spectateur dans une attitude hostile,
comme s'ils lui reprochaient sa présence.
L'artiste et son modèle. 1919-1921
mardi 21 avril 2020
lundi 20 avril 2020
En scène
Quand Max Reinhadrt, fondateur des Berliner Kammerspiele en 1906, inaugure
son théatre en montant "les Revenants" d'Henrik Ibsen, c'est tout
naturellement à Munch qu'il fait appel. Les "études d'atmosphère" que le
peintre réalise pour ses décors s'inscrivent en effet dans la continuité de son
travail.
Les dramaturges, à l'instar d'Auguste Strindberg, s'orientent alors de plus en
plus vers une esthétique de l'intime : la personnalité et l'univers intérieur des
personnages se retrouvent au centre du drame, et l'espace qu'ils occupent
porte la marque de leurs tourments. Qui mieux que Munch pouvait faire jouer
ce rôle dramatique aux objets, aux meubles ? cette collaboration signe une
évolution dans sa peinture. Il représente alors davantage de personnages figés
dans cet espace clos, dont l'étroitesse renforce une sensation d'étouffement, qui
gagne certes le spectateur, mais qui semble aussi paralyser les personnages
hiératiques. On y retrouve un paradoxe propre au théatre intimiste de
Reinhardt : le spectateur se sent introduit dans l'espace des personnages et
donc dans leur intimité ; cependant, l'attitude crispée et distante de ceux-ci
tend à montrer qu'ils cherchent à repousser cette intrusion.
" A la douce jeune fille". 1907
"la mort est amoureuse de la vie et la douleur est l'amie de la joie"
vers 1915-1930
Dans la série intitulée "La Chambre verte" Munch donne à voir une nouvelle
interprétation des thèmes amoureux plus amère encore que dans "La Frise de la
vie". Une pièce au papier peint vert et aux motifs entêtants, dont le plafond
sombre et bas, supplante les paysages élégiaques. Le traitemennt de la
perspective renforce encore l'ambiance oppressante et claustrophobique qui
règne dans ces toiles : il n'est jamais possible de sortir de ces espaces dont
l'unique porte est soit fermée soit occupée par des personnages. une table
ronde au premier plan, souligne le procédé quasi photographique de grand
angle qui alimente le malaise ressenti : le spectateur participe de la scène
comme s'il était assis à celle même table. Ces tableaux témoignent de l'art
introverti d'un Munch toujours à la recherche d'une transcription de ses états
d'âme. Dans cette série qu'il peint au moment où il recontre des difficultés
dans sa relation avec Tulla Larsen, ses amours malheureuses tiennent le
premier rôle.
" Jalousie" 1907
En 1908, mal remis de ses déboires amoureux avec Tulla larsen, affaibli par ses
incessants voyages et ses abus d'alcool, Munch traverse une crise profonde qui
le contraint à se faire hospitaliser dans la clinique psychiatrique du Dr Daniel
Jacobson. Cet épisode semble constituer un véritable tournant dans son
existence.
"La Meurtrière" 1907
son théatre en montant "les Revenants" d'Henrik Ibsen, c'est tout
naturellement à Munch qu'il fait appel. Les "études d'atmosphère" que le
peintre réalise pour ses décors s'inscrivent en effet dans la continuité de son
travail.
Les dramaturges, à l'instar d'Auguste Strindberg, s'orientent alors de plus en
plus vers une esthétique de l'intime : la personnalité et l'univers intérieur des
personnages se retrouvent au centre du drame, et l'espace qu'ils occupent
porte la marque de leurs tourments. Qui mieux que Munch pouvait faire jouer
ce rôle dramatique aux objets, aux meubles ? cette collaboration signe une
évolution dans sa peinture. Il représente alors davantage de personnages figés
dans cet espace clos, dont l'étroitesse renforce une sensation d'étouffement, qui
gagne certes le spectateur, mais qui semble aussi paralyser les personnages
hiératiques. On y retrouve un paradoxe propre au théatre intimiste de
Reinhardt : le spectateur se sent introduit dans l'espace des personnages et
donc dans leur intimité ; cependant, l'attitude crispée et distante de ceux-ci
tend à montrer qu'ils cherchent à repousser cette intrusion.
" A la douce jeune fille". 1907
"la mort est amoureuse de la vie et la douleur est l'amie de la joie"
vers 1915-1930
Dans la série intitulée "La Chambre verte" Munch donne à voir une nouvelle
interprétation des thèmes amoureux plus amère encore que dans "La Frise de la
vie". Une pièce au papier peint vert et aux motifs entêtants, dont le plafond
sombre et bas, supplante les paysages élégiaques. Le traitemennt de la
perspective renforce encore l'ambiance oppressante et claustrophobique qui
règne dans ces toiles : il n'est jamais possible de sortir de ces espaces dont
l'unique porte est soit fermée soit occupée par des personnages. une table
ronde au premier plan, souligne le procédé quasi photographique de grand
angle qui alimente le malaise ressenti : le spectateur participe de la scène
comme s'il était assis à celle même table. Ces tableaux témoignent de l'art
introverti d'un Munch toujours à la recherche d'une transcription de ses états
d'âme. Dans cette série qu'il peint au moment où il recontre des difficultés
dans sa relation avec Tulla Larsen, ses amours malheureuses tiennent le
premier rôle.
