mardi 21 avril 2020

Compulsion

Déclinant à l'envi les thèmes qui lui sont chers, Munch offre de véritables 

exemples de variations au sens musical du terme. Répétition et récurrence 

s'enrichissent chaque fois d'un regard différent qui vient modifier l'ambiance 

d'une oeuvre, son élairage, sa tonalité, de façon tout à fait contrapuntique.

 Munch tente de restituer ses premières impressions d'uns scène en la reprenant

 sans cesse. La réitatération d'un motif touche parfois à l'obsession : les

 déclinaisons, à la différence du phénomène des reprises par lequel Munch 

revient sur un thème des années après sa première réalisation, sont resserrées 

sur une période très courte. De sa rencontre avec le modèle Rosa Meissner en

 1907 naîtront de nombreuses oeuvres. "femme en pleurs" sera réalisé sous 

formes de toiles, mais aussi de dessins de photographies, de lithographies, et 

donnera même naissance à l'une de ses très rares sculptures en bronze.


                                                                    Nu en pleurs. 1907

" On comprendra alors ce qu'il y a de sacré et d'imposant dans le motif 

et l'on  se découvrira devant comme dans une église" '1889)


 Si la femme que l'on peut voir photographiée est élancée et gracieuse, celle qui

 est peinte dans ses toiles, bien qu'immobilisée quasiment dans la même 

position, paraît beaucoup moins à l'aise dans son corps. Munch a réduit des 

seins et gommé ses formes, si bien que l'on peut se demander si la tristesse de

 cette femme à la tête penchée ne renvoie pas aux angoises de la puberté déjà

 traitées dans d'autres toiles. les épaules élégamment rejetées en arrière sur la

 photographie, sont tombantes, abattues qur les toiles, qui rappellent certains 

nus de Pierre Bonnard. Dans la sculpture, qui évoque davantage la manière

 d'Auguste Rodin, les épaules du modèle sont courbées vers l'avant.


  Femme en pleurs 1907


                                                                      Femme en pleurs 1907

 Une fois guéri de la grippe espagnole, Munch se retire dans sa propriété

 d'Ekely. Il y réalise davantage de nus et continuera à y peindre des modèles

 féminins jusqu'à la fi de sa vie. Il est la plupart du temps proche de son sujet. 
 
 Il cherche à déceler les sentiments profonds qui gouvernent les femmes qu'il

 peint pour rendre leurs portraits plus puissants. Dans "L'artiste et son modèle"

les deux protagonistes semblent entretenir des rapports intimes, comme en 

témoigne le lit défait au fond de la pièce qui n'est autre que la chambre à 

coucher de Munch à Ekely . Ici encore, les personnages, parmi lesquels figure le 

peintre, au second plan, font face au spectateur dans une attitude hostile, 

comme s'ils lui reprochaient sa présence.

                                                          L'artiste et son modèle. 1919-1921

lundi 20 avril 2020

En scène

 Quand Max Reinhadrt, fondateur des Berliner Kammerspiele en 1906, inaugure

 son théatre en montant "les Revenants" d'Henrik Ibsen, c'est tout 

naturellement  à Munch qu'il fait appel. Les "études d'atmosphère" que le 

peintre réalise pour ses décors s'inscrivent en effet dans la continuité de son 

travail.

Les dramaturges, à l'instar d'Auguste Strindberg, s'orientent alors de plus en

 plus vers une esthétique de l'intime : la personnalité et l'univers intérieur des 

personnages se retrouvent au centre du drame, et l'espace qu'ils occupent

porte la marque de leurs tourments. Qui mieux que Munch pouvait faire jouer

ce rôle dramatique aux objets, aux meubles ? cette collaboration signe une

évolution dans sa peinture. Il représente alors davantage de personnages figés

dans cet espace clos, dont l'étroitesse renforce une sensation d'étouffement, qui

 gagne certes le spectateur, mais qui semble aussi paralyser les personnages

hiératiques. On y retrouve un paradoxe propre au théatre intimiste de

 Reinhardt : le spectateur se sent introduit dans l'espace des personnages et

donc dans leur intimité ; cependant, l'attitude crispée et distante de ceux-ci

tend à montrer qu'ils cherchent à repousser cette intrusion.


