vendredi 20 juillet 2018

Les Moai de Rapa Nui

 ( Dorénavant je ne nommerai plus l'île de Pâques que sous nom d'origine : 

Rapa Nui ). J'en arrive, enfin me direz-vous, à ces statues "moai" en tuf, qui

 ont tant intrigué. Un fait avéré, d'abord, aucune,  de ces installatioons 

n'étaient vouées à l'éternité, ensuite c'est sur les flancs du Rano Raraku, volcan

 sacré de l'ile, qu'ont été sculptés ces moai  transportés par la suite  en divers 

endroits de l'île.





 On doit à Nicolas Cauwe, commissaire de cette exposition, une analyse très

  pertinente de la position de ces géants de tuf que ce soit sur les pentes du

volcan  ou le long des chemins qui y mènent, ainsi plantés qu'il en comprend

 une position délibérée, le dos à la mer.


                       https://www.youtube.com/watch?v=eyImESm2VzE




 L'implantation de ces moai se fait sur des "ahu", autels construits en dalles de

basalte, soit taillées régulièrement  ou bien laissées à l'état brut : puis  ils

 aménageaient devant ces moai une terrasse" tahua" en terre recouverte des

 galets sacrés (poro). Et l'on doit comprendre que ce sont des lieux cérémoniels

Le fait de leur démontage et remontage en un endroit différent donne lieu à

l'hypothèse d'un maintien d'un certain ordre dans la hiérarchie de la population

ainsi qu'une motivation quand aux moyens de subsistance permettant aux

 manoeuvres de se substanter suffisamment.

Gardiens des lieux par leur caractère sacré, ils pouvaient aussi servir de

 couverte à des inhumations telles ( car elles sont trois) celles découvertes en

 1955 par William Mulley.

L'observation de George Forster en 1774 correspond bien à cette découverte

puisqu'il remarque sept statues, trois couchées et quatre debout sur leur autel.

 Il n'y a aucun hasrd dans le positionnement des moai, la transformation  des

 plateformes en nécropoles s'est produite sur plus d'un siècle et l'effacement

 des monuments traditionnels parfaitement voulus.

Renoncement aux traditions, tout en les respectant en les effaçant avec soin et

apparition d'un nouveau culte au Dieu Makemake et son représentant sur l'île

 (Tangata-Manu) l'Homme-Oiseau..





 De nombreuses questions se posent encore auxquelles on ne trouve que des

 hypothéses comme réponses dont celle de la déforestation qui vont me

 permettre d'aborder  d'autres facettes que Nicolas Cauwe explique dans le 

document ci-dessous. (l'influence météorologique)


 https://www.rtbf.be/lapremiere/article/detail_dernieres-nouvelles-de-l-ile-de-paques-l-heure-de-verite?id=9834555

Il me semble toutefois constater une différence d'analyse tantôt les statues

 sont présentées pour avoir été en totalité sculptées sur le volcan-carrière  et 

transportées comme telles puis il est suggéré qu'elles aient été sculptées sur 

leur emplacement définitif , encore que .... ce n'était jamais définitif  !!!!

 Où est la vérité  ??? on ne le saura peut-être jamais.....

jeudi 19 juillet 2018

L'écriture pascuane

Pas vraiment des controverses mais en tout cas des débats sur la lecture du

rongorongo, qui n'est à ce jour pas encore  déchiffré : un miracle qu'elle ait

 existé et un autre que l'on ai pu la sauver. 

En effet, dés 1866, le premier missionnaire chrétien adresse un rapport à ses

 supérieurs relatant l'existence dans toutes les cases de l'île de tablettes

recouvertes de hiéroglyphes  ; le hasard faisant bien les choses des rapanui

 convertis offrent à l'évêque de Tahiti une pelote de cheveux de femmes

pascuanes, qui une fois déroulée présente une tablette couverte de signes sur les

deux faces
.
 L'évêque percevant la valeur de cette tablette prie ses missionaires  de les

rassembler, tache devenue presqu'impossible car ces tablettes font alors l'objet

  d'allume-feu ; ce qui permet à la Congrégation des Sacrés-Coeurs de Rome d'en

 conserver cinq, dont la tablette dite échancrée pour avoir été en partie

 consumée  : à titre indicatif celle-ci  en Podocarpus sp,  cf, Latifolia, porte 270

 glyphes.

