jeudi 12 juillet 2018

le voyage à Tahiti : suite


                                              Parahi Te Marae ( Là est le Temple) 1892

     "... Par la vallée du Punaru - la grande fissure de Tahiti - on parvient au plateau de Tamanaou. De là on peut voir le Diadème, l'Oroféna, l'Arorai ; - le centre de l'Ile.  Bien des hommes m'en avaient parlé, et je formais le projet d'y aller, seul, y passer quelques jours.

 - Mais, la nuit, que feras-tu ?
 - Tu seras tourmenté par les tupapaus  ?
 - Il faut que tu sois téméraire ou fou pour aller déranger les esprits de la montagne !

Et cette inquiète sollicitude de mes bons amis tahitiens ne faisait que surexciter ma curiosité.
Je partis donc un matin.
Près de deux heures durant, je pus suivre un sentier qui longeait la rivière du Punaru. Mais ensuite je fus à plusieurs reprises obligé de traverser la rivière.
Encore de chaque côté les murailles de la montagne se faisaient-elles de plus en plus droites projetant jusqu'au milieu de l'eau d'énormes quartiers de rocher. Force me fut bien en définitive de continuer mon voyage dans l'eau, et j'en avais tantôt jusqu'aux genoux, tantôt jusqu'aux épaules.
Entre les deux murailles excessivement élevées le soleil pointait à peine. Dans le ciel ardemment bleu on apercevait presque, en plein jour, les étoiles.

Vers cinq heures, le jour baissant, je commençais à me préoccuper de l'endroit où je passerais la nuit, quand j'aperçus à droite, un hectare de terrain presque plat où croissaient pêle-mêle les fougères, les bananiers sauvages et les bouraos.
J'eus la chance de trouver quelques bananes mûres. A la hâte je fis un feu de bois pour les cuire, et ce fut mon repas.
 Puis tant bien que mal, au pied d'un arbre sur les branches duquel j'avais entrelacé des feuilles de bananier pour m'abriter en cas de pluie, je me couchais.

Il faisait froid et ma traversée dans l'eau me laissait grelottant. Je dormis mal. Dans la crainte que les cochons sauvages ne vinssent m'écorcher les jambes, j'avais passé à mon poignet la corde de ma hache.
La nuit était profonde. Impossible de rien distinguer, sauf, tout près de ma tête une sorte de poussière phosphorescente qui m'intriguait singulièrement.
Je souris en pensant aux contes que m'avaient faits les Maoris à propos du Tupapau, cet esprit malfaisant qui s'éveille avec la nuit pour tourmenter les hommes endormis. Sa capitale est au coeur de la montagne que la forêt  habille de ténèbres. Là, il  se multiplie et les âmes de tous les morts viennent grossir ses légions.
Malheur au vivant qui se risque dans ces lieux infestés par les démons ! Et j'étais cet imprudent. Aussi mes rêves furent-ils assez agités. Je sus plus tard que cette poussière lumineuse émane de petits champignons d'une espèce particulière : ils poussent dans les endroits humides sur les branches mortes comme celles qui m'avaient servi à faire du feu.
Le lendemain matin je me remettais en route.
La rivière, de plus en plus accidentée, ruisseau, torrent, cascade, se contourne de plus en plus, le sentier me manque fréquemment, et c'est souvent des mains que je m'aide à marcher, passant de branche en branche en ne m'appuyant que très peu sur le sol.
Du fond de l'eau des écrevisses d'une taille extraordinaire me regardaient, semblant me dire : "Que viens-tu faire "? et des anguilles séculaires fuyaient à mon approche.