                                                           " A la douce jeune fille". 1907

 "la mort est amoureuse de la vie et la douleur est l'amie de la joie"
                                                                                      vers 1915-1930

Dans la série intitulée  "La Chambre verte" Munch donne à voir une nouvelle 

interprétation des thèmes amoureux plus amère encore que dans "La Frise de la

 vie". Une pièce au papier peint vert et aux motifs entêtants, dont le plafond

 sombre et bas, supplante les paysages élégiaques. Le traitemennt de la 

perspective renforce encore l'ambiance oppressante et claustrophobique qui

 règne dans ces toiles : il n'est jamais possible de sortir de ces espaces dont

 l'unique porte est soit fermée soit occupée par des personnages. une table

 ronde au premier plan, souligne le procédé quasi photographique de grand 

angle qui alimente le malaise ressenti : le spectateur participe de la scène

 comme s'il était assis à celle même table. Ces tableaux témoignent de l'art

 introverti d'un Munch toujours à la recherche d'une transcription de ses états

 d'âme. Dans cette série qu'il peint au moment où il recontre des difficultés

dans sa relation avec Tulla Larsen, ses amours malheureuses tiennent le 

premier rôle.


" Jalousie" 1907


En 1908, mal remis de ses déboires amoureux avec Tulla larsen, affaibli par ses 
 
incessants voyages et ses abus d'alcool, Munch traverse une crise profonde qui 

le contraint à se faire hospitaliser dans la clinique psychiatrique du Dr Daniel 

Jacobson. Cet épisode semble constituer un véritable tournant dans son

 existence.  


                                                                   "La Meurtrière" 1907

dimanche 19 avril 2020

L'espace optique de Munch

Mais encore un exemple de ses "reprises :

"Je n'ai jamais fait de copies de mes tableaux. Quand j'ai utiisé le même

 motif c'est uniquement pour des raisons artistiques et pour approfondir

 le motif" (1935

 Les Jeunes Filles sur le pont. 1927


                                   
                                                      Les Jeunes Filles sur le pont. 1901

"La nature n'est pas seulement ce qui est visible à l'oeil. Elle comporte

 aussi les images internes de l'âme - les images imprimées sur la rétine"

 (1928)

La composition  et l'organisation trés particulière de l'espace dans la peinture de

 Munch des années 1880-1890 sont marquées par l'impressionnisme, mais

aussi le japonisme et la vision offerte par l'optique instrumentale. Munch eut 

sans doute recours pour certaines de ses études à la "camera obscura" ou à la

 "camera lucida" et pratiqua lui-même la photographie à partir de 1902. 

L'engouement de l'époque pour la photographie stéréostopique, c'est-à-dire en 

relief, explique lui aussi nombre des caractéristiques de sa composition. Les 

perspectives sont accélérées, les lignes de force très obliques. Le premier plan 

proéminent, souvent coupé par le cadre du tableau, renforce la profondeur. 

Vers  1900, ces effets optiques vont en s'accentuant. Les corps sont 

représentés en raccourci, le point de vue est surplombant. Les personnages, qui

 jusqu'alors apparaissaient dans des postures figées, pétrifiées, sont désormais 

peints en mouvement ; ils semblent avancer droit sur nous en nous fixant.

 Outre la photographie, c'est au cinéma que renvoie la composition de Munch,

 en créant l'illusion d'une image "projetée", dont les protagonistes entrent dans 

l'espace du spectateur.