Je vous communique  leur localisation pour aller les admirer.

- Trois au British Museum de Londres en Thespesia populnea

- Deux au Musée d'Ethnographie de Vienne,  Thespesia et podocarpus

- Deux au Musée Pierre-le-Grand à St Pétersbourg,  idem

-Quatre au Bernice Pauahi Bishop d'Honolulu, bois non identifié

- Une au Musée Américain d'histoire naturelle, New-York probablement en Toromiro

- Deux : Thespesia et Podocarpus au Musée d'histoire naturelle de Washington

- Trois à Santiago au Musée d'histoire naturelle

- Une à Berlin au Musée ethnologique

 - Une au Quai Branly à Paris et de taille puisqu'il s'agit de la tabatière en Proteaceae

Le corpus de ces rongorongo se monte à environ quatorze mille cin cents glyphes.

 le glyphe rose est un reflet

          la tablette "échancrée" malheureusement aussi avec des reflets

 Tepano Jaussen  (l'évêque) approfondit encore sa recherche en interrogeant

 Metoro Aruky Kurenga qui, connaisseur et lecteur de ces tablettes donna des

indications  précieuses : lecture de gauche à droite et de bas en haut,  ordre de

lecture appelé "boustrophédon" mais ici cela se complique avec une lecture

 inversée à laquelle vous pouvez vous exercer sur un fac-similé.

Il faut savoir que deux chercheurs parmi beaucoup d'autres se sont penchés sur

 ce rongorongo,  deux lycéens de Léningrad à la veille de la Seconde guerre

 mondiale ; l'observation des deux tablettes avec la photo de celle de Londres

leur permit de découvrir qu'il s'agissait du même texte à quelques variantes

près : on parle donc de deux écoles de recherche  : de Léningrad et de

 Hambourg avec Thomas Barthel. C'est Yury Knorozov, spécialiste de l'écriture

 maya qui a travaillé sur son déchiffrement.   On trouve quelques publications

 de Boris Kudryavtsev et Irina Fedorova.  Les russes proposent  que le contenu

 des tablettes soit une généalogie et il faut souligner que Thomas Barthel à

Tübingen arrive à la même conclusion.

 Les travaux en cours de plusieurs chercheurs  laissent aux ethnographes

  l'espoir d'un déchiffrement total...... un jour !!

Et pour ce qui est de la datation au carbone 14, Catherine et Michel Orliac qui

ont étudié la tablette de Léningrad, la situent entre 1640 et 1740.

La première occupation de l'île remontant aux environs de l'an 600.


              Mais les Rapanui avaient auparavant fait usage de pétroglyphes



  galets au caractère sacré portant la représentation d'animaux marins de

 symboles ou d'homme-oiseau :




https://www.iledepaquesexpo.fr/fr/figeac-musee-champollion-les-bois-parlants

mercredi 18 juillet 2018

L'Ile de Pâques

On ne survole pas  son histoire  en un rien de temps, mais peu à peu on rentre

 dans le fil du sujet..... même si, de façon lanscinante, reviennent les idées

 préconçues, en tout cas,  en ce qui concerne la disparition de la forêt.  

Mais les réponses sont là et grâce à l'archéologie, elles s'affinent de jours en

 jours. je vous parlais de ces trocs de statuettes et c'est ce qu'il y a de plus 

stupéfiant (à mon sens) dans cette exposition avec notamment l'écriture dont

 je vous parlerai plus tard.