Tout-à-coup, à un détour brusque, j'aperçus dressée contre la paroi du rocher  qu'elle caressait plutôt qu'elle ne s'y retenait de ses deux mains, une jeune fille nue : (chaque thème d'inspiration est pour Gauguin matière à traiter différemment son sujet ; dans l'article précédent la jeune fille est effectivement nue mais sur   cette toile conservée à la Fondation Bürhle à Zurich  il la vêt d'un paréo blanc)




































Pape Moe (Eau mystérieuse) 1893

elle buvait à une source jaillissante, très haut, dans les pierres. lorsqu'elle eut fini de boire, elle prit de l'eau dans ses mains et se la fit couler entre les seins.
Puis  -  je n'avais pourtant fait aucun bruit - comme une antilope peureuse qui d'instinct devine l'étranger, elle pencha la tête scrutant le fourré où j'étais caché.
Et mon regard ne rencontra pas le sien. A peine me vit-elle ! qu'elle plongea aussitôt, en criant ce mot : Tuehae  (féroce) ! Précipitamment je regardais dans l'eau : personne. Rien qu'une énorme anguille qui serpentait entre les petits cailloux du fond.

Non sans difficulté ni fatigue je parvins tout près de l'Aroraï ; le sommet de l'île, la montagne redoutée. C'était soir, la lune se levait et en la regardant, je me rappelais ce dialogue sacré, dans ce lieu précisèment que la légende lui assigne pour théatre ;

" Hina disait à Tefaou : - Faites revivre l'homme quand il sera mort "
Le Dieu de la Terre répondit à la Déesse de la lune :

- Non, je ne le ferai point revire. l'homme mourra, la végétation mourra ainsi que ceux qui s'en nourrissent : la terre mourra, la terre finira, elle finira pour ne plus renaître" 

" Hina répondit : Faites comme il vous plaira. Moi, je ferai revivre la Lune"
 Et ce que possédait Hina continua d'être, ce que possédait Téfatou périt et l'homme dût mourir "

autre version aussi des nus  de Gauguin :  toujours le drap couleur écorce, mais ici le paréo bleu et c'est la naissance du Christ ;  Te Tamari No Atua : plus tardive,  1896 ; conservée à Munich au Bayrische Staatsgemâlde Sammlungen.

   
Gauguin est devenu père et reste attaché au christianisme occidental ; il mêle alors son christianisme à quelques sujets profanes que je vous montrerai demain.

Au fur et à mesure de cette lecture et des peintures qui ont  illustré ses propos, je redécouvre un artiste que la tradition a présenté comme un original tourmenté, naïf et sans doute égoiste, toujours en quête d'un univers d'extase et de calme qu'il ne trouvera jamais.
On dit que ses ascendances péruviennes  expliquent peut-être son gout pour l'exotisme .
Il quittera Tahiti,  puis,  Panama, la Martinique,  et les Marquises (1901) où il repose aux cotês de Jacques Brel

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%27o%C3%B9_venons-nous_%3F_Que_sommes-nous_%3F_O%C3%B9_allons-nous_%3F

mercredi 11 juillet 2018

Le voyage à Tahiti : suite


                                     Paysage Tahitien 1893 : Institute of Arts. Minneapolis

  "J'étais, donc, moi, l'homme civilisé inférieur, pour l'instant aux sauvages vivant heureux autour de moi, dans un lieu où l'argent, qui ne vient pas de la nature, ne peut servir à l'acquisition des biens essentiels que la nature produit : et comme l'estomac vide je songeais tristement à ma situation, j'aperçus un indigène qui gesticulait vers moi en criant.
Les gestes très expressifs, traduisaient la parole  et je compris - mon voisin m'invitait à dîner. Mais j'eus honte. D'un signe de tête je refusai. Quelques minutes après, une petite fille déposait sur le seuil de ma porte, sans rien dire, quelques aliments proprement entourés de feuilles fraîches cueillies, puis se retirait.
J'avais faim: silencieusement aussi j'acceptai. Un peu plus tard, l'homme passa devant ma case, et me souriant, sans s'arrêter, me dit sur le ton interrogatif ce seul mot : Païeu ? - je devinais : "Es-tu satisfait ?" 
Ce fut, entre ces sauvages et moi, le commencement de l'apprivoisement réciproque 
... Déjà pourtant je commençais à comprendre leur grâce réelle...Cette petite tête brune aux yeux tranquilles, par terre sous des touffes de larges feuilles de giromons ; ce petit enfant qui m'étudiait à mon insu et s'enfuit quand mon regard rencontra le sien. Comme eux pour moi, j'étais le "sauvage". Et c'est moi qui avait tort, peut-être.




