Si nous avions le nom des orfèvres ayant oeuvré au début du XVI ème siècle,
dans la fabrication des nefs de table, il n'en est pas de même pour les sculpteurs
du Midi toulousain et si nous allons parcourir l'Albigeois ou le Rouergue, nous
pourrons seulement reconnaître le style, on dit "la patte" des maîtres, grâce au
style des visages et de leur expression.
J'ai envie de commencer par "la" Notre-Dame de Grâce du Musée des Augustins,
une vielle connaissance que j'ai connue bien avant sa restauration.
Elle a beaucoup fait parler d'elle, jeune, un peu boudeuse et mélancolique
elle a vraiment l'air de se demander ce qu'est venu faire ce bébé dans sa vie !
Nous sommes dans le dernier quart du XV ème siècle. Cette sculpture est un
véritable chef-d'oeuvre.
Un indice toutefois le sculpteur ne viendrait-il pas du nord ? l'inscription qui lui
donne son titre, au pied de la statue, est en langue d'oïl.
la restauration lui a conféré un véritable "lifting" lui restituant toute sa
polychromie. A l'aide de l'analyse d'autres sculptures et de peintures ou
d'enluminures on va pouvoir la dater précisément entre 1460 et 1480, elle semble
avoir donné le ton à partir de cette date, aux travaux que nous rencontrerons
dans l'Albigeois et le Rouergue. Ce type de figure féminine faisant date jusque
dans les années 1520. L'énigme reste, pour qui ? dans quel contexte, quel
commanditaire, quel maître et quels ateliers ?
Pour ce qui est des commanditaires connus tant à Albi qu'à Monesties, il est admis
qu'il s'agit de Louis d'Amboise qui par sa position au sein de la Cour et d'une
famille puissante avait tout loisir de s'attacher des artistes de haut niveau.
Pour rester à Toulouse encore, voyons la Vierge de pitié de l'église Sainte-Marie
des Anges aussi aux Augustins (dont j'attends avec impatience la réouverture après travaux et.... confinement )
et à ses côtés une Marie-Madelaine aux larmes bleues.
On peut trouver une certaine ressemblance entre Notre-Dame de Grâce et celle
de l'Adoration des mages sur le tympan de l'église St Nicolas de Toulouse dont
les dates de construction sont compatibles : on donne ici le nom de l'atelier de
Pierre Viguier mais laquelle a pu influencer l'autre ?
Sauf que la vierge ne regarde pas dans la direction opposée à celle de son enfant.
Une autre position particulière, plus ludique de l'enfant Jésus caressant d'un
geste affectueux le visage de sa mère sur la statue de la Vierge à l'enfant de
Bellegarde.
Les étoiles dorées sur le manteau bleu sont
encore un peu visibles alors qu'elles ont
complètement disparu de celui de Notre Dame de
Grâce
Le chapelet,où pendent des médailles et des branches de corail, invita certains auteurs à voir une influence italienne dans cette sculpture : en effet, il était d'usage à Florence d'offrir aux jeunes enfants des colliers ornés de l'Agnus Dei et de corail. Le mécénat de la famille d'Amboise leur sembla évident. Victor Allègre (op. cit.), repris par Mathieu Méras (op. cit.) signale qu'il est probable qu'elle provienne du château de Montels auquel elle avait été donnée par le cardinal de Bernis, archevêque d'Albi à la fin du 18e siècle. Toutefois, ni la destination, ni le commanditaire ne sont connus. Il est toutefois évident que l'oeuvre est une création d'un sculpteur méridional qui connaît les grands modèles toulousains (Notre-Dame de Grasse) ou albigeois.
Le groupe sculpté a été restauré par Maimponte dans les années 1960, au moment de son exposition à Montauban. C'est à cette époque que fut redécouverte la polychromie ancienne avec des traces de dorure à la feuille, sur les cabochons et l'agrafe du manteau. Mathieu Méras (op. cit.) que le restaurateur pense que la polychromie restituée au moment de l'exposition pourrait être un deuxième état. Cette hypothèse paraît discutable."
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1983_num_141_2_6549_t1_0222_0000_4