 "J'ai peint tableau après tableau d'après les impressions saisies par 

mon oeil durant des instants d'émotion. J'ai peint les lignes et les

 couleurs laissées sur ma rétine- je n'ai alors peint que ce dont je me

 souvenais - sans rien ajouter - sans les détails que je ne voyais plus -

 en résulte la simplicité de ces tableaux - leur vide apparent". (1928)




                                                     La Vigne vierge rouge. 1898-1900



                Neige fraîche sur l'avenue. 1906



Ces deux toiles sont très représentatives des compositions de Munch.

Un paradoxe réside dans le malaise qui naît de l'usage simultané d'un effet de

 mouvement et d'un arrêt sur image . Les personnages du premier plan sont 

projetés vers l'avant et coupés par le cadre ce qui crée un éloignemnt de

 l'arrière plan, relayé par la double ligne de force diagonale créée par le chemin.

Dans "Neige fraîche sur l'avenue", les deux silhouettes surgissent de façon

 théatrale devant le spectateur tandis que le ciel semble reculer derrière les 

rangées d'arbres ondoyantes. L'organisation des  formes et des couleurs

 témoigne ici de l'influence réciproque des Fauves, aux côtés desquels Munch

 exposa la même année au Salon des indépendants. Le protagoniste de" La 

 Vigne vierge rouge" dégage, comme souvent chez Munch lorsqu'il peint les 

visages en vert, un sentiment de tristesse et de désarroi. L'arbre sans feuilles

 accentue la morbidité de l'atmosphère. La vigne vierge elle, semble mue d'une 

force propre ; nappe sanglante, elle engloutit la maison.


                Sur le même principe "Meurtre sur la route. 1919 


 beaucoup de fuites sur cette toile : la ligne de fuite du chemin,  la fuite de la

 meurtrière ou d'une passante effrayée ; l'essence des arbres est plus définie.

samedi 18 avril 2020

Les voyages de Munch

 Munch ressent une grande instabilité après la mort de son père en 1889,

 plus rien ne le retient, il sillonne  la Norvège, il part pour la France,

 l'Allemagne, la Hollande, la Belgique et bien sûr l'Italie, trois années à Paris
 
de 1889 à 1892, où il découvre l'art de Van Gogh et fréquente l'atelier de Léon

Bonnat. Il délaisse définitivement le naturalisme pour s'essayer à la technique

de l'impressionisme st du post-impressionisme.

 "On ne devrait plus peindre d'intérieurs, plus de gens qui lisent, plus

 de femmes qui tricotent. Ce devrait être des personnes vivantes qui 

respirent, s'émeuvent, s'ouffrent et aiment".

Sa carrière rend un tournant décisif à Berlin en 1892 lorsque invité par 

l'Association des artistes berlinois, il expose une cinquantaine d'ouvres. leur

 aspect fragmentaire et inachevé, marques importantes de la modernité et de 

l'art du XX ème siècle , déclenche une vive polémique dont les retombées seront

 positives aussi bien pour l'art allemnad - puisqu'il est à l'origine de la création

de la Sécession berlinoise - que pour Munch qui, du jour au lendemain, devient

 célèbre en Allemagne. Décidé à reter à Berlin il fréquent le cercle littéraire à

 la taverne  "Au porcelet noir". Il va pouvoir vivre convenablement de son art

grâce à ses mécènes Max Lind et Gustav Schieffer et deux marchands d'art,

Bruno Cassirer à Berlin et Commeter à Hambourg. Il explore alors la

souffrance, l'amour, la douleur et la mort et crée une série d'oeuvres qu'il

organise en cycle et qu'il intitule "La frise de la vie"
 Ce ne sont pas les nymphéas qui courent sur les murs comme pour les oeuvres

 de Monet mais quatre grandes séries "Eveil de l'amour" Epanouissement et

 déclin de l'amour" "Angoisse de vivre" et "Mort". Englobant les toiles les plus

connues, cette frise est une suite mouvante qui évolue et s'enrichit, chaque

oeuvre vendue est remplacée par une nouvelle version.