                           Fatata te Miti : 1892. (Près de la mer) 
                                                              National Gallery. Washington

             Je commençais à travailler : notes et croquis de toutes sortes.
Mais le paysage, avec ses couleurs franches, ardentes, m'éblouissait, m'aveuglait. Jadis toujours incertain, je cherchais de midi à quatorze heures...
Cela était si simple pourtant de peindre comme je voyais, de mettre sur ma toile, sans tant de calculs, un rouge, un bleu! Dans les ruisseaux, des formes dorées m'enchantaient ; pourquoi hésitais-je à faire couler sur ma toile tout cet or et toute cette joie du soleil ? Vieilles routines d'Europe, timidités d'expression de races dégénérées !...
Pour bien m'initier au caractère si particulier d'un visage tahitien, à tout ce charme d'un sourire maorie, je désirais depuis longtemps faire le portrait d'une de mes voisines, une femme de pure extraction tahitienne.
Je profitai, pour le lui demander, d'un jour où elle s'était enhardie jusqu'à venir voir dans ma case des photographies de tableaux.
Elle regardait avec un intérêt tout spécial l'OLYMPIA.
 - Qu'en penses-tu ? lui dis-je (j'avais appris quelques mots de tahitien depuis des mois que je ne parlais plus le français).
- Elle est bien belle 
                                                    Hina Tefatou (la Lune et la Terre) 1893
                                          Museum of Modern Art New-York
 
 Je souris à cette réflexion et j'en fus ému. Elle avait le sens du beau ! Mais que diraient d'elle les professeurs de l'Ecole des Beaux-Arts? Elle ajouta tout à coup rompant le silence qui préside à la déduction des pensées :
-C'est ta femme ?
-Oui.
  Je fis ce mensonge ! Moi le "Tane" de l'Olympia !
Pendant qu'elle examinait très curieusement quelques tableaux religieux des "Primitifs" italiens, j'essayai d'esquisser son portrait, m'efforçant surtout de fixer ce sourire énigmatique. Elle fit une moue désagréable, prononça d'un ton presque courroucé :"Aita"  (non) et se sauva.
Une heure après, elle était là de nouveau, parée d'une belle robe, une fleur à l'oreille.
Que s'était-il passé dans son esprit ?
  Pourquoi me revenait-elle ? Etait-ce un mouvement de coquetterie, le plaisir de céder après avoir résisté , ou l'attrait du fruit défendu ? Ou simplement le caprice sans autre mobile que lui-même, le simple et pur caprice dont les Maories sont si coutumières ?  J'eus conscience que mon examen de peintre comportait avec une profonde étude de la vie intérieure du modèle, comme une prise de possession physique, comme une sollicitation tacite et pressante comme une conquête absolue et définitive.
Elle était peu jolie, en somme, comme les règles européennes de l'esthétique.
Mais elle était belle.
Tous ses traits offraient une harmonie raphaélique dans la rencontre des courbes, et sa bouche avait été modelée par un sculpteur qui parle toutes les langues de la pensée et du baiser, de la joie et de la souffrance.
Et je lisais en elle la peur de l'inconnu, la mélancolie de l'amertume mêlée au plaisir, et de don de la passivité qui cède apparemment et somme toute, reste dominatrice.


                                Manao Tupapau  (l'Esprit des morts veille) 1892
                                                             Museum of Modern Art New-York 

 Je travaillai en hâte - me doutant bien que cette volonté nétait pas fixe - en hâte et avec passion.
J'ai mis dans ce portrait ce que mon coeur a permis à mes yeux de voir, et surtout peut-être ce que les yeux, seuls, n'eussent pas vu, cette flamme intense d'une force contenue... Son front, très noble, rappelait par des lignes surélevées cette phrase d'Edgar Poë : "Il n'y a pas de beauté parfaite sans une certaine singularité dans les proportions" Et la fleur qu'elle avait à l'oreille écoutait son parfum.
Maintenant je travaillais plus librement mieux.


