ou sa folie ?
Vous serez surpris par ses "Crabes" dont je ne connaissais pas l'existence, mais aussi par l'analyse de Gérard Knuttel, autre critique d'art qui nous le rend accessible, plus proche à la lecture de ses lettres et même de ses denières notes trouvées sur lui après sa mort.
"Mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a à moitié sombré. Mais que veux-tu?..."
Quelle puissance, ! quelle perfection dens ces deux crabes !
Autre découverte pour moi l'influence de Joseph Israëls, un contemporain, membre de l'Ecole de La Haye ; influence dans la facture des" Mangeurs de pommes de terre"..
Mais cette période hollandaise n'est pas représentée dans les salles de la National ou cela m'a échappé.
Plus que "les Tournesols", j'ai adoré son "Champ de blé avec cyprès".
On y sent le mistral.
"L'apport de l'art français dans l'évolution de van Gogh est considérable ; ce qu'il voit à Paris fixe l'aspect de son art pour une longue période, celle de cette deuxième moitié de sa vie artistique, qu'il passe en France.
C'est seulement dans les deux dernières années de son existence, à Saint Rémy et à Auvers, qu'il s'en éloigne, pour évoluer vers un style et un coloris tout à fait personnels, loin de tout ce qu'il voit autour de lui. Mais, même alors encore, ce qu'il a appris à Paris resta à la base de sa technique et de sa palette.
Dans ces deux années passées à Paris, en 1886 et 1887, il semble renaître et se dépouiller du bagage trop lourd qu'il s'est acquis par des années d'étude acharnée en Hollande, de 1880 à 1885.
Il le change contre une armure technique plus légère et plus commode dans la lutte farouche avec la matière.
Mais ce qu'il ne change en rien, c'est le caractère même de son art, non seulement ses desseins d'artiste mais aussi ceux de l'homme profondément religieux.
Tout l'art de van Gogh se fonde sur le grand élan irrésistible de son coeur à témoigner.
Il y eut des années au cours desquelles il voyait sa vocation dans l'apostolat même, comme pasteur.
Alors il suivait la même voix intérieure, la même poussée que plus tard, mais sans bien la distinguer. IL y eut toujours dans sa vie une vocation sociale très forte, même une tendance communiste.
Au fond de tout cela, il y a l'amour du prochain, l'amour de l'homme en général, de la nature et de toutes ses forces créatrices, pour Dieu.
Tous ces symboles tendent à exprimer cet Amour, ce grand sentiment mystique d'attachement indissoluble à tout ce qui l'environne et à Dieu.
dans ces herbes longues volettent des papillons blancs, couleur reprise dans le sentier bordé d'arbres, ébauché en haut de la toile.
Ainsi, chaque oeuvre de van Gogh devient signe symbolique ; mais ce ne sont pas des signes de symboles convenus, même pas de symboles rationnels; on ne peut pas les traduire en mots.
Pour le prouver, il y a encore ses lettres dans lesquelles il essaie d'expliquer ce qu'il veut dire, ses intentions, mais il ne peut donner que des indications, certainement pas des analyses.
Elles révélent les sources sentimentales dont surgissent symboles et oeuvres, et non pas celles des idées qu'ils doivent représenter, comme dans l'art symboliste.
Ainsi, l'art de van Gogh n'est pas symboliste par programme, il est lui-même symbole, tout comme l'homme ne s'exprimait pas par symboles mais agissait en symboles, de même que ce fut avec la plus grande sincérité, sans aucune ironie, qu'il avait dit, au début de sa carrière de peintre, à son camarade dans les dunes près de La haye, qu'il faut souffrir pour l'art.
Certes, ce ne fut pas des mots creux : Vincent a souffert pour l'art comme très peu de grands artistes.
Il lui a tout sacrifié, ses amitiés, sa santé, ses forces, ses amours... la vie.
Ce fut, en effet, lorsqu'il vit sombrer sa raison et ses moyens d'expression qu'il s'est tiré la balle qui devait mettre fin à sa vie acharnée."
Gérard Knuttel