Ces statuettes sont l'oeuvre de la classe des aristocrates et bien antérieure par 

conséquent à l'arrivée  des premiers explorateurs, même si, comme me  le 

faisait  remarquer la personne accréditée, en charge de la visite de l'exposition,

certaines sont plus récentes, en tout cas l'une d'entre elle et cela saute aux

 yeux car elle n'en a pas la finesse.  (première, ci-dessous)

La pénombre ambiante, les reflets, ne facilitent pas la prise des photos  et 

encore moins les fiches quasiment illisibles. 

Ces moai kavakava sont généralement sculptés  dans le Sophora toromiro avec

 des yeux  en os et d'obsidienne issus d'anciennes collections particulières dont 

celles d' André Breton et René Gaffé ou de Pierre Loti .

Mention spéciale au Reimiro, dont vous pouvez voir un exemplaire au Musée du

 Quai Branly à Paris : celui qui est conservé à Londres est en Thespesia 

populnea (bois de rose).  Pectoral, synonyme  d'autorité, porté par les chefs

il  figure sur le drapeau pascuan. 





















 tige de Toromiro dont les racines tortureuses étaient souvent mises à profit pour la sculpture


















                                                                              Reimiro




                           Moai tangata moka

 Bâton (ua)

                                                                                            Paoa



Vous avez sans doute hâte que je vous parle  des grands moai ... ah ah ah  !!!

ce n'était que sous cette forme que l'on connaissait l'ile de Pâques !!!!







































                       Tahonga











ci-contre hameçon en basalte ancienne collection du capitaine de frégate Jean Albert Riondel









                                         à suivre

  Poème d'André Breton.                       

   Rano Raraku  (volcan carrière de l'île)



Que c'est beau le monde


La Grèce n'a jamais existé


Ils ne passeront pas

Mon cheval trouve son picotin dans le cratère

Des hommes-oiseaux des nageurs courbes

Volètent autour de ma tête car

C'est moi aussi

Qui suis là

Aux trois quarts enlisé

Plaisantant les ethnologues

Dans l'amicale nuit du Sud

Ils ne passeront pas

La plaine est immense

Ceux qui s'avancent sont ridicules

Les hautes images sont tombées.

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01147860/document

mardi 17 juillet 2018

De Tahiti à l'Ile de Pâques

 Et il n'y a que 4.200 kilomètres !! distances que les Polynésiens, grands

 navigateurs, n'hésitaient pas à parcourir dans  ce vaste  Océan Pacifique.

 Et le sujet est ausi vaste !!  traité de façon magistrale par le Museum d'Histoire

 Naturelle de Toulouse, vous n'en ressortirez pas  avec les mêmes idées si 

répandues ... et si fausses ! qu'à votre entrée.







































                                                              Te Pito te Henua

 Quelle civilisation  !  c'est fascinant !  si vous n'avez pas la possibilité d'y aller, à

 l'île de Pâques tout d'abord et à Toulouse ensuite, je vais essayer de vous en 

donner, les grandes lignes..... mais mon opinion,  ma conclusion est faite, les

 Occidentaux n'auraient jamais dû la découvrir, à commencer par le navigateur

 hollandais, Jacob Roggeveen, le jour de Pâques 5 avril 1722.

( et je vous expliquerai pourquoi )  et beaucoup d'autres suivirent....

  En 1770, les Espagnols, avec armes et bagages, plus un débarquement 

d'envahisseurs autrement dit de "conquistadores" et d'évangélisateurs, une 

drôle de façon de diffuser "la bonne nouvelle".

 En 1774  les Anglais ,  James Cook et une pléiade de savants,  l'astronome

 William Wales, le peintre William Hodges.; des naturalistes, les Forster, 

allemands, un Suédois Anders Sparmann.

 En 1786, les  Français aspirent aussi à des observations scientifiques: 

Lapérouse est entouré de Lamanon, à la fois météorologiste, botaniste et 

minéralogiste, Collignon, jardinier du Jardin du Roi et beaucoup d'autres 

scientifiques, (s'ils lisent cet article, mes jeunes diplomés agronomes seront intéressés de savoir que Collignon y sema des choux, des carottes, du maîs, des citrouilles mais que rien de ces légumes n'y fit souche)

d'autres  naturalistes, peintre de paysages tel que Duché de Vancy, ou de 

topographes et physiciens; le tout récolté en un laps de temps très court, toute

 cette somme considérable d'échantillons, d'observations  sombreront dans le 

naufrage de Vanikoro, hormis ceux qui avaient été confiés à Barthélémy de 

Lesseps lors d'une escale au Kamtcharka.