          Par ailleurs, Gauguin parle encore de ce tableau  d'une façon très détaillée. (Ce serait merveilleux si l'on trouvait toujours, et c'est toujours la question que je me pose, lorsque le tableau, certes avec un titre, s'offre à vous ; quel était son contexte, que désirait le peintre, quelles relations avec son modèle,  personnage ou paysage ?)
   "Une jeune fille canaque est couchée sur le ventre, montrant une partie de son visage effrayé. Elle repose sur un lit garni d'un paréo bleu et d'un drap jaune de chrome clair... séduit par une forme, un mouvement, je les peins sans aucune autre préoccupation que de faire un morceau de nu.
Tel quel, c'est une étude de nu un peu indécente, et cependant j'en veux faire un tableau chaste et donnant l'esprit canaque, son caractère, sa tradition.
Le paréo étant  lié intimement à l'existence d'un Canaque, je m'en sers comme de dessus de lit.
Le drap, d'une étoffe écorce d'arbre, doit être jaune, parce que de cette couleur il suscite pour le spectateur  quelque chose d'inattendu ; parce qu'il suggère l'éclairage d'une lampe...
Il me faut un fond terrible. Le violet est tout indiqué.
Voilà la partie musicale tout échafaudée...
Je ne vois que la peur. Quel genre de peur ? Certainement pas la peur d'une Suzanne surprise par les vieillards. Cela n'existe pas en Océanie. Le Tupapau (Esprits des morts) est tout indiqué. Pour les canaques, c'est la peur constante... Une fois mon Tupapau trouvé, je m'y attache complètement et j'en fais le motif de mon tableau. Le nu passe au deuxième plan.
Que peut bien être pour une canaque un revenant ? Elle ne connaît pas le théâtre, la lecture des romans et, lorsqu'elle pense à la mort, elle pense nécessairement à quelqu'un de déjà vu.
Mon revenant ne peut qu'être une petite bonne femme quelconque...
Le titre" Mano Tupapau" a deux sens : ou elle pense au revenant, ou le revenant pense à elle.
Récapitulons. partie musicale ; lignes horizontales ondulantes ; accords d'orangé et de bleu, reliés par des jaunes et des violets, leurs dérivés, éclairés par des étincelles verdâtres.
Partie littéraire : l'Esprit d'une vivante liè à l'Esprit des morts. la Nuit et le Jour.

 remarque personnelle, je ne vois pas le bleu du paréo et les étincelles  ne sont pas verdâtres.... autre version du tableau ?


mardi 10 juillet 2018

Gauguin : le Voyage à Tahiti : suite

                       
                                  Nave Nave Mahana (Jours délicieux) 1896
                                         
                                                            Musée des Beaux-Arts. Lyon

        "Je savais bien que son amour très intéressé, n'eut guère pesé plus lourd dans le clan des esprits européens, que la complaisance vénale d'une fille.
Mais j'y distinguais autrechose. Ces yeux-là et cette bouche ne pouvaient mentir.
Chez toutes ces Tahitiennes l'amour est tellement dans le sang, tellement essentiel, qu'intéressé ou désinteressé, c'est toujours de l'amour.
La route fut en somme assez vite parcourue, quelques causeries insignifiantes et un paysage riche et monotone.
Toujours, sur la droite, la mer, les récifs de corail et des nappes d'eau qui parfois s'élevaient en fumée quand se faisait trop brusque la rencontre de la lame et du roc.
A midi, nous achevions notre quarante-cinquième kilomètre et nous atteignions le district de Mataïeu.
je visitais le district et je finis par trouver une assez belle case que son propriétaire me céda en location.
Il s'en construirait une autre à côté pour l'habiter.
Le lendemain soir, comme nous revenions à Papeete, Titi me demanda si je consentais à la prendre avec moi.
- Plus tard dans quelques jours, quand je serai installé.-
J'avais conscience  que cette demi-blanche qui avait à peu près oublié sa race, ses différences, au contact de tous ces européens, ne pourrait rien m'apprendre de ce que je voulais savoir, rien me donner du bonheur particulier que je désirais. Et puis me disais-je, à l'intérieur, à la campagne, je trouverai ce que je cherche et je n'aurai que la peine de choisir. Mais la campagne n'est pas la ville.
 ... Je ne suis plus à Papeete mais au district de Mataïeu.
D'un côté la mer et de l'autre, la montagne, la montagne béante, crevasse formidable que bouchait, adossé au roc, un groupe énorme de manguiers.
Entre la montagne et la mer s'élevait ma case en bois de bourao. Et près de ma case, il y en avait une autre petite - Fare amu (maison pour manger) .


