Verger au printemps : Avril 1888. Arles, Huile sur toile 65 x81 cm
"Dans cette oeuvre, l'une des plus impressionnistes de toutes celles de van
Gogh, l'Impressionisme est une recherche pour capter moins la qualité du jour
et de l'atmosphère que celle des choses ; les plus aériennes, il est vrai, les plus
légères et les plus proches de la lumière solaire - les arbres en fleurs. Le
verger est clairsemé, ses fleurs, immatérielles et par conséquent fondues dans
le ciel, lui-même semblable aux fleurs par son fin et délicat mouchetage de
blanc et de bleu. Un mouchetage identique nuance le sol, mariage rare et doux
de tons chauds de bleu et de lilas avec des jaunes clairs, comparables au
mélange des fleurs et du ciel plus froid. La terre et le ciel semblent faits de la
même matière transparente - minuscules particules de vibrante couleur pure.
La touche impressionniste méthodique et la division du ton ne sont pas ici une
formule stricte. Les arbres du lointain, d'un bleu d'encre, sont aussi fragiles et
impondérables que des fleurs, quoique très précis ; la clôture, une délicate
pellicule spectrale ; les ombres projetées par les arbres, un joyeux bariolage
de bleus gais, clairs et sombres. Chaque objet, chaque division du sol a sa
qualité propre de teinte et de touche, tandis que tout concourt dans un
ensemble diaphane et brillant à exhaler une douceur et un charme qui
n'appartiennent plus à ce monde ".
On y est presque !!!pas possible de rajouter autre chose après tant de poésie.
https://www.youtube.com/watch?v=tmvnvRBQWmc
vendredi 1 mai 2020
jeudi 30 avril 2020
autoportraits : suite et Verger
Plongée plus avant dans l'étude de Schapiro ;
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
" En Arles où l'objet a triomphé, il lui a donné cette merveilleuse intensité née
de la profondeur de son désir de sécurité et d'amour. A Saint-Rémy, plus
troublé et conscient de sa faiblesse, son contact avec l'objet était grevé
d'anxiété et de désespoir. C'était comme si dans sa condition souffrante,
extrême, il trouvait plus sain de libérer ses sentiments dans les formes
controlées de la peinture que de les réprimeer, car ils se feraient jour alors en
hallucinations et en phantasmes bien plus troublants et incontrolables. A
Auvers il continue de se débattre dans cette alternative et les deux pôles de son
art apparaissent quelque fois dans la même oeuvre, en une juxtaposition
surprenante de formes fermement réalistes et d'arabesques agitées comme
dans le" Portrait du docteur Gachet" et dans son portrait. (ci-dessous)
Tout au long de son oeuvre, le dessin en réseau a été associé avec un goût
original pour les fortes diagonales en perspective, directions ou buts en
opposition ; elles donnent une tension élevée à la relation spectateur-
profondeur. Dans plusieurs oeuvres de la période d'Arles, deux routes
divergentes forment un V aigu dont les diagonales, en s'éloignant de l'avant-
plan, se joignent à un réseau d'autres lignes. L'effet est presque vertigineux
dans sa complexité de directions concurrentes, entrelacs qui fascine et bloque
le regard . Dans son emploi de la pespective van Gogh obéissait à une
conception personnelle, bien que d'autres artistes, Munch en particulier, fussent
parvenus à un résultat similaire".
Septembre 1889 Saint-Rémy Huile sur toile 65 X 54 cm
"Cet autoportrait le dernier en date et l'un des plus grands, a été exécuté peu
de mois avant la mort de van Gogh. L'ornementation forcée, sans répit, qui
couvre tout le fond, rappelant le travail des malades mentaux, est pour
quelques médecins une preuve que ce tableau a été peint dans un état
pathologique. Mais l'image que le peintre donne de lui-même révéle un controle
et une puissance d'observation supérieurs, un esprit parfaitement capable
d'intégrer les éléments de l'activité qu'il s'est choisie. Le fond évoque les
rythmes de la "Nuit étoilée" à laquelle le portrait ressemble aussi par sa
dominante bleuâtre.
Les formes flottantes et palpitantes de ce fond, diagramme d'une excitation
continue, ne sont pas seulement des ornements, bien qu'en liaison avec les
formes ondulantes de l'art décoratif 1900 ; nullement limitées à une cadence
ou à une structure fixes, elles sont un moyen d'intensité, plutôt un
débordement des sentiments de l'artiste sur ce qui l'environne. A côté du
modelé puissant de la tête et du buste, si compact et si grave, le dessin du mur
apparaît comme un décor pâle et léger. Cependant les mêmes rythmes
reviennent dans la silhouette et aussi dans la tête, peintes en lignes
pareillement ramassées, volutées, ondoyantes. Si nous déplaçons notre
attention de l'homme vers ce qui l'entoure, et inversement, les analogies se
multiplient ; les points centraux, les noeuds qui enjolivent le fond commencent
à s'apparenter davantage aux yeux, aux oreilles et aux boutons du personnage.
Dans tout ce tumulte et cette accumulation tourbillonnante on sent
l'extraordinaire fermeté de la main du peintre. les contrastes aigus de la barbe
roussâtre avec les verts et les bleux voisins, la pénétration du dessin, la vie des
traits tendus, le jeu parfaitement ordonné des ruptures, des variations et des
continuités, la répartition extrêmement sûre des surfaces, tout cela révèle un
esprit hors de pair, quels que soient le trouble et l'appréhension de l'artiste".
Pour le premier mai, que mon brin de muguet vous apporte mes souhaits de
bonheur, souvenons-nous que c'est encore le printemps bien que beaucoup ne
le voient plus que de leur fenêtre.
