samedi 16 janvier 2021

Johann Walter : chroniqueur et ornithologue

 

 Johann Walter. Gustave-Adolphe, Roi de Suède à la Bataille de Breitenfelf (1632)

                                            conservé à Strasbourg au Musée Historique

 Walter n'est en effet pas connu comme peintre, mai aussi chroniqueur. Il a laissé 

une chronique relatant l'histoire de sa ville natale, des origines à son temps, dont 

la bibliothèque de Strasbourg possède deux manuscrits. Cette chronique nous

 montre un homme honnête, d'une innocence candide, qui "copiait" aveuglément

 les autres historiens, commençant son récit par le Déluge et attribuant la 

fondation de Strasbourg aux Assyriens, très précisément à Trébéta, beau-fils de la

 reine Sémiramis en l'an 2683, avec trois-cent cinquante ans d'antériorité par 

rpport à Rome!

C'est un peu la loi de ce genre de chronique : les temps les plus proches du

 narrateur sont seuls utiles et même précieux pour le XVII ème siècle.

Il apparaît comme un homme sincère, de bon sens, bien informé. Sa chronique est

 intéressante pour la guerre de Trente Ans mais pour la lente décadence de sa ville

 natale (1649-1676) et la montée du pouvor absolu de Louis XIV.  Son témoignage

 est précieux du point de vue économique,  politique et religieux. Mais ce brave

 bourgeois, protestant zélé, est aussi crédule (il croit aux 'Poltergeyst, esprits 

 frappeurs et autres phénomènes) que cancanier. Il rapporte avec les mêmes 

frissons les faits d'armes de son pays et les exécutions de femme convaincues

 d'adultère. Il fustige le dévergondage des moeurs, et relate avec une feinte 

épouvante dissimulant mal une certaine satisfaction, le châtiments des coureuses

 de foire.

 Sa vie ne dut pas être de tout repos, car on le voit parcourir  des contrées

 dangereuses : ainsi raconte-t-il revenir d'Ilstein alors que les armées impériales

 font diversion au roi de France aux environs de Francfort et comment il passe le 7

 octobre 1672 avec cinq compagnons en voyage au milieu de deux armées ;

 quelques jours plus tard on le voit assurer le tour de garde avec sa compagnie 

alors qu'il est presque septuagénaire. Sa haine des Français éclate partout, 

pourtant il truffe son texte d'expressions françaises.

Walter dont le style est si serein et si pur, qui est attaché à peindre les merveilles 

de la nature a donc vécu dans une période les plus terribles de l'histoire 

européenne. Pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648) l'Alsace servit de

 champ de bataille. Les armées impériales suédoises, françaises la parcoururent 

en tous sens. Massacres et famines décimèrent les populations, et ce fut une 

Alsace misérable que le traité de Westphalie céda finalement à la France.

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 C'est surtout pour ses peintures sur vélin que Walter est passé à la postérité. Son

 oeuvre la plus célèbre est" l'Ornithographia" que conserve aujourd'hui l'Albertina 

de Vienne. C'est un sublime recueil d'une centaine de dessins aquarellés d'oiseaux 

de toutes sortes dont beaucoup d'exotiques. Le margrave de Bade-Durlach lui 

envoya des spécimens rares, sachant qu'il les recherchait.

 Outre du Florilège c'est d'un autre volume que peut s'enorgueillir le

 Département des Estampes de la Bibliothèque nationale, un sublime recueil

 attribué de nos jours à Georges Hoefnagel, attribution flatteuse s'il en est mais

 erronée, bien qu'elle ait été toujours considérée comme intangible, en raison

 d'une mention manuscrite sur la page de titre. Ce volume relié par Derôme le

 Jeune, comporte quarante et une planches de la main de Walter. Le Cabinet des 

Estampes de Strasbourg possède de son côté vingt planches qui pourraient bien

 avoir initialement appartenu au même recueil. Au début du XVIII ème siècle,

 Claude Aubriet, peintre attaché au jardin du roi, possédait en effet une 

Ornithologie due au pinceau de Johann Walter.

 

 'Picus maximus niger, vulgo "Ein Trâbe Pfecht" 17 octobre 1646 

                                                                         grand pic noir. 

