vendredi 6 février 2015

Le "romancero" du champion

Au fil des pages de ce Guide des Pyrénées mystérieuses, je prends conscience et vous aussi sans doute de cette guerre contre l'Espagne que les armées de la nouvelle République  ont engagé en 1793. Beaucoup de Pyrénéens se sont enrolés, ou bien ont trouvé refuge en Espagne.
Epoque terrible s'il en est, et pour le seul village de St Etienne de Baïgorry deux histoires illustrent les deux facettes de cette résistance.

Tout d'abord celle  de Harispe qui avait pris la tête de la compagnie franche des chasseurs basques de la vallée. Ainé de cinq garçons il s'était engagé volontaire et élu capitaine par acclamation à 21 ans.

C'est la mort du général La Victoire frappé en plein ventre dés le premier engagement à la redoute d'Urisca qui lui vaut le commandement.
 Ce sans-culotte avait ainsi échappé à la guillotine, promise en cas d'échec de l'offensive.
Mais parmi la population on y vit le juste chatiment d'un exercise de tirs qu'il avait ordonné dans l'église de Bidarray, si les chasseurs avaient tiré à côté du grand crucifix, l'un d'eux toutefois l'avait atteint au ventre et La Victoire l'avait chaudement félicité.....!

Fronton de Castanet-Tolosan.
On peut jouer de plusieurs façons, à la pala, à main nue ou avec le chistera

https://www.youtube.com/watch?v=rz1O15YlBI4

Le pelotari  Perkain, champion légendaire de pelote basque a laissé une trace indélébile sur la boule de cuivre de l'église, en la frappant de sa pelote.

http://www.tourisme-pays-basque.fr/culture-traditions/pelote-cuir.php
en voyant comment la pelote est fabriquée on comprend sa puissance

Il s'était réfugié en Espagne car le Comité révolutionnaire de Bayonne l'avait inscrit sur la  liste des suspects .
Un concurrent voulut en profiter pour s'attribuer le titre de champion par forfait; mais Perkain releva le défi et le convoqua sur la place de Baïgorry..
Au jour dit, à l'heure dite, on accourt de toutes les vallées environnantes.
Le tribunal révolutionnaire s'y trouve aussi, représenté par un commissaire et son escorte, résolu à l'arrêter sitôt la partie terminée. Ce fut comme on l'attendait, l'écrasement de l'adversaire, quand, ramassant la pelote perdue de son adversaire, il l'envoya d'un coup foudroyant à la tête de l'émissaire du tribunal, qui s'effondra, tué net.
Dans le tumulte qui s'ensuit, Perkain s'enfuit par les sentiers de la montagne, la conscience en paix après sa double vengeance.
Cette histoire fait aujourd'hui partie du "romancero" de Perkain au même titre que les chansons composées pour célébrer les mémorables parties de Saint-Palais et de Tolosa.
Un écrivain est même allé jusqu'à dire que le nom de Perkain a autant d'éclat dans les Pyrénées occidentales que Voltaire dans les nations éclairées.

Je n'ai malheureusement pas conservé les photos que j'avais prises du Jaï-Alaï d'Hossegor, mais vous trouverez toutes les informations sur les frontons, les pelotes ou les chisteras, sur le net; avec Google on trouve tout !!!

Sur le site du Musée Basque la stèle du pelotari  Manech Souhourou (1784)

http://www.museebasque.com/fr/collections-en-ligne

jeudi 5 février 2015

suite

Cette personne devait sans doute être en deuil: c'est donc un document personnel que je viens de numériser:

 un autre souvenir est cette foire à St Girons où j'avais été intronisée  à la confrérie de la Houlette Gourmande (fromages du Couserans) on m'avait alors offert une paire de petits sabots bethmalais mais les petits enfants ont joué avec et je n'en trouve plus qu'un:


Belle introduction pour vous parler de ces sabots confectionnés dans les "scapis"
 racines coudées du noyer. Une fois confectionnés par lui-même le fiancé l'offrait à sa promise de la main gauche.
Une légende court encore.... vous avez pu constater qu'on" ne faisait pas dans la dentelle" dans les Pyrénées:
Du temps où les Maures avaient envahi le Couserans, les hommes de Bethmale s'étaient retirés dans la montagne, d'où ils se préparaient à reconquérir la vallée; cependant  parmi les femmes restées au village certaines s'étaient montrées trop sensible au charme des beaux guerriers basanés....
Un soir, les Sarrasins, rendus confiants par le silence de la montagne, s'étaient livrés à la fête; les Bethmalais descendirent et, pendant la nuit, les exterminèrent jusqu'au dernier....si ça s'arrétait là !!!
Au matin on vit avec horreur passer à la tête des vainqueurs, l'un d'entre eux chaussé d'une paire de sabots aux pointes plus effilées et plus hautes que les autres.
Sur chaque pointe était planté un coeur, celui de sa fiancée et celui du Maure qui l'avait séduite.