" Jalousie" 1907
En 1908, mal remis de ses déboires amoureux avec Tulla larsen, affaibli par ses
incessants voyages et ses abus d'alcool, Munch traverse une crise profonde qui
le contraint à se faire hospitaliser dans la clinique psychiatrique du Dr Daniel
Jacobson. Cet épisode semble constituer un véritable tournant dans son
existence.
"La Meurtrière" 1907
dimanche 19 avril 2020
L'espace optique de Munch
Mais encore un exemple de ses "reprises :
"Je n'ai jamais fait de copies de mes tableaux. Quand j'ai utiisé le même
motif c'est uniquement pour des raisons artistiques et pour approfondir
le motif" (1935
Les Jeunes Filles sur le pont. 1927
Les Jeunes Filles sur le pont. 1901
"La nature n'est pas seulement ce qui est visible à l'oeil. Elle comporte
aussi les images internes de l'âme - les images imprimées sur la rétine"
(1928)
La composition et l'organisation trés particulière de l'espace dans la peinture de
Munch des années 1880-1890 sont marquées par l'impressionnisme, mais
aussi le japonisme et la vision offerte par l'optique instrumentale. Munch eut
sans doute recours pour certaines de ses études à la "camera obscura" ou à la
"camera lucida" et pratiqua lui-même la photographie à partir de 1902.
L'engouement de l'époque pour la photographie stéréostopique, c'est-à-dire en
relief, explique lui aussi nombre des caractéristiques de sa composition. Les
perspectives sont accélérées, les lignes de force très obliques. Le premier plan
proéminent, souvent coupé par le cadre du tableau, renforce la profondeur.
Vers 1900, ces effets optiques vont en s'accentuant. Les corps sont
représentés en raccourci, le point de vue est surplombant. Les personnages, qui
jusqu'alors apparaissaient dans des postures figées, pétrifiées, sont désormais
peints en mouvement ; ils semblent avancer droit sur nous en nous fixant.
Outre la photographie, c'est au cinéma que renvoie la composition de Munch,
en créant l'illusion d'une image "projetée", dont les protagonistes entrent dans
l'espace du spectateur.
"J'ai peint tableau après tableau d'après les impressions saisies par
mon oeil durant des instants d'émotion. J'ai peint les lignes et les
couleurs laissées sur ma rétine- je n'ai alors peint que ce dont je me
souvenais - sans rien ajouter - sans les détails que je ne voyais plus -
en résulte la simplicité de ces tableaux - leur vide apparent". (1928)
La Vigne vierge rouge. 1898-1900
Neige fraîche sur l'avenue. 1906
Ces deux toiles sont très représentatives des compositions de Munch.
Un paradoxe réside dans le malaise qui naît de l'usage simultané d'un effet de
mouvement et d'un arrêt sur image . Les personnages du premier plan sont
projetés vers l'avant et coupés par le cadre ce qui crée un éloignemnt de
l'arrière plan, relayé par la double ligne de force diagonale créée par le chemin.
Dans "Neige fraîche sur l'avenue", les deux silhouettes surgissent de façon
théatrale devant le spectateur tandis que le ciel semble reculer derrière les
rangées d'arbres ondoyantes. L'organisation des formes et des couleurs
témoigne ici de l'influence réciproque des Fauves, aux côtés desquels Munch
exposa la même année au Salon des indépendants. Le protagoniste de" La
Vigne vierge rouge" dégage, comme souvent chez Munch lorsqu'il peint les
visages en vert, un sentiment de tristesse et de désarroi. L'arbre sans feuilles
accentue la morbidité de l'atmosphère. La vigne vierge elle, semble mue d'une
force propre ; nappe sanglante, elle engloutit la maison.
Sur le même principe "Meurtre sur la route. 1919
beaucoup de fuites sur cette toile : la ligne de fuite du chemin, la fuite de la
meurtrière ou d'une passante effrayée ; l'essence des arbres est plus définie.
"Je n'ai jamais fait de copies de mes tableaux. Quand j'ai utiisé le même
motif c'est uniquement pour des raisons artistiques et pour approfondir
le motif" (1935
Les Jeunes Filles sur le pont. 1927
Les Jeunes Filles sur le pont. 1901
"La nature n'est pas seulement ce qui est visible à l'oeil. Elle comporte
aussi les images internes de l'âme - les images imprimées sur la rétine"
(1928)
La composition et l'organisation trés particulière de l'espace dans la peinture de
Munch des années 1880-1890 sont marquées par l'impressionnisme, mais
aussi le japonisme et la vision offerte par l'optique instrumentale. Munch eut
sans doute recours pour certaines de ses études à la "camera obscura" ou à la
"camera lucida" et pratiqua lui-même la photographie à partir de 1902.