 Les légendes sont en latin et en allemand. La valeur scientifique est très grande, 

car Walter peignait avec une exactitude scrupuleuse. Il a en outre noté les 

passages d'oiseaux en Alsace. L'album comporte des indications biographiques.

 C'est ainsi que sur la légende d'un oiseau, il explique avoir vu l'animal à Chantilly 

: pour tel autre il précise que ce spécimen lui a été envoyé par le margrave de 

Bade-Durlach.


                                                               "Pica Marina" (Planche 19)



vendredi 15 janvier 2021

Johann Walter

 

                                        Autoportrait de 1667

Le peintre s'est représenté à lge de cinquante-sept ans,( il se rajeunissait, sur la 

légende de la planche, car il avait en réalité soixante-trois ans en 1667), assis  

dans un fauteiuil recouvert de cuir repoussé, en train de peindre la seconde épouse

 de Johan de Nassau, Anna von Leiningen, en robe de grand apparat ornée de 

broderies, de perles et de pierres précieuses. Un petit bouquet dans un vase de

 bronze du XVI ème sur le bahut ainsi que la reproduction - minuscule- de la

 statue colossale dite Flore Farnèse (aujourd'hui au musée de Naples)rappelle que

 le peintre lui aussi est un collectionneur. Walter ne peignit ce portrait qu'après

des admonestations réitérées de son bienfaiteur. Il se fit aider pour la circonstance

par Barthélémy Hopfer, portraitiste originaire d'Augsbourgg, actif à cette époque à

 Strasbourg

  Walter est né le 23 janvier 1604 à Strasbourg, dans une ville déjà célèbre depuis

le XIV ème siècle pour son activité artistique ; l'arrivée de réfugiés français tels

 que les Aubry, Etienne Delaune, de flamands et wallons comme Théodore de Bry

ou Daniel Soreau ou les graveurs Van der Heyden ajoutent encore à ce prestige.

 Les princes alentour favorisaient  une vie artistique variée où les peintres

 venaient en résidence, si je puis dire.

 Les cabinets de curiosité regorgeaient  d'estampes,  de médailles, de jetons, de 

pierres gravées, de minéraux, d'instruments.

 Cet environnement a sans doute favorisé sa vocation qu'il débute selon toute 

probabilité  chez le miniaturiste et graveur Frédéric Brentel (1580-1651).

 Ce dernier est célèbre pour un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale :

un livre d'heures destiné à l'usage de Rome. On trouve dans les heures de 

Guillaume de Bade illustrant le calendrier dont le sujet et le style s'apparentent 

fort aux allégories des saisons du florilège de Walter. Mais pour l'instant ce sont

  justement des extraits de ce manuscrit de Brentel que je veux vous proposer.

 Nous verrons par la suite que Walter ne s'est pas contenté de planches de fleurs.

 mais a su aussi s'intéresser aux oiseaux.

             Frédéric Brentel. Livre d'heures à l'usage de Rome 

               .BN. Manuscrits      (Fol. D V°)                                Mars la chasse 

                             Août : La moisson et la chasse au faucon



                                      Septembre.  La chasse aux cerfs

 

mercredi 13 janvier 2021

Topiaires d'isdtein

 Dans une lettre à Fürttenbach, le comte décrit ses plates-bandes, avec une foule

 de détails que l'on ne retrouve pas tous dans les vues du florilège. Il précise que 

son jardin est divisé en trois parties, qu'au centre les massifs ont  la forme des

 meilleurs fruits de la terre : citrons, pêches, figues, ou encore noisettes, mais

que sur l'un des côtés, il a donné aux massifs la forme d'ennemis des jardins (pour

 conjurer le sort ! ), comme les chenilles et les lucarnes, et sur l'autre, celle 

d'animaux extrordinaires comme les crocodiles, dragons et autres basilics.

 A l'intérieur des massifs, la disposition des fleurs s'ordonnait selon la hiérarchie

 communément admise à l'époque : au centre les fritillaires, aux extrémités les lis.

 Puis par ordre décroissant, narcisses, jacynthes, iris anémones, crocus, 

renoncules.

 Au centre des massifs étaient plantées de minces hampes de bois couronnées de 

boules peintes, couleur d'or, d'argent ou de cuivre, et saupoudrées de sable

 étincelant , servant à la fois de décoration et d'épouvantails pour les oiseaux.

