lundi 6 juillet 2020

Bois de Châtaigniers à Louveciennes : Pissarro


Quand on aime la nature, les arbres sont un sujet de prédilection  : j'entame donc

une petite série que j'intitule "Portraits d'arbres", car ils sont vivants ;

nous avons vu les cyprès de van Gogh , les pins de Cézanne, voici les châtaigniers

de Pissarro, il me restera à rechercher ceux de Monet :

 
                    1872 - Huile sur toile : 41 X 54 cm

               "Courbet dit une fois en plaisantant que son âne décidait du choix de ses

paysages. Au cours de leurs promenades, il installait son chevalet et

commençait à peindre là où l'animal s'arrêtait. Malgré l'évidente exagération de

cette saillie, il est vrai que les paysagistes français de la seconde moitié du dix -

neuvième siècle approchaient leurs motifs avec une attitude radicalement opposée

à celle de leurs prédécesseurs. Non seulement ils découvraient beauté et

pittoresque à des vues qui jusque-là n'avaient pas été trouvées attrayantes, mais

en fait, ils s'écartaient de tout ce qui aurait pu paraître trop plaisant ou artificiel.

Cela ne veut pas dire, cependant, qu'ils choisissaient leurs sujets avec indifférence

ou sans égard à leur qualité d'harmonie ( en dépit de ce que Théodore Duret avait

pu en penser).

  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856763v/f267.image


Les paysages de de Pissarro se distinguent justement par le charme d'une

composition sans artifice. Ne se permettant pas d'altérer le spectacle que lui

présentait la nature, le peintre avait le don particulier de choisir des mortifs offrant

des attraits pittoresques et des éléments structurels d'une éloquente beauté, dont

il savait exploiter tous les aspects.

 Equilibrant les formes plus instinctivement que méthodiquement, opposant des

surfaces uniformes à des plans très  détaillés, accordant les couleurs ou les

contrastant, créant des accents, déplaçant l'intérêt du premier plan au plan médian

selon les exigences du sujet, adoptant les lignes symétriques ou, au contraire,

soulignant soit la gauche, soit la droite, abandonnant au ciel une grande partie de

la toile ou bien peuplant sa composition au point où le ciel est à peine visible, il

réussissait toujours à rendre par la composition, aussi bien que par la conception,

ses impressions intimement liées à la saison et à l'heure du jour.

 Dans ce groupe d'arbres dépouillés, observés au printemps, la singulière

diagonale d'un tronc foudroyé rompt brutalement les verticales et les arabesques

irrégulières des autres arbres. Les ombres fortement marquées zébrent le sol,

accentuant son importance par rapport au ciel sans nuage. Ces ombres et les

lignes divergentes des deux arbres du centre écartent de ce paysage sans

prétention tout danger de monotonie; elles rehaussent au contraire d'un élément

inattendu la simplicité du site."




vendredi 3 juillet 2020

L'Ile Lacroix, Rouen, Effet de Brouillard ; Pissarro

 Cet "effet de brouiillard" m' a entraîné à sa recherche jusqu'au Fine Arts Museum

de Philadelphie, je ne l'y ai pas trouvé mais par contre une sélection très

réussie des toiles de nos impressionnistes :


          https://www.youtube.com/watch?v=rFULHuqJ6kw


                                       1888 - Huile sur toile - 44 X 55 cm

j'ai immédiatement revu dans ma mémoire "Impression soleil levant" de Monet et

"  Pluie vapeur et vitesse" de Turner pour l'idée mais  pas pour la technique ,

Rewald vous l'explique.     https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Rewald


                  " Lorsque Pissarro, mécontent de ce qu'il appelait la rugosité de son

exécution, décida au cours de l'hiver 1885 - 1886 d'adopter le système

divisionniste de Seurat, il le fit principalement parce que celui-ci lui donnait le

moyen de remplacer "le désordre" des coups de brosse impressionnistes par une

exécution méticuleuse de petits points soigneusement appliqués.

 Ce procédé devait permettre à l'artiste de reproduire plus fidèlement les

différentes interactions des couleurs selon la théorie du contraste simultané

établie par Chevreul.

