Nous voilà partis pour Vérone, non pas à la rencontre de ses fameux amants mais
des "intarsia" de Santa Maria in Organo, ancienne abbaye de l'ordre des Olivétains
où Fra Giovanni da Verona exerça son art entre 1493 et 1499. Il va là, illustrer
les stalles de tout un bestiaire où les symboles chrétiens vont pouvoir prendre
forme avec les animaux représentatifs de leur fonction. L'art véronais en est la
spécialité, et Fra Giovanni va y exceller.
L' intarsia est un art consistant à incruster des
pièces de bois sur un
support de même matériau afin de créer des images
par la juxtaposition des
teintes de bois. Le mot intarsia vient du mot latin interserere qui signifie insérer.
Cette technique apparaît en Europe au XVe siècle pour la décoration des édifices
religieux où le marbre était également utilisé. La ville de Sienne était réputée
pour cette technique, notamment grâce au travail de Domenico di Niccolo et de
son élève Mattia di Nanni. Le maître qui enseigna cette technique à Fra Giovanni
était Sébastiano da Rovigno
Du petit lapin du lutrin, que l'on peut transposer en une image du moine et par
extension du bon chrétien, ou de l'âme contemplative et de la cavité rocheuse qui
l'abrite on peut comprendre que ce petit animal sans défense représente le
chrétien qui trouve refuge dans la protection du Très Haut : Fra Giovanni attribue
à ce petit mammifère vigilance et solitude contemplative, comme la sienne, yeux
grands ouverts, état nécessaire à l'élévation de l'esprit humain. C'est la place
centrale du lutrin qu'il choisit pour le mettre en évidence. Tous les panneaux qui
illustrent le haut des stalles , se faisant face étaient une source de méditation ou
de... distraction pour les moines en prière.
A la chouette associée, elle, au savant solitaire plongé dans la lecture des Saintes
Ecritures
et aux Chouettes ou hibou, auxquels il adjoindra d'autres oiseaux, pinson ou
chardonneret, rouge-gorge aussi qu'il n'a pas manqué de signaler comme
éléments traditionnels de l'iconographie chrétienne. Fra Giovanni invitait ainsi ses
frères à la nécessité de faire quotidiennement de la Passion (le chardonneret)
l'objet de leur méditation solitaire (la chouette). Ces passereaux étant d'après les
légendes paysannes ceux qui s'étaient apitoyés sur les souffrances du Christ et en
avaient reçu les stigmates..
Il nous faut aussi signaler une autre face du lutrin sans doute une petite belette
synonyme d'agent prophylactique qui par son odeur écarte les êtres immondes,
mais d'autres y voient un petit écureuil synonyme de prudence
Vous l'avez compris les marqueteries de Santa maria in Organo sont un livre
d'images naturalistes mais avec une lecture chrétienne.
Bien que d'une culture plus complexe, on peut encore voir un héritier
des frères
de Lendinara, inventeurs de la technique des bois teints,
auteurs des
marqueteries du chœur de la cathédrale de Modène, dans Fra
Giovanni da
Verona, qui, durant son noviciat (1474-1478), put connaître
la tradition lombardo-
émilienne. Il dut cependant apprendre son art avec
Fra Sebastiano da Rovigno en
collaborant à des travaux de marqueterie,
perdus, à l'église S. Elena à Venise
(1489-90). Entre 1491 et 1499, il
exécute le fameux chœur de S. Maria in Organo
à Vérone et s'impose avec
cette œuvre importante dans le groupe des habiles
marqueteurs de
l'époque.
Fra Giovanni da Verona ne se contente plus de la
gamme chromatique naturelle
fournie par les bois et, voulant rivaliser
avec la peinture, il teint les bois dans le
coloris désiré. Ses
déplacements continus d'une abbaye bénédictine à l'autre font
connaître
partout son habileté, et, en 1503, il reçoit la commande du chœur de
Monteoliveto, près de Sienne. L'œuvre, terminée en 1505, n'occupe plus
sa place
originelle, mais peut être admirée maintenant au dôme de
Sienne ; Monteoliveto
Maggiore a, au contraire, récupéré le chœur
exécuté par Fra Giovanni da Verona
pour le couvent de S. Benedetto fuori
Porta Tufi, près de Sienne (1511-1516). De
1506 à 1511, Fra Giovanni
travaille aux marqueteries du couvent de Monteoliveto
à Naples (passées
maintenant à l'église S. Anna dei Lombardi) et, sitôt après, il
atteint
le sommet de sa carrière avec l'exécution des dossiers marquetés de la
Sala della Segnatura au Vatican (1511-12), très vite remplacés
malheureusement
par une autre décoration. Ses dernières œuvres sont de
nouveau réalisées en
Italie septentrionale (à Vérone et Lodi), mais, en
Italie centrale, il a laissé ses
élèves ou des maîtres marqueteurs
influencés par sa manière, comme Giovanni
Francesco d'Arezzo, auteur du
chœur des Convers de la Certosa di S. Martino
à Naples (av. 1524), ou
les frères Bencivenni, qui, de 1521 à 1530, travaillent a
u chœur de la
cathédrale de Todi.