Une photo aussi de mon pommier dans lequel je me suis plongée comme dans
un verger, le verger que van Gogh va nous proposer :
" Premier contact de bienvenue dans le Midi, où il était descendu pour
chercher une nature apaisante et revitalisante, le verger en fleurs était pour
van Gogh une vision enivrante ; c'est cette extase qui, imprégnant l'oeuvre, la
distingue de la joie habituelle de l'Impressionisme devant la lumière et la
couleur. Les arbres élèvent au ciel une masse volumineuse de blanc et de rose
immatériels - plus qu'une masse, une émanation flottante - parsemée et
suspendue dans un ciel aux tons également variés. Elle joue contre le semis de
feuillage irréel et les fines ramures, qui prennent parfois un aspect visionnaire
rappelant à la fois la peinture d'Extrême-Orient et la beauté et la tendresse
discrète des lointains dans les paysages primitifs d'Occident.
" Le Verger " Mars 1888. Arles. Toile , 65x80 cm
" Toute cette partie supérieure du tableau - tissée de fleurs, de ciel, du réseau
des branches et des pousses - concourt à une sollicitation et à une exaltation
toutes puissantes des sens auxquelles doit s'abandonner le spectateur. Sans
ordre apparent, une explosion de suavité rayonne et éclate, emplissant
l'espace, comme les longs nuages horizontaux, dans des directions verticales et
obliques vaguement suggérées. En contraste avec le flou enchanteur de la
zone supérieure, la moitié inférieure du tableau est plus solide et plus stable,
avec de larges surfaces de couleur verte et rougeâtre et la vigueur des troncs
d'arbres irréguliers, dont les verticales bleues rythmiques répètent par leur
couleur et contrarient par leur direction les bandes bleues du ciel. Mais ici aussi
palpite la sensation qui naît des franges de couleurs, les rouges et les jaunes -
panachage qui, délibérément vertical, contraste avec le haut du tableau tout en
gardant de celui-ci liberté et réverie par l'aspect indécis et sans accent de l'aire
qu'il couvre. Echappant à toute technique d'école, la touche va de ces rayures
de rouge nettement alignées aux épaisses taches de forme qui rendent d'une
manière indéfinissable et magique la qualité des fleurs dans l'air".
mercredi 29 avril 2020
Van Gogh : autoportraits
Début 1888, Paris Huile sur toile 65x 50,5
"Durant son séjour à Paris, van Gogh réalise en moins de deux ans, vingt-deux
autoportraits, deux fois autant qu'il en devait peindre dans les deux années qui
lui restaient à vivre. Comparée au nombre des autoportraits de Rembrandt ;
un peu plus de soixante en quarante ans, l'abondance des portraits de van Gogh
est étonnante, plus étonnante encore en regard de la gaieté et de l'expansivité
de beaucoup de ses peintures parisiennes.
Maladies, querelles, et le conflit - important dans son oeuvre du début de la fin
- entre les exigences de l'art nouveau et les valeurs personnelles
profondément enracinées le rejettent sur lui-même.
Dans quelques uns de ses portraits on voit un visage profondément ardent,
troublé, qui cherche et qui lutte pour découvrir sa voie.
Ce dernier autoportrait de sa période de Paris est le chef-d'oeuvre de la série,
il résume ce qu'il a appris durant ces deux années.
Largement recouvert par l'ombre, il est pourtant tout entier pénétré de
lumière, avec, dans cette ombre, sa plus grande masse de couleur riche : le
bleu ; les mêmes rouges et verts apparaissent dans l'ombre et en pleine
lumière. Le ton verdâtre fait ressortir l'intensité de la barbe et recouvre les traits
contractés et méditatifs, valeur la plus sombre de l'oeuvre. Le contraste du clair
et de l'obscur, comme celui du rouge et du vert, suggère un contraste dans la
personnalité, qui se manifeste dans la différence entre les deux côtés du visage
: l'un plus ténébreux, plus déprimé, est prisonnier de l'angle de la haute toile,
l'autre, plus clair, plus actif, plus ouvert, domine son espace et surmonte les
deux godets, sombres comme les yeux, la palette et la main, avec leur jeu plus
dégagé de rouges et de verts. Les accords majeurs de jaune et de bleu, de vert
et de rouge s'entrelacent et circulent à travers l'espace tout entier avec une
périodicité inattendue - utilisation imaginative de la couleur par delà la
technique et les règles. Le dosage de menues taches contrastées - leçon des
néo-impressionnistes, appliquée librement, sans esprit doctrinaire - donne à la
surface une grande variété et accentue ls formes ; le fond est traité, sans perte
de luminosité, d'une manière plus traditionnelle.
Sous cet ensemble massif, fermement construit, coule un sentiment d'instabilité
; les puissantes diagonales de la palette et des pinceaux, qui rejoignent celles
du chevalet et du montant du châssis, constituent un réseau irrégulier qui
comprend les diagonales brisées de la blouse. Toutes ces lignes contribuent à
l'expression de la tête, qui posséde des formes aussi angulaires, étroitement
emboîtées, et ne paraît arrondie que relativement aux angles plus aigus du
dessous".
Autoportrait 1887
-Carton. 42x33cm
Autoportrait. Carton
1887 19 x 14cm
Lettre à Théo (septembre 1189)
... On dit - et je le crois fort volontiers- qu'il est difficile de se connaître
soi-même - mais il n'est pas aisé non plus de se peindre soi-même.
Ainsi je travaille à deux portraits dans ce moment - faute d'autre
modèle - parce qu'il est plus que le temps que je fasse un peu de
figure. L'un je l'ai commencé le premier jour que je me suis levé, j'étais
maigre, pâle comme un diable. C'est bleu violet fonçé et la tête
blanchâtre avec des cheveux jaunes, donc un effet de couleur.