 "Deux êtres s'embrassent ici au sens le plus plein du terme. L'étreinte est si

 forte que leurs visages se confondent en une "flaque de chair liquéfiée" selon

 les mots de Stanislas Przybyskewski, le premier biographe de Munch. Dans les

 bras  l'un de l'autre, ces deux amants semblent retirés en eux, loin du reste du

 monde, confinés dans un petit triangle de lumière aperçu derrière le rideau.

L'intensité de leur émotion est dépeinte de façon caractéristique chez Munch 

avec des volutes qui soulignent la silhouette de la figure qu'ils forment. Ces

 lignes ondulantes auréolent le couple, enrobant les deux êtres d'un halo de

 vibration émotionnelle qui évoque les courbes de l'Art nouveau. Ce style sera

 renforcé dans une toile plus tardive reprenant le même motif :" Le Baiser sur 

la plage au clair de lune". Le reflet de la lune glissant sur l'eau, présent dans 

de nombreuses oeuvres de Munch, accompagne cette fusion "liquide" du

 couple".



 "Ses cheveux couleur  sang m'avaient enveloppé - ils s'étaient enroulés

 autour de moi comme des serpents rouge sang - leurs fils les plus fins 

s'étaient emmêlés dans mon coeur."

   " Le Cri, Le Baiser, Vampire, Madone... font partie des tableaux majeurs de" 

La Frise de la vie". Vampire rassemble trois grands thèmes de la série: l'amour,

 l'angoisse, la mort. La femme à la chevelure rouge semble pomper l'énergie

 vitale de l'homme qu'elle étreint d'un bras puissant. Ou bien est-ce un 

murmure qu'elle glisse à son oreille ? Les deux ne semblent pas s'exclure, mais 

être inéluctablement  liés, comme l'amour le serait à la douleur.

Amour et douleur fut d'ailleurs le premier titre de ce tableau qui donne à voir la 

complexité et l'ambiguité des sentiments. La chevelure féminine revêt chez

 Munch, comme chez  Charles Baudelaire, une importance particulière.

 "La longue chevelure est une sorte de fil téléphonique" selon le peintre, qui 

relie en pensée les amants, même lorsqu'ils sont séparés, et reste toujours 

associée à la souffrance. "... je continuais à ressentir la douleur dans mon

 coeur qui saignait - car ces fils ne pouvaient s'en arracher "




vendredi 17 avril 2020

Edvard Munch


 Rentrons plus avant dans la connaissance de cet artiste, une personnalité forte,

 un peintre qui exprime ses réflexions,  un peintre qui a tout essayé.

 Comme Bonnard, ses trente dernières années de vie, il les passe reclu dans sa 

maison d'Ekely.

Comme nous, il lutte et vainc un virus mortel, la grippe espagnole  en 1919.

Il perçoit peut-être plus que tout autre la précarité de la vie puisqu'il perd sa 

mère  à l'âge de cinq ans, morte de la tuberculose, comme deux de ses soeurs. 

Lui-même de santé fragile, il renonce à ses études d'ingénieur pour se

 consacrer à la peinture avec une volonté d'expérimentation très diversifiée

 comme nous l'avons déjà évoqué et comme nous allons le voir plus en détail. 

A la différence de certains de nos peintres français,  il quittera cette vie dans la

 gloire, couvert d'honneurs,  les Norvégiens sont sans doute plus clairvoyants 

que le public français.

Il malmène ses supports, toile ou panneaux de bois non préparés,  y dépose

ses couleurs directement  à l'aide d'une spatule, en plusieurs couches,

puis les lacère et racle certaines parties de la surface pour donner à ses 

oeuvres une matière colorée tangible. Dès 1909 il loue une maison en bois et 

installe son atelier en plein air,   faisant subir à ses oeuvres"un traitement de

 cheval",il  les laisse à l'assaut des intempéries pour accélérer le processus de 

 pourrisement du support et un vieillissement jusqu'à obtenir l'effacement 

progressif de sa peinture.

"En vérité mon art est une confession que je fais de mon plein gré,

 une tentative de tirer au clair, pour moi-même,

 mon rapport avec la vie..."