                                                               Te Rerioa  ((le Rêve 1897)

C'est le matin. sur la mer, contre le bord, je vois une pirogue, et dans la pirogue une femme ; sur le bord un homme presque nu ; à côté de l'homme un cocotier malade semble un immense perroquet dont la queue dorée retombe et qui tient dans ses serres une grosse grappe de cocos.
L'homme lève de ses deux mains dans un geste harmonieux et souple, une hache pesante qui laisse en haut son empreinte bleue sur le ciel argenté, en bas son incision sur l'arbre mort où vont revivre en un instant de flammes les chaleurs séculaires jour à jour thésaurisées.

Sur le sol pourpre, de longues feuilles serpentines d'un jaune métallique me semblaient les caractères écrits de quelque lointaine langue orientale, et j'y croyais lire ce mot originaire d'Océanie ;  Atua, Dieu , le Ta'ata ou Takata qui, de l'Inde, rayonne partout, se retrouve dans toutes les religions...

   Aux yeux de Tathagata les plus splendides magnificences des rois et de leurs ministres ne sont que du crachat et de la poussière;
   A ses yeux la pureté et l'impureté sont comme la danse des six nagas.
   A ses yeux la recherche de la voie du Buddha est semblable à des fleurs...

 Dans la pirogue la femme rangeait quelques filets.
La ligne bleue de la mer était fréquemment rompue par ,le vert de la crète, des lames retombant sur les brisants du corail .
 J'allai ce soir-là, fumer une cigarette sur le sable au bord de la mer.
Le soleil, rapidement descendu sur l'horizon, était à demi caché déjà par l'île Moréa que j'avais à ma droite.
Les oppositions de lumière accentuaient nettement et puissamment, noires sur le ciel incendié, les montagnes, dont les arêtes dessinaient d'anciens châteaux crénelés. 
Est-ce en vain que cette idée féodale me poursuit devant ces aspects naturels ? Là-bas, ce sommet a la forme d'un cimier gigantesque. Les flots, autour de lui, qui font le bruit d'une foule immense, ne l'atteindront jamais.
Seul debout parmi toutes les grandeurs écroulées le CIMIER protecteur reste, voisin des Cieux. De là un regard caché plonge dans les eaux profondes où fut englouttie la foule des vivants coupables d'avoir touché à l'arbre de la Science coupables du péché de la tête - et le CIMIER, une Tête aussi, avec je ne sais quelle analogie avec le SPHINX, semble par la fissure vaste où serait la bouche, adresser majestueusement, l'ironie ou la compassion d'un sourire aux flots où dort le passé...
La nuit tomba vite - Moréa dormait. Le Silence. J'apprenais à connaître le silence d'une nuit tahitienne...
.... Cependant, je me sentais là bien seul.
De part et d'autre, les habitants du district et moi, nous nous observions, et la distance entre nous restait entière.
Dès le surlendemain j'avais épuisé mes provisions. Que faire ? Je m'étais imaginé qu'avec de l' argent je trouverai tout le nécessaire de la Vie. Erreur ! c'est à la nature qu'il faut s'adresser pour vivre et elle est riche et elle est généreuse : elle ne refuse rien à qui va lui demander sa part des trésors qu'elle garde dans ses réserves, sur les arbres dans la montagne, dans la mer. Mais il faut savoir monter aux arbres élevés, aller dans la montagne et en revenir chargé de fardeaux pesants, prendre le poisson, plonger, arracher dans le fond de la mer le coquillage solidement attaché au caillou.