Mais depuis j'en ai commencé un de trois-quarts sur fond clair. Puis je
retouche des études de cet été - enfin je travaille du matin jusqu'au soir.
Est-ce que tu vas bien - bigre je voudrais bien pour toi que tu fusses
deux ans plus loin et que ces premiers temps de mariage, quelque beau
que ce soit par moments, fussent derrière le dos. Je crois si fermement
qu'un mariage devient surtout bon à la longue et qu'alors on se refait le
tempérament...
Septembre 1889. Saint-Rémy. Toile 57 x43 cm
"Le bleu partout répandu de ce portrait, plus chaud, plus violet dans le fond,
plus froid dans les vêtements, engendre une atmosphère que les mots sont
impuissants à rendre, mais dont le sens d'intériorité ne saurait échapper. Non
seulement le bleu est commun au costume et à l'entourage "abstrait" mais le
jeu vivant du pinceau qui construit le fond cerne comme une auréole, de ses
traces entrecroisées, les bords changeants de la tête ; il se conforme en même
temps, dans son flot véhément, aux rythmes passionnés des touches qui
modèlent le costume et la chevelure. D'une cavité sombre au centre de ce bleu
émerge la tête avec une ardente intensité -le croissant et la chevelure et de la
barbe est comme la lune dans la "Nuit étoilée". Le visage est en grande partie
dans l'ombre, une ombre trasparente magnifiquement peinte, riche en verts et
en bleus, voile sombre à travers lequel pointent les yeux cernés de rouge,
scrutateurs et tristes. En peigant la chevelure, la moustache et la barbe, van
Gogh oublie l'ombre, donnant à ces morceaux leur pleine force de couleurs
lumineuses exceptionnelles, avec des verts, des garance et des rouges
entremêlés. Un courant d'ombre claire, enjambé par le noeud de la blouse,
monte du coin émoussé, relevé vers le haut, de la palette, qui fait écho au
visage. Ici les couleurs sont couchées en ligne horizontale, adaptées de façon
surprenante au bord de la toile, défiant la perspective de la palette elle-même.
Les pinceaux en jaillissent, ainsi que les lignes de la blouse, en une sorte
d'éventail qui va de la tache violette au-dessous au coin d'arrière-plan en dessus
- formes triangulaires répétées et inversées dans les surfaces proches, et qui
culminent dans la région pathétique de l'oeil droit. La tête tournée vers la
droite, en même temps que la palette, donne à ce côté une qualité plus
abrupte, plus resserrée, plus tendue ; l'autre moitié est arrondie et continue
dans ses formes. En même temps, van Gogh, avec une certaine sensibilité
classique dans sa nouvelle manière curviligne, a continué le bord creux du
visage dans la ligne de l'épaule droite, produisant dans ce large tracé en
croissant une symétrie cachée des deux côtés de la tête et des épaules dans un
pose de trois-quarts. Ce portrait, dans sa perfection de joyau et sa profondeur
de sentiment, nous permet de mesurer le grand progrès de van Gogh depuis le
dernier de ses autoportraits parisiens ; il correspond à une plus intime
connaissance de soi aussi bien qu'à un énorme développement de sa puissance
d'expression."
(Magnifique analyse !! )
"Durant son séjour à Paris, van Gogh réalise en moins de deux ans, vingt-deux
autoportraits, deux fois autant qu'il en devait peindre dans les deux années qui
lui restaient à vivre. Comparée au nombre des autoportraits de Rembrandt ;
un peu plus de soixante en quarante ans, l'abondance des portraits de van Gogh
est étonnante, plus étonnante encore en regard de la gaieté et de l'expansivité
de beaucoup de ses peintures parisiennes.
Maladies, querelles, et le conflit - important dans son oeuvre du début de la fin
- entre les exigences de l'art nouveau et les valeurs personnelles
profondément enracinées le rejettent sur lui-même.
Dans quelques uns de ses portraits on voit un visage profondément ardent,
troublé, qui cherche et qui lutte pour découvrir sa voie.
Ce dernier autoportrait de sa période de Paris est le chef-d'oeuvre de la série,
il résume ce qu'il a appris durant ces deux années.
Largement recouvert par l'ombre, il est pourtant tout entier pénétré de
lumière, avec, dans cette ombre, sa plus grande masse de couleur riche : le
bleu ; les mêmes rouges et verts apparaissent dans l'ombre et en pleine
lumière. Le ton verdâtre fait ressortir l'intensité de la barbe et recouvre les traits
contractés et méditatifs, valeur la plus sombre de l'oeuvre. Le contraste du clair
et de l'obscur, comme celui du rouge et du vert, suggère un contraste dans la
personnalité, qui se manifeste dans la différence entre les deux côtés du visage
: l'un plus ténébreux, plus déprimé, est prisonnier de l'angle de la haute toile,
l'autre, plus clair, plus actif, plus ouvert, domine son espace et surmonte les
deux godets, sombres comme les yeux, la palette et la main, avec leur jeu plus
dégagé de rouges et de verts. Les accords majeurs de jaune et de bleu, de vert
et de rouge s'entrelacent et circulent à travers l'espace tout entier avec une
périodicité inattendue - utilisation imaginative de la couleur par delà la
technique et les règles. Le dosage de menues taches contrastées - leçon des
néo-impressionnistes, appliquée librement, sans esprit doctrinaire - donne à la
surface une grande variété et accentue ls formes ; le fond est traité, sans perte
de luminosité, d'une manière plus traditionnelle.