(https://optiquedansleneoimpressionnisme.wordpress.com/2013/02/17/linfluence-des-lois-la-couleur-de-chevreul-sur-les-peintres/


" Effectivement, Pissarro traita dès lors ses anciens camarades d'impressionnistes

"romantiques" tandis qu'il embrassait avec enthousiasme l'Impressionnisme

"scientifique" de son nouvel ami. Mais la lenteur de travail exigée par cette

méthode s'opposait à toute interprétation spontanée de la nature ; les tableaux

devaient être peints à l'atelier, car les sensations directes  devenaient moins

importantes que la soumission aux rigueurs des lois optiques d'après lesquelles

chaque ton posé sur la toile dicte  presque automatiquement les couleurs qui

doivent   l'entourer. Il n'est donc pas étonnant que le peintre ait repris alors

 certaines oeuvres restées plus ou moins inachevées.

 Cette vue de la Seine à Rouen semble également basée sur une étude antérieure

puisque l'artiste ne séjourna pas à Rouen en 1888.

Ce tableau paraît assez étroitement lié à d'autres toiles datant de son premier

voyage à Rouen en 1883.

Il est naturel que Pissarro ait choisi ce motif pour l'application de sa nouvelle

technique. L'exécution pointilliste était particulièrement appropriée à l'effet de

brouillard qui efface toutes les formes tranchées et jette un voile à peine

transparent sur le sujet. En même temps, cette vue offrait à l'artiste des

caractéristiques individuelles et des masses - la cheminée, le mât, la péniche à

gauche et l'usine à droite - qui résistent à la brume et constituent ainsi des

accents de couleur et de forme rompant la monotonie de cette composition régie

par des tonalités pâles. Les verticales s'affirment en dépit de l'opacité de

l'atmosphère et forment un contraste avec le brouillard environnant.

Tout en utilisant la même technique de Seurat et Signac, Pissarro fait preuve

d'une vision si personnelle et d'une connaissance de la nature si profonde que son

interprétation - moins rigide que celle de Seurat et moins flamboyante que celle

de Signac - demeure néanmoins originale. Cependant, la lenteur de cette

exécution gênait à tel point sa liberté d'expression que l'artiste devait

l'abandonner quelques années plus tard."


                                               Turner

jeudi 2 juillet 2020

La Moisson à Montfoucault : Pissarro

Autant prendre un peu d'avance, je vais être très occupée ce week-end et le temps

me fait penser être revenue en Irlande, pluie, nuages bas et grande fraîcheur !!!

pour un 2 juillet un temps à ne pas mettre le nez dehors !!

 Autant se plonger dans la chaleur de la moisson de Pissarro, suite logique de la

"Meule ".


  Huile sur toile - 1876.  65 X 92 cm

                       " Peu de temps après son arrivée de Saint-Thomas, Pissarro, avait

fait la connaissance du peintre Ludovic Piette, alors qu'il travaillait dans la

banlieue parisienne. Ils se lièrent vite d'amitié et Piette, légérement plus agé que

Pissarro, l'invita à plusieurs reprises dans sa grande ferme de Montfoucault en

Mayenne, où il passait lui-même une partie de l'année. Sa famille possédait de

nombreuses propriétés dans la région, Piette était assez fortuné pour se

permettre d'offrir un refuge à son ami chaque fois que le poids des soucis

devenait excessif. Pissarro eut recours à l'hospitalité de Piette après la première

exposition impressionniste, qui fut un fiasco financier, et passa avec sa famille

l'hiver 1874-1875 à Montfoucault. Il y retourna en automne 1875 et pour la

dernière fois en 1876, à l'époque de la moisson. (Piette mourut l'année suivante à

l'âge de cinquante et un an). A chacun de ses séjours, Pissarro peignit de

nombreux paysages, des paysans dans les champs, quelques scènes d'intérieur et

aussi des fileuses, des porteuses d'eau etc. Bien que ses sujets ne fussent guère

différents de ceux qu'il traitait d'habitude, les couleurs des paysages de

Montfoucault se différencient souvent de celles des tableaux exécutés aux

environs de Pontoise.

 Grâce au voisinage de l'Atlantique, la Mayenne possède des verts plus frais et un

ciel plus clair. Ceci devient évident lorsque l'on compare cette scène de moisson à

"La Meule à Pontoise" peinte en 1873  (ci-dessous). L'artiste s'est adapté aux

caractéristiques du paysage en abandonnant les petits coups de pinceau et les

hachures en faveur d'une technique plus large, solide et pourtant sans lourdeur.