L'engouement de l'époque pour la photographie stéréostopique, c'est-à-dire en
relief, explique lui aussi nombre des caractéristiques de sa composition. Les
perspectives sont accélérées, les lignes de force très obliques. Le premier plan
proéminent, souvent coupé par le cadre du tableau, renforce la profondeur.
Vers 1900, ces effets optiques vont en s'accentuant. Les corps sont
représentés en raccourci, le point de vue est surplombant. Les personnages, qui
jusqu'alors apparaissaient dans des postures figées, pétrifiées, sont désormais
peints en mouvement ; ils semblent avancer droit sur nous en nous fixant.
Outre la photographie, c'est au cinéma que renvoie la composition de Munch,
en créant l'illusion d'une image "projetée", dont les protagonistes entrent dans
l'espace du spectateur.
"J'ai peint tableau après tableau d'après les impressions saisies par
mon oeil durant des instants d'émotion. J'ai peint les lignes et les
couleurs laissées sur ma rétine- je n'ai alors peint que ce dont je me
souvenais - sans rien ajouter - sans les détails que je ne voyais plus -
en résulte la simplicité de ces tableaux - leur vide apparent". (1928)
La Vigne vierge rouge. 1898-1900
Neige fraîche sur l'avenue. 1906
Ces deux toiles sont très représentatives des compositions de Munch.
Un paradoxe réside dans le malaise qui naît de l'usage simultané d'un effet de
mouvement et d'un arrêt sur image . Les personnages du premier plan sont
projetés vers l'avant et coupés par le cadre ce qui crée un éloignemnt de
l'arrière plan, relayé par la double ligne de force diagonale créée par le chemin.
Dans "Neige fraîche sur l'avenue", les deux silhouettes surgissent de façon
théatrale devant le spectateur tandis que le ciel semble reculer derrière les
rangées d'arbres ondoyantes. L'organisation des formes et des couleurs
témoigne ici de l'influence réciproque des Fauves, aux côtés desquels Munch
exposa la même année au Salon des indépendants. Le protagoniste de" La
Vigne vierge rouge" dégage, comme souvent chez Munch lorsqu'il peint les
visages en vert, un sentiment de tristesse et de désarroi. L'arbre sans feuilles
accentue la morbidité de l'atmosphère. La vigne vierge elle, semble mue d'une
force propre ; nappe sanglante, elle engloutit la maison.
Sur le même principe "Meurtre sur la route. 1919
beaucoup de fuites sur cette toile : la ligne de fuite du chemin, la fuite de la
meurtrière ou d'une passante effrayée ; l'essence des arbres est plus définie.
samedi 18 avril 2020
Les voyages de Munch
Munch ressent une grande instabilité après la mort de son père en 1889,
plus rien ne le retient, il sillonne la Norvège, il part pour la France,
l'Allemagne, la Hollande, la Belgique et bien sûr l'Italie, trois années à Paris
de 1889 à 1892, où il découvre l'art de Van Gogh et fréquente l'atelier de Léon
Bonnat. Il délaisse définitivement le naturalisme pour s'essayer à la technique
de l'impressionisme st du post-impressionisme.
"On ne devrait plus peindre d'intérieurs, plus de gens qui lisent, plus
de femmes qui tricotent. Ce devrait être des personnes vivantes qui
respirent, s'émeuvent, s'ouffrent et aiment".
Sa carrière rend un tournant décisif à Berlin en 1892 lorsque invité par
l'Association des artistes berlinois, il expose une cinquantaine d'ouvres. leur
aspect fragmentaire et inachevé, marques importantes de la modernité et de
l'art du XX ème siècle , déclenche une vive polémique dont les retombées seront
positives aussi bien pour l'art allemnad - puisqu'il est à l'origine de la création
de la Sécession berlinoise - que pour Munch qui, du jour au lendemain, devient
célèbre en Allemagne. Décidé à reter à Berlin il fréquent le cercle littéraire à
la taverne "Au porcelet noir". Il va pouvoir vivre convenablement de son art
grâce à ses mécènes Max Lind et Gustav Schieffer et deux marchands d'art,
Bruno Cassirer à Berlin et Commeter à Hambourg. Il explore alors la
souffrance, l'amour, la douleur et la mort et crée une série d'oeuvres qu'il
organise en cycle et qu'il intitule "La frise de la vie"
Ce ne sont pas les nymphéas qui courent sur les murs comme pour les oeuvres
de Monet mais quatre grandes séries "Eveil de l'amour" Epanouissement et
déclin de l'amour" "Angoisse de vivre" et "Mort". Englobant les toiles les plus
connues, cette frise est une suite mouvante qui évolue et s'enrichit, chaque
oeuvre vendue est remplacée par une nouvelle version.