Sous cet ensemble massif, fermement construit, coule un sentiment d'instabilité
; les puissantes diagonales de la palette et des pinceaux, qui rejoignent celles
du chevalet et du montant du châssis, constituent un réseau irrégulier qui
comprend les diagonales brisées de la blouse. Toutes ces lignes contribuent à
l'expression de la tête, qui posséde des formes aussi angulaires, étroitement
emboîtées, et ne paraît arrondie que relativement aux angles plus aigus du
dessous".
Autoportrait 1887
-Carton. 42x33cm
Autoportrait. Carton
1887 19 x 14cm
Lettre à Théo (septembre 1189)
... On dit - et je le crois fort volontiers- qu'il est difficile de se connaître
soi-même - mais il n'est pas aisé non plus de se peindre soi-même.
Ainsi je travaille à deux portraits dans ce moment - faute d'autre
modèle - parce qu'il est plus que le temps que je fasse un peu de
figure. L'un je l'ai commencé le premier jour que je me suis levé, j'étais
maigre, pâle comme un diable. C'est bleu violet fonçé et la tête
blanchâtre avec des cheveux jaunes, donc un effet de couleur.
Mais depuis j'en ai commencé un de trois-quarts sur fond clair. Puis je
retouche des études de cet été - enfin je travaille du matin jusqu'au soir.
Est-ce que tu vas bien - bigre je voudrais bien pour toi que tu fusses
deux ans plus loin et que ces premiers temps de mariage, quelque beau
que ce soit par moments, fussent derrière le dos. Je crois si fermement
qu'un mariage devient surtout bon à la longue et qu'alors on se refait le
tempérament...
Septembre 1889. Saint-Rémy. Toile 57 x43 cm
"Le bleu partout répandu de ce portrait, plus chaud, plus violet dans le fond,
plus froid dans les vêtements, engendre une atmosphère que les mots sont
impuissants à rendre, mais dont le sens d'intériorité ne saurait échapper. Non
seulement le bleu est commun au costume et à l'entourage "abstrait" mais le
jeu vivant du pinceau qui construit le fond cerne comme une auréole, de ses
traces entrecroisées, les bords changeants de la tête ; il se conforme en même
temps, dans son flot véhément, aux rythmes passionnés des touches qui
modèlent le costume et la chevelure. D'une cavité sombre au centre de ce bleu
émerge la tête avec une ardente intensité -le croissant et la chevelure et de la
barbe est comme la lune dans la "Nuit étoilée". Le visage est en grande partie
dans l'ombre, une ombre trasparente magnifiquement peinte, riche en verts et
en bleus, voile sombre à travers lequel pointent les yeux cernés de rouge,
scrutateurs et tristes. En peigant la chevelure, la moustache et la barbe, van
Gogh oublie l'ombre, donnant à ces morceaux leur pleine force de couleurs
lumineuses exceptionnelles, avec des verts, des garance et des rouges
entremêlés. Un courant d'ombre claire, enjambé par le noeud de la blouse,
monte du coin émoussé, relevé vers le haut, de la palette, qui fait écho au
visage. Ici les couleurs sont couchées en ligne horizontale, adaptées de façon
surprenante au bord de la toile, défiant la perspective de la palette elle-même.
Les pinceaux en jaillissent, ainsi que les lignes de la blouse, en une sorte
d'éventail qui va de la tache violette au-dessous au coin d'arrière-plan en dessus
- formes triangulaires répétées et inversées dans les surfaces proches, et qui
culminent dans la région pathétique de l'oeil droit. La tête tournée vers la
droite, en même temps que la palette, donne à ce côté une qualité plus
abrupte, plus resserrée, plus tendue ; l'autre moitié est arrondie et continue
dans ses formes. En même temps, van Gogh, avec une certaine sensibilité
classique dans sa nouvelle manière curviligne, a continué le bord creux du
visage dans la ligne de l'épaule droite, produisant dans ce large tracé en
croissant une symétrie cachée des deux côtés de la tête et des épaules dans un
pose de trois-quarts. Ce portrait, dans sa perfection de joyau et sa profondeur
de sentiment, nous permet de mesurer le grand progrès de van Gogh depuis le
dernier de ses autoportraits parisiens ; il correspond à une plus intime
connaissance de soi aussi bien qu'à un énorme développement de sa puissance
d'expression."
(Magnifique analyse !! )
mardi 28 avril 2020
Vincent Van Gogh
Partageons cette étude sur l'oeuvre de Van Gogh : nous venons de l'évoquer
au sujet d'une toile de Munch qui semble s'inspirer de sa "la Nuit étoilée "
que nous verrons bientôt.
Je vais faire confiance à Meyer Schapiro, ce célèbre critique d'art new-yorkais,
mais je ne serai peut-être pas toujours d'accord avec lui : sa vision "marxiste"
de l'art abstrait, ne sera pas forcèment la mienne ; on en discutera.
Peut-être tout le monde ne connaissait-il pas Munch, mais Van Gogh est
universel,
Rien à voir avec Munch, Vincent s'est suicidé à trente-sept ans désespéré
d'être à la charge de son frère Théo, Edvard est mort à quatre-vingt ans couvert
d'honneurs.
Qu'ont-ils de commun ? l'hopital psychiatrique et pour des raisons différentes
pas tant que cela, en tout cas sentimentales, Van Gogh se mutile à la suite de
ses disputes avec Gauguin, Munch déplore une mésentente avec son amie.
Je voudrais débuter par les autoportraits de Van Gogh puisque nous avons vu
que Munch grâce à la photographie, outre ses peintures, en a fait beaucoup.
J'ai trouvé un certain narcissisme chez lui, il était plutôt "beau gosse" ; les
autoportraits de Van Gogh sont sans concession.
Mais tout d'abord une toile lumineuse, notre horizon rempli de nuages sans
être certains d'une éclaircie, un présent bien bouché, il ne nous reste plus qu'à
nous tourner vers le passé.
