On ne présente plus Claude Monet mondialement connu au moins pour Giverny ou
les Nymphéas ; mais à l'instar de ses contemporains, il a tout peint, des portraits,
des paysages, des marines etc. Mon propos sera de vous présenter des toiles dont
les sujets sont les mêmes que ceux des impressionnistes que j'ai précédemment
évoqués avec vous.
Passation de pouvoir entre Pissarro et Monet, la cathédrale de Rouen.
Pissarro 1898 : Rue de l'Epicerie à Rouen et cathédrale.
Claude Monet 1894 : Cathédrale de Rouen , coucher de soleil
Les textes seront de William Seitz
https://www.moma.org/interactives/exhibitions/2007/seitz/index.html
" La célèbre série des Cathédrales de Rouen vues sous des angles
différents de lumière fut commencée d'une fenêtre du second étage, au dessus de
la boutique de M. Edouard Mauquit, "Au Caprice", 81 rue du Grand Pont, en vis-à-
vis de la façade (et également d'un second point favorable) durant les hivers de
1892 et 1893, et complétée à Giverny.
L'exposition de 1896 chez Durand-Ruel comprenait vingt cathédrales sur un total
de cinquante tableaux, mais les dix-huit vues frontales se signalèrent à la fois par
des louanges et par des attaques exagérées. Changeant de toiles avec la lumière,
Monet a suivi les heures du jour depuis le petit matin, avec une ombre bleue
brumeuse, jusqu'à l'après-midi, lorsque le soleil l'inonde, et finalement à la fin du
jour, quand l'astre disparaît derrière les maisons et enveloppe l'ouvrage de pierre
altéré par l'atmosphère dans un étrange réseau d'orange et de bleu brûlés.
"La révolution des cathédrales" fut le titre donné par Clémenceau au panégyrique
qu'il écrivit dans "la Justice". Il distingue quatre séries colorées : la grise, la
blanche, l'irisée et la bleue. "Le peintre nous a donné le sentiment, écrit-il, qu'il
aurait pu... en faire cinquante, cent, mille, autant qu'il y aurait de secondes dans
sa vie...".
Il faut s'attendre à ce qu'un art qui concentre beaucoup d'innovations suscite la
controverse. Monet démontrait poétiquement que la coloration de la nature
(comme devaient le prouver la photographie de mouvement et celle en couleur)
réside dans l'atmosphère et la lumière toujours changeante, plutôt que dans les
matériaux inertes ; qu'en un bref laps de temps l'apparence chromatique d'une
seule substance peut parcourir toute la gamme spectrale et tonale. L'absence de
précédent à d'autres qualités picturales de ces tableaux se lit dans la critique de
Georges Lecomte : "Pas assez de ciel autour, pas assez de sol... je me rends bien
compte que ce sont des cathédrales : des murailles merveilleusement exécutées !"
Le romancier irlandais George Moore s'élevait contre "la prouesse" de peindre
"douze vues de la cathédrale sans avoir une seule fois recours à l'illusion de
l'éloignement."Il s'insurgeait aussi contre la fusion nouvelle du sujet et de l'objet,
car la surface peinte était, ajout-il, "de pierre et de mortier", suggérant que Monet
devait "s'être efforcé, par l'épaisseur du pigment et la rudesse de la facture, de
reproduire la qualité matérielle même de la pierre."
Cette version est moins semblable à la pierre dans son apparence que certaines
autres, bien qu'elle soit aussi rude dans la réalité, car l'oscillation de touches
chaudes et froides transforme la maçonnerie en un écran curieusement sulfureux
et éphémère. Toutefois si l'on regarde la série dans son ensemble, on est frappé
par l'étroite parenté de l'art avec lequel Monet saisit ces effets passagers -
ordonnés autour du stable squelette gothique - avec les "façades" plates et
vibrantes peintes par Braque et Picasso plus de quinze ans après."