"Deux êtres s'embrassent ici au sens le plus plein du terme. L'étreinte est si
forte que leurs visages se confondent en une "flaque de chair liquéfiée" selon
les mots de Stanislas Przybyskewski, le premier biographe de Munch. Dans les
bras l'un de l'autre, ces deux amants semblent retirés en eux, loin du reste du
monde, confinés dans un petit triangle de lumière aperçu derrière le rideau.
L'intensité de leur émotion est dépeinte de façon caractéristique chez Munch
avec des volutes qui soulignent la silhouette de la figure qu'ils forment. Ces
lignes ondulantes auréolent le couple, enrobant les deux êtres d'un halo de
vibration émotionnelle qui évoque les courbes de l'Art nouveau. Ce style sera
renforcé dans une toile plus tardive reprenant le même motif :" Le Baiser sur
la plage au clair de lune". Le reflet de la lune glissant sur l'eau, présent dans
de nombreuses oeuvres de Munch, accompagne cette fusion "liquide" du
couple".
"Ses cheveux couleur sang m'avaient enveloppé - ils s'étaient enroulés
autour de moi comme des serpents rouge sang - leurs fils les plus fins
s'étaient emmêlés dans mon coeur."
" Le Cri, Le Baiser, Vampire, Madone... font partie des tableaux majeurs de"
La Frise de la vie". Vampire rassemble trois grands thèmes de la série: l'amour,
l'angoisse, la mort. La femme à la chevelure rouge semble pomper l'énergie
vitale de l'homme qu'elle étreint d'un bras puissant. Ou bien est-ce un
murmure qu'elle glisse à son oreille ? Les deux ne semblent pas s'exclure, mais
être inéluctablement liés, comme l'amour le serait à la douleur.
Amour et douleur fut d'ailleurs le premier titre de ce tableau qui donne à voir la
complexité et l'ambiguité des sentiments. La chevelure féminine revêt chez
Munch, comme chez Charles Baudelaire, une importance particulière.
"La longue chevelure est une sorte de fil téléphonique" selon le peintre, qui
relie en pensée les amants, même lorsqu'ils sont séparés, et reste toujours
associée à la souffrance. "... je continuais à ressentir la douleur dans mon
coeur qui saignait - car ces fils ne pouvaient s'en arracher "
plus rien ne le retient, il sillonne la Norvège, il part pour la France,
l'Allemagne, la Hollande, la Belgique et bien sûr l'Italie, trois années à Paris
de 1889 à 1892, où il découvre l'art de Van Gogh et fréquente l'atelier de Léon
Bonnat. Il délaisse définitivement le naturalisme pour s'essayer à la technique
de l'impressionisme st du post-impressionisme.
"On ne devrait plus peindre d'intérieurs, plus de gens qui lisent, plus
de femmes qui tricotent. Ce devrait être des personnes vivantes qui
respirent, s'émeuvent, s'ouffrent et aiment".
Sa carrière rend un tournant décisif à Berlin en 1892 lorsque invité par
l'Association des artistes berlinois, il expose une cinquantaine d'ouvres. leur
aspect fragmentaire et inachevé, marques importantes de la modernité et de
l'art du XX ème siècle , déclenche une vive polémique dont les retombées seront
positives aussi bien pour l'art allemnad - puisqu'il est à l'origine de la création
de la Sécession berlinoise - que pour Munch qui, du jour au lendemain, devient
célèbre en Allemagne. Décidé à reter à Berlin il fréquent le cercle littéraire à
la taverne "Au porcelet noir". Il va pouvoir vivre convenablement de son art
grâce à ses mécènes Max Lind et Gustav Schieffer et deux marchands d'art,
Bruno Cassirer à Berlin et Commeter à Hambourg. Il explore alors la
souffrance, l'amour, la douleur et la mort et crée une série d'oeuvres qu'il
organise en cycle et qu'il intitule "La frise de la vie"
Ce ne sont pas les nymphéas qui courent sur les murs comme pour les oeuvres
de Monet mais quatre grandes séries "Eveil de l'amour" Epanouissement et
déclin de l'amour" "Angoisse de vivre" et "Mort". Englobant les toiles les plus
connues, cette frise est une suite mouvante qui évolue et s'enrichit, chaque
oeuvre vendue est remplacée par une nouvelle version.
"Deux êtres s'embrassent ici au sens le plus plein du terme. L'étreinte est si
forte que leurs visages se confondent en une "flaque de chair liquéfiée" selon
les mots de Stanislas Przybyskewski, le premier biographe de Munch. Dans les
bras l'un de l'autre, ces deux amants semblent retirés en eux, loin du reste du
monde, confinés dans un petit triangle de lumière aperçu derrière le rideau.
L'intensité de leur émotion est dépeinte de façon caractéristique chez Munch
avec des volutes qui soulignent la silhouette de la figure qu'ils forment. Ces
lignes ondulantes auréolent le couple, enrobant les deux êtres d'un halo de
vibration émotionnelle qui évoque les courbes de l'Art nouveau. Ce style sera
renforcé dans une toile plus tardive reprenant le même motif :" Le Baiser sur
la plage au clair de lune". Le reflet de la lune glissant sur l'eau, présent dans
de nombreuses oeuvres de Munch, accompagne cette fusion "liquide" du
couple".