Champ de blé aux corbeaux. Juillet 1890 -Huile sur toile 50,5 X 100,5
au sujet d'une toile de Munch qui semble s'inspirer de sa "la Nuit étoilée "
que nous verrons bientôt.
Je vais faire confiance à Meyer Schapiro, ce célèbre critique d'art new-yorkais,
mais je ne serai peut-être pas toujours d'accord avec lui : sa vision "marxiste"
de l'art abstrait, ne sera pas forcèment la mienne ; on en discutera.
Peut-être tout le monde ne connaissait-il pas Munch, mais Van Gogh est
universel,
Rien à voir avec Munch, Vincent s'est suicidé à trente-sept ans désespéré
d'être à la charge de son frère Théo, Edvard est mort à quatre-vingt ans couvert
d'honneurs.
Qu'ont-ils de commun ? l'hopital psychiatrique et pour des raisons différentes
pas tant que cela, en tout cas sentimentales, Van Gogh se mutile à la suite de
ses disputes avec Gauguin, Munch déplore une mésentente avec son amie.
Je voudrais débuter par les autoportraits de Van Gogh puisque nous avons vu
que Munch grâce à la photographie, outre ses peintures, en a fait beaucoup.
J'ai trouvé un certain narcissisme chez lui, il était plutôt "beau gosse" ; les
autoportraits de Van Gogh sont sans concession.
Mais tout d'abord une toile lumineuse, notre horizon rempli de nuages sans
être certains d'une éclaircie, un présent bien bouché, il ne nous reste plus qu'à
nous tourner vers le passé.
Champ de blé aux corbeaux. Juillet 1890 -Huile sur toile 50,5 X 100,5
"Lorsqu'il écrit à propos de ce tableau, peu avant son suicide, van Gogh
témoigne de son atmosphère tragique. Le format de la toile est en rapport avec
le sujet même, un champ qui se déploie depuis l'avant-plan par trois chemins
divergents.
Situation angoissante pour le spectateur, maintenu dans l'équivoque devant ce
grand horizon qu'il ne peut atteindre par aucune des voies qui s'ouvrent devant
lui, car elles s'aveuglent dans les blés ou s'évadent hors des limites du
tableau.
Les lignes perspectives familières de ce large champ sont maintenant inversées
: elles convergent de l'horizon vers le premier plan, comme si l'espace avait
soudain perdu son foyer et que toutes choses se soient retournées
agressivement contre le spectateur. Le ciel bleu et et les champs jaunes se
repoussent mutuellement avec une violence troublante. A travers leur
démarcation, un vol noir de corbeaux s'avance vers un premier plan anarchique.
Et là, dans ce désarroi pathétique, se dessine une puissante réaction de l'artiste.
En contraste avec la turbulence de la touche, l'ensemble de l'espace est d'une
largeur et d'une simplicité primordiales. La fréquence avec laquelle chaque
couleur a été appliquée est liée à l'étendue et à la stabilité des surfaces qu'elle
couvre. L'artiste semble avoir compté : un est le bleu unique du ciel- unité,
ampleur, résolution ultime ; deux est le jaune complémentaire des masses
bifurquées, instables, du blé qui pousse ; trois est le rouge des chemins
divergents qui ne conduisent nulle part ; quatre est le vert complémentaire de
l'herbe en friche qui borde ces routes ; et comme le "n" de la série, il y a la
progression sans fin du zig-zag ds corbeaux, ces figures du destin qui viennent
de l'horizon lointain. De même qu'un homme en détresse compte et énumère
pour se raccrocher solidement aux choses et combattre une impulsion, van
Gogh, au dernier degré de l'angoisse, crée un ordre arithmétique qui lui permet
de résister à la désintrégation. Il fait un effort intense de contrôle et
d'organisation. Les contrastes fondamentaux deviennent les apparences
essentielles ; et, dans cet ordre simple, les zones séparées sont reliées par des
échos de couleur, sans changer les forces plus importantes de l'ensemble. Les
deux nuages verts sont des reflets, très affaiblis, du vert des routes. Et dans le
bleu du ciel est une vague pulsation d'obsurité et de clarté qui résume la
grande inquiétude de la terre au-dessous".
https://www.youtube.com/watch?v=WGIyx11nnfU
lundi 27 avril 2020
Le regard retourné : suite
A l'instar de Rembrandt notamment dans ses derniers autoportraits Munch
étudie la dégradation de son corps, se peint dans tous les états qu'il traverse.
En1919, il réalise un autoportrait alors qu'il est atteint de la grippe espagnole.
dans cette toile, dont les tons particulièrement vifs et joyeux contrastent avec
le sujet du tableau. Il se représente sans détour affaibli et décharné. Un même
sentiment de profonde solitude se dégage du "Noctambule". Munch se peint
comme en contre-jour, ses traits sont ainsi dissimulés derrière des ombres.
L'absence de décoration de la pièce et le fait que la scène soit nocturne ne
font qu'accentuer l'isolement du personnage.
