A la National Gallery ce seront " les Grandes Baigneuses" que l'on pourra admirer ainsi qu'une autre "Nature Morte".aux couleurs plus froides, puis un paysage de collines.
C'est Erle Loran Professeur d'art à l'Université de Californie, qui va vous dire ce qu'il en pense.
"Pour mieux nous rendre compte de l'importance du dessin chez Cézanne, comparons une toite inachevée de la fin de sa vie et une oeuvre typique de Dufy.
Il saute aux yeux que si, chez Dufy, les surfaces colorées sont dépourvues de relief, et cela intentionnellement, les figures et l'espace sont clairement délimitées par la ligne.
Il en est de même, bien que d'une façon moins visible, chez Cézanne, ce qui est fort normal car, si gai et même si superficiel que soit l'art de Dufy, il dérive entièrement de celui de Cézanne.
Dans les oeuvres achevées de Cézanne, les surfaces colorées n'apparaissent plus comme planes, du moins à un oeil peu exercé. C'est pourquoi il nous faut maintenant expliquer la fonction de ces plans colorés.
Bien entendu, ces touches sont posées de telle manière qu'elles jouent un rôle structural, mais leur fonction première est de demeurer, par rapport à l'ensemble de la composition, des surfaces planes.
Sans doute semblons-nous insister par trop sur ce point, mais tel n'est pas le cas, car nous touchons ici à l'essentiel de la technique cézanienne.
La seconde fonction, en apparence paradoxale, des touches de couleur est de concourir à établir dans leur plénitude les trois dimensions des volumes.
Ceux-ci s'étagent par graduations successives qui vont des tonalités froides des ombres jusqu'au tons chauds des lumières.
Cette progression des tons froids aux chauds est ce qu'il y a de plus personnel dans l'oeuvre de Cézanne ; c'est grâce à cette technique qu'il est parvenu à faire de l'impressionnisme (comme il le disait lui-même) "quelque chose de solide comme l'art des musées".
Aucun artiste aujourd'hui ne peut peindre par plans distincts qui s'élévent des tons froids aux tons chauds sans se voir accuser de "faire du Cézanne".
Nous sommes vraiment là en face d'une découverte originale.
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Marquons brièvement et à l'aide de quelques exemples combien l'influence de Cézanne a été étendue et variée.
Les dures luttes du "pauvre petit" Cézanne ont eu pour résultat que le monde tout entier de l'art et de l'architecture modernes s'est mis à la recherche de formes nouvelles et plus vivantes.
Ses contemporains, Van Gogh et Gauguin ont repris "sa petite sensation", c'est-à- dire la gradation par plans colorés et se la sont assimilée de manières diverses.
Ainsi les plans colorés (et je vous le montrerai dans le prochain article) de Van Gogh étaient traités dans une pâte épaisse et marqués de coups de pinceaux si nets que son oeuvre pose à la peinture moderne un problème nouveau; celui de la contexture, c'est-à-dire de la représentation de la surface de l'objet peint.
Le plus souvent, Van Gogh modèle moins que Cézanne en jeux d'ombre et de lumière, il est donc logique en employant ce que nous conviendrons d'appeller une contexture à trois dimensions (entendant par là une contexture qui, sans modelé en ombre et en lumière, épouse et développe la forme).
Gauguin, lui, procède par larges masses décoratives où le relief n'est obtenu que par une succession de plans colorés.
(Il est assez amusant de constater que Cézanne ne pouvait supporter la peinture de Gauguin parce qu'il la trouvait trop plate.
Comme il réalisait mal l'importance des éléments décoratifs de son propre style !)"
Erle Loran
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