"Ses cheveux couleur sang m'avaient enveloppé - ils s'étaient enroulés
autour de moi comme des serpents rouge sang - leurs fils les plus fins
s'étaient emmêlés dans mon coeur."
" Le Cri, Le Baiser, Vampire, Madone... font partie des tableaux majeurs de"
La Frise de la vie". Vampire rassemble trois grands thèmes de la série: l'amour,
l'angoisse, la mort. La femme à la chevelure rouge semble pomper l'énergie
vitale de l'homme qu'elle étreint d'un bras puissant. Ou bien est-ce un
murmure qu'elle glisse à son oreille ? Les deux ne semblent pas s'exclure, mais
être inéluctablement liés, comme l'amour le serait à la douleur.
Amour et douleur fut d'ailleurs le premier titre de ce tableau qui donne à voir la
complexité et l'ambiguité des sentiments. La chevelure féminine revêt chez
Munch, comme chez Charles Baudelaire, une importance particulière.
"La longue chevelure est une sorte de fil téléphonique" selon le peintre, qui
relie en pensée les amants, même lorsqu'ils sont séparés, et reste toujours
associée à la souffrance. "... je continuais à ressentir la douleur dans mon
coeur qui saignait - car ces fils ne pouvaient s'en arracher "
vendredi 17 avril 2020
Edvard Munch
Rentrons plus avant dans la connaissance de cet artiste, une personnalité forte,
un peintre qui exprime ses réflexions, un peintre qui a tout essayé.
Comme Bonnard, ses trente dernières années de vie, il les passe reclu dans sa
maison d'Ekely.
Comme nous, il lutte et vainc un virus mortel, la grippe espagnole en 1919.
Il perçoit peut-être plus que tout autre la précarité de la vie puisqu'il perd sa
mère à l'âge de cinq ans, morte de la tuberculose, comme deux de ses soeurs.
Lui-même de santé fragile, il renonce à ses études d'ingénieur pour se
consacrer à la peinture avec une volonté d'expérimentation très diversifiée
comme nous l'avons déjà évoqué et comme nous allons le voir plus en détail.
A la différence de certains de nos peintres français, il quittera cette vie dans la
gloire, couvert d'honneurs, les Norvégiens sont sans doute plus clairvoyants
que le public français.
Il malmène ses supports, toile ou panneaux de bois non préparés, y dépose
ses couleurs directement à l'aide d'une spatule, en plusieurs couches,
puis les lacère et racle certaines parties de la surface pour donner à ses
oeuvres une matière colorée tangible. Dès 1909 il loue une maison en bois et
installe son atelier en plein air, faisant subir à ses oeuvres"un traitement de
cheval",il les laisse à l'assaut des intempéries pour accélérer le processus de
pourrisement du support et un vieillissement jusqu'à obtenir l'effacement
progressif de sa peinture.
"En vérité mon art est une confession que je fais de mon plein gré,
une tentative de tirer au clair, pour moi-même,
mon rapport avec la vie..."
Munch reprendra à plusieurs reprises le même sujet comme "Le Cri" mais
baucoup d'autres sujets tels que "L'enfant malade" avec six versions ou "Les
Jeunes Filles sur le pont " sept versions, toutes distinctes, quelque fois
espacées de plusieurs années." La Puberté" aussi.
" Il n'est guère étonnant que Munch, qui s'attachait à saisir les troubles
émotionnels ponctuant les différents moments de l'existence, ait été séduit par
le thème de "La Puberté". Un sentiment de grande anxiété et de solitude émane
de la toile de 1894, où une adolescente nue, prostrée les épaules rentrées et
les bras croisés, semble écrasée par son ombre. Cette version, aux couleurs
ternes et sombres, contraste avec celle de 1914-1916, d'une facture beaucoup
plus expressive. Le motif et le cadrage ont beau être identiques, l'adolescente
paraît être dans une toute autre disposition, le traitement de la coulleur et de la
matière change du tout au tout l'impression que nous donne la jeune fille. Si le
regard fixe de la première renvoit à son malaise, sa rigidité, celui de la seconde
paraît effronté et boudeur. Munch ne retravaillait pas ses motifs pour les
parfaire mais davantage pour mesurer l'évolution de son propre ressenti, ce qui
explique la grande différence d'ambiance entre les deux toiles"
"Le thème de "L'enfant malade" n'est pas uniquemebnt autobiographique : s'il
renvoie à la tuberculose qui causa la mort de Sophie, la soeur de Munch, c'est
aussi un motif récurrent dans la peinture des années 1880-1890. La première
version de ce tableau, présentée sous le titre "Etude" en octobre 0886 au
Salion d'automne de Kristiana, soulève l'indignation. Car si le motif n'est pas
une nouveauté pour l'époque, le traitement de la manière picturale et des
couleurs est qualifié de "barbouillages" : les traits de pinceaux, les couches de
peinture, les marques de grattage et les emperintes de spatule font partie
intégrante de l'oeuvre. Rien n'est dissimulé au profit de de l'illusion, au
contraire, Munch laisse la matière et ses imperfections participer de l'émotion
transmise par le sujet".