Munch reprendra à plusieurs reprises le même sujet comme "Le Cri" mais 

baucoup d'autres sujets tels que "L'enfant malade" avec six versions  ou "Les

 Jeunes Filles sur le pont " sept versions,  toutes distinctes, quelque fois 

espacées de plusieurs années." La Puberté" aussi.

  " Il n'est guère étonnant que Munch, qui s'attachait à saisir les troubles 

émotionnels ponctuant les différents moments de l'existence, ait été séduit par 

le thème de "La Puberté". Un sentiment de grande anxiété et de solitude émane

 de la toile de 1894, où une adolescente nue, prostrée les épaules rentrées et

 les bras croisés, semble écrasée par son ombre. Cette version, aux couleurs

 ternes et sombres, contraste avec celle de 1914-1916, d'une facture beaucoup

 plus expressive. Le motif et le cadrage ont beau être identiques, l'adolescente

 paraît être dans une toute autre disposition, le traitement de la coulleur et de la

 matière change du tout au tout l'impression que nous donne la jeune fille. Si le 

regard fixe de la première renvoit à son malaise, sa rigidité, celui de la seconde

 paraît effronté et boudeur. Munch ne retravaillait pas ses motifs pour les

 parfaire mais davantage pour mesurer l'évolution de son propre ressenti, ce qui

 explique la grande différence d'ambiance entre les deux toiles"





































"Le thème de "L'enfant malade" n'est pas uniquemebnt autobiographique : s'il

 renvoie à la tuberculose qui causa la mort de Sophie, la soeur de Munch, c'est

 aussi un motif récurrent dans la peinture des années 1880-1890. La première

 version de ce tableau, présentée sous le titre "Etude" en octobre 0886 au 

Salion d'automne de Kristiana, soulève l'indignation. Car si le motif n'est pas 

une nouveauté pour l'époque, le traitement de la manière picturale et des 

couleurs est qualifié de "barbouillages" : les traits de pinceaux, les couches de

 peinture, les marques de grattage et les emperintes de spatule font partie

 intégrante de l'oeuvre. Rien n'est dissimulé au profit de de l'illusion, au 

contraire, Munch laisse la matière et ses imperfections participer de l'émotion 

transmise par le sujet".

 "Cette oeuvre, écrit-il dans un petit essai sur "La Genèse de la Frise de la Vie, 

je l'ai peinte et repeinte maintes fois au cours de cette année - j'ai

 gratté - j'ai fait en sorte que le motif se fonde dans la préparation - et

 j'ai essayé encore et toujous de retrouver l'impression première" 


  Toile de 1896
































 Toile de 1925 Huile sur toile

"Dans cette toile se trouve déjà tout ce que j'ai développé plus tard - 

ainsi que les différentes directions que prendra l'art - dans cette 

peinture - si l'on veut bien l'étudier de près - se trouvent quelques

 traces de pointillisme - la ligne du symbolisme - de l'art nouveau - de

 l'expressionisme - et la forme."( vers 1928)



jeudi 16 avril 2020

Edvard Munch

Voilà  neuf années maintenant que je visitais au Centre Pompidou, l'exposition 

organisée pour Edvard Munch, bien entendu il y avait une des versions du "Cri"

 que tout le monde connaît.  Mais Munch n'est-il connu que pour ce "Cri".

"Plusieurs versions du Cri ont été volées à de multiples reprises pendant l’existence de ces tableaux, notamment en 1994 et en 2004. Durant ces deux occurrences, les tableaux ont été endommagés mais ils restent en relativement bonne condition. Le Cri est l’un des tableaux les plus chers à avoir été vendu et fut acheté en 2012 pour 119 922 500 dollars américains, par Leon Black fondateur d’Apollo Global Management."

 En faisant l'acquisition de son catalogue je ne pensais pas que j'aurais le loisir 

de le feuilleter à nouveau avec vous. 