Enfin,( j'ose dire ), dès la fin du XVIII ème siècle les Pascuans s'opposent au

 débarquement des marins étrangers, et ce sont les explorateurs Russes qui

 font les frais de cette opposition,  du Neva en 1804 et du Rurik en 1816

 Liziansky et Kotzebue ne purent faire leurs observations que depuis leurs

 navires. Les Pascuans avaient compris que les relations avec ceux qui 

débarquaient étaient à l'origine des épidémies qui les ont décimés et d'autres 

malheurs. Si nos Basques traquaient la baleine dans le Golfe de Gascogne et 

jusqu'à Terre-Neuve comme nous l'avons vu précédemment , les navires 

baleiniers ou phoquiers américains avaient pénétré les eaux du Pacifique depuis

 1789.

 Ce qui n'empèche pas le commerce de prospérer, écailles de tortue, nacre, 

perles ; mais les échanges se font à bord. Nous pourrons admirer les statuettes

 en bois  troquées pour quelques tissus par les commandants du" Her Majesty 

Blossom" ou du "HMS Serinpatagam" ou du" Vénus" de Dupetit Thouars ou du 

HMS Portland. En1862, c'est un rapport enthousiaste de Lejeune qui sur le

 "Cassini" échange des cadeaux,  incite les Pères de la Congrégation des 

Sacrès-Coeurs de Jésus et de Marie de Valpairaiso à aller évangéliser l'ile.
 
Ils ne les ont pas protégés de la déportation ( entre 1862 et 1863)  dont ils

 furent l'objet à l'échelle de  mille deux cents personnes  !! pour une main-

d'oeuvre gratuite au Pérou. Malgré la protestation des nations en 1863, les 

seuls quinze survivants de ces travaux forcés agricoles rapatriés sur l'ile ne 

firent qui introduirent à nouveau dysenterie et variole..

 Les Frères de la Congrégation abandonnent l'ile en 1871, puis les Pascuans 

quittent l'ile  pour se rendre à Tahiti ne laissant qu'une centaine d'insulaires 

très jeunes. Mais, Grâce au Ciel , aujourd'hui, les mentalités ont changé et les 

héritiers de cette culture si riche comme je vais vous la présenter sont bien

 décidés à effacer un passé dramatique pour un renouveau culturel. 

L'Unesco y a prit part en inscrivant le Parc National au Patrimoine Mondial de 

l'Humanité. 

Pierre Loti, depuis le "Flore" en 1872 , qui entretenait d'excellentes relations 

avec les Pascuans, a servi d'intermédiaire pour les acquisitions de sculptures en

 bois.

 Vous trouverez au Museum la reconstitution de sa cabine :










 















la massue sacrificielle posée contre l'étagère a été troquée contre sa veste d'aspirant
























































http://www.bibebook.com/files/ebook/libre/V2/loti_pierre_-_reflets_sur_la_route_sombre.pdf

Récit que vous trouverez en page 124 ; Quatorzième partie. Ile de Pâques

                                         Journal d'un aspirant de Le Flore.