Ainsi le champ de blé et les arbres contre le ciel pommelé sont-ils plus fortement

modelés ; la délicatesse habituelle de Pissarro fait place à une conception plus

vigoureuse. Cette nouvelle note dans son oeuvre révèle la richesse du génie et

du   potentiel de Pissarro. Au moment même où les critiques disaient que les

tableaux qu'il avait montrés lors des expositions du groupe impressionniste

ressemblaient à "des raclures de palette posées sur une toile sale", l'artiste avec

un superbe dédain pour l'incompréhension du public, créa cette scène joyeuse.

Même s'il n'avait rien  laissé d'autre que cette toile, Pissarro aurait néanmoins sa

place parmi les grands paysagistes de Rembrandt à van Gogh".

La Meule, Pontoise: Pissarro

De saison, mais très ethnique, je doute de trouver des meules de foin à Pontoise

en 2020,  les choses et les lieux ont bien changé !! colza intensif et lignes à haute

tension.

                    https://www.youtube.com/watch?v=VEA_q6dRQqI



                                                        1873 - Huile sur toile 46 X 55 cm

https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/camille-pissarro_etude-de-paysage-avec-une-meule-pontoise_papier-bistre_crayon-de-couleur_papier-beige

https://www.telerama.fr/sortir/paul-durant-ruel-l-homme-aux-12-000-tableaux,120085.php

    
            " Lionello Venturi a dit de ce tableau que "c'est un des chefs- d'oeuvre les

plus accomplis de Pissarro. La masse de la meule est presque conique, mais ce

"presque" permet à la forme géométrique d'absorber la valeur picturale. Cette

masse renvoie la plaine au loin et présente par conséquent, un caractère

monumental très accentué. La couleur est particulièrement précieuse et variée.

Le ciel se nuance de rose, de blanc, de violet, de bleu. La plaine est divisée en

zones blanches, jaunes,  vertes et roses. La variété des couleurs envahit tout  et

pourtant chaque couleur a sa fonction dans la lumière d'ensemble. Comme la

lumière ne se manifeste que par des couleurs sans clair obscur, elle rit partout,

même dans les pénombres, comme si cette peinture était une fête de la nature ".

En contraste avec le traitement d'un motif semblable, peint quelques années plus

tard dans les riches plaines autour de Montfoucault, les couleurs sont douces,

d'une luminosité atténuée ; les teintes pastel ne sont brisées par aucune

opposition et leur jeu subtil crée une vision dorée de lumière, d'un calme infini.

L'importance monumentale que Millet conférait généralement à des figures de

paysans est ici impartie au champ et à la meule centrale. Ainsi, sans moyens

littéraires et sans aucune référence sentimentale, un simple paysage, composé et

peint avec une exceptionnelle maîtrise, devient un symbole du travail et des

espoirs de l'homme, une glorification de l'éternel miracle de la moisson ".

                     https://www.youtube.com/watch?v=iGfUaFl0KIs

mercredi 1 juillet 2020

Bouquet de fleurs : Pissarro



                                               Vers 1873 - Huile sur toile55 X 46 cm


                  "Les jours de pluie, lorsqu'ils ne pouvaient travailler dehors, Pissarro

et ses amis restaient volontiers à l'atelier, exécutant des portraits, des nus ou des

natures mortes. Pissarro, en de telles occasions, montra une prédilection pour les

fleurs. Contrairement à Renoir, seul membre du groupe qui continuait à vivre à

Paris, il ne pouvait, vivant à la campagne, trouver des modèles pour des études de

nus. La femme de l'artiste adorait les fleurs : au début de leur vie commune, elle

avait été fleuriste afin de gagner quelque argent. PLus tard elle continua de

cultiver des fleurs à profusion dans leur petit jardin : elle était particulièrement

fière de ses pivoines roses. Rien d'étonnant donc à ce qu'elle rassemblat des

bouquets pour les natures mortes de son mari, ni que celles-ci, comme c'est le cas

ici, eussent été surtout composées de pivoines de teintes variées, mais surtout

roses. Ces fleurs sont disposées avec un grand soin dans un vase de porcelaine

blanche. L'artiste s'est volontairement attaché à rendre la délicatesse des nuances

plutôt qu'à chercher la vivacité des contrastes. Les gradations subtiles de rose et

de blanc, mêlées au vert du feuillage, le fond uni, bleuâtre donne à ce prosaïque

bouquet une extrême poésie et une touchante intimité. Cette nature morte

dépourvue de l'éclat des flamboyants bouquets de Renoir et de la solidité des fruits

de Cézanne, dégage un charme délicat que Pissarro lui-même n'a atteint que

rarement."