 Cette exposition a fait le tour de deux autres institutions, la Shirn Kuntshalle

de Francfort et la Tate Modern de Londres, durant le premier semestre de 2012.

 Alors qui est Munch ? une part de la réponse se trouve déjà dans l'intitulé de

 l'exposition "L'oeil moderne". Souvent présenté comme un peintre du XIX ème

 siècle puisqu'il est né  en Norvège le 12 décembre 1863, symboliste ou pré-

expressionniste, il est envisagé dans cette rétrospective comme un artiste du

XX ème siècle, inscrit dans la modernité de son époque puisqu'il décéde en

1944, la même année que Mondrian et Kandinsky.

 Et si nous faisions plus ample connaissance avec lui, avant même d'admirer

ses toiles, qui trouveront ainsi toute leur signification.



"j'ai par exemple 

beaucoup appris

 de la photographie. 

J'ai une vieille boîte 

avec laquelle j'ai 

pris d'innombrables

 photos de moi-

même

 Cela donne 

souvent

 d'étonnants 
 
résultats. Un jour 

lorsque je serai 

vieux, et n'aurai 

rien d'autre de 

mieux à faire que 

d'écrire mon autobiographie, 

alors tous mes autoportraits ressortiront au grand jour".



Cet autoportrait témoigne parfaitement des procédés de déformation optique 

que Munch mettra en valeur dans sa peinture. L'appareil photographique qu'il

possède est destiné aux amateurs. Pour cette raison, il est équipé d'une lentille

de courte focale qui, en amplifiant la distance entre le premier plan et l'arrière

plan, crée un effet de grand angle particulièrement prononcé. Ce phénomène

 permet à Munch de jouer sur une perspective extrêmement exagérée, d'autant

plus marquée que le peintre ne possédant pas de déclencheur est obligé de

rester près de l'appareil. Son visage apparaît ainsi flou en très gros tandis que

ses pieds sont disproportionnément petits. Cet autoportrai influencera de

nombreuses toiles." Le tronc jaune" est issu de la même réflexion sur l'espace.

 Les corps des "Travailleurs rentrant chez eux", peints en raccourci, y renvoient

 également. Mais c'est sans doute la série "la Mort de Marat" quui fait le plus

 directement référence à cette photographie.



                                                Autoportrait, 53 quai Am Strom, Warnemünde


" Qu'est ce que l'art en réalité? 

L'expression d'une insatisfaction dans la vie

 - l'empreinte d'un désir vital de création

 - l'éternel mouvement de la vie 

- la cristallisation."  (1905)




                                                                                Le Tronc Jaune 1912
 "Il y a deux lignes fixes dans la nature 

- deux lignes principales. la ligne de

 repos, horizontale et la ligne verticale

- celle de la pesanteur. Autour de ces

 deux lignes, les lignes vivantes en mouvance

 - celles du changement

 - de la vie". (vers 1911)

 Munch, de même que Paul Gauguin, cherche davantage à représenter l'effet

 que le paysage en lui-même. Cette projection mentale propre à la peinture de 

la fin du XIX ème siècle et du début du XXème consiste pour l'artiste à peindre

 un paysage intérieur et non une vision réelle. Il n'y a ici aucun souci 

d'élégance  dans la manière de Munch. Tel Paul Cézanne, ses coups de brosse 

irréguliers servent une expression picturale directe, d'une grande force. La forêt 

de résineux est un thème cher au peintre. les troncs couchés, qui symbolisent

 la mort, accentuent le point de fuite et entraînent le regard vers le fond de la

 forêt. Munch, comme souvent, place ici l'horizon très haut. Ajouté à un point de

 vue au ras du sol, cet effet amplifie la profondeur er crée un vertige qui 

déstabilise le spectateur.





