mardi 30 juin 2020

Pissarro : Nature morte

Pour constater une continuité dans le style des oeuvres impressionnistes que j'ai

choisies, influencées par les uns et les autres, je commence par une nature morte

 qui ressemble aux compositions de Cézanne, un bouquet qui ressemble

furieusement à ceux d'autres impressionnistes, logique, puisque vous l'avez lu,

Pissarro est le père de l'impressionisme : j'ai ensuite envie de vous montrer une

série sur les arbres.




 Huile sur toile : 1867  - 81 X 100cm


                 " Cette grande composition est peut-être la plus audacieuse qui ait été

peinte jusqu'au jour où, en 1867, Pissarro la signa et la data. Tandis que Manet,

dans ses magnifiques natures mortes, demeure plus ou moins consciencieusement

 dans les limites de la grande tradition française (tracées surtout par Chardin)  et

que Courbet - à qui l'exécution et les couleurs de cette toile doivent beaucoup -

est relativement timoré dans ce genre. Pissarro montre soudainement, en traitant

ce sujet, un style d'une grande force et d'une grande originalité.

Quelques objets usuels sont disposés de façon classique, créant des horizontales

et des verticales dont l'équilibre  est admirablement ordonné. Deux diagonales -

celle du pain et celle du couteau dépassant du plat de céramique - créent un

espace qui se prolonge jusqu'au spectateur : le couteau surtout,

traditionnellement utilisé à cet effet accentue discrètement cette illusion.

Les accents de couleur données par le plat et les trois pommes, qui occupent une

position centrale, font chanter les tons neutres du premier plan. La vaste étendue

du fond est brisée par deux louches accrochées au mur dont les courbes

répondent harmonieusement au col élancé du flacon ; le verre de vin sert de lien

entre deux lignes arrondies. A l'unité du fond s'opposent les différentes masses

des objets placés sur la nappe blanche, peinte à petits coups de pinceau vifs qui

accentuent encore le contraste.

 Le seul artiste qui, un peu plus tard, appliquera une technique et des tonalités

semblables au traitement de la nature morte fut un jeune peintre du Midi que

Pissarro avait rencontré dès 1861 et dont il reconnut immédiatement

l'exceptionnel talent : Paul Cézanne. C'est probablement sous l'influence de

Pissarro que Cézanne commença à observer de plus près la nature au lieu de

suivre les impulsions baroques de sa juvénile imagination. Une toile d'un réalisme

aussi flagrant, montrant une telle force intérieure, une telle simplicité et sûreté,

n'a pu manquer d'impressionner Cézanne : elle l'a peut-être amené à exécuter une

série de compositions également hardies.

Pissarro ne peignit que peu de toiles dans cette veine. Il n'a, par la suite, que 

rarement utilisé le couteau à palette et les larges coups de brosse ; les couleurs

terreuses - pourtant assez lumineuses sur cette toile - et les volumes fortement   

modelés ne réapparaissent qu'exceptionnellement dans son oeuvre. Cette nature

morte, note inattendue dans l'évolution du peintre, est en fait à peu près unique

 comme s'il ne se sentait pas tenté par la poursuite d'une route qui aurait pu le

détourner de l'intime contact avec la nature qu'il recherchait avec tant de

persévérance. Il est possible que ce soit cette nouvelle façon directe et audacieuse

de traiter un sujet qui ait amené la rupture entre Corot et Pissarro.

Quoiqu'il en soit, cette toile ne devait jamais quitter l'atelier de l'artiste, où elle

était sans doute destinée à lui rappeler une phase importante quoique courte de

sa quête vers une expression personnelle."
                                                                     John Rewald


                 https://www.youtube.com/watch?v=LcBWcNECM5U

lundi 29 juin 2020

Camille Pissarro : présentation.