vendredi 13 juillet 2018

Gauguin à Tahiti

 ..."Depuis quelque temps je m'étais assombri. Mon travail s'en ressentait. Il est vrai que beaucoup de documents me faisaient défaut : mais c'est la joie surtout qui me manquait.
Il y avait plusieurs mois que  j'avais renvoyé Titi à Papeete, plusieurs mois que je n'entendais plus ce babil de vahine me faisant sans cesse à propos des mêmes choses les mêmes questions auxquelles je répondais invariablement par les mêmes histoires.
Et ce silence ne m'était pas bon.
Je résolus de partir, d'entreprendre autour de l'île un voyage dont je ne m'assignais pas d'uns façon précise le terme.
Tandis que je faisais quelques paquets légers pour le besoin de la route et que je mettais de l'ordre dans toutes mes études, mon voisin et propriètaire , l'ami Anani me regardait inquiet.
Il se décida enfin à me demander si je me disposais à m'en aller.
Je lui répondis que non, que je me préparais pour une promenade de quelques jours seulement, que je reviendrais.
 Il ne me crut pas et se mit à pleurer. Sa femme vint le rejoindre et me dit qu'elle m'aimait, que je n'avais pas besoin d'argent pour vivre parmi eux; qu'un jour je pourrais reposer pour toujours - là : et elle me montrait, près de sa case, une place décorée d'un arbrisseau.

Et j'eus le désir de reposer pour toujours - là du moins personne, toute l'éternité, ne viendra m'y déranger...
 -Vous autres, Européens, ajouta la femme d'Anani , vous promettez toujours de rester, et quand enfin on vous aime, vous partez ! C'est pour revenir, assurez-vous, mais vous ne revenez jamais.
 - Eh bien, je puis jurer, moi, que mon intention est de revenir dans quelques jours. Plus tard (je n'osais mentir) , plus tard je verrai.




                                           No Te Aha Oe Riri 1896 Art Institute Chicago

Enfin je partis.
M'écartant du chemin qui borde la mer, je suis un étroit sentier à travers un fourré qui s'étend assez loin dans la montagne et j'arrive dans une petite vallée dont les habitants vivent à l'ancienne mode maorie.
Ils sont heureux et calmes. Ils rêvent, ils aiment, ils  sommeillent, ils chantent, ils prient et je vois distinctement, bien qu'elles ne soient pas là, les statues de leurs divinités féminines  : statues de Hina et fêtes en l'honneur de la déesse lunaire.
L'idole d'un seul bloc a dix pieds d'une épaule à l'autre et quarante de hauteur. Sur la tête elle porte, en forme de bonnet une pierre énorme, de couleur rougeâtre.
Autour d'elle on danse selon les rites d'autrefois - matamua - et le -vivo- varie sa note claire et gaie, mélancolique et sombrée, avec les heures qui se succèdent.

Je continue ma route.

 A Taravao, extrémité de lîle, un gendarme me prête son cheval et je file sur la côte est, peu fréquentée  des Européens.

  Le Cheval Blanc 1898 Musée de l'Impressionnisme. Jeu de Paume. Paris

                                                              mais il est vert !!!  de reflets !!
    A Faone, petit district qui précède celui d'Itia, je m'entends interpeler par un indigène :
 - Hé ! l'homme qui fait des hommes (il sait que je suis peintre), 

                  Haere mai ta maha ! (Viens manger avec nous, la formule tahitienne, - hospitalière).
Je ne me fais pas prier, tant le sourire qui accompagne l'invitation est engageant et doux. Je descends de cheval; mon hôte le prend et l'attache à une branche, sans aucune servilité, simplement et avec adresse.
Et nous entrons tous deux dans une case où sont réunis des hommes, des femmes et des enfants, assis par terre, causant et fumant.

 - Où vas-tu ? me demande une belle Maorie d'une quarantaine d'années.
 - Je vais à Itia.
 - Pourquoi faire ?
          Je ne sais quelle idée me passa par la rête et peut-être sans le savoir disais-je le but réel, secret pout moi-même de mon voyage :

 -Pour y chercher une femme, répondis-je.
 -Itia en a beaucoup et des jolies. Tu en veux une ? 
 -Oui.
 - Si tu veux, je vais t'en donner une. C'est ma fille.
 - Est-elle jeune ?
 - Oui.
 - Est-elle bien portante?
 -Oui.
 C'et bien va me la chercher
 .
La femme sortit.
 - Un quart d'heure après, tandis qu'on apportait le repas des maiore - bananes sauvages, des crevettes et un  poisson  - elle rentra, suivie d'une grande jeune fille qui tenait un petit paquet à la main.
A travers la robe, en mousseline rose excessivement transparente, on voyait la peau dorée des épaules et des bras. Deux boutons pointaient drus à la poitrine. Sur son visage charmant je ne reconnus pas le type que jusqu'à ce jour, j'avais vu partout régner dans l'île et sa chevelure aussi était très exceptionnelle ; poussée comme la brousse et légèrement crépue.Au soleil, tout cela faisait une orgie de chromes.
Je sus par la suite qu'elle était originaire des Tongas.

