mardi 30 juin 2015

Premières pages

              Eric Alibert:
Croquis de terrain aquarellé:  Etude pour Traquet motteux et merle de roche Cirque de Morgon en Embrunais. Juin 1994.


                         "J'aime venir dans les Ecrins, y retrouver mes amis, être surpris du spectacle sans cesse renouvelé que nous offre la montagne: les acrobaties aériennes des chocards, le jeu des petits chamois sur les névés, la silhouette bondissante et furtive de l'hermine, le bleu extraordinaire de la gentiane vernale.

Grâce à l'invitation du Parc, peut-être aurons-nous pu lancer ces ponts, établir ces correspondances sensibles entre la nature,  notre histoire et celle du public?

L'homme n'est pas seul à parler, l'univers aussi parle, TOUT parle, des langues infinies.
Observer un animal sauvage est toujours un instant privilégié, mais comment ne pas avoir peur de l'avenir de notre planète devant tant de gachis et de mensonges.
Après tous ces moments passés dans la nature ou sur ma table à dessin, à peindre un grand bestiaire, je me demande s'il n'existe pas comme une peur du vide, une culpabilité ancestrale à cataloguer le sauvage comme si nous appréhendions sa perte proche et inéluctable?
Le syndrome de la collection, de la chasse, nous poursuivrait-il jusque dans nos pages blanches?

A la question: quelles sont vos impressions subjectives présentes face à l'activité destructive de l'humanité aujourd'hui ? Claude Levi-Strauss répond ceci:

"Je ne suis pas heureux dans le siècle où je suis né. Je l'ai souvent dit et n'ai pas à le cacher, le seul sentiment du sacré que je possède, ou du moins ce que d'autres appellent le sacré, est lié à la contemplation émerveillée d'une plante ou d'un animal.
Donc, tout ce qui menace leur survie, le maintien de leur diversité, j'en souffre, oui."

Alors je rêve d'une nature insoumise et sensuelle où seule la sensibilité des hommes, artistes ou non, permettrait d'en approcher le mystère.
Comprendrons-nous un jour ces langues infinies dont parle Novalis? Notre terre sera-t-elle rédemptrice de tous les affronts commis?
Avec le bruit des vagues qui dure depuis le commencement des temps. N'oublions jamais que nos larmes sont salées."

Eric Alibert. Peintre naturaliste autodidacte né en 1958, a obtenu la médaille d'or des artistes animaliers français et a été lauréat de la Fondation de la vocation, membre de la Guide des illustrateurs naturalistes (GNSI, USA).
Son dernier ouvrage paru est 'Carnets naturalistes autour du Mont Blanc (Nathan)

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