"Cette oeuvre, écrit-il dans un petit essai sur "La Genèse de la Frise de la Vie,
je l'ai peinte et repeinte maintes fois au cours de cette année - j'ai
gratté - j'ai fait en sorte que le motif se fonde dans la préparation - et
j'ai essayé encore et toujous de retrouver l'impression première"
Toile de 1896
Toile de 1925 Huile sur toile
"Dans cette toile se trouve déjà tout ce que j'ai développé plus tard -
ainsi que les différentes directions que prendra l'art - dans cette
peinture - si l'on veut bien l'étudier de près - se trouvent quelques
traces de pointillisme - la ligne du symbolisme - de l'art nouveau - de
l'expressionisme - et la forme."( vers 1928)
jeudi 16 avril 2020
Edvard Munch
Voilà neuf années maintenant que je visitais au Centre Pompidou, l'exposition
organisée pour Edvard Munch, bien entendu il y avait une des versions du "Cri"
que tout le monde connaît. Mais Munch n'est-il connu que pour ce "Cri".
"Plusieurs versions du Cri ont été volées à de multiples reprises pendant l’existence de ces tableaux, notamment en 1994 et en 2004. Durant ces deux occurrences, les tableaux ont été endommagés mais ils restent en relativement bonne condition. Le Cri est l’un des tableaux les plus chers à avoir été vendu et fut acheté en 2012 pour 119 922 500 dollars américains, par Leon Black fondateur d’Apollo Global Management."
En faisant l'acquisition de son catalogue je ne pensais pas que j'aurais le loisir
de le feuilleter à nouveau avec vous.
Cette exposition a fait le tour de deux autres institutions, la Shirn Kuntshalle
de Francfort et la Tate Modern de Londres, durant le premier semestre de 2012.
Alors qui est Munch ? une part de la réponse se trouve déjà dans l'intitulé de
l'exposition "L'oeil moderne". Souvent présenté comme un peintre du XIX ème
siècle puisqu'il est né en Norvège le 12 décembre 1863, symboliste ou pré-
expressionniste, il est envisagé dans cette rétrospective comme un artiste du
XX ème siècle, inscrit dans la modernité de son époque puisqu'il décéde en
1944, la même année que Mondrian et Kandinsky.
Et si nous faisions plus ample connaissance avec lui, avant même d'admirer
ses toiles, qui trouveront ainsi toute leur signification.
"j'ai par exemple
beaucoup appris
de la photographie.
J'ai une vieille boîte
avec laquelle j'ai
pris d'innombrables
photos de moi-
même
Cela donne
souvent
d'étonnants
résultats. Un jour
lorsque je serai
vieux, et n'aurai
rien d'autre de
mieux à faire que
d'écrire mon autobiographie,
alors tous mes autoportraits ressortiront au grand jour".
Cet autoportrait témoigne parfaitement des procédés de déformation optique
que Munch mettra en valeur dans sa peinture. L'appareil photographique qu'il
possède est destiné aux amateurs. Pour cette raison, il est équipé d'une lentille
de courte focale qui, en amplifiant la distance entre le premier plan et l'arrière
plan, crée un effet de grand angle particulièrement prononcé. Ce phénomène
permet à Munch de jouer sur une perspective extrêmement exagérée, d'autant
plus marquée que le peintre ne possédant pas de déclencheur est obligé de
rester près de l'appareil. Son visage apparaît ainsi flou en très gros tandis que
ses pieds sont disproportionnément petits. Cet autoportrai influencera de
nombreuses toiles." Le tronc jaune" est issu de la même réflexion sur l'espace.
Les corps des "Travailleurs rentrant chez eux", peints en raccourci, y renvoient
également. Mais c'est sans doute la série "la Mort de Marat" quui fait le plus
directement référence à cette photographie.
Autoportrait, 53 quai Am Strom, Warnemünde
" Qu'est ce que l'art en réalité?
L'expression d'une insatisfaction dans la vie
- l'empreinte d'un désir vital de création
- l'éternel mouvement de la vie
- la cristallisation." (1905)
Le Tronc Jaune 1912
"Il y a deux lignes fixes dans la nature
- deux lignes principales. la ligne de
repos, horizontale et la ligne verticale
- celle de la pesanteur. Autour de ces
deux lignes, les lignes vivantes en mouvance
- celles du changement
- de la vie". (vers 1911)
Munch, de même que Paul Gauguin, cherche davantage à représenter l'effet
que le paysage en lui-même. Cette projection mentale propre à la peinture de
la fin du XIX ème siècle et du début du XXème consiste pour l'artiste à peindre
un paysage intérieur et non une vision réelle. Il n'y a ici aucun souci
d'élégance dans la manière de Munch. Tel Paul Cézanne, ses coups de brosse
irréguliers servent une expression picturale directe, d'une grande force. La forêt
de résineux est un thème cher au peintre. les troncs couchés, qui symbolisent
la mort, accentuent le point de fuite et entraînent le regard vers le fond de la
forêt. Munch, comme souvent, place ici l'horizon très haut. Ajouté à un point de
vue au ras du sol, cet effet amplifie la profondeur er crée un vertige qui
déstabilise le spectateur.
