Celle de
Hanz Feyerabend pour les pierres et les blocs rocheux, celles des étranges formations géologiques découvertes dans le Yorkshire en Angleterre, mais aussi les paysages désertiques de l'Australie, et les paysages verdoyants et volcaniques de l'Indonésie.
Rêve de pierre. Vallée de la Romanche
Voilà d'abord ce qu'il dit des Ecrins:
Comme chaque jour, j'ai rejoint ma" cascade" de pierres jaunes et tachées de pourpre, noyée dans le vert frais des épiceas.
Les petits coups de marteau bien net du pic-vert et l'appel d'un coucou me teinnent compagnie alors que je fais des croquis en prépararion d'une toile intitulée "A la dérive".
Un curieux petit renard roux, surgissant dans mon décor, m'a longuement regardé avant de disparaître derrière le bloc rocheux puis de refaire son apparition de l'autre côté.
Il m'examine de tout près, avec d'imperceptibles mouvements de tête, et puis reprend tranquillement son chemin.
Pendant que je m'escrime à peindre, une souris des champs cherche à profiter de la situation; avec des mouvements frénétiques, elle tire un bout de mon pain jusqu'à son terrier, entre les pierres.
Et voici que soudainement, cette atmosphère paisible est rompue par la chute d'un gros bloc de pierre, bondissant sur les éboulis avec des bruits durs et secs, se cassant au passage en plus petits éclats. Les plus gros morceaux continuent leur course comme des météorites, traînant des queues blanches de poussière à chaque contact avec le sol avant de s'arrêter définitivement. Alors que le calme est revenu, il n'y a plus que les marmottes pour donner un écho à leur détresse par des cris d'alarme aigus.
Les nuages ont à présent gommé le bleu du ciel et le sommet du pic de l'Homme, répandant une lourde senteur d'humidité"
Mais sa biographie est plus explicite encore:
Il passe une grande partie de son temps dans la nature afin d'étudier le paysage comme un tout, ou bien dans ses détails qui, à cause de leur situation et de la manière dont ils reflètent lumière et couleur, sont devenus signifiants pour lui.
Se déplaçant parmi les blocs rocheux et les arbres, il ne fait pas qu'observer, il touche, essayant de comprendre à la fois avec les sens et avec son imagination.
"Un étroit contact avec la terre est essentiel à mon travail.
En tant qu'observateur insatiable je suis intrigué et charmé par l'extraordinaire variété des sujets et de leurs dimensions. A force d'entraînement, je suis devenu sensible aux plus petits miracles du monde naturel.
Et j'essaye d'entretenir, bien vivante, cette attitude de naiveté, persuadé qu'elle m'aide à trouver des images parlantes et enchanteresses".
Il peint principalement à la gouache, qu'il utilise assez opaque ou bien parfois en lavis aussi transparents que l'aquarelle, au cours de séances de 3 à 4 heures.
Pour renforcer les matériaux ordinaires, il lui arrive de recourir à des moyens organiques: par exemple après avoir enduit une feuille d'arbre d'une couche de peinture, il la renverse pour obtenir sur le papier le carton ou la toile une image qui sera ensuite surlignée à traits de pinceaux.
"Un des meilleurs moments pour peindre un paysage est celui où, par l'effet d'une lumière oblique, les contours tendent à se fondre alors que les couleurs sont plus vives. L'atmosphère que dégage un site m'est importante et j'essaie de communier avec elle, prenant mon temps afin de trouver une sensation de paix nécessaire à la concentration. Au bout d'un certain temps, il s'instaure une sorte de dialogue; je fais partie du sol de la forêt où je me tiens assis, et les animaux qui avaient d'abord fui ma présence, reviennent sur les lieux"
Revenant toujours sur les mêmes sites pour enregistrer les changements intervenus, dictés par la saison ou les conditions atmosphériques, il rapporte à son atelier toutes sortes de "souvenirs" propres à une reproduction peinte, et des objets comme des pierres, des cailloux, des morceaux de bois ou encore des enregistements sur bande magnétique de sons divers émis par le milieu naturel.
" C'est en me concentrant sur la beauté et sur ce qui se tient caché derrière la surface des choses que j'essaie d'exprimer du palpable à côté de ce qui est directement perceptible sur la nature.
C'est ma contribution à l'univers des choses qui rend ma vie digne d'être vécue".
Feyerabend qu réside à Groningen aux Pays-Bas a voyagé en Scandinavie, en Allemagne et en Toscane.