 Ainsi le comte n'avait-il rien négligé en ce qui concerne l'agencement et la 

décoration de son jardin. Le florilège par ailleurs ne nous laisse rien ignorer des

 trésors végétaux réunis par ses soins, et dont il devait tirer une légitime fierté.

Il peut sembler qu'un principicule comme Jean de Nassau-Idstein ait pu réunir

 dans ce  petit jardin tant de plantes d'espèces différentes. Il était en relation

 épistolaire avec beaucoup de nobles allemands, apparentés ou non, et il procédait 

à des échanges de renseignements sur l'horticulture, mais aussi de graines et de 

plantes. Parmi ceux-ci on mentionnera son frère, Ernst Casimir, également grand 

amateur de fleurs, puis après la mort de celui-ci, son fils Frédéric. Mais on doit

 aussi mentionner la comtesse Johanna von Erbach : son beau-frère le comte de

 Leiningen ; le comte palatin George Wilhem de Birkenfeld et au moins trois 

autres. Bien évidemment les dons ne suffisaient pa à l'enrichissement du jardin et 

le comte procédait aussi par achat. Des factures mentionnent l'envoi de la foire 

d'automne de Francfort, de livraisons de bulbes, la plupart de tulipes

 


 planche signée J Walter . f . 1652

 (chaque planche fait l'objet d'un descriptif, vais-je interrompre mon récit  ? ... 

momentanément... au profit de ce descriptif,  mais je reprendrai le fil de l'histoire)

Différentes variétés de tulipes horticoles.  Au XVII ème siècle, la tulipe, originaire

 du Proche-Orient (Iran, région de la mer Caspienne, déchaîna toute l'Europe , où 

elle avait été récemment introduite, une véritable passion. La "tulipomanie" gagna

 toutes les classes de la société et fut l'objet d'incroyables spéculations. On pouvait

 payer un prix énorme pour obtenir un oignon de cette fleur, en donner en dot à sa

 fille, et l'on sait qu'à Lille une brasserie fut cédée en échange d'un seul bulbe 

d'une variété qui pour cette raison fut dénommée 'tulipe brasserie"!.

La Bruyère a sigmatisé dans ses "Caractères" les excés de cette folie, qui perdura 

jusqu'au XVIII ème siècle.


 





 Le papillon est un Lycanea














 J W F 1655

 Tulipe horticole et iris des jardins. Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas

 ici d'iris nains, sensiblemnt différents. Le peintre a vraisemblablement représenté

 l'iris comme plus petit car la tulipe est plus haut placée dans la hiérarchie des

 fleurs. Très recherché pour son parfum, l'iris entrait aussi dans bon nombre de 

compositions pharmaceutiques.



Le choix présenté ici

 souligne le goût particulier 

du comte de Nassau  pour

 les tulipes dites

 "flamandes". Dés 1534,

 on cultivait la tulipe de 

Gesner qui fut ensuite 

l'objet de transformations 

considérables dans sa 

forme et ses coloris.

 On était particulièrement 

fier  de posséder ces 

nouveautés enflammées,

 aux couleur vives sur fond 

blanc pur, connues 

aujourd'hui sous le nom  de 

"race Rembrandt"



Planche gravée d'après un dessin de Joseph Fürttenbach l'Ancien pour l'ouvrage 

"Feriae Architectonicae" 1662  B N

Il ne pouvait manquer d'exposer un bouquet de tulipes sur le portrait que fait de 

lui Johan Walker en 1664

 


 Le comte est assis dans son cabinet. l'homme n'est ni de belle stature, ni de traits

 séduisants : ce portrait altéra du reste quelque temps ses rapports avec le

 peintre. Vétu d'un austère costume noir, il s'appuie sur une table couverte d'un

 tapis rouge, sur laquelle s'entassent divers volumes aux tranches colorées, celui

de l'extrémité gauche relié en peau de truie à cabochons, selon une mode très

répandue  dans les pays germaniques. Il tient dans la main droite un compas, dont

 il se sert pour mesurer le plan d'un ouvrage fortifié. Divers instruments de dessin

 sont posés sur la table ; une boite à compas et tire-lignes, une équerre, ainsi 

 qu'une montre dont la clé pend au bout d'un cordon.