                                          Le Pauvre Pêcheur 1896

                                                         Musée de Arte. Sao Paulo, Brésil 

                                                               à suivre

lundi 9 juillet 2018

Paul Gauguin : Noa Noa

Au moment où beaucoup s'apprêtent à partir pour des destinations lointaines

 ou même les plages de l'exagone,  je vous propose un voyage à Tahiti, conté 

par Gauguin lui-même. Le récit manuscrit de ce voyage est conservé au

 Cabinet des Dessins du Musée du Louvre :

                                                                       Mahana No Atua  1894
                                                            Art Institute Chicago

 Au centre de la toile siège Taaroa créateur du monde dans le panthéon Maori, de part et d'autre offrandes et danses rituelles , l'ensemble du tableau se veut représenter la création.

   "le 8 juin, dans la nuit, après soixante jours de traversées diverses - soixante
 -trois jours pour moi de fièvreuse attente, d'impatientes rêveries vers la 
 terre désirée - nous aperçumes sur la mer des feux bizarres qui évoluaient en zigzags. Sur un ciel sombre se détachait un cône noir à dentelles.
Nous tournions Moréa pour découvrir Tahiti.

Quelques heures après le petit jour s'annonçait, nous approchant avec lenteur des récifs, le cap sur la pointe Vénus nous entrions dans la passe de Papeete et nous mouillions sans avaries dans la rade.
Le premier aspect de cette petite île n'a rien de féerique, rien de comparable, par exemple à la magnifique baie de Rio de janeiro.
Tout yeux je regardai sans esprit de comparaison.
C'est le sommet d'une montagne submergée aux jours curieux du déluge : l'extrème pointe seule dominait les eaux :  développant l'île nouvelle.
Elle continue à s'étendre, mais elle garde de son origine un caractère de solitude et de réduction que la mer accentue de son immensité...
A dix heures du matin  je me présentai chez le gouverneur (le Nègre Lacascade) qui me reçut comme un homme d'importance. Je devais cet honneur à la mission que m'avait ( je ne sais trop pourquoi) confiée le gouvernement français.
Mission artistique, il est vrai, mais ce mot aux yeux du nègre n'était que le synonime officiel  d'espionnage  et je fis vainement tous mes efforts pour le détromper. Tout le monde autour de lui partagea son erreur et quand je dis que ma mission était gratuite, personne ne voulut me croire.
La vie à Papeete me devint bien vite à charge. C'était l'Europe. L'Europe dont j'avais cru m'affranchir, sous les espèces aggravantes encore du snobisme colonial, d'une imitation puérile et grotesque jusqu'à la caricature.
Ce n'était pas ce que je venais chercher de si loin...
Une tristesse profonde s'empara de moi. Avoir fait tout le chemin pour trouver cela même que je fuyais ! le rêve qui m'amenait à Tahiti était cruellement démenti par le présent ;: c'est le Tahiti d'autrefois que j'aimais.
Et je ne pouvais me résigner à croire qu'elle fût  tout à fait anéantie, que cette belle race n'eût rien, nulle part, sauvegardé de sa vieille splendeur.
 Mais les traces de ce passé si lointain si mystérieux, quand elles subsisteraient encore, comment les découvrir, tout seul, sans indication, sans aucun appui ?
Retrouver le foyer éteint, raviver le feu au milieu de toutes ces cendres...