 Peintre en herbe, lorsqu'il réside sur les lieux de sa naissance,  Saint-Thomas, aux

Iles Vierges et par cela même danois mais aussi  juif espagnol par son grand- père

bordelais, français parisien par sa grand-mère tous deux ayant fui la révolution

française en 1799 et par conséquent, polyglotte, l'espagnol, le danois, le français,

cette dernière langue confortée par son éducation à Paris où déjà son directeur

encourage ses prédispositions au dessin  et lui conseille de poursuivre dans cette

voie en dessinant les cocotiers !! ce qu'il ne manquera pas de faire, mais aussi

les   voiles du port de Saint Thomas lorsqu'il sy rendait  pour les affaires de son

père. Mais l'appel du large  résonne ! il plaque tout et s'implante à Caracas avec

son ami Melbye, qui l'initie à l'usage de la couleur, toiles et aquarelles signées"

Pizarro"
 Dessins au crayon  en 1853


https://www.gazette-drouot.com/article/camille-pissarro-sous-le-soleil-des-tropiques/8159


En accord avec sa famille, mise sur le fait, il reprend le chemin de Paris, où il

arrive en 1856 au moment de l'Exposition Universelle, il y trouve l'occasion

 parmi les nombreuses toiles exposées, de se diriger vers les peintres (dans le

langage actuel, on vous dirait , "qui lui parlent") qui s'étaient déjà affranchis des

règles académiques en vigueur, Corot, qui le guidera dans ses premiers pas, lui

faisant oublier les paysages exotiques,  mais aussi Courbet, Millet, Daubigny.

Ses inscriptions dans les cours d'enseignement classique  manquent à son sens

d'inspiration, il ne se soumettra pas aux conventions et va suivre avec Corot,

Courbet, celle de la nature et s'installer à la campagne .

 Destins inverse,  Lautrec est né à la campagne et s'installe en ville,  Pissarro

passé par la ville retrouve avec joie une nature qui n'est cependant pas

comparable  à celle des îles : Gauguin aussi choisira de s'exiler  aux Marquises..

Sa première présentation au Salon de 1859 où il se présente comme l'élève

d'Anton Melbye, le frère de Fritz, est un paysage de Pontoise ; puis après les refus

des salons de 1861 et de 1863, c'est au Salon des Refusés qu'il exposera ses

nouvelles conceptions du paysage.

 Pour les salons de 1864 et de1865 il se permet de se faire inscrire comme élève

de Melbye et de Corot. En effet ce dernier l'aurorisa à se présenter comme son

élève.  Il avait toutefois pressenti qu'il n'avait pas besoin de conseils sauf celui-ci

" Il faut avant tout étudier les valeurs. Nous ne voyons pas de la même façon : vous voyez vert et moi je vois gris et blond. Mais ce n'est pas une raison pour que vous ne travailliez pas les valeurs, car cela est au fond de tout et, de quelque façon que l'on sente et que l'on s'exprime, on ne peut faire de bonne peinture sans cela".

Dés 1863, Pissarro se trouve confronté aux mêmes soucis que ses contemporains

 (sauf Lautrec) et c'est une "mésalliance" aux yeux de sa famille qui est la cause 

de la suppression de la pension que lui allouait son père. Il n'épousera la servante

de la famille dont il a un fils  au moment du Salon des Refusés que lorsqu'il se

trouvera à Londres en compagnie de Monet, réfugié comme lui dans cette ville à

la suite de la défaite de 1870. C'est un élève de Courbet, Ludovic Piette qui lui

donne l'hospitalité dans la Mayenne. L'obstination des jurys des Salons l'incite à

des idées anarchistes qu'il exprime avec chaleur à ses amis du groupe des

Batignolles au café Guerbois où se réunissaint Manet, Degas, Renoir, Monet,

Sisley ;( il fallait affronter la société contemporaine) et Bazille parfois aussi