 Son activité présente évoque sa carrière militaire, dont font aussi écho la cuirasse,

 le baudrier et l'épée, comme la peinture sur le mur du fond, une scène de bataille 

à l'antique à demi-masquée par son rideau cramoisi.

Les passions du collectionneur se signalent par les sculptures (dont une allégorie

 de l'Abondance), le vase aux tulipes, le cadre contenant une peinture de fleurs et

 les nombreux coquillages entassés dans une corbeille à même le sol. Ce portrait

 montre que si Walter était fort habile dans la peinture des objets ou des fleurs, il 

ne l'est guère pour ce qui est de la perspective (le dessin de la table, notamment 

laisse à désirer)

mardi 12 janvier 2021

La Tourelle d'Istein

  Jean de Nassau se mettait en scène, tout était occasion d'afficher ses armes et

 faire remonter son ascendance au comte Balthazar, seul catholique et chevalier

de l'Ordre Teutonique, dans des cartouches soutenus par des putti  ou sur fond

noir, sur l'un d'entre eux, on peut lire " (traduction)  L'an 1652, le noble Jean

 comte de Nassau, Sarrebrûck, Saarwerden etc, a restauré agrandi et décoré cette

 tour et ce jardin, à l'occasion de ses secondes noces avec Anna, comtesse de

 Linange-Dabo" 

Sur un autre en marbre noir il fait graver "De tout temps les comtes de Nassau 

sont nés pour exercer leur héroisme dans l'art et dans la guerre. Le comte Jean a

 passé ses jeunes années jour et nuit sans dormir dans la tente de Mars et de

 Minerve. Un triste destin lui a infligé treize ans de misère, mais les armes une fois

 déposées, tout en atteignant le faîte de la puissance et de la sagesse, il s'est

 diverti durant vingt cinq ans à décorer ces lieux de fleurs, d'arbres rares et de

 jeux d'eau" 

Les sept voûtains sont décorés par des peintures sur toile marouflées dues au

 pinceau de Johan Walter. Ces voûtains sont dédiées aux sept divinités qui régnent 

sur les jours de la semaine. Celles-ci sont représentées dans les cieux avec leurs 

attributs habituels.


 Au sommet de chaque voûtain sont placés le ou les signes zodiacaux dans 

lesquels la planète concernée a son ou ses domiciles.

 Ces divinités survolent les paysages des contrées dont le comte s'enorgueillit 

 d'être seigneur, paysages peints par Walter non sur place mais chez lui, à 

Strasbourg, probablement d'après des gravures ou des esquisses de Mathieu

 Mérian le jeune. (Et ce n'est pas fini !! ) Sous chaque compartiment peut se lire

 gravé en lettres d'or sur une table de marbre noir, un quatrain en latin chantant 

les bienfaits supposés de chaque divinité envers les fleurs et notamment l'octroi de

 leur couleur. A partir de la porte d'entrée, dans le sens inverse des aiguilles d'une

 montre, on voit successivement : Apollon, dans un char tiré par quatre chevaux

 blancs, accompagné par le Zéphire et les Brises. Au-dessus, le signe zodiacal du

 Lion (le soleil n'a qu'une seule demeure).


 (on retrouve, à droite, la gravure de la ville d'idstein faite par Matthieu Mérian)

 "Vita meum munus, vitam sol floribus addo./ Nulla potest radiis planta carere 

meis./ Aureus a nobis color est spectandus in hortis/ et referunt patrem nostra 

creata suum " (Petite leçon de latin et de mythologie pour les visiteurs du jardin)

Diane nimbée d'un croissant de lune, dans un char tiré par un cerf et une biche, 

ces deux animaux lui étant consacrés. Des amours font tomber sur elle une pluie 

de pétales de fleurs. Au-dessus, on reconnaît  le signe du Cancer (la Lune, elle

 aussi,  n'a qu'une seule demeure. (Je vous épargne le latin)

"Moi, Cynthie, j'arrose les fleurs de liqueurs nocturnes. Mes lis montrent leur 

blancheur. Je couvre d'une parure variée toute plante pour peu qu'elle soit cultivée

 par une main habile).