                   Les pivoines du jardin d'isarde

   Je la comprend, c'est effectivement une fleur d'une grande subtilité !!

tenace, elle peut bouder pendant des années et un jour éclater dans toute sa

splendeur !!! comme cette année.



      il faut les soutenir car elles sont lourdes




c'est le même pied !!

mardi 30 juin 2020

Pissarro : Nature morte

Pour constater une continuité dans le style des oeuvres impressionnistes que j'ai

choisies, influencées par les uns et les autres, je commence par une nature morte

 qui ressemble aux compositions de Cézanne, un bouquet qui ressemble

furieusement à ceux d'autres impressionnistes, logique, puisque vous l'avez lu,

Pissarro est le père de l'impressionisme : j'ai ensuite envie de vous montrer une

série sur les arbres.




 Huile sur toile : 1867  - 81 X 100cm


                 " Cette grande composition est peut-être la plus audacieuse qui ait été

peinte jusqu'au jour où, en 1867, Pissarro la signa et la data. Tandis que Manet,

dans ses magnifiques natures mortes, demeure plus ou moins consciencieusement

 dans les limites de la grande tradition française (tracées surtout par Chardin)  et

que Courbet - à qui l'exécution et les couleurs de cette toile doivent beaucoup -

est relativement timoré dans ce genre. Pissarro montre soudainement, en traitant

ce sujet, un style d'une grande force et d'une grande originalité.

Quelques objets usuels sont disposés de façon classique, créant des horizontales

et des verticales dont l'équilibre  est admirablement ordonné. Deux diagonales -

celle du pain et celle du couteau dépassant du plat de céramique - créent un

espace qui se prolonge jusqu'au spectateur : le couteau surtout,

traditionnellement utilisé à cet effet accentue discrètement cette illusion.

Les accents de couleur données par le plat et les trois pommes, qui occupent une

position centrale, font chanter les tons neutres du premier plan. La vaste étendue

du fond est brisée par deux louches accrochées au mur dont les courbes

répondent harmonieusement au col élancé du flacon ; le verre de vin sert de lien

entre deux lignes arrondies. A l'unité du fond s'opposent les différentes masses

des objets placés sur la nappe blanche, peinte à petits coups de pinceau vifs qui

accentuent encore le contraste.

 Le seul artiste qui, un peu plus tard, appliquera une technique et des tonalités

semblables au traitement de la nature morte fut un jeune peintre du Midi que

Pissarro avait rencontré dès 1861 et dont il reconnut immédiatement

l'exceptionnel talent : Paul Cézanne. C'est probablement sous l'influence de

Pissarro que Cézanne commença à observer de plus près la nature au lieu de

suivre les impulsions baroques de sa juvénile imagination. Une toile d'un réalisme

aussi flagrant, montrant une telle force intérieure, une telle simplicité et sûreté,

n'a pu manquer d'impressionner Cézanne : elle l'a peut-être amené à exécuter une

série de compositions également hardies.

Pissarro ne peignit que peu de toiles dans cette veine. Il n'a, par la suite, que 

rarement utilisé le couteau à palette et les larges coups de brosse ; les couleurs

terreuses - pourtant assez lumineuses sur cette toile - et les volumes fortement   

modelés ne réapparaissent qu'exceptionnellement dans son oeuvre. Cette nature

morte, note inattendue dans l'évolution du peintre, est en fait à peu près unique

 comme s'il ne se sentait pas tenté par la poursuite d'une route qui aurait pu le

détourner de l'intime contact avec la nature qu'il recherchait avec tant de

persévérance. Il est possible que ce soit cette nouvelle façon directe et audacieuse

de traiter un sujet qui ait amené la rupture entre Corot et Pissarro.

Quoiqu'il en soit, cette toile ne devait jamais quitter l'atelier de l'artiste, où elle

était sans doute destinée à lui rappeler une phase importante quoique courte de

sa quête vers une expression personnelle."
                                                                     John Rewald


                 https://www.youtube.com/watch?v=LcBWcNECM5U

lundi 29 juin 2020

Camille Pissarro : présentation.