Travailleurs rentrant chez eux"
1913-1914
Munch dilue ici la matière picturale. Plus liquide, elle permet des effets de
transparence rappelant ceux de la double exposition photographique. On
aperçoit ainsi le dessin des pavés au travers des pieds personnages. Eux
mêmes sont ourlés de différents cernes qui signifient leur mouvement, comme
si, à la manière des expérimentations d'Eadweard Muybridge, on les avait
captés en différents instants successifs. Car c'est bien dans la sensation de
mouvement que réside l'essentiel de ce tableau qui emprunte certains de ses
effets au cinéma. La trace du mouvement représentée ici répond à une
dynamisation propre à la modernité de la vie urbaine. Le thème de ouvriers
sortant de l'usine (qui est aussi celui du tout premier film des frères Lumière) y
participe. Les futuristes peignaient la segmentation du mouvement ; Munch,
lui, ne s'y intéresse que pour son expressivité. La perspective accentuée crée
un appel vers le fond contrarié par la dynamique des personnages qui semblent
sortir du champ de la toile.
Il me vient à l'instant une réminisence des peintures pariétales où déjà les
magdaléniens avaient par une succession de traits voulu démontrer le
mouvement .
organisée pour Edvard Munch, bien entendu il y avait une des versions du "Cri"
que tout le monde connaît. Mais Munch n'est-il connu que pour ce "Cri".
"Plusieurs versions du Cri ont été volées à de multiples reprises pendant l’existence de ces tableaux, notamment en 1994 et en 2004. Durant ces deux occurrences, les tableaux ont été endommagés mais ils restent en relativement bonne condition. Le Cri est l’un des tableaux les plus chers à avoir été vendu et fut acheté en 2012 pour 119 922 500 dollars américains, par Leon Black fondateur d’Apollo Global Management."
En faisant l'acquisition de son catalogue je ne pensais pas que j'aurais le loisir
de le feuilleter à nouveau avec vous.
Cette exposition a fait le tour de deux autres institutions, la Shirn Kuntshalle
de Francfort et la Tate Modern de Londres, durant le premier semestre de 2012.
Alors qui est Munch ? une part de la réponse se trouve déjà dans l'intitulé de
l'exposition "L'oeil moderne". Souvent présenté comme un peintre du XIX ème
siècle puisqu'il est né en Norvège le 12 décembre 1863, symboliste ou pré-
expressionniste, il est envisagé dans cette rétrospective comme un artiste du
XX ème siècle, inscrit dans la modernité de son époque puisqu'il décéde en
1944, la même année que Mondrian et Kandinsky.
Et si nous faisions plus ample connaissance avec lui, avant même d'admirer
ses toiles, qui trouveront ainsi toute leur signification.
"j'ai par exemple
beaucoup appris
de la photographie.
J'ai une vieille boîte
avec laquelle j'ai
pris d'innombrables
photos de moi-
même
Cela donne
souvent
d'étonnants
résultats. Un jour
lorsque je serai
vieux, et n'aurai
rien d'autre de
mieux à faire que
d'écrire mon autobiographie,
alors tous mes autoportraits ressortiront au grand jour".
Cet autoportrait témoigne parfaitement des procédés de déformation optique
que Munch mettra en valeur dans sa peinture. L'appareil photographique qu'il
possède est destiné aux amateurs. Pour cette raison, il est équipé d'une lentille
de courte focale qui, en amplifiant la distance entre le premier plan et l'arrière
plan, crée un effet de grand angle particulièrement prononcé. Ce phénomène
permet à Munch de jouer sur une perspective extrêmement exagérée, d'autant
plus marquée que le peintre ne possédant pas de déclencheur est obligé de
rester près de l'appareil. Son visage apparaît ainsi flou en très gros tandis que
ses pieds sont disproportionnément petits. Cet autoportrai influencera de
nombreuses toiles." Le tronc jaune" est issu de la même réflexion sur l'espace.
Les corps des "Travailleurs rentrant chez eux", peints en raccourci, y renvoient
également. Mais c'est sans doute la série "la Mort de Marat" quui fait le plus
directement référence à cette photographie.
Autoportrait, 53 quai Am Strom, Warnemünde
" Qu'est ce que l'art en réalité?