Autoportrait avec la grippe espagnole. 1910
Le Noctambule . 1923-1924 ; huile sur toile, 90x68 cm
"Le bonheur est l'ami du chagrin
le printemps est l'annonciateur de l'automne
la mort est la naissance de la vie (1915-1930)
Les autoportraits que Munch peint dans les dix dernières années de sa vie
montrent tous, sans indulgence, un vieillard attendant la mort. Dans
"l'Autoportrait près de la fenêtre", le visage rougi du personnage traduit comme
souvent dans les toiles de Munch, davantage un sentiment de tristesse
intérieure que de colère. Cet effet est renforcé par une bouche tombante. En
contraste avec ce rouge semblant confiné à la partie gauche de la toile, le
paysage paraît peint en noir et blanc tant la froideur de ses tons éteint toute
vie. Le radiateur lui-même est gagné par ce gel. Munch, lui, se tient
inconfortablement entre deux atmosphères, entre la vie, attachée au rouge et
la mort glaciale, du paysage hivernal. Il règne dans cet autoportrait le même
sentiment de solitude et de désolation que dans sa dernière oeuvre, peinte à
près de 80 ans : " Autoportrait Deux heures et quart du matin"
Autoportrait :1940-1943
Autoportrait près de la fenêtre vers 1940
Munch appraît ici, en proie à une grande amertume, les bras pendants,
désoeuvré. il se tient, figé, dans un double entre-deux sinistre : entre
l'horloge et le lit tout d'abord, comme l'indique le titre, c'est-à-dire entre deux
symboles de mort. L'horloge qui n'a même plus d'aiguilles, semble indiquer
que le temps de l'artiste est révolu. Mais l'artiste apparaît aussi entre deux
pièces ; une chambre toute de pénombre et une salle baignée de soleil. Dans
cette dernière, les murs sont couverts de toiles de Munch, évoquant sa vie
passée, maintenant derrière lui. La chambre qui s'ouvre à lui, en contraste, est
peinte dans des tons froids et sombres. Et si un tableau est accroché sur le
mur de droite, il s'agit d'un nu fantomatique, dont la verticalité renvoie à
l'horloge de gauche. Cette composition en croix, entre l'horloge et le lit, entre
la lumière et la pénombre, est enfin renforcée par la croix lugubre qui git aux
pieds du peintre, formée par son ombre, et qui semble le condamner. Plusieurs
artistes contemporains ont été marqués par cet autoportrait. Plus de trente
après sa réalisation, Jasper Johns fonde notamment toute une série de toiles
autour du motif graphique du couvre-lit.
Autoportrait entre l'horloge et le lit : 1940-1943
étudie la dégradation de son corps, se peint dans tous les états qu'il traverse.
En1919, il réalise un autoportrait alors qu'il est atteint de la grippe espagnole.
dans cette toile, dont les tons particulièrement vifs et joyeux contrastent avec
le sujet du tableau. Il se représente sans détour affaibli et décharné. Un même
sentiment de profonde solitude se dégage du "Noctambule". Munch se peint
comme en contre-jour, ses traits sont ainsi dissimulés derrière des ombres.
L'absence de décoration de la pièce et le fait que la scène soit nocturne ne
font qu'accentuer l'isolement du personnage.
Autoportrait avec la grippe espagnole. 1910
Le Noctambule . 1923-1924 ; huile sur toile, 90x68 cm
"Le bonheur est l'ami du chagrin
le printemps est l'annonciateur de l'automne
la mort est la naissance de la vie (1915-1930)
Les autoportraits que Munch peint dans les dix dernières années de sa vie
montrent tous, sans indulgence, un vieillard attendant la mort. Dans
"l'Autoportrait près de la fenêtre", le visage rougi du personnage traduit comme
souvent dans les toiles de Munch, davantage un sentiment de tristesse
intérieure que de colère. Cet effet est renforcé par une bouche tombante. En
contraste avec ce rouge semblant confiné à la partie gauche de la toile, le
paysage paraît peint en noir et blanc tant la froideur de ses tons éteint toute
vie. Le radiateur lui-même est gagné par ce gel. Munch, lui, se tient
inconfortablement entre deux atmosphères, entre la vie, attachée au rouge et
la mort glaciale, du paysage hivernal. Il règne dans cet autoportrait le même
sentiment de solitude et de désolation que dans sa dernière oeuvre, peinte à
près de 80 ans : " Autoportrait Deux heures et quart du matin"
Autoportrait :1940-1943
Autoportrait près de la fenêtre vers 1940
Munch appraît ici, en proie à une grande amertume, les bras pendants,
désoeuvré. il se tient, figé, dans un double entre-deux sinistre : entre
l'horloge et le lit tout d'abord, comme l'indique le titre, c'est-à-dire entre deux
symboles de mort. L'horloge qui n'a même plus d'aiguilles, semble indiquer
que le temps de l'artiste est révolu. Mais l'artiste apparaît aussi entre deux
pièces ; une chambre toute de pénombre et une salle baignée de soleil. Dans
cette dernière, les murs sont couverts de toiles de Munch, évoquant sa vie
passée, maintenant derrière lui. La chambre qui s'ouvre à lui, en contraste, est
peinte dans des tons froids et sombres. Et si un tableau est accroché sur le
mur de droite, il s'agit d'un nu fantomatique, dont la verticalité renvoie à
l'horloge de gauche. Cette composition en croix, entre l'horloge et le lit, entre
la lumière et la pénombre, est enfin renforcée par la croix lugubre qui git aux
pieds du peintre, formée par son ombre, et qui semble le condamner. Plusieurs
artistes contemporains ont été marqués par cet autoportrait. Plus de trente
après sa réalisation, Jasper Johns fonde notamment toute une série de toiles
autour du motif graphique du couvre-lit.
Autoportrait entre l'horloge et le lit : 1940-1943
vendredi 24 avril 2020
Le regard retourné
De nombreux autoportraits jalonnent l'oeuvre de Munch qui, de même que sa
pratique de la photographie est très egocentrée. Il n'aura de cesse de scruter
les expressions de son visage, les changements de ses traits. Des toutes
premières années jusquà la fin de sa vie, il épie son image, observe les effets
du temps, de la maladie. On compte plus de quatre-vingts autoportraits, qui ne
déparent pas du reste de son oeuvre en reflétant les fluctuations de sa
psychologie, les hauts et les bas de son émotivité. On observe très souvent une
concordance entre vision intérieure et extérieure. De cette recherche obsédante
résultent de nombreuses toiles, mais aussi beaucoup de dessins et de
photographies.