Cézanne. Revenons à Durand-Ruel exilé aussi à Londres qui met sa fortune en

péril pour le soutenir comme il le fait pour tous les autres jeunes

impressionnistes. Monet et Pissarro fréquentent les musées londoniens et   

étudient les paysagistes Turner ou Constable; mais Pissarro  a hâte de rentrer à

Louveciennes. Les conséquences économiques de la guerre de 1870 sont

désastreuses pour le monde de l'art (en sommes-nous arrivés au même stade ?)

je passerai sur les désespoirs de chacun, pour en arriver à l'embellie, l'arrivée

des  "sauveurs " Caillebotte qui se lie  avec Monet, Victor Choquet dont nous

avons vu les portraits, lequel soutirent plutôt Renoir et Cézanne.

En 1876 une tentative de Monet pour une exposition du groupe des

impressionnistes n'aura pas plus de succès, toutefois cette année 1876 n'est pas si

mauvaise et celle de1877 meilleure encore Caillebotte fait l'acquisition d'une

grande toile de Pissarro et celui-ci décide enfin Cézanne de participer à la

troisième exposition des impressionnistes, lesquels restent encore divisés,

soupconneux de se faire valoir les uns les autres, les toiles y sont nombreuses :

35 de Monet, 25 de Degas, Renoir 21 et Pissarro 22 , le tout sans recevoir une 

rande faveur  du public!!!

Il faut que ce soit le patissier Murer qui échange des plats contre leurs

toiles, pour nourrir Pissarro et ses amis. Gauguin aussi participe au sauvetage,

sans parvenir non plus à rétablir des situations catastrophiques, Piette décède et

lorsque Pissarro voit naître son troisième enfant en 1878 il lui donnera le prénom

de son ami disparu, Ludovic-Rodolphe.

A cinquante ans, Pissarro doute de voir l'avenir s'éclaircir. En 1880, la situation

financière de Durand-Ruel s'étant redressée, celui-ci reprend ses achats.  c'était

quand même beaucoup de constance de sa part, et d'intuition, du goût peut-être ).

Pour la cinquième exposition, le groupe des impressionnistes se dissout,  Pissarro,

Degas et Berthe Morisot y exposent seuls alors que Monet et Renoir préfèrent

suspendre encore leur toile au Salon.

Degas les qualifie de "lâcheurs" ce qui rendra Caillebotte furieux.

Il écrit à Pissarro " S'il y a quelqu-'un au monde qui ait le droit de ne pas

pardonner à Renoir, Monet, Sisley et Cézanne, c'est vous, parce que vous, vous

avez connu les mêmes besoins d"existence qu'eux et que vous n'avez ps faibli.

Mais vous ètes en vérité plus simple et plus juste que Degas..."

 Ceci eut pour résultat que lors de la sixième exposition en 1881, il y eut encore

moins de participants. Mais Pissarro n'était pas rancunier et c'est avec Cézanne

qu'il peint encore  pendant l'été à Pontoise. Gauguin les y rejoint et participe à

l'organisation d'une septième exposition avant que le torchon ne brûle encore

avec Degas.

Plus tard, après un nouvelle période de crise financière, Durand-Ruel, qui

a abandonné tout espoir de concorde entre les impressionnistes, décide de les

exposer tour à tout et séparément. Après l'expérience du pointillisme  avec Signac

et Seurat, il abandonne leur technique mais son style en sort plus épuré (j'ai  volontairement omis de vous retranscrire les critiques de  Castagnary pour ne pas vous influencer)

Rien ne dure et tout évolue !!!, Durand Ruel est parti s'installer à New-York où les

amateurs amériains sont plus réceptifs à l'impressionnisme. et les affaires

reprennent. Pissarro s'installe près de Gisors et y reçoit Vincent van Gogh à la

demande de Théo,; Pissarro pressent alors la puissance de ce peintre mais son

épouse récuse, sous prétexte d'une maison remplie d'enfants, son hébergement ;

van Gogh résidera par conséquent chez le docteur Gachet à Auvers.
 
