organisée pour Edvard Munch, bien entendu il y avait une des versions du "Cri"
que tout le monde connaît. Mais Munch n'est-il connu que pour ce "Cri".
"Plusieurs versions du Cri ont été volées à de multiples reprises pendant l’existence de ces tableaux, notamment en 1994 et en 2004. Durant ces deux occurrences, les tableaux ont été endommagés mais ils restent en relativement bonne condition. Le Cri est l’un des tableaux les plus chers à avoir été vendu et fut acheté en 2012 pour 119 922 500 dollars américains, par Leon Black fondateur d’Apollo Global Management."
En faisant l'acquisition de son catalogue je ne pensais pas que j'aurais le loisir
de le feuilleter à nouveau avec vous.
Cette exposition a fait le tour de deux autres institutions, la Shirn Kuntshalle
de Francfort et la Tate Modern de Londres, durant le premier semestre de 2012.
Alors qui est Munch ? une part de la réponse se trouve déjà dans l'intitulé de
l'exposition "L'oeil moderne". Souvent présenté comme un peintre du XIX ème
siècle puisqu'il est né en Norvège le 12 décembre 1863, symboliste ou pré-
expressionniste, il est envisagé dans cette rétrospective comme un artiste du
XX ème siècle, inscrit dans la modernité de son époque puisqu'il décéde en
1944, la même année que Mondrian et Kandinsky.
Et si nous faisions plus ample connaissance avec lui, avant même d'admirer
ses toiles, qui trouveront ainsi toute leur signification.
"j'ai par exemple
beaucoup appris
de la photographie.
J'ai une vieille boîte
avec laquelle j'ai
pris d'innombrables
photos de moi-
même
Cela donne
souvent
d'étonnants
résultats. Un jour
lorsque je serai
vieux, et n'aurai
rien d'autre de
mieux à faire que
d'écrire mon autobiographie,
alors tous mes autoportraits ressortiront au grand jour".
Cet autoportrait témoigne parfaitement des procédés de déformation optique
que Munch mettra en valeur dans sa peinture. L'appareil photographique qu'il
possède est destiné aux amateurs. Pour cette raison, il est équipé d'une lentille
de courte focale qui, en amplifiant la distance entre le premier plan et l'arrière
plan, crée un effet de grand angle particulièrement prononcé. Ce phénomène
permet à Munch de jouer sur une perspective extrêmement exagérée, d'autant
plus marquée que le peintre ne possédant pas de déclencheur est obligé de
rester près de l'appareil. Son visage apparaît ainsi flou en très gros tandis que
ses pieds sont disproportionnément petits. Cet autoportrai influencera de
nombreuses toiles." Le tronc jaune" est issu de la même réflexion sur l'espace.
Les corps des "Travailleurs rentrant chez eux", peints en raccourci, y renvoient
également. Mais c'est sans doute la série "la Mort de Marat" quui fait le plus
directement référence à cette photographie.
Autoportrait, 53 quai Am Strom, Warnemünde
" Qu'est ce que l'art en réalité?
L'expression d'une insatisfaction dans la vie
- l'empreinte d'un désir vital de création
- l'éternel mouvement de la vie
- la cristallisation." (1905)
Le Tronc Jaune 1912
"Il y a deux lignes fixes dans la nature
- deux lignes principales. la ligne de
repos, horizontale et la ligne verticale
- celle de la pesanteur. Autour de ces
deux lignes, les lignes vivantes en mouvance
- celles du changement
- de la vie". (vers 1911)
Munch, de même que Paul Gauguin, cherche davantage à représenter l'effet
que le paysage en lui-même. Cette projection mentale propre à la peinture de
la fin du XIX ème siècle et du début du XXème consiste pour l'artiste à peindre
un paysage intérieur et non une vision réelle. Il n'y a ici aucun souci
d'élégance dans la manière de Munch. Tel Paul Cézanne, ses coups de brosse
irréguliers servent une expression picturale directe, d'une grande force. La forêt
de résineux est un thème cher au peintre. les troncs couchés, qui symbolisent
la mort, accentuent le point de fuite et entraînent le regard vers le fond de la
forêt. Munch, comme souvent, place ici l'horizon très haut. Ajouté à un point de
vue au ras du sol, cet effet amplifie la profondeur er crée un vertige qui
déstabilise le spectateur.
Travailleurs rentrant chez eux"
1913-1914
Munch dilue ici la matière picturale. Plus liquide, elle permet des effets de
transparence rappelant ceux de la double exposition photographique. On
aperçoit ainsi le dessin des pavés au travers des pieds personnages. Eux
mêmes sont ourlés de différents cernes qui signifient leur mouvement, comme
si, à la manière des expérimentations d'Eadweard Muybridge, on les avait
captés en différents instants successifs. Car c'est bien dans la sensation de
mouvement que réside l'essentiel de ce tableau qui emprunte certains de ses
effets au cinéma. La trace du mouvement représentée ici répond à une
dynamisation propre à la modernité de la vie urbaine. Le thème de ouvriers
sortant de l'usine (qui est aussi celui du tout premier film des frères Lumière) y
participe. Les futuristes peignaient la segmentation du mouvement ; Munch,
lui, ne s'y intéresse que pour son expressivité. La perspective accentuée crée
un appel vers le fond contrarié par la dynamique des personnages qui semblent
sortir du champ de la toile.
Il me vient à l'instant une réminisence des peintures pariétales où déjà les
magdaléniens avaient par une succession de traits voulu démontrer le
mouvement .