TV Izard est passé par là.......www.you tube.com/watch?v=DsHJNfwaWro
 pour ouvrir cliquez sur le lien et  sur Recherche Google pour
 Les sabots de Jusot

Les sabots pointus

Il y a beaucoup de choses à raconter sur la Vallée de Bethmale, déjà les hommes préhistoriques empruntaient la voie de transhumance des bergers Couserannais qui remonte par le Lez vers le Val d'Aran.
Vestiges néolithiques dans les tombes d'Ayer où les cendres des défunts reposaient dans des "toupis" ( visibles au Musée St Raymond).
Une vieille coutume qui faisaient dire aux vieux Béarnais :"Ha toupi!" (Il va au pot)
 Vestiges aussi, Romains inclus dans les maçonneries, récupérations habituelles  des matériaux disponibles.
Mais ce qui risque d'intéresser le plus mes lecteurs c'est ce mystère qui plane toujours sur l'origine des bethmalais, leur type physique superbe et les curiosités  de leur costume.
Il faut ajouter à cela l'éthymologie de cette appellation "Beth male", la vallée mauvaise  comme la Maladeta, la cime mauvaise. Dans les veillées on parlait d'un certain Soulan, noble Ariégeois, fondateur d'une colonie en Grèce; ce qui n'a rien d'impossible quand on pense aux aventures des Normands en Sicile et des nobles français en Orient. Cette colonie, expulsée,  aurait trouvé refuge sur les terres de ce Soulan, en Ariège.
Un autre récit populaire parle d'un certain Jouanissou, qui, ayant quitté la vallée vers 1600 pour suivre des marchands qui se rendaient en Grèce, revint un jour, fortune faite accompagné par douze femmes fort belles, trente petits chevaux de bât pour porter ses coffres et un troupeau de douze chèvres de Morée, aus longues oreilles tombantes. Il s'installa à Villargein et sa descendance fut prospère....!!
Tous ceux qui ont voyagé dans l'Europe du Péloponèse et de Bethmale ont été frappé par la similitude de leurs costumes, guêtres de bure retenues par des jarretières à pompoms, veste de laine écrue aux broderies multicolores géométriques, bonnet mi-rouge mi-bleu.

 http://www.labethmalaise.com/presentation-costumes.htm

Quant au nom de "vallée mauvaise" on pense que ce sont les populations voisines qui étaient jalouses de leur prospérité, de leur existence heureuse qui ne s'embarrassait pas des rigorismes dans le domaine de la morale ....
Avant de vous parler des sabots pointus je vais aller à la recherche dans mes albums d'une photo prise il y plusieurs dizaines d"années, d'une vieille bethmalaise. C'était une diapositive que nous avions mise sur papier.
 Mais on ne voit plus de vieilles en costume traditionnel sur leur devant de porte.


Pour vous faire patienter, une photo digne d'un lagon pour ses couleurs éclatantes  du lac de Bethmale

mercredi 4 février 2015

Le merle

           Il ne vient pas fourrer son bec dans ce plat de chantilly mais les graines largement jetées à même le sol car, lui, ne grimpe pas sur mes fenêtres.


         Théophile Gautier est l'auteur d'un poème tout à fait de circonstance:



Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.

C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.

Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.

Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.

Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.

Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.

Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L'autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.

A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !



mardi 3 février 2015

Les Encantats

 Elles règnent un peu partout sur la chaîne Pyrénéenne mais celles dont je veux vous parler aujourd'hui sont dans le Val d'Aran.
Ce fut le plus long voyage de retour  en traversant les Pyrénées depuis l'Espagne.
Je revenais du Vall de Boï,( je crois me souvenir que dans les archives de 2014 il doit y avoir un article qui relate ce séjour) et pour éviter un retour, le plus logique, par le col d'Envalira, toujours surchargé de circulation en été, décision fut prise de rentrer par le Val d'Aran.

                                                                               photo Isarde

 Splendides visions sur la Maladeta et le Pic d'Aneto encore partiellement enneigés cette année là, des chutes de neige très tardives ces dernières années laissent persister des névés en plein été.
 Mais aussi sur son glacier et la dernière difficulté de son ascension.

 https://www.youtube.com/watch?v=BED0NIrP1_o
 
Mais ce n'est pas exactement de tourisme que je veux vous parler.
Ce fut un autre voyage qui m'amena à la recherche des sources de la Garonne au Pla-de-Beret, sur les pas du géographe Schrader.
Les bergers de la préhistoire révéraient dans la Garonne une nymphe offrant aux voyageurs une eau désaltérante.
Mais Norbert Casteret grâce à ses expériences de fluorescence démontra que ce sont les eaux de la Maladeta qui surgissant du "Goueil de Joueu" (l'oeil de Jupiter) en sont la principale source.
De toutes les crêtes montagneuses des sierras environnantes du Val d'Aran, les Encantas, sont les plus célébres, statues de pierres avoisinant les 2.700 mètres figés pour l'éternité, deux chasseurs..... punis de s'être élancés à la poursuite d'isards au lieu d'assister à l'office.