 Peintre en herbe, lorsqu'il réside sur les lieux de sa naissance,  Saint-Thomas, aux

Iles Vierges et par cela même danois mais aussi  juif espagnol par son grand- père

bordelais, français parisien par sa grand-mère tous deux ayant fui la révolution

française en 1799 et par conséquent, polyglotte, l'espagnol, le danois, le français,

cette dernière langue confortée par son éducation à Paris où déjà son directeur

encourage ses prédispositions au dessin  et lui conseille de poursuivre dans cette

voie en dessinant les cocotiers !! ce qu'il ne manquera pas de faire, mais aussi

les   voiles du port de Saint Thomas lorsqu'il sy rendait  pour les affaires de son

père. Mais l'appel du large  résonne ! il plaque tout et s'implante à Caracas avec

son ami Melbye, qui l'initie à l'usage de la couleur, toiles et aquarelles signées"

Pizarro"
 Dessins au crayon  en 1853


https://www.gazette-drouot.com/article/camille-pissarro-sous-le-soleil-des-tropiques/8159


En accord avec sa famille, mise sur le fait, il reprend le chemin de Paris, où il

arrive en 1856 au moment de l'Exposition Universelle, il y trouve l'occasion

 parmi les nombreuses toiles exposées, de se diriger vers les peintres (dans le

langage actuel, on vous dirait , "qui lui parlent") qui s'étaient déjà affranchis des

règles académiques en vigueur, Corot, qui le guidera dans ses premiers pas, lui

faisant oublier les paysages exotiques,  mais aussi Courbet, Millet, Daubigny.

Ses inscriptions dans les cours d'enseignement classique  manquent à son sens

d'inspiration, il ne se soumettra pas aux conventions et va suivre avec Corot,

Courbet, celle de la nature et s'installer à la campagne .

 Destins inverse,  Lautrec est né à la campagne et s'installe en ville,  Pissarro

passé par la ville retrouve avec joie une nature qui n'est cependant pas

comparable  à celle des îles : Gauguin aussi choisira de s'exiler  aux Marquises..

Sa première présentation au Salon de 1859 où il se présente comme l'élève

d'Anton Melbye, le frère de Fritz, est un paysage de Pontoise ; puis après les refus

des salons de 1861 et de 1863, c'est au Salon des Refusés qu'il exposera ses

nouvelles conceptions du paysage.

 Pour les salons de 1864 et de1865 il se permet de se faire inscrire comme élève

de Melbye et de Corot. En effet ce dernier l'aurorisa à se présenter comme son

élève.  Il avait toutefois pressenti qu'il n'avait pas besoin de conseils sauf celui-ci

" Il faut avant tout étudier les valeurs. Nous ne voyons pas de la même façon : vous voyez vert et moi je vois gris et blond. Mais ce n'est pas une raison pour que vous ne travailliez pas les valeurs, car cela est au fond de tout et, de quelque façon que l'on sente et que l'on s'exprime, on ne peut faire de bonne peinture sans cela".

Dés 1863, Pissarro se trouve confronté aux mêmes soucis que ses contemporains

 (sauf Lautrec) et c'est une "mésalliance" aux yeux de sa famille qui est la cause 

de la suppression de la pension que lui allouait son père. Il n'épousera la servante

de la famille dont il a un fils  au moment du Salon des Refusés que lorsqu'il se

trouvera à Londres en compagnie de Monet, réfugié comme lui dans cette ville à

la suite de la défaite de 1870. C'est un élève de Courbet, Ludovic Piette qui lui

donne l'hospitalité dans la Mayenne. L'obstination des jurys des Salons l'incite à

des idées anarchistes qu'il exprime avec chaleur à ses amis du groupe des

Batignolles au café Guerbois où se réunissaint Manet, Degas, Renoir, Monet,

Sisley ;( il fallait affronter la société contemporaine) et Bazille parfois aussi

Cézanne. Revenons à Durand-Ruel exilé aussi à Londres qui met sa fortune en

péril pour le soutenir comme il le fait pour tous les autres jeunes

impressionnistes. Monet et Pissarro fréquentent les musées londoniens et   

étudient les paysagistes Turner ou Constable; mais Pissarro  a hâte de rentrer à

Louveciennes. Les conséquences économiques de la guerre de 1870 sont

désastreuses pour le monde de l'art (en sommes-nous arrivés au même stade ?)

je passerai sur les désespoirs de chacun, pour en arriver à l'embellie, l'arrivée

des  "sauveurs " Caillebotte qui se lie  avec Monet, Victor Choquet dont nous

avons vu les portraits, lequel soutirent plutôt Renoir et Cézanne.