Nous verrons les toiles que Pissarro à peint à Rouen en 1896 et 1898 malgré des

soucis ophtalmologiques. Son fils Lucien s'installe à Londres où il lui rend visite.

 Moins prisé que Monet, il atteint enfin un certain renom lorsqu'il  décède en

1903.

Cézanne, à la fin de sa vie, fit écrire sur un catalogue d'exposition à Aix

"Paul Cézanne, élève de Pissarro"

 Gauguin,  depuis le bout du monde avait  écrit  un an avant sa mort, sa plus belle

épitaphe:

"Si on examine l'art de Pissarro dans son ensemble, malgré ses fluctuations, on y

trouve non seulement une excessive volonté artistique qui ne se dément jamais,

mais encore un art essentiellement intuitif de belle race... Il  a regardé tout le

monde, dites-vous,! Pourquoi pas ? Tout le monde l'a regardé aussi, mais le renie.

Ce fut un de mes maîtres et je ne le renie pas."

               Vous vous ferez votre propre opinion.


           https://www.youtube.com/watch?v=uK7PmG25N-0



dimanche 28 juin 2020

Toulouse lautrec : La Blanchisseuse

     Ce tableau est probablement un exemple des exercices techniques que    

Lautrec s'imposait et il  y excelle,  je pense qu'en le voyant sans aucune indication

vous pourriez douter de son auteur. Et ô combien je préfére ce style de toile aux  

affiches caricaturales du Paris de la nuit. C'est une pause dans son travail que

cette blanchisseuse s'octroie en regardant par la fenêtre, lasse sans doute mais

encore vigoureuse comme le souligne son bras et sa main.

 D'autres peintres ont traité de ce sujet tel que Degas mais en voyant ses

blanchisseuses vous conclueriez sans hésitation qu'il s'agit d'un Degas.

http://www.muma-lehavre.fr/fr/collections/oeuvres-commentees/impressionnisme/degas-les-blanchisseuses





 Huile sur toile, 93 X 75 cm. 1889

 Une autre peinture de Lautrec est différente de ce que on lui attribue du simple

coup d'oeil;  il a largement exploté le le thème des chevaux qu'il aimait tant, ceux

de l'écurie familiale (dans notre famille disait-il une fois baptisé on est en selle)

tout d'abord et ceux des courses puisqu'il fréquentait aussi bien les vélodromes

que les hippodromes.

 C'est une peinture à l'essence sur carton de 1888 et s'intitule "Le Côtier de la

compagnie des omnibus", et fait partie des quatre illustrations de l'article d'Emile

Michelet : "l'Eté à Paris".  qui parut dans "Paris Illustré" du 7 juillet 1888.

En effet Lautrec, affichiste,  caricaturiste, était aussi illustrateur  des périodiques

de cette époque et ils étaient nombreux : Le Mirliton de Bruant, le Figaro illustré,

l'Escarmouche, la Revue Blanche, le Rire, Gin Cocktail ou le Courrier français.


              https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53120637r/f15.item



Précurseur d'Hitchcok, il se représente lui-même sur la plate-forme d'un omnibus

et assiste à l'attelage du prochain omnibus : son conducteur semblant même

dialoguer avec son cheval.

Lautrec accordait beaucoup de soin à la préparation de ces dessins où il utilisait

peu de couleurs puisqu'ils étaient destinés à paraître en noir et blanc.

Il traçait tout d'abord une esquisse au fusain qu'il décalquait au lavis ou à l'encre

de Chine afin d'obtenir un dessin précis, apte à être reproduit mécaniquement.
               
Il faut souligner  que malgré sa fortune  et un art qui sut s'inspirer de ses

contemporains, et trouver sa propre voie, tel van Gogh ,il fut interné en janvier

1899 pour de brèves crises de folies.  Faut-il en incriminer l'alcool ou une

sensibilité exacerbée .. ?

