jeudi 2 juillet 2015

Un poète et plus encore.

Nader Chamlou travaille à l'aquarelle, au pastel, à l'acrylique et la mine de plomb, titulaire d'un diplôme national supérieur d'expression plastique, la calligraphie persane semble n'avoir aucun secret pour lui. 
Je serais très curieuse aussi de voir ses oeuvres inspirées du monde du vin à Pauillac, au Château Taillefer Moueix, à Beychac et Caillau, à St Germain du Puch.

Son texte de présentation très poétique suggére un caractère d'une grande sensiblité aux beautés de la nature:

        "Les Ecrins.. Vénon... Valgaudemar...
Cascade d'aquatinte, vallée se silhouettant en lavis, robe blanche des cimes aux dentelles rocheuses...        A la recherche d'une expression qui traduise mes impressions.
" Gentiane" pour "calice d'une vallée", "rosée" abreuvant l'étiage "d'une rivière", "branche en mouvement" crayonnant mes dessins...
Entre ces mots illustrant les titres de mes tableaux, entre l'arc- en - ciel aux couleurs de ma boîte d'aquarelles et l'eau des sources les diluant, entre la montagne et mes yeux qui la cadre dans mes toiles, une immense soif de contemplation, de rencontre et de conteur.


 Désir irrésistible de retracer ces moments intenses où m'abimait le "paysage" en le conceptualisant dans des oeuvres plus sensibles, plus proches que celles du paysagiste.
Je devais dès lors oublier l'air que je respirais pour retenir mon inspiration, le sol sur lequel je m'accroupissais pour asseoir sa minéralité dans mes gouaches
Seulement alors le vertige de ces grands espaces du Parc des Ecrins me dépaysait assez pour retourner dans mes tableaux comme dans un havre de paix, et j' y habite désormais en m'efforçant d'être le plus fidèle gardien de cette gigantesque demeure:



la nature et ma vie 


dans un seul et même cadre."

Chamois et Choucas

                                      John Busby

                                                             Oeuvre de terrain: Dessin et aquarelle
                                                                 Chamois sur la neige (Valgaudemar)

       "Quand le paysage est entièrement enveloppé de nuées, on ne peut imaginer où mènent les pentes qui disparaissent vers les sommets ou les vallées.
Seuls les bruits des cascades et des torrents donnent quelques indications.
A présent, le soleil et les cimes apparaissent enfin.
Une chaude lumière qui fait ressortir les senteurs du thym sauvage, tandis que les hêtraies fraîchement feuillues brillent en contraste avec les vallonements ombreux.
Le tintement des clochettes que portent les chèvres effacent momentanément le grondement constant des eaux jaillisantes alors que trois busards montent en spirale des basses pentes vers les hauteurs enneigées.
Le dessin est la seule discipline qui puisse donner la réplique à la vivacité des oiseaux, par la vitesse et l'énergie de l'exécution.
Ces dessins concernent autant les moments de l'observation que les traits et l'existence des oiseaux eux-mêmes.

                                                                      Alpine Choughs: les Ecrins May 1996

La clarté assombrie du crépuscule fait place un instant à une bande de lumière envoyée à la face du Sirac.
Cela aura duré dix secondes à peine, mais je m'en souviendrai toute ma vie.
Porter le regard sur ces terribles pentes me coupe le souffle.
Il me semble que ma vision se meut  au rythme du pas d'un grimpeur.
Comment saisir l'essentiel de tout cela d'un mouvement du pinceau, en gardant l'étendue de vision d'un aigle?"

John Busby est né en 1928 à Edimbourgh, après des études au College of Art de cette ville, dès 1956 il commence à enseigner le dessin et la peinture.
Membre fondateur de la Society Wildlife Artists puis membre de la Royal Scottish Watercolor Society.
En 1988 il quitte l'enseignement pour devenir peintre indépendant et entre au conseil d'administration de Artist for Nature en 1990.
John Busby a déployé une importante activité internationale autour de son art. Plusieurs voyages dans le cadre de l'ANF vers  la Hollande, la Pologne, l'Espagne, Irlande, Afrique du Sud.
Il dirige des cours de dessin d'oiseaux en Ecosse mais en a donné aussi en Crète, au Massachussets, aux Malouines et en Suisse.

mercredi 1 juillet 2015

Pierres et rochers

Carl Brenders                                         Gouache
                                                                Le Vénéon au printemps


            "Pour quelqu'un originaire d'une région sans relief, passer une période en montagne est toujours une expérience riche et émouvante.
Elle l'est encore plus aux côtés d'autres artistes lorsque l'enthousiasme des uns se communique aux autres.
Comme artiste de studio (mon travail photo-réaliste demande des mois de travail), j'ai beaucoup apprécié de pouvoir travailler en pleine nature.
Le paysage dans le parc étant tellement grandiose, je me suis toujours attaché à faire des esquisses de l'aspect fin hiver, début printemps.
Mon travail d'étude a preque toujours lieu dans les Rocheuses aux Etats-Unis et la différence de végétation et de paysage est très intéressante pour moi.
Le sentiment de la présence de l'homme un peu partout (vieilles cabanes, restes de petite agriculture, etc) a pour moi un charme à part, que l'on n'a pas dans les Rocheuses.