En 1876 une tentative de Monet pour une exposition du groupe des

impressionnistes n'aura pas plus de succès, toutefois cette année 1876 n'est pas si

mauvaise et celle de1877 meilleure encore Caillebotte fait l'acquisition d'une

grande toile de Pissarro et celui-ci décide enfin Cézanne de participer à la

troisième exposition des impressionnistes, lesquels restent encore divisés,

soupconneux de se faire valoir les uns les autres, les toiles y sont nombreuses :

35 de Monet, 25 de Degas, Renoir 21 et Pissarro 22 , le tout sans recevoir une 

rande faveur  du public!!!

Il faut que ce soit le patissier Murer qui échange des plats contre leurs

toiles, pour nourrir Pissarro et ses amis. Gauguin aussi participe au sauvetage,

sans parvenir non plus à rétablir des situations catastrophiques, Piette décède et

lorsque Pissarro voit naître son troisième enfant en 1878 il lui donnera le prénom

de son ami disparu, Ludovic-Rodolphe.

A cinquante ans, Pissarro doute de voir l'avenir s'éclaircir. En 1880, la situation

financière de Durand-Ruel s'étant redressée, celui-ci reprend ses achats.  c'était

quand même beaucoup de constance de sa part, et d'intuition, du goût peut-être ).

Pour la cinquième exposition, le groupe des impressionnistes se dissout,  Pissarro,

Degas et Berthe Morisot y exposent seuls alors que Monet et Renoir préfèrent

suspendre encore leur toile au Salon.

Degas les qualifie de "lâcheurs" ce qui rendra Caillebotte furieux.

Il écrit à Pissarro " S'il y a quelqu-'un au monde qui ait le droit de ne pas

pardonner à Renoir, Monet, Sisley et Cézanne, c'est vous, parce que vous, vous

avez connu les mêmes besoins d"existence qu'eux et que vous n'avez ps faibli.

Mais vous ètes en vérité plus simple et plus juste que Degas..."

 Ceci eut pour résultat que lors de la sixième exposition en 1881, il y eut encore

moins de participants. Mais Pissarro n'était pas rancunier et c'est avec Cézanne

qu'il peint encore  pendant l'été à Pontoise. Gauguin les y rejoint et participe à

l'organisation d'une septième exposition avant que le torchon ne brûle encore

avec Degas.

Plus tard, après un nouvelle période de crise financière, Durand-Ruel, qui

a abandonné tout espoir de concorde entre les impressionnistes, décide de les

exposer tour à tout et séparément. Après l'expérience du pointillisme  avec Signac

et Seurat, il abandonne leur technique mais son style en sort plus épuré (j'ai  volontairement omis de vous retranscrire les critiques de  Castagnary pour ne pas vous influencer)

Rien ne dure et tout évolue !!!, Durand Ruel est parti s'installer à New-York où les

amateurs amériains sont plus réceptifs à l'impressionnisme. et les affaires

reprennent. Pissarro s'installe près de Gisors et y reçoit Vincent van Gogh à la

demande de Théo,; Pissarro pressent alors la puissance de ce peintre mais son

épouse récuse, sous prétexte d'une maison remplie d'enfants, son hébergement ;

van Gogh résidera par conséquent chez le docteur Gachet à Auvers.
 
Nous verrons les toiles que Pissarro à peint à Rouen en 1896 et 1898 malgré des

soucis ophtalmologiques. Son fils Lucien s'installe à Londres où il lui rend visite.

 Moins prisé que Monet, il atteint enfin un certain renom lorsqu'il  décède en

1903.

Cézanne, à la fin de sa vie, fit écrire sur un catalogue d'exposition à Aix

"Paul Cézanne, élève de Pissarro"

 Gauguin,  depuis le bout du monde avait  écrit  un an avant sa mort, sa plus belle

épitaphe:

"Si on examine l'art de Pissarro dans son ensemble, malgré ses fluctuations, on y

trouve non seulement une excessive volonté artistique qui ne se dément jamais,

mais encore un art essentiellement intuitif de belle race... Il  a regardé tout le

monde, dites-vous,! Pourquoi pas ? Tout le monde l'a regardé aussi, mais le renie.

Ce fut un de mes maîtres et je ne le renie pas."

               Vous vous ferez votre propre opinion.


           https://www.youtube.com/watch?v=uK7PmG25N-0