Probablement les deux..........

https://www.ladepeche.fr/article/2015/01/25/2036023-boisson-sulfureuse-xixe-siecle-puis-interdite-absinthe-revient-mode.html

Evitez !!










samedi 27 juin 2020

Tristan Bernard au vélodrome Buffalo.

  "Tristan Bernard (1866 - 1946), pein de verve et de versalité, était un ami de

Lautrec. Il fut d'abord notaire, puis homme d'affaires, et, plus tard, journaliste

réputé, auteur, dramaturge et organisateur sportif. Lautrec fit sa connaissance

dans le cercle des collaborateurs de "La Revue Blanche", magazine littéraire qui

devint célèbre aprés avoir été repris par les frères Natanson en 1891.

Dans le premier numéro de la nouvelle série Tristan Bernnard écrivit un article,

intitulé "Du symbole  la chanson de café-concert", qui marque le début de sa

carrière littéraire.

Bernard et Lautrec avaient beaucoup de points communs ; ils avaient tous deux la

répartie facile, aimaient faire des plaisanteries, débitaient avec facilité épigrammes

et histoires pleines d'esprit, appréciaient la bonne chère et s'enthousiasmaient

pour toutes sortes de sports. En 1895, quand ce tableau fut peint, Bernard était   

rédacteur en chef au Journal des vélocipédistes et directeur sportif du vélodrome

Buffalo et du vélodrome de la Seine, les deux pistes cyclistes les plus populaires de

la région de Paris. Le cyclisme était en vogue à cette époque, et Lautrec allait très

souvent le dimanche avec Bernard regarder les courses - mais Tristan Bernard

écrivit que Lautrec semblait s'jntéresser plus au cadre et aux gens qu'aux résultats

eux-mêmes. Lautrec fit la connaissance de la plupart des champions cyclistes par

l'intermédiaire de son ami.

Tristan Bernard était aussi célèbre pour ses soirées littéraires. Ses réceptions du  

mercredi soir, auxquelles Lautrec se rendait souvent, étaient fréquentées par des

personnages comme Henri Régnier, Romain Coolus, Léon Blum, Vuillard, Bonnard

K. -X Roussel, Vallotton et Lucien Guitry.

 

                                                                    Huile sur toile - 1895 65 X 81 cm

     "Nous sommes ici en présence d'un des portraits les plus spirituels et originaux

que peignit Lautrec :  le visage et l'expression du modèle n'ont pas d'importance,

mais l'artiste a pu néammoins évoquer la personnalité du sujet, grâce à son

attitude, à ses vêtements, et le cadre dans lequel il est placé. Rien n'est plus

caractéristique - malgré son incongruité - que le spectacle de ce petit homme

trapu, avec son chapeau melon sur l'oreille et sa barbe noire et touffue, debout au

milieu d'une grande piste, en train de contempler une tribune vide et deux

cyclistes qui s'entraînent ! Ce portrait est un excellent exemple de la façon sobre

dont Lautrec utilisait ses moyens artistiques."

             https://citation-celebre.leparisien.fr/auteur/tristan-bernard

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/13144-portrait-de-tristan-bernard?offset=18

vendredi 26 juin 2020

Lautrec : le Cirque Fernando : l'Ecuyère

 Cooper va faire un parallèle entre cette "écuyère" et la toile de Seurat :" le cirque".

Il va vous l'expliquer :


 1888 - Huile sur toile 100 X 161

                                             https://www.youtube.com/watch?v=FJ3edo6VsM4


                  https://www.youtube.com/watch?v=Pq9gwTvkNZg

                 " Ce tableau présente une grande importance dans l'oeuvre de Lautrec

parce qu'il est sa première tentative de composition à plusieurs personnages, sa

première grande expérience picturale et sa première scène de cirque. C'est aussi

avec ce tableau qu'il abandonna la forme naturaliste de représentation dont il avait

usé jusqu'ici et qu'il essaya de créer une impression d'espace et de mouvement au

moyen de méthodes nouvelles.