                                                          Grange La Gassaudia (Oisans)

L'observation des chamois était moins facile que les espèces similaires en Amérique. Le chamois me semble plus méfiant que nos espèces locales, les "bighorns" et les "mountaingoats". Très attiré par les rongeurs, j'ai été particulièrement séduit par les marmottes.
Pourtant, trop occupé par le paysage et les plantes, j'ai fait peu d'esquisses d'animaux.
Le dessin de paysage est pour moi une source de méditation."


Carl Brenders est né en 1937 dans une famille de six enfants, près d'Anvers, en Belgique, il passe sa jeunesse à la campagne, toujours près des fermiers et des animaux de basse-cour.
Après des études à l'Académie des Beaux-Arts d'Anvers, il passe douze ans à travailler dans un studio de photogravure dont huit comme chef d'atelier d'illustrateurs.
IL devient illustrateur animalier indépendant (pour Hachette, Tintin)   et s'installe dès 1983 comme peintre animalier aux Etats-Unis.
 Depuis 1985, il participe chaque année à la grande exposition "Birds in Art" au Leigh Yawkee Woodson Art Museum.
Il a été invité comme Master Artist dans l'exposition "Pacific Rim" à Tacoma (Etat de Washington) et dans de "South Eastern Wildlife Exposition à Chaleston en Caroline du Sud.
 Suivent une rétrospective au musée Carnegie de Pittsburg, le livre d'Art tiré à 40.000 exemplaires par l'éditeur Abrams de New-York et cinq livres chez Hachette dans la série" La vie secrète des bêtes".

Chacun son style

                                       Martial Bos

                       " Alors que j'observais un matin, dans le Valgaudemar, les parades de tétras-lyres sur une place de chant, les cris rauques de lagopèdes se disputant un territoire m'ont attiré bien au-dessus sur la crête.
La découverte de ces oiseaux fut un enchantement.
Et quelques jours plus tard, j'ai fait la connaissance d'un tout jeune cabri, au-dessus de Gobernay.
Il y avait des chamois qui broutaient en groupes, peu farouches, sur des pentes faciles d'accès.






Chardons bleus de la vallée du Fournel
Croquis de terrain aquarellé






Plus loin, sur un versant escarpé, inhospitalier, une femelle m'observait fixement pendant plus d'une demi-heure.
Visiblement elle était inquiète, malgré la distance qui nous séparait.
Je la surveillais patiemment à la longue vue.
Soudain une tache marron bougea sur le côté dans les rhododendrons.
C'était son jeune cabri.Tout petit, il cherchait à se redresser maladroitement sur ses pattes, il titubait et retombait, sa mère le léchait, s'écartait un peu pour paître, puis revenait près de lui. Il la tétait avec une belle énergie.
Le lendemain matin il esquissait déjà des petites cabrioles, en suivant sa mère qui l'entraînait ailleurs.

                 Aquarelles de terrain :Le brouillard se lève sur les Granges (Oisans)

Malgré les averses de pluie et de grêle qui voilaient mon spectacle par intermittence, je les ai longtemps suivis à la lunette.
Ce cabri insouciant était la joie de vivre.
Il me reste aussi un souvenir vivant de la fonte des neiges: des soldanelles pressées de fleurir commençaient à trouer la frange d'un névé qui se retirait lentement.
Le temps de les peindre, et déjà elles étaient bien dégagées, bien épanouies, tandis qu'en arrière d'autres pointaient à leur tour.
Et ces rochers humides, vers Pré-Clot, couverts de mousse gorgée d'eau, les bouquets de primevères hirsutes piquées de partout, comme dans un Paradis, les goutelettes de pluie accrochées aux herbes scintillant un instant sous une trouée de soleil...........Ce que j'ai croqué n'en est qu'une bien pâle image."

                                                           Vol de chocards à la Bérarde (Oisans)



















mon préféré


Robert Bateman


    "Nous arrivâmes à la tombée de la nuit avec le sentiment de nous être élevés jusque dans les nuages.
C'est alors qu'au-dessus de ces nuages, un grand sommet émergea avec une profonde entaille rocheuse et enneigée.
Le ciel tragique s'ouvrait pour dégager d'autres montagnes aux superbes sommets que les derniers rayons du soleil illuminaient d'or et de rose.
C'était comme un Shangri-La pour artistes.
Le paysage des pans rocheux, de la neige, des cascades et des nuages fournissaient un spectacle infini.
Dix peintres inspirés du Parc des Ecrins n'auraient aucun besoin de répéter ou de répliquer l'ouvrage des autres.
Mais ce qui fait le caractère unique du massif des Ecrins, c'est assurément la
présence de la faune, de la flore et du patrimoine humain.
Nous nous sommes émerveillés de voir en mai que les chamois, descendus dans un bois de bouleaux, se trouvaient à la hauteur de notre chalet.