extrait de la Bibliothèque "Rosalis"

http://numerique.bibliotheque.toulouse.fr/collect/general/index/assoc//ark:/74899/B315556101_A_GORSE_9_028.dir/B315556101_A_GORSE_9_028.jpg

Dessus-dessous

Dessus-dessous, les larges feuilles enneigées du magnolia sont un refuge pour tous les oiseaux qui se relaient pour picorer sur mes fenêtres:


            Mais horreur! le chat du voisin a laissé ses traces dans la neige....

Mes petits protégés sont toutefois bien à l'abri sur les tiges du bignonia.

les rebords de fenêtre en hauteur lui sont aussi difficilement accessibles,

                         bien malin s'il réussissait à monter sur la chaise!!



 Les tourterelles viennent jusqu'à un mètre de moi, mais il faut que je garde une immobilité absolue:


Il y a moins de merles cette année, j'ai quand même réussi à en surprendre un avant qu'il ne neige trop.


                  J'aime beaucoup ces tiges qui encore couvertes de neige 

                                  semblent  revêtues de fleurs de coton




Sen Blat

 La pleine lune de cette nuit



SI la crêpe du 2  février est pour l'aire fermée celle du 3 est pour les bêtes, les champs, la récolte.
Il y a une association qui se crée entre le Blat de Saint Blaise (Sen Blat ) et la crêpe faite de "blat".

Mais il est une autre coutume encore pratiquée de nos jours et mon informateur, en l'ocurrence Frisco, me le confirmera, cela se faisait-il à Montels?
Ce geste à valeur symbolique, le voici, conté par Isaure.
Au Val d'Aran, le Nistos et le Larboust:

"Il faut couper la queue aux vaches ce jour-là.... un peu de poil, vous savez, coupé comme cà, s'il est long, sinon tout juste leur couper, ça dépend.
"Et qu'est ce qu'on fait de ce poil?      Marie Sabaut née en 1907 répond
"Rien, rien, le jeter au fumier. Mais.. c'est le ... chose de le couper ce jour-là; ils le font, les hommes. C'est bon pour les bêtes, quoi".

On me dit aussi plus souvent, brûler le poil dans un chaudron.
Geste cathartique ou vaccin symbolique? Le feu purificateur ou le mal par le mal?
L'office religieux du 3 février destiné à la protection des animaux, fut répandu dans ces pays d"élevage:
A la Saint Blaise il fallait aller à l'église tabé (aussi) parce que  c'était la messe des bêtes. (Barousse, Ourse de Sost.)
Dans le Haut-nistos, on le pratique encore:
A St Blaise, il  faut faire dire une messe pour les animaux.

(petite aparté, je doute qu'en 2015 où il n'y a plus assez de prêtres pour dire la messe dans les villages, le Dimanche, il y en ait qui puisse dire la messe en pleine semaine pour les animaux)

En Bethmale, "on ne part pas à la montagne.
Les vieux allaient  faire bénir Sen Blas en'a gleisa (à l'église).
Georgette née en 1913 se souvient soudain de la prière récitée pour Saint Blaise:

"Ah! Jo m'en rapeti!
"Nostra dama de sen Blas, proteja-nos eras amas e bestias!"
(Ah! je m'en souviens! Notre Dame de Saint Blaise, protège nos âmes et nos bêtes)
Dans la Haute Barousse, il en était de même. En Couserans, à Montfaucon," pour sen Blas, on ne les changeait jamais de grange, ni les bêtes les faire sortir"

Nous retrouvons ici à la fois le besoin de l'enclos, du fermé, de l'immobilité réparatrice pendant les mois d'hibernation et celui du geste protecteur avant la première sortie; la bénédiction prophylactique est aussi indispensable pour le nouveau-né humain que l'on ne sort jamais avant qu'il soit baptisé, que pour les bêtes que l'on n'envoie pas à la montagne avant la bénédiction pour Saint Blaise".
                Isaure

 Remarquons les variantes dans le propos, tantôt Sen Blat et pour d'autres Sen Blas
Ne trouvons-nous pas ici l'illustration du changement et du décalage climatique, un siècle après ?
Je vous assure que vu ce qui tombe ce matin  il  ne serait pas  envisageable de sortir les bêtes !
 Si les averses de neige des jours précédentes étaient impressionantes par leur densité, les chutes de ce matin, épaisses, cotonneuses, adhèrent au sol et sur les végétaux
 Je vais anticiper la St Jean et rester devant mon feu !!!