L'espace pictural est limité par la balustrade circulaire de la piste qui divise le

tableau à peu près en deux ; l'effet de profondeur est réduit plus encore par la vue

plongeante sur la piste, créant ainsi un plan incliné qui remplit toute la toile. La

scène entière paraît donc aplatie, et cette impressiion est accentuée du fait que la

distance séparant le régisseur des deux clowns n'est pas indiquée de façon précise

et que le raccourci du cheval au trot est exagéré. En conséquence, tous les

personnages semblent plaçés à peu près sur le même plan.

Nous ne savons pas exactement quand Lautrec peignit "l'Ecuyère", mais ce fut

probablement à la fin de 1888. En tout cas le tableau fut accroché dans le foyer du

Moulin Rouge dès son ouverture, en octobre 1889, et il est certain que Seurat

l'avait vu avant d'entreprendre sa propre composition, qui date de 1890-1891.

Ainsi la ressemblance des deux oeuvres ne peut-être purement accidentelle. Mais

il existe entre elles une différence très importante quant à l'évolution stylistique

des deux artistes : tandis que la première est une expérience inattendue,

" Le Cirque"  est né de la science picturale que Seurat avait acquise depuis ses

débuts dans une "Baignade" en 1883. Ce n'est évidemment pas pour cette seule

raison que l'oeuvre de Seurat est plus réussie ; la composition du "Cirque" est plus

ferme, et le tableau n'est pas entaché de caricature ; en outre, le tracé linéaire est

allié à une façon scientifique d'appliquer la couleur qui simule les valeurs de

lumière et confère au tableau un sens de la profondeur plus grand.

Il est intéressant de souligner l'importance des rythmes linéaires et des contours   

expressifs parce qu'à partir de  ce moment, Lautrec va de plus en plus exploiter

ces éléments. Remarquons aussi l'usage très simplifié de la couleur en

comparaison de  la toile "A Batignolles".



                                                          1888 -  Huile sur Toile 92 X 65 cm

     " Ce tableau est peint à la manière impressionniste et doit beaucoup à Manet. Il

est en même temps plus ambitieux que les tableaux que Lautrec avait peints

jusqu'alors, et sa facture large et aisée indique la progression d'un style plus

personnel. On remarquera le fond de feuillage, traité de façon à supprimer toute

illusion spatiale. Le peintre s'est surtout intéressé à la luminosité du pâle visage du

modèle sous son auréole de cheveux " couleur de feu".

mercredi 24 juin 2020

Henri de Toulouse-Lautrec : Portrait de van Gogh

 Un voisin !  pour la toulousaine que je suis.. dont le musée, très beau, est à Albi.

Mais un citadin, un parisien et les sujets de sa peinture allient difficilement l'art et

la nature. Je ne vais pas vous proposer les "Moulins rouges"  les "Goulues" ou

"Valentin le désossé", mais sortir des toiles très connues pour admirer ce pastel

représentant Vincent van Gogh.

                     https://www.youtube.com/watch?v=fsINL8c6iv4

https://www.youtube.com/watch?v=bb6NqQ07HGE&vl=fr


Pastel sur carton 54 X 45 cm

                    " Vincent Van Gogh arriva à Paris en mars 1886 et s'inscrivit peu de

temps après à l'atelier Cormon, mais il ne fit pas la connaissance de Lautrec avant

l'automne de cette année. Cependant, jusqu'au départ de Vincent pour Arles, en

février 1888, les rapports des deux artistes furent très amicaux. Ce portrait ,

probablement exécuté vers la fin de 1887, présente la particularité d'être un

pastel, moyen pictural que Lautrec n'utilisa que pour ce tableau, une étude du

"Salon de la rue des Moulins" et que pour quelques petites esquisses. Il est

manifestement le résultat d'une observation attentive du sujet, mais parait

pourtant avoir été réalisé en une seule séance ; en tout cas, la ressemblance est

excellente et le tableau est traité avec une facilité et une aisance exceptionnelle.