                                                                    à suivre

 

Planche de Yucca peinte en 1652 par Walter



















Prunus de 1661



Mars, dans son char tiré par deux molosses, est accompagné par la renommée

 reconnaissable à ses trompettes, et de la Guerre, qui brandit torche et épée.

 Au-dessus, le Bélier (sa demeure diurne) etle Scorpion sa demeure nocturne.

 Au dessous s'étend une vue de Nassau. 

Grata rubedo mihi rubros Mars profero flores / Val quoniam speciem Flos rubicondus Habet /Quas fundunt Flammas rutilentia Cariophilla / Flori romanoquantus habetur honos

Mercure apparaît dans le voûtain suivant, coiffé de son pétase et chaussé de ses

 sandales ailées, la main droite tenant le caducée, dans son char tiré par des deux

 animaux fidèles, le coq et le dindon. A ses pieds deux putti font pleuvoir des

 richesses sur  Idstein

dont on reconnaît

 aisément  le château et

 le jardin ceint de  sa 

clôture verte. Les signes

 zodiacaux sont les

 Gémeaux (demeure

 diurne) et la Vierge

 demeure nocturne)

  Le cartouche en latin: 

"Garde-toi d'arborer

 trop de couleurs 

communes : une couleur

 simple est digne de

louange

. Voyant des fleurs

 peintes de tons 

bigarrés, qu'il laisse 

parler son génie

 propre, 

l'Atlantiade l'emporte.

 Jupiter vient ensuite, non pas tiré sur un char, mais trônant majestueusement sur

 la nuée, ayant à ses côtés Junon  qui se blottit contre lui. Deux aigles les

 entourent, tandis que deux paonss se reconnaissent à l'arrière-plan. Les signes

 zodiacaux représentés sont le Sagittaire (demeure diurne de Jupiter et les

 Poissons  (sa demeure nocturne) Aux pieds du couple divin s'étend la ville

 d'Idstein reconnaissable à son château et à la tour des Sorcières

 (la composition est agréable, mais l'on retrouve les mêmes maladresses  de Walter  : Vénus n'est vraiment pas à son avantage)

 Moi, Vénus Erycine, je donne aux fleurs de charmantes couleurs. J'habille de 

lumière  pourpre les roses délicates . Regarde la belle robe de la tulipe que les

 matelot nous a apporté des rivages dalmates.


lundi 11 janvier 2021

Le jardin d'Idstein : suite

 Le ton est donné,        "Joan Walter invenit et Pinxit" 1663

 peint ce tableau en donnant  à Minerve, Flore et Pomone la corpulence et les traits

 de la comtesse de Nassau - Idstein  mais elles conservent leurs attributs, la corne

 d'abondance regorgeant de fruits à Pomone, pour Flore une rose et une couronne

 fleurie, à Minerve la lance, le  bouclier à tête de Méduse et la chouette.

 Nous pouvons ainsi voir se personnaliser le goût du comte de Nassau et de sa 

femme pour les fruits et les fleurs.

Ara macao et  et Speotyto cunicularia (chouette) viennent du Brésil.

 

 Il s'agit de sa seconde épouse Anne-de Leiningen- Daschburg avec laquelle le 

comte se remarie  en 1646  à Strasbourg à la suite du décès de sa première 

épouse en 1644: de cette dernière il eut onze enfants et sa nouvelle épouse lui en

 donna à son tour dix-huit. La maison de Leiningen avait des possessions en

 Lorraine (Linange-Dabo) alliée depuis le XIII ème à la maison de Sarrebrück. 

Lorsque le comte retrouve Idstein son premier souci est de repeupler ses 

possessions, il favorisa l'installation d'immigrants par l'octroi de privilèges et donna

 de l'argent et des matériaux. Il accorda de nouvelles lettres aux corporations et

 redonna le même essor à l'industrie des bains de Wiesbaden, encourageant un

 médecin de renom à publier un ouvrage vantant la qualité de ces eaux connues 

depuis l'époque romaine. Un modèle d'administration qui  lui permit grâce à la

prospérité retrouvée de donner libre cours à à son goût pour les collections aidé en

cela par Johann Walker et Sébastien Stoskopff, rencontrés à Strasbourg.