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                           Ia Orana Maria (Je vous salue Marie) 1891
                                     Metropolitan Museum of Art, New-York

En 1892 Gauguin écrit au-sujet de cette toile  :

  " Un ange aux ailes jaunes indique à deux femmes tahitiennes Marie et jésus, tahitiens aussi, nus vêtus du paréo, espèce de cotonnade à fleurs qui s'attache comme on veut à la ceinture. Fond de montagnes très sombre et arbres à fleurs. Chemin violet fonçé et premier plan vert émeraude, à gauche des bananes. J'en suis assez content". 
                                             mais  ! elles sont bleues  !!!...
 Si nous poursuivions plus longuement l'étude de l'oeuvre de Gauguin nous pourrions analyser dans ses toiles de nombreuses inspirations puisées dans l'Orient.

jeudi 12 juillet 2018

le voyage à Tahiti : suite


                                              Parahi Te Marae ( Là est le Temple) 1892

     "... Par la vallée du Punaru - la grande fissure de Tahiti - on parvient au plateau de Tamanaou. De là on peut voir le Diadème, l'Oroféna, l'Arorai ; - le centre de l'Ile.  Bien des hommes m'en avaient parlé, et je formais le projet d'y aller, seul, y passer quelques jours.

 - Mais, la nuit, que feras-tu ?
 - Tu seras tourmenté par les tupapaus  ?
 - Il faut que tu sois téméraire ou fou pour aller déranger les esprits de la montagne !

Et cette inquiète sollicitude de mes bons amis tahitiens ne faisait que surexciter ma curiosité.
Je partis donc un matin.
Près de deux heures durant, je pus suivre un sentier qui longeait la rivière du Punaru. Mais ensuite je fus à plusieurs reprises obligé de traverser la rivière.
Encore de chaque côté les murailles de la montagne se faisaient-elles de plus en plus droites projetant jusqu'au milieu de l'eau d'énormes quartiers de rocher. Force me fut bien en définitive de continuer mon voyage dans l'eau, et j'en avais tantôt jusqu'aux genoux, tantôt jusqu'aux épaules.
Entre les deux murailles excessivement élevées le soleil pointait à peine. Dans le ciel ardemment bleu on apercevait presque, en plein jour, les étoiles.

Vers cinq heures, le jour baissant, je commençais à me préoccuper de l'endroit où je passerais la nuit, quand j'aperçus à droite, un hectare de terrain presque plat où croissaient pêle-mêle les fougères, les bananiers sauvages et les bouraos.
J'eus la chance de trouver quelques bananes mûres. A la hâte je fis un feu de bois pour les cuire, et ce fut mon repas.
 Puis tant bien que mal, au pied d'un arbre sur les branches duquel j'avais entrelacé des feuilles de bananier pour m'abriter en cas de pluie, je me couchais.