Autant dans le choix de ses couleurs que dans sa curieuse façon de procéder, par

séries de hachures. Lautrec paraît avoir été influencé par la manière même de van

Gogh. L'influence de van Gogh sur l'évolution du style de Lautrec pendant cette

période et par la suite fut plus importante qu'on ne le croit généralement. En effet

on peut la déceler dans un grand nombre de tableaux, en particulier dans le

"Portrait de Justine Dieuhl" (1891). De plus, il semble que la facture caractéristique

 de Lautrec - longues et larges touches de peinture peu diluée - était, dans une

certaine mesure, inspirée de l'exemple de van Gogh, dans les tableaux tels que

l'Italienne ou le "Portrait du Père Tanguy", également en 1887.

Lautrec et van Gogh avaient des tempéraments trop différents pour devenir amis

intimes et nous ne savons pas ce que Lautrec pensait de la peinture de van Gogh.

 Celui-ci, cependant considéra toujours l'oeuvre de Lautrec avec beaucoup de

respect, et on lui doit d'avoir persuadé son frère Théo, directeur de la maison

Boussod et Valadon, d'acheter quelques toiles de Lautrec. Van Gogh a peut-être

subi l'influence de Lautrec dans son tableau "Mademoiselle Gachet au piano".

                                                                                Douglas Cooper

     Témoignage de l'enfance de Toulouse Lautrec

               https://www.youtube.com/watch?v=1CZZ2rzbxDY

Portraits de Victor Chocquet et de Paul Durand-Ruel et ses fils : Renoir

Peut-être moins attractifs que des paysages ou des bouquets mais très

représentatifs de la grande histoire de l'impressionisme, acteurs majeurs de la  

découverte de ses artistes, de leur valorisation, grâce à leurs collections privées

et à l'ouverture commerciale vers le monde  dont ils furent les acteurs.

 On voit cela de plus près :


                                            Portrait de Victor Chocquet

                                                                 vers 1876 - Huile, 46 X 36 cm


                " Une sorte de célébrité enveloppe cet homme, par ailleurs obscur

employé des douanes ; il était l'ami et le modèle de quelques uns des plus grands

artistes de son temps. Amateur passionné de l'art d'avant-garde, Chocquet

découvrit l'oeuvre de Renoir à la vente historique des impressionnistes, en 1875, à

l'Hôtel Drouot. Il lui écrivit immédiatement, lui demandant de faire le portrait de

Mme Chocquet avec dans le fond, un tableau de Delacroix : " Je vous veux tous les

deux, vous et Delacroix."Le peintre fit ensuite deux portraits de Chocquet. Exécuté

à un moment de sa vie où Renoir, assailli de problèmes financiers, avait

douloureusement besoin d'un amateur, ce portrait affectueux montre avec

évidence combien l'artiste fut touché par l'enthousiasme, la sensibilité, la

gentillesse du modèle.

La tonalité délicate, lumineuse, la légéreté de la touche révèlent le style

 authentique de Renoir à cette époque, différent du traitement plus compassé de

ses portraits bourgeois de commande. L'alliance merveilleuse d'une compréhension

pleine de sympathie de la personnalité de Chocquet et d'une élégante maîtrise

technique convient parfaitement à ce portrait détendu.

Cézanne aussi a peint Chocquet. Dans sa version, on est immédiatement frappé

par sa facture rude, presque brutale, sa préoccupation de la structure, les os sous

la chair. Renoir, captivé par la personnalité du sujet, montre combien compte

davantage pour lui le rayonnement spirituel de l'homme ( en dernière analyse les

portraitistes, au meilleur de leur inspiration, se peignent eux-mêmes autant que

leurs modèles).