 Accumuler les oeuvres d'art ne lui suffisait plus, un marché horticole ayant ouvert

 à Francfort, il pouvait acquérir les specimens les plus recherchés.  Sur la planche 

de Walter nous pouvons remarquer des caisses d'orangers. Mais pour cela il fallait

 des serres pour les rentrer en hiver,  ce qui n'était pas donné à tout le monde. 

On adorait les oranges mais aussi les citrons, limons ou cédrats. Les posséder ne

 suffisait plus il fallait les immortaliser, son premier peintre de fleurs fut Johann 

Valentin Hoffmann auquel succédèrent  pendant plus de vingt ans Walter et à la 

mort de ce dernier Balthazar Gebbardt.

Joan Walter fecit le 5 juin 1663

La plante est une Scilla peruviana Linné, var . hughii, originaire de la Sicile

 Sur le pot de grès figuent les armes du comte de Nassau-Idstein et de sa femme

 Autour des armes du comte on peut lire I .G . Z . N . S . V . S . W. H . Z . L . W . 

V . I ( Johann, Graf zu Nassau, Saarbrücken, und Saarwerden, Herr zu Lahr, Wiesbaden und Idstein).

Autour des armes de la comtesse c'étalent vraisemblablement les initiales de son 

nom et de ses titres dissimulés par l'oiseau lequel est un dacnis bleu (Dacnis

 cayana) femelle, provenant du Brésil.

 Mais l'histoire de ce jardin ne s'arrête pa là, ce n'était d'ailleurs pas ce que je

  voulais vous montrer aujourd'hui !... 

 Les oiseaux... empaillés, originaires du Brésil faisaient aussi partie de ses 

collections.




 

dimanche 10 janvier 2021

Le jardin d'Idstein

Il existait un jardin à Idstein depuis plus d'un siècle. Il avait été aménagé par le

 comte Balthazar, éphémère souverain  (1566-1568) qui y avait fait construire 

un pavillon de plaisance octogonal. 

Mais ce jardin étrait trop exigu avec un fort dénivelé, qu'à cela ne tienne les 

douze années de bannissement passées et mises à profit pour des rencontres

 prépondérantes, Jean de Nassau va faire appel à Joseph Fürttenbach pour

 réaliser un jardin magnifique. 

 signé John Walter, ad vivum depict 1662. Deux images de cette fontaine sont connues l'une à Londres, l'autre à Paris. cette fontaine se situait dans le mur oriental du jardin sur un bastion, une saillie à des fins défensives dans le mur de la terrasse. Elle pouvait avoir environ cinq mètres de hauteur en forme de cul de four ou d'une conque et était surmontée d'un demi- clocheton portant un cadran solaire portant date et signature du commanditaire et de son sculpteur.
 

Les jardins allemands, très florissants avant la guerre de Trente Ans - il suffit de

 citer l'Hortus palatinus d'Heidelberg- avaient beaucoup souffert pendant les 

hostilités (sur lesquelles je reviendrai sans doute) il y en eut

 toutefois, comme celui du comte d'Haimhausen au nord de Münich qui furent

 aménagés à cette période comme ceux aussi de Wallenstein dans sa résidence de

 Prague et celle de Gitschin. Il s'agissait pour la plupart de jardins à l'italienne.

 La fin de la guerre amena la floraison de bon nombre de jardins. Dans une 

Allemagne meurtrie, aménager un jardin était le moyen d'agrémenter une

 résidence. Le désir a pu s'en faire sentir si impérieusement qu'en 1647, soit dès

 avant la fin des hostilités, trois jours après avoir été nommé gouverneur de 

Clèves, après un long séjour au Brésil où il avait administré les colonies 

néerlandaises, Jean-Maurice de Nassau -Siegen, parent éloigné de notre comte,

 annonçait son intention d'aménager dans sa nouvelle résidence un jardin 

fastueux. Si dans toute l'Europe la Renaissance avait déjà été une période 

profondèment horticole, le XVII ème siècle allait être la grande période des 

jardins de fleurs. L'horticulture était devenue une passion aristocratique, à 

laquelle il fallait sacrifier, si l'on était quelque peu soucieux de sa gloire.

 Johan  Walter va immortaliser  décors et planches de fleurs. Joseph Fürttenbach

 est le premier auteur de langue allemande à avoir consacré à l'architecture des

ouvrages théoriques dans lesquels l'art des jardins tienne autant de place que 

celui de la construction elle-même.