 Si fort que je sois abattu, je n'ai pas coutume de quitter la partie sans avoir tout tenté et aussi l'impossible. Ma résolution fut bientôt prise.
Partir de Papeete, m'éloigner du centre européen. je pressentais qu'en vivant tout à fait de la vie des naturels, avec eux, dans la brousse, je parviendrais, à force de patience à vaincre la défiance de ces gens-là et que je saurais.
Un officier de gendarmerie m'offrit gracieusement sa voiture et son cheval.
Je m'en allai, un matin, à la recherche de ma case.
Ma vahine m'accompagnait : Titi elle se nommait. presqu'Anglaise, elle parlait un peu le Français.
Elle avait mis ce jour-là sa plus belle robe ; une fleur à l'oreille, selon la mode maorie et son chapeau en fils de canne par elle-même tressé, s'ornait, au-dessus d'un ruban de fleurs en paille, d'une garnitue de coquillages orangés.
Ses cheveux noirs déroulés sur ses épaules, fière d'être en voiture, fière d'être élégante, fière d'être la vahine d'un homme  qu'elle croyait important et riche , elle était ainsi vraiment jolie, et toute sa fierté n'avait rien de ridicule tant l'air majestueux sied aux visages de cette race.
Ils gardent de leur longue histoire féodale et des vieux souvenirs des grands chefs, un ineffable pli d'orgueil."

  
 Les Seins aux fleurs rouges : 1899. Metropolitan Museum of Art New-York


                                                                                          à suivre

jeudi 5 juillet 2018

L'homme cerf

 Les sculptures de Michel Batlle ont envahi le parc  du château de Laréole.

Je vous y ai  déjà conduit  par le passé  (notamment pour les Arches de Daniel 

Coulet) et j'y reviendrai sans doute pour les intérieurs du château.



 Cette troupe immobile parcourt pelouses et allées, traversée par la nature, 


elle y trouve toute sa résonance et ainsi s'anime en silence.




                    
                 trouverez-vous un interlocuteur particulier parmi eux ?



          j'ai bien essayé........ mais ils restent muets 



        l'homme-cerf ne pouvait que me séduire et... j'ai bien tourné autour  !!!






Michel Batlle est aussi musicien


          





https://www.dailymotion.com/video/xdjb10

           http://www.espritsnomades.com/artsplastiques/batlle/batlle.html

                              relevé dans "La Dépêche"




,

Michel Batlle, peintre et sculpteur : «Ne te connais pas toi-même, c'est ma devise»

Expos - Arts

Du 08/06/2018 au 30/09/2018



Michel Batlle devant une de ses œuvres, au château de Laréole. / Photo DDM. Michel Labonne.
Michel Batlle devant une de ses œuvres, au château de Laréole. / Photo DDM. Michel Labonne.