Oeuvre de terrain gouache et acrylique sur Mylar. Chamois dans les bouleaux de Pré Clot (Oisans)


Dans d'autres parties des Alpes, je n'avais pu voir ces animaux que sur des pentes inaccessibles et seulement au moyen de jumelles. Mais ce qui m'a le plus impressionné, c'est la vue des bâtiments en pierre des vieilles fermes, beaucoup d'entre elles ayant été abandonnées.
Dans notre façon de vivre au XX ème siècle, conditionnée par le confort et l'industrie, il est fascinant de contempler ces vestiges  d'une vie modeste où l'espérance et les rêves se bâtissaient pierre à pierre.
Je suis un artiste épris de tout ce qui est pittoresque. Cette qualité de vie, en même temps temps que notre héritage, aussi bien naturel qu'humain, sont en voie de destruction à un ryhme tragique.
Il est merveilleux  que le Parc des Ecrins valorise et protège d'aussi précieux trésors."


                                                     Oeuvre de terrain gouache et acrylique.
                                                                La marmotte des Etages( Oisans)





mardi 30 juin 2015

suite

Voici une artiste "femme", Kim Atkinson

         "Accroupis, parmi les orties et les touffes d'herbe humides de rosée, jumelles aux yeux, nous sommes frigorifiés mais fascinés...
Même si les animaux sont trop éloignés pour que nous puissions capter beaucoup de détails, nous n'arrêtons pas de griffoner er d'observer.
Les mâles continuent de se cabrer, parfois un bref affrontement entre eux, mais plus souvent ils s'accroupissent pour émettre un chuintement en trémolo, la croupe dressée en éventail; après ce ce sont cabrioles et petits sauts.
De loin ils semblent voleter à l'aide de blanc ailerons, les queues à présent épanouies en forme de lyre.
Voici un appel émoustillant, assez persuasif si j'en juge par le renflement des poitrails, toutes plumes hérissées.
Plus bas dans la pente passe un mouton.
Lui ne fait pas l'extragance mais souvent se fige comme s'il était à l'écoute de ceux d'en haut.
Enfin le soleil fait son apparition par un creux entre les versants et c'est perçu comme un soulagement chez les ovins dans l'alpage.
Maintenant les bêtes paissent et s'attaquent aux bourgeons et chatons des buissons"


oeuvre de terrain: Fusain et gouache. Pluie au col de l'Eychauda (Vallouise).




















Premières pages

              Eric Alibert:
Croquis de terrain aquarellé:  Etude pour Traquet motteux et merle de roche Cirque de Morgon en Embrunais. Juin 1994.


                         "J'aime venir dans les Ecrins, y retrouver mes amis, être surpris du spectacle sans cesse renouvelé que nous offre la montagne: les acrobaties aériennes des chocards, le jeu des petits chamois sur les névés, la silhouette bondissante et furtive de l'hermine, le bleu extraordinaire de la gentiane vernale.

Grâce à l'invitation du Parc, peut-être aurons-nous pu lancer ces ponts, établir ces correspondances sensibles entre la nature,  notre histoire et celle du public?

L'homme n'est pas seul à parler, l'univers aussi parle, TOUT parle, des langues infinies.
Observer un animal sauvage est toujours un instant privilégié, mais comment ne pas avoir peur de l'avenir de notre planète devant tant de gachis et de mensonges.
Après tous ces moments passés dans la nature ou sur ma table à dessin, à peindre un grand bestiaire, je me demande s'il n'existe pas comme une peur du vide, une culpabilité ancestrale à cataloguer le sauvage comme si nous appréhendions sa perte proche et inéluctable?
Le syndrome de la collection, de la chasse, nous poursuivrait-il jusque dans nos pages blanches?

A la question: quelles sont vos impressions subjectives présentes face à l'activité destructive de l'humanité aujourd'hui ? Claude Levi-Strauss répond ceci:

"Je ne suis pas heureux dans le siècle où je suis né. Je l'ai souvent dit et n'ai pas à le cacher, le seul sentiment du sacré que je possède, ou du moins ce que d'autres appellent le sacré, est lié à la contemplation émerveillée d'une plante ou d'un animal.
Donc, tout ce qui menace leur survie, le maintien de leur diversité, j'en souffre, oui."

Alors je rêve d'une nature insoumise et sensuelle où seule la sensibilité des hommes, artistes ou non, permettrait d'en approcher le mystère.
Comprendrons-nous un jour ces langues infinies dont parle Novalis? Notre terre sera-t-elle rédemptrice de tous les affronts commis?
Avec le bruit des vagues qui dure depuis le commencement des temps. N'oublions jamais que nos larmes sont salées."

Eric Alibert. Peintre naturaliste autodidacte né en 1958, a obtenu la médaille d'or des artistes animaliers français et a été lauréat de la Fondation de la vocation, membre de la Guide des illustrateurs naturalistes (GNSI, USA).
Son dernier ouvrage paru est 'Carnets naturalistes autour du Mont Blanc (Nathan)