 

 description de la tourelle octogonale un peu plus tard, planches signée Joan Walter fecit 1656 1663



Joseph Fürttenbach était né à Leutkirch, près d'Ulm en 1591 et il s'était rendu dès

 l'âge de quinze ans en Italie car il se destinait au commerce. Mais au terme de

 dix années passées à Milan, à Gènes et à Florence, il était revenu mécanicien et

 architecte, Jean de Nassau va faire appel à lui pour structurer l'espace près de 

son château destiné à son jardin. Il avait déjà bien en tête  ce qu'il souhaitait 

réaliser après avoir visité nombre de jardins et surtout le jardin du prince-évêque

 Konrad von  Gemmingen à Eichstätt en Bavière et obtenu du médecin 

strasbourgeois Kamels l'ouvrage de Besler. Les jardins dessinés par Fürttenbach

 étaient pourvus de grottes au décor surchargé de coquillages et de madrépores, 

Jean de Nassau va pouvoir en aménager dans son jardin mais aussi une fontaine

 en forme de conque dont le décor baroque fut confié au sculpteur de Mayence 

Arnold Harnisch. Les marbres rose et noir entrant dans la composition de cette

 fontaine furent extraits des carrières familiales de Shupbach et de Weilburg.



samedi 9 janvier 2021

Jean de Nassau

 

           Vue d'ensemble du châtau d'Ilstein signée en bas et à droite 

                                             Johan Walter 1636 415 X 296 cm

  ( description de cette planche plus bas)

  Je ne vais peut-être pas rentrer dans les détails du panorama historique dans 

lequel se situe ce prince collectionneur mais le replacer quand même dans le

 contexte historique  qui le fait s'exiler à Metz alors qu'il y avait déjà parfait son

 éducation. L'Allemagne  subit les soubresauts des guerres de religion qui 

secouaient la France et devint terre d'asile pour les huguenots français.

 Mais ne brûlons pas les étapes, à l'exil succédera la prospérité et il ne s'en

 défends pas ! En 1671 dans une lettre adressée au peintre Johann Walter (sans

 doute pour le persuader de se mettre à son service), il expose que son château

 regorge d'oeuvres d'art. Dans ses "cavernes" il conserve une Madone de Michel 

Ange, une peinture de Véronèse, une Fuite en Egypte de Palma, une Réunion de 

joueurs de Manfredi, quatre tableaux de Bassano, une Cléompâtre de Lucas 

 Cranach

 Il n'y a pas lieu d'en douter la pinacothèque d'Ilstein  tenait une place honorable

parmi les collestions allemandes.

              Qui est donc  Jean de Nassau ?


Né le 24 novembre 1603 il est le  onzième enfant et septième fils de Louis II de 

Nassau - Weilburg (1565-1627) héritier en 1605 de toutes les possessions 

walramiennes, époux d'Anne-Marie fille du landgrave Guillaume de Hesse- Cassel.

Johann est avec ses trois autres frères le survivant de cette famille nombreuse ; 

après une période d'indivision,  Jean reçut les terres de Wiesbaden, Idstein, 

Wehen, Sonnenberg et Burgschwalbach.

 Comme tous ses frères il est élevé à Metz et se trouve adolescent quand la guerre

 de Trente Ans éclate, guerre terrible, guerre européenne, dont le Saint-Empire,

 théatre principal sinon exclusif, fut ensanglanté de 1618 à 1648 et qui se 

prolongea entre France et Espagne jusqu'en 1659. Guerre de religion aussi, qui prit

 aussitôt l'aspect d'un conflit entre l'aristocratie protestante et la dynastie 

catholique, qui opposa l'empereur (Charles Qint) aux princes allemands et les 

Habsbourg aux Bourbons. La vie de notre conte, du sortir de l'adolescence à 

l'aube de la guerre, jusqu'au retour de la paix qui coïncide pour lui avec l'âge de la 

maturité, se confond avec celle de son pays martyrisé.

A l'origine, le conflit était localisé dans le Saint Empire, et il avait des motifs

 purement religieux. En 1608, l'électeur palatin unit tous les états protestants en 

une "Union évangélique" , à laquelle le duc de Bavière opposa la Sainte Ligue

 allemande des princes et états catholiques, constitués l'année suivante.