L'expression d'une insatisfaction dans la vie
- l'empreinte d'un désir vital de création
- l'éternel mouvement de la vie
- la cristallisation." (1905)
Le Tronc Jaune 1912
"Il y a deux lignes fixes dans la nature
- deux lignes principales. la ligne de
repos, horizontale et la ligne verticale
- celle de la pesanteur. Autour de ces
deux lignes, les lignes vivantes en mouvance
- celles du changement
- de la vie". (vers 1911)
Munch, de même que Paul Gauguin, cherche davantage à représenter l'effet
que le paysage en lui-même. Cette projection mentale propre à la peinture de
la fin du XIX ème siècle et du début du XXème consiste pour l'artiste à peindre
un paysage intérieur et non une vision réelle. Il n'y a ici aucun souci
d'élégance dans la manière de Munch. Tel Paul Cézanne, ses coups de brosse
irréguliers servent une expression picturale directe, d'une grande force. La forêt
de résineux est un thème cher au peintre. les troncs couchés, qui symbolisent
la mort, accentuent le point de fuite et entraînent le regard vers le fond de la
forêt. Munch, comme souvent, place ici l'horizon très haut. Ajouté à un point de
vue au ras du sol, cet effet amplifie la profondeur er crée un vertige qui
déstabilise le spectateur.
Travailleurs rentrant chez eux"
1913-1914
Munch dilue ici la matière picturale. Plus liquide, elle permet des effets de
transparence rappelant ceux de la double exposition photographique. On
aperçoit ainsi le dessin des pavés au travers des pieds personnages. Eux
mêmes sont ourlés de différents cernes qui signifient leur mouvement, comme
si, à la manière des expérimentations d'Eadweard Muybridge, on les avait
captés en différents instants successifs. Car c'est bien dans la sensation de
mouvement que réside l'essentiel de ce tableau qui emprunte certains de ses
effets au cinéma. La trace du mouvement représentée ici répond à une
dynamisation propre à la modernité de la vie urbaine. Le thème de ouvriers
sortant de l'usine (qui est aussi celui du tout premier film des frères Lumière) y
participe. Les futuristes peignaient la segmentation du mouvement ; Munch,
lui, ne s'y intéresse que pour son expressivité. La perspective accentuée crée
un appel vers le fond contrarié par la dynamique des personnages qui semblent
sortir du champ de la toile.
Il me vient à l'instant une réminisence des peintures pariétales où déjà les
magdaléniens avaient par une succession de traits voulu démontrer le
mouvement .
mercredi 15 avril 2020
Bonnard chez Bemberg
amener à la Fondation Bemberg, il n'en sera pas encore pas question et jusqu'à
quand ? Il me faut donc me rabattre sur du "déjà vu", et vous mettre comme
moi en attente de la réouverture de cette Fondation dont toutefois je vous
donne les clés :
http://www.fondation-bemberg.fr/medias/actualites/DP%20FOND.%20BEMBERG-COLLECTION%20DE%20LA%20FONDATION%20DES%20TREILLES_2020.pdf
Pierre Bonnard qui naît à Fontenay aux Roses en 1867, au sein d'une famille
bourgeoise et cultivée se destine plutôt à une carrière administrative mais son
goût pour la peinture l'incite à suivre les cours de l'Académie Julian.
Les peintres et amis qu'il y fréquente et lui-même souhaitent se détacher de
l'impressionisme ambiant et en 1888 ils fondent le groupe des Nabis.
Ses toiles se caractériseront par une sobriété graphique et du luminisme
mettant en valeur le contraste entre ombres et lumières, comme dans cette
toile "le Moulin Rouge" de 1896.
Cette toile faisait partie d'un tryptique séparé dans les années trente, on y
mesure toute la différence avec les toiles de Toulouse-Lautrec.
Ce haut lieu du divertissement parisien sera une source d'inspiration pour
leurs toiles respectives et si différentes ; les couleurs vives pour Toulouse
Lautrec, une palette plus sobre pour Bonnard.
Comme pour la plupart des peintres sa vision évoluera vers une peinture plus
intimiste en même temps plus colorée comme pour
"La femme au peignoir rouge"
1916
Il restera fidèle à cette
vision intimiste, à ce
style qui devient
définitivement le sien
sans se laisser
influencer par
l'evolution fauviste ou
cubiste de de ses
camarades.
Dès 1917 il prend goût
au paysage et son
installation sur la Côte
d'Azur va lui
permettre de laisser
éclater sa palette.
https://www.youtube.com/watch?v=P-_xK0ruAec
Ce "Paysage du midi"
des années 1917-1918 en est un exemple
https://www.youtube.com/watch?v=ET1ShOK9-Ho
Tout au long de sa carrière il fit de lui plus d'une de dizaine d'autoportaits
La deuxième guerre mondiale l'a profondément affecté et ce dernier
autoportrait de 1945 deux ans avant sa mort nous prouve qu'il n'a rien perdu
de la maîtrise de sa palette, ni de sa façon d'exprimer sa mélancolie et sa
réflexion, sur les réalités parfois sombres de la vie.
https://www.youtube.com/watch?v=kdoHoi3fY2o
https://www.youtube.com/watch?v=PSdxRAC1mkQ
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