Il faisait froid et ma traversée dans l'eau me laissait grelottant. Je dormis mal. Dans la crainte que les cochons sauvages ne vinssent m'écorcher les jambes, j'avais passé à mon poignet la corde de ma hache.
La nuit était profonde. Impossible de rien distinguer, sauf, tout près de ma tête une sorte de poussière phosphorescente qui m'intriguait singulièrement.
Je souris en pensant aux contes que m'avaient faits les Maoris à propos du Tupapau, cet esprit malfaisant qui s'éveille avec la nuit pour tourmenter les hommes endormis. Sa capitale est au coeur de la montagne que la forêt  habille de ténèbres. Là, il  se multiplie et les âmes de tous les morts viennent grossir ses légions.
Malheur au vivant qui se risque dans ces lieux infestés par les démons ! Et j'étais cet imprudent. Aussi mes rêves furent-ils assez agités. Je sus plus tard que cette poussière lumineuse émane de petits champignons d'une espèce particulière : ils poussent dans les endroits humides sur les branches mortes comme celles qui m'avaient servi à faire du feu.
Le lendemain matin je me remettais en route.
La rivière, de plus en plus accidentée, ruisseau, torrent, cascade, se contourne de plus en plus, le sentier me manque fréquemment, et c'est souvent des mains que je m'aide à marcher, passant de branche en branche en ne m'appuyant que très peu sur le sol.
Du fond de l'eau des écrevisses d'une taille extraordinaire me regardaient, semblant me dire : "Que viens-tu faire "? et des anguilles séculaires fuyaient à mon approche.

Tout-à-coup, à un détour brusque, j'aperçus dressée contre la paroi du rocher  qu'elle caressait plutôt qu'elle ne s'y retenait de ses deux mains, une jeune fille nue : (chaque thème d'inspiration est pour Gauguin matière à traiter différemment son sujet ; dans l'article précédent la jeune fille est effectivement nue mais sur   cette toile conservée à la Fondation Bürhle à Zurich  il la vêt d'un paréo blanc)




































Pape Moe (Eau mystérieuse) 1893

elle buvait à une source jaillissante, très haut, dans les pierres. lorsqu'elle eut fini de boire, elle prit de l'eau dans ses mains et se la fit couler entre les seins.
Puis  -  je n'avais pourtant fait aucun bruit - comme une antilope peureuse qui d'instinct devine l'étranger, elle pencha la tête scrutant le fourré où j'étais caché.
Et mon regard ne rencontra pas le sien. A peine me vit-elle ! qu'elle plongea aussitôt, en criant ce mot : Tuehae  (féroce) ! Précipitamment je regardais dans l'eau : personne. Rien qu'une énorme anguille qui serpentait entre les petits cailloux du fond.

Non sans difficulté ni fatigue je parvins tout près de l'Aroraï ; le sommet de l'île, la montagne redoutée. C'était soir, la lune se levait et en la regardant, je me rappelais ce dialogue sacré, dans ce lieu précisèment que la légende lui assigne pour théatre ;

" Hina disait à Tefaou : - Faites revivre l'homme quand il sera mort "
Le Dieu de la Terre répondit à la Déesse de la lune :

- Non, je ne le ferai point revire. l'homme mourra, la végétation mourra ainsi que ceux qui s'en nourrissent : la terre mourra, la terre finira, elle finira pour ne plus renaître" 

" Hina répondit : Faites comme il vous plaira. Moi, je ferai revivre la Lune"
 Et ce que possédait Hina continua d'être, ce que possédait Téfatou périt et l'homme dût mourir "

autre version aussi des nus  de Gauguin :  toujours le drap couleur écorce, mais ici le paréo bleu et c'est la naissance du Christ ;  Te Tamari No Atua : plus tardive,  1896 ; conservée à Munich au Bayrische Staatsgemâlde Sammlungen.

   
Gauguin est devenu père et reste attaché au christianisme occidental ; il mêle alors son christianisme à quelques sujets profanes que je vous montrerai demain.

Au fur et à mesure de cette lecture et des peintures qui ont  illustré ses propos, je redécouvre un artiste que la tradition a présenté comme un original tourmenté, naïf et sans doute égoiste, toujours en quête d'un univers d'extase et de calme qu'il ne trouvera jamais.
On dit que ses ascendances péruviennes  expliquent peut-être son gout pour l'exotisme .
Il quittera Tahiti,  puis,  Panama, la Martinique,  et les Marquises (1901) où il repose aux cotês de Jacques Brel

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%27o%C3%B9_venons-nous_%3F_Que_sommes-nous_%3F_O%C3%B9_allons-nous_%3F