Les deux ligues se dotèrent d'armées puissantes, commandées par de redoutables

 condottieri, Mansfeld et de Thurn pour les protestants, Tilly pour les catholiques.

En 1617, Ferdinand de Styrie, catholique zélé, fut élu à la couronne de Bohême. 

Les protestants redourèrent l'abrogation des "Lettres de Majesté" qui autorisaient

 le culte réformé  et défenestrèrent deux lieutenants de l'empereur Mathias 

(23 mai 1618)

 (comme avait été défenestré chez nous, l'amiral de Coligny lors de la journée sanglante de la St Barthélémy)

puis constituèrent un gouvernement insurrectionnel. Après la mort de Mathias

 (mars 1619) Ferdinand lui succéda. Les Tchèques prononcérent (août 1619) sa

 déchéance et donnèrent la couronne à l'électeur palatin Frédéric V, chef de

 l'Union évangélique.

                                                                                       

 


            
de Frédéric Brentel maître de Walter  " La chasse au sanglier"

 Rejetant cette décision, Ferdinand II, soutenu par les troupes de Bavière que

 commandait Tilly, remporta la victoire de la Montagne-Blanche près de Prague (8 

novembre 1620)

 Une terrible répression s'abattit sur la Bohême et l'empereur fit occuper le 

Palatinat(1621). Pour punir Frédéric V de cet acte de félonie, il donna ses 

possessions et la dignité électorale au duc Maximilien de Bavière. Cette mesure

 d'autorité effraya les protestants allemands (au nombre desquels les Nassau) et

 donna lieu à l'extension du conflit.

Depuis l'élimination du Palatin, Ferdinand II progressait  en Allemagne. Pour

 empêcher la jonction des Habsbourg d'Espagne et d'Autriche, Richelieu occupa la 

Valteline (1625) et favorisa l'intervention du roi de Danemark Christian IV. 

Toutefois celui-ci fut battu par l'armée que Wallenstein veanit de constituer au 

service de l'empereur. Tout puissant, Ferdinand II promulgua l'édit de restitution (6

 mars 1620) contre la sécularisation des terres d'église qu'il voulait ramener à

 l'état de 1552-1555.Puis il tenta de faire élire son fils comme roi des Romains par

la diète de Ratisbonne, mais il échoua en raison de l'action conjointe des électeurs

 allemands et de la diplomatie française menée par le père Joseph du Tremblay, 

l'éminence grise de Richelieu.

 En 1628, Jean de Nassau se rendit à Prague, à la cour impériale, pour des

affaires de famille et pour négocier des allégements fiscaux en faveur des terres

 des Nassau très éprouvées par la guerre. Il avait d'ailleurs déjà rencontré 

Wallenstein à ce sujet dans sa résidence d'été de Giltschin, mais vainement.

 Peu après, en 1629, au cours du partage des biens familiaux, il reçut Idstein et

 Wiesbaden devenant ainsi le jeune fondateur de la jeune branche de Nassau-

Idstein.

      Description de la vue d'ensemble du château d'idstein et de son jardin.

Cette vue d'ensemble, très vraisemblablement peinte d'après nature est fort

 précieuse. Elle nous montre avec une précision quasi photographique le jardin du

 conte, encore tout médiéval dans sa composition, clos sur le monde extérieur, 

oasis de luxe et de raffinement dans un cadre rustique, paradis terrestre dans un

 monde qui n'a pas oublié les désastres de la guerre de Trente ans. IL apparaît

 comme une enceinte supplémentaire dans l'enceinte du château, une sorte de

 donjon fictif. Ce jardin évoque irrésistiblement les 'hortuli" du Moyen Age

  A l'extrème droite  se dresse la tour des sorcières; trois parties dans ce jardin

 trois parterres que séparent deux allées. Les massifs de la partie centrale 

affectent la forme de fruits et notamment le plus prisé de ce moment,  la poire.

 Côté nord et côté ouest, le jardin est ceint d'une énorme barrière en bois  peinte

 en vert dont la forme évoque déjà très fortement l'architecture de l'Europe 

centrale.

 On retrouve à l'époque actuelle la partie droite du château et la tour des sorcières