Auroportrait à Bergen 1916
En 1930 Munch est atteint d'une maladie oculaire : une hémoragie provoque
une brusque perte de visuion de son oeil droit. le phénomène s'estompant peu
à peu, le peintre entreprend de reproduire ses perceptions visuelles. Munch
scrute ainsi le fonctionnement de sa rétine et en éprouve les limites. Dans
certaines esquisses, on voit le peintre cacher son oeil gauche pour observer ce
que voit son oeil droit. Et toujours, le résultat de cette étude introspective mène
à une représentation empreinte d'angoisse et de mort. Au départ, la tache
sombre qui entrave sa vision prend la forme d'une tête de mort, elle apparaît
ensuite sous les traits d'un oiseau, qui au fur et àmesure de sa geérison, sera
de plus en plus petit. Le peintre fixe les projections dans le monde extérieur de
cet "oiseau" interne à son oeil et profite ainsi de son infirmité pour étudier les
phénomènes optiques auxquels un oeil sain n'aurait pas accés.
"L'Oeil malade de l'artiste avec oiseau" 1930
"La Rétine de l'artiste . Illusion d'optique créée par la maladie oculaire" 1930
" La Vision perturbée" 1930
Ce qui me fait penser à la surdité de Beethoven dans le domaine musical.
https://books.google.fr/books?id=1G5Z9bX0MawC&pg=PA39&lpg=PA39&dq=lithographies+dessins+Munch&source=bl&ots=z1CZo8K3qh&sig=ACfU3U1iUtrxx6YhpV5P1iQeNCe0grkUuw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwie3urF9ILpAhW_BWMBHXNTBRQ4HhDoATAGegQIChAB#v=onepage&q=lithographies%20dessins%20Munch&f=false
" Le fait est que l’on voit les choses avec des yeux différents selon le
moment. On a des yeux différents le matin et le soir. Notre manière de
voir dépend aussi de notre état d’âme. C’est pourquoi le même motif
peut être perçu de tant de manières différentes et c’est là tout l’intérêt
de l’art."
pratique de la photographie est très egocentrée. Il n'aura de cesse de scruter
les expressions de son visage, les changements de ses traits. Des toutes
premières années jusquà la fin de sa vie, il épie son image, observe les effets
du temps, de la maladie. On compte plus de quatre-vingts autoportraits, qui ne
déparent pas du reste de son oeuvre en reflétant les fluctuations de sa
psychologie, les hauts et les bas de son émotivité. On observe très souvent une
concordance entre vision intérieure et extérieure. De cette recherche obsédante
résultent de nombreuses toiles, mais aussi beaucoup de dessins et de
photographies.
Auroportrait à Bergen 1916
En 1930 Munch est atteint d'une maladie oculaire : une hémoragie provoque
une brusque perte de visuion de son oeil droit. le phénomène s'estompant peu
à peu, le peintre entreprend de reproduire ses perceptions visuelles. Munch
scrute ainsi le fonctionnement de sa rétine et en éprouve les limites. Dans
certaines esquisses, on voit le peintre cacher son oeil gauche pour observer ce
que voit son oeil droit. Et toujours, le résultat de cette étude introspective mène
à une représentation empreinte d'angoisse et de mort. Au départ, la tache
sombre qui entrave sa vision prend la forme d'une tête de mort, elle apparaît
ensuite sous les traits d'un oiseau, qui au fur et àmesure de sa geérison, sera
de plus en plus petit. Le peintre fixe les projections dans le monde extérieur de
cet "oiseau" interne à son oeil et profite ainsi de son infirmité pour étudier les
phénomènes optiques auxquels un oeil sain n'aurait pas accés.
"L'Oeil malade de l'artiste avec oiseau" 1930
"La Rétine de l'artiste . Illusion d'optique créée par la maladie oculaire" 1930
" La Vision perturbée" 1930
Ce qui me fait penser à la surdité de Beethoven dans le domaine musical.
https://books.google.fr/books?id=1G5Z9bX0MawC&pg=PA39&lpg=PA39&dq=lithographies+dessins+Munch&source=bl&ots=z1CZo8K3qh&sig=ACfU3U1iUtrxx6YhpV5P1iQeNCe0grkUuw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwie3urF9ILpAhW_BWMBHXNTBRQ4HhDoATAGegQIChAB#v=onepage&q=lithographies%20dessins%20Munch&f=false
" Le fait est que l’on voit les choses avec des yeux différents selon le
moment. On a des yeux différents le matin et le soir. Notre manière de
voir dépend aussi de notre état d’âme. C’est pourquoi le même motif
peut être perçu de tant de manières différentes et c’est là tout l’intérêt
de l’art."
Le monde extérieur (suite)
Munch fut un grand lecteur et collectionneur de la presse nationale et
internationale. Lui qui avait en outre une mémoire très photographique,
s'inspira aussi de l'actualité pour peindre. maisl à encore, l'histoire et les
histoires s'entremêlent. Plusieurs toiles de Munch représentent des incendies, le
peintre ayant été témoin notamment d'un feu pris à Gronland en 1919.
Cependant, il existe beaucoup de différences entre les croquis réalisés sur le vif
et la toile qui en résulte. Celle-ci semble avoir été graphiquement influencée par
les articles parus autour de l'événement, mais aussi par d'autres incendies qui
ont marqué le peintre. En observant différents thèmes récurrents dans ces
scénettes, on comprend que Munch n'opère pas en illustrateur : ses oeuvres
ne sont pas attachées à un seul événement. Il tisse des liens entre différents
épisodes et mêle plusieurs motifs graphiques pour former une oeuvre qui, née
de faits isolés, en devient plus universelle, acquiert davantage de force.