Dans le rendu spontané, presque négligé, de la chemise et de la chevelure, cet

amour du naturel, inhérent à la plupart des portraits intimes de Renoir, se voit

mieux encore. L'exécution libre et délicate des doigts, dont les contours sont

inexacts, révèle beaucoup d'instinct et une grande part d'essai ; c'est vers ce qui

est éprouvé, ressenti, que se porte l'inérêt de Renoir.

 Sur ses maigres ressorces, Chocquet acheta des toiles à Renoir, à Cézanne et aux

autres impressionnistes avant qu'ils fussent appréciés du grand public. Il

combattit acvec zèle pour faire reconnaître les jeunes peintres et constitua une

éblouissante collection de leurs oeuvres qui fut dispersée après sa mort."


                                           Paul Durand-Ruel

      1910 Huile, 65 X 54 cm

                             " Il y a cent ans il n'existait pas à Paris de galeries d'art

comme aujourd'hui, avec leurs expositions constamment renouvelées, leurs

publications, leurs "écuries" d'artistes ; il y avait seulement quelques boutiques

 où l'on pouvait voir de la peinture. Les artistes ne devaient compter, pour vivre de

leur profession, que sur des ventes problématiques, l'espoir des commandes

publiques, des postes d'enseignement et la chance. Pour les peintres d'avant-garde

la route était dure.

Peu après l'Exposition Universelle de Paris en 1855, Paul Durand-Ruel, marchand

de tableaux, ouvrit une boutique rue de la Paix. Il avait combattu pour faire

reconnaître les peintres de Barbizon, dont les paysages paraissent maintenant  si

arcadiens dans leur paix et leur intimité: et il devait bientôt livrer les plus âpres

batailles :il se fit le champion des impressionnistes. Il commença d'acquérir leurs

oeuvres vers 1870 et, dès lors, son destin et celui des impressionnistes furent

étroitemen liés.

En 1886, toujours attaqué par les critiques, il prit conseil d'un ami américain et

exposa aux Etats-Unis un choix de peintures. Comme il le rappelle dans ses

Mémoires : "L'exposition eut un immense succès de curiosité et, à l'inverse de ce

qui s'était passé à Paris, elle ne provoqua ni tapage, ni stupides remarques et ne

souleva aucune protestation. La presse fut unanimement favorable et de nombreux

articles élogieux parurent dans les journaux de New-York et de toutes les grandes

villes des Etats-Unis."

Le résusltat de cet accueil (en réalité moins unanime qu'il ne l'évoque) fut

l'ouverture de la Galerie Durand-Ruel à New-York.

C'est en grande partie aux efforts de cet homme que les problèmes financiers de

Renoir - et ceux des autres impressionnistes - furent résolus. Et c'est ainsi qu'il se

tailla pour lui-même une place dans l'histoire de la peinture moderne."



                                     Charles et Georges Durand-Ruel


                                                                    1892 - Huile, 64 X 81 cm

                        " Dans ce portrait direct, Renoir nous donne l'image de deux des

fils du célèbre marchand qui, de bonne heure, encouragea les impressionnistes.
 
Il y a dans la composition une certaine maladresse  (pas tant que cela, je trouve )

quelque chose de posé qui n'existe pas dans les oeuvres mieux réussies du

peintre. Cependant dans cette toile, l'exécution des accessoires est superbe. Le

vêtement plus clair de l'homme à gauche offre un excellent exemple de la façon

dont Renoir recherche les multiples variations d'une seule couleur de base , et le

costume sombre, plus largement traité, présente une belle richesse de valeurs. Le

feuillage arrière, quoique librement brossé, donne une sensation d'exubérance et

de profondeur. Cette peinture est la dernière exécutée selon le style

impressionniste des débuts."

                   https://www.youtube.com/watch?v=W9SdbAVzWEI

https://www.youtube.com/watch?v=QF4Q437x33A