Le château Renaissance de Laréole accueille tout l'été la première grande rétrospective consacrée au peintre et sculpteur toulousain.
Que signifie pour vous le titre de cette exposition, «artiste de plein vent» ?
Cela me correspond. Je résiste aux bourrasques du marché de l'art, de l'art comptant pour rien ou comptant pour tout (rires). Je n'ai pas d'agent, je ne suis pas dans les réseaux, je ne fais pas de concessions au marché. J'ai renoncé par exemple à monter un dossier de candidature pour avoir une de mes sculptures dans le métro à Toulouse. Trop compliqué. La première fois que j'ai exposé c'était en 1963, j'avais 17 ans. J'ai vécu de multiples expériences dans le milieu artistique, comme celle de créer la revue artistique Axe Sud dans les années quatre-vingt. J'ai présenté mes œuvres à Kiev, au Japon, aux Etats-Unis, ou encore à Berlin le jour de la chute du mur. Mais je ne suis pas un artiste reconnu.
Que représentent les humanoïdes installés dans la cour du château ?
Ce sont des chamans, sortes d'intermédiaires entre l'homme et les forces célestes et cachées de l'univers. Ils sont en acier soudé et mesurent environ 5 mètres de haut. L'enjeu dans ce type de sculptures est de trouver le moyen de les faire tenir debout ! Sur la tête du personnage de droite dans la cour, il y a un clin d'œil à la célèbre Vénus de Lespugue, statuette datée de plus de 25 000 ans. J'ai écrit un ouvrage sur cet objet, imaginant un dialogue avec son sculpteur, un sapiens des temps préhistoriques. Depuis mon adolescence, je suis passionné par la Préhistoire. J'ai réalisé la plupart de mes chamans pour des expositions dans des sites comme le Parc de la Préhistoire à Tarascon. J'ai besoin d'aller aux sources de l'Art, pour essayer de comprendre à quoi ça sert.
Vous êtes avant tout un peintre, venu à la sculpture il y a cinq ou six ans. Comment êtes-vous passé d'un art à l'autre ?
J'avais besoin de mettre mon art en volume. Mais la sculpture est beaucoup plus difficile que la peinture, plus physique, ce n'est pas tout le temps du plaisir.
Une de vos devises, c'est «ne te connais pas toi-même», pourquoi ?
C'est mon principe de base car je crois qu'on ne connaît pas 80 % de son cerveau. Je n'aime pas m'interroger. Moi je laisse aller, il n'y a pas de préméditation dans mon travail. De toutes manières, c'est le matériau qui impose ses règles.
Cette expo est votre première rétrospective. Quelles sont vos œuvres les plus récentes ?
Ce sont trois grands visages d'une série «éducation cubistique», peints sur du bois, puis découpés et recollés en intervertissant les lames. Cela donne un effet un peu cinématographique. Je peins beaucoup de visages, que j'appelle «mes monstres ordinaires».
« Michel Batlle, artiste de plein vent » jusqu'au 30 septembre au château de Laréole. Entrée libre.

Vernissage samedi

Près de 100 peintures, sculptures monumentales, dessins, objets de Michel Batlle sont exposés dans les salons, les galeries, le parc à la française du ravissant château de Laréole, patrimoine du Conseil départemental de Haute-Garonne situé à une quarantaine de kilomètres de Toulouse, près de Cadours. Un cadre exceptionnel pour parcourir la carrière de cet artiste engagé pour le respect des différences et des cultures. Sa série «guerres culturelles» en est le reflet. Michel Batlle vit à Revel. Il est né en 1944 à Toulouse, quai de Tounis, d'origine catalane par son père, réfugié politique de la guerre d'Espagne. C'est à partir de 1964 qu'il réalise ses premières peintures abstraites et expositions. Cet été, il créera une grande peinture en live, le 22 juillet, dans le parc du château de Laréole, s'accompagnant lui-même à la guitare électrique avec d'autres musiciens. Vernissage samedi 9 juin à 17 heures en présence de l'artiste.

mercredi 4 juillet 2018

Sculpture

 A Gondrin,  Olazabal et Popovici exposent

https://www.youtube.com/watch?v=wbiZfH7hzJ0

L 'Artothèque de Gondrin  est une des galeries avec laquelle je suis en relation.

 Vous partez là dans le Gers :

http://adpl.32.free.fr/artotheque/programgalerie.htm

                           petit dépaysement matinal ; sans photos !!

http://www.cartesfrance.fr/carte-france-ville/photos_32149_Gondrin.html


http://www.otxondo-urdax.com/fr-sculpteur/olazabal.php

https://www.tomapopovici.com/

https://www.eke.eus/eu/fitxategiak/euskal-pintura-50-urtez-2015


mardi 3 juillet 2018

Avant-gout de vacances

 Pour ceux qui ne partent pas encore (pour le moment on nage dans les grêlons gros comme des billes)
ou ceux qui ne privilégieront pas la mer ; petite interrogation ... où est-ce ?


        mer turquoise, fonds transparents ....   araignées géantes

                                            je vous donne des indices


       côtes escarpées, criques de rêve !!!

 
                                                    pins tordus par les tempêtes




             au pied desquels s'accroche la flore méditerranéenne (indice)













       cistes mauves



                       Plus difficile de s'accrocher sur ces pentes !!!



                    avant de fuir les lieux pour des cieux plus cléments