                                                              Travailleurs rentrant chez eux"
                                                                                                    1913-1914

Munch dilue ici la matière picturale. Plus liquide, elle permet des effets de

 transparence rappelant ceux de la double exposition photographique. On

 aperçoit ainsi le dessin des pavés au travers des pieds personnages. Eux

 mêmes sont ourlés de différents cernes qui signifient leur mouvement, comme

 si, à la manière des expérimentations d'Eadweard Muybridge, on les avait

 captés en différents instants successifs. Car c'est bien dans la sensation de 

mouvement que réside l'essentiel de ce tableau qui emprunte certains de ses 

effets au cinéma. La trace du mouvement représentée ici répond à une 

dynamisation propre à la modernité de la vie urbaine. Le thème de ouvriers

 sortant de l'usine (qui est aussi celui du tout premier film des frères Lumière) y 

participe. Les futuristes peignaient la segmentation du mouvement ; Munch, 

lui, ne s'y intéresse que pour son expressivité. La perspective accentuée crée

un appel vers le fond contrarié par la dynamique des personnages qui semblent 

sortir du champ de la toile.


 Il me vient à l'instant une réminisence des peintures pariétales où déjà les 

magdaléniens avaient par une succession de traits voulu démontrer le 

mouvement .




mercredi 15 avril 2020

Bonnard chez Bemberg

 Je me réjouissais depuis un certain temps déjà à la perspective  de vous 

amener à la Fondation Bemberg, il n'en sera pas encore pas question et jusqu'à 

quand ? Il me faut donc me rabattre sur du "déjà vu", et vous mettre comme

moi  en attente de la réouverture de cette Fondation dont toutefois je vous 

donne les clés :

http://www.fondation-bemberg.fr/medias/actualites/DP%20FOND.%20BEMBERG-COLLECTION%20DE%20LA%20FONDATION%20DES%20TREILLES_2020.pdf


Pierre Bonnard qui naît à Fontenay aux Roses en 1867, au sein d'une famille

bourgeoise et cultivée se destine plutôt à une carrière administrative mais son

 goût pour la peinture l'incite à suivre les cours de l'Académie Julian.

  Les peintres et amis qu'il y fréquente et lui-même souhaitent   se détacher de

 l'impressionisme ambiant et en 1888 ils fondent le groupe des Nabis.

 Ses toiles se caractériseront par une sobriété graphique  et du luminisme

 mettant en valeur le contraste  entre ombres et lumières, comme dans cette 

toile "le Moulin Rouge" de 1896.

Cette toile faisait partie d'un tryptique séparé dans les années trente, on y 

mesure toute la différence avec les toiles de Toulouse-Lautrec.

Ce haut lieu du divertissement  parisien sera une source  d'inspiration pour 

 leurs toiles respectives et si différentes ; les couleurs vives pour Toulouse 

Lautrec, une palette plus sobre pour Bonnard.

 Comme pour la plupart des peintres sa vision évoluera  vers une peinture plus 

intimiste en même temps  plus colorée comme pour 

"La femme au peignoir rouge"


 1916

 Il restera fidèle à cette

 vision intimiste, à ce 

style qui devient 

 définitivement le sien

 sans se laisser 

influencer par 

l'evolution fauviste ou 

cubiste de de ses 

camarades.

 Dès 1917 il prend goût

 au paysage et son

 installation  sur la Côte

 d'Azur va lui 

permettre de laisser 

éclater sa palette.

 https://www.youtube.com/watch?v=P-_xK0ruAec


Ce "Paysage du midi" 

des années 1917-1918 en est un exemple



               https://www.youtube.com/watch?v=ET1ShOK9-Ho


  Tout au long de sa carrière il fit de lui plus d'une de dizaine d'autoportaits

La deuxième guerre mondiale l'a profondément affecté  et ce dernier

 autoportrait de 1945 deux ans avant sa mort nous prouve qu'il n'a rien perdu 

de la maîtrise de sa palette, ni de sa façon d'exprimer sa mélancolie et sa

 réflexion, sur les réalités parfois sombres de la vie.



https://www.youtube.com/watch?v=kdoHoi3fY2o

                        https://www.youtube.com/watch?v=PSdxRAC1mkQ