"Panique à Oslo". gravure sur bois 1917
"Je ne peins pas ce que je vois. Mais ce que j'ai vu" (1890)
" La maison brûle" 1925-1927
En 1905, lors d'un dîner où Munch avait convié l'acteur Ludvig Müller et le
peintre Ludvig Karsten, une violente dispute éclate. Ce dernier aurait mis en
doute le sentiment national de Munch. En 1916 puis en 1932, des années après
cet événement en apparence anecdotique, il reprend le sujet en réalisant
plusieurs intitulées "La Bagarre". Karsten figure à l'arrière plan tandis que
Munch se tient tout à l'avant tombant presque dans l'espace du spectateur. Ce
jeu de perspective, qui consiste à donner l'impression au regardeur d'être au
coeur de l'action est caractéristique des illustrations de combats de la première
Guerre Mondiale. Munch, s'en est sans doute, consciemment ou non inspiré,
d'autant que le motif de la rixe avait un lien avec la défense de la nation. Quoi
qu'il en soit, la dispute avec Karsten fournit à Munch plusieurs motifs différents,
"Les Hôtes indésirables" renvoie notamment à la fin de l'épisode, où le peintre
menace ses deux convives avec un fusil.
"La Bagarre" 1932 huile sur toile 1932
"Les Hôtes indésirables" 1932 -1935
On observe dans de nombreuses oeuvres de Munch des manifestaions de
dédoublement physique qui renvoient inéluctablement à une division psychique
du sujet. Le peintre exprime souvent la sensation de marcher à côté de lui-
même, un effet qui se voit renforcé avec l'alcoolisme et la dépression. Cette
opposition répond à un tiraillement intérieur qui oscille entre la schizophrénie,
l'hallucination, la figure d'un double créateur...
L'imaginaire de l'ubiquité n'est pas étranger à l'intérêt de Munch pour les
phénomènes médiumniques. Dans ses autoportraits photographiques, il cherche
souvent à prolonger le temps de pose pour fixer son double spectral. La
silhouette monochrome, presque immatérielle, qui apparaît dans "Le
dédoublement de Faust" renvoie à Méphisto, à une force à la fois bénéfique et
maléfique qui pousse Munch à créer, mais aussi à faire passer l'art avant tout.
https://www.youtube.com/watch?v=D2_NmLp9dmE
internationale. Lui qui avait en outre une mémoire très photographique,
s'inspira aussi de l'actualité pour peindre. maisl à encore, l'histoire et les
histoires s'entremêlent. Plusieurs toiles de Munch représentent des incendies, le
peintre ayant été témoin notamment d'un feu pris à Gronland en 1919.
Cependant, il existe beaucoup de différences entre les croquis réalisés sur le vif
et la toile qui en résulte. Celle-ci semble avoir été graphiquement influencée par
les articles parus autour de l'événement, mais aussi par d'autres incendies qui
ont marqué le peintre. En observant différents thèmes récurrents dans ces
scénettes, on comprend que Munch n'opère pas en illustrateur : ses oeuvres
ne sont pas attachées à un seul événement. Il tisse des liens entre différents
épisodes et mêle plusieurs motifs graphiques pour former une oeuvre qui, née
de faits isolés, en devient plus universelle, acquiert davantage de force.
"Panique à Oslo". gravure sur bois 1917
"Je ne peins pas ce que je vois. Mais ce que j'ai vu" (1890)
" La maison brûle" 1925-1927
En 1905, lors d'un dîner où Munch avait convié l'acteur Ludvig Müller et le
peintre Ludvig Karsten, une violente dispute éclate. Ce dernier aurait mis en
doute le sentiment national de Munch. En 1916 puis en 1932, des années après
cet événement en apparence anecdotique, il reprend le sujet en réalisant
plusieurs intitulées "La Bagarre". Karsten figure à l'arrière plan tandis que
Munch se tient tout à l'avant tombant presque dans l'espace du spectateur. Ce
jeu de perspective, qui consiste à donner l'impression au regardeur d'être au
coeur de l'action est caractéristique des illustrations de combats de la première
Guerre Mondiale. Munch, s'en est sans doute, consciemment ou non inspiré,
d'autant que le motif de la rixe avait un lien avec la défense de la nation. Quoi
qu'il en soit, la dispute avec Karsten fournit à Munch plusieurs motifs différents,
"Les Hôtes indésirables" renvoie notamment à la fin de l'épisode, où le peintre
menace ses deux convives avec un fusil.
"La Bagarre" 1932 huile sur toile 1932
"Les Hôtes indésirables" 1932 -1935
On observe dans de nombreuses oeuvres de Munch des manifestaions de
dédoublement physique qui renvoient inéluctablement à une division psychique
du sujet. Le peintre exprime souvent la sensation de marcher à côté de lui-
même, un effet qui se voit renforcé avec l'alcoolisme et la dépression. Cette
opposition répond à un tiraillement intérieur qui oscille entre la schizophrénie,
l'hallucination, la figure d'un double créateur...
L'imaginaire de l'ubiquité n'est pas étranger à l'intérêt de Munch pour les
phénomènes médiumniques. Dans ses autoportraits photographiques, il cherche
souvent à prolonger le temps de pose pour fixer son double spectral. La
silhouette monochrome, presque immatérielle, qui apparaît dans "Le
dédoublement de Faust" renvoie à Méphisto, à une force à la fois bénéfique et
maléfique qui pousse Munch à créer, mais aussi à faire passer l'art avant tout.
https://www.youtube.com/watch?v=D2_NmLp9dmE
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