mercredi 21 octobre 2015

Hommes Cimes et Dieux

 C'est le titre du livre de Samivel, et j'ai l'intention de vous en parler longuement.

  Samivel est l'auteur des aquarelles sous lesquelles vous dormez, mes chers enfants, quand vous êtes dans notre chalet d'altitude.
Poète, écrivain, aquarelliste et grand montagnard.



Quand automne en saison revient,
La forêt met sa robe rousse
Et les glands tombent sur la mousse
Où dansent les petits lapins.
Les souris font de grands festins
Pendant que les champignons poussent.
Ah ! que la vie est douce, douce,
Quand l'automne en saison revient.
                                                      Samivel



                                     superbe photo de Frisco.

De ce livre de 465 pages édité par Arthaud en 1973, je ne pourrai qu'extraire des paragraphes probablement en commençant par "Le bestiaire fantastique des montagnes" ou 'Elfes, Fées et Cie" en droite ligne de ce que nous venons de lire dans les articles précédents mais abordés d'une autre manière.
A moins que l'humeur du moment ne m'entraîne vers d'autres prespectives.
Mais pour planter le décor, Préface et Introduction vont nous mettre dans le "Bain".
Chaque chapitre débute par une citation:
                                                  " Toutes les satisfactions de la pensée
                                                   et de l'art, toutes les conquêtes de la technique
                                                   ne restitueront pas cette harmonie unique
                                                   de l'homme avec l'intégralité du réel qui est
                                                    le privilège de la conscience mythique"
                                                                                            G Gusdorf 

                                            autre photo de Frisco
 On sort là des Pyrénées pour aborder des sommets universels.

 Le ton  est donné dans la Préface que je vais vous restituer dans son intégralité
ou presque..

                 "Ce livre est consacré à un grand sujet, peut-être le Sujet des sujets, c'est-à- dire les rapports de l'Homme et de la Hauteur.
Mais il l'aborde dans une perspective particulière, limitée, celle des récits fabuleux où la montagne, à travers temps et traditions, tient le rôle principal.
Il s'agit à tout prendre d'un voyage insolite à des cimes insolites, demeurées à l'écart  de la plupart des inventaires.Pourtant elles sont incontestablement les plus grandes et les plus vieilles du monde.
Et l'on peut ajouter qu'en leur absence le monde, justement, eut été autre, que l'espèce n'eut probablement pas survécu.
L'affirmation pourra surprendre, passer pour jeu de l'esprit, paradoxe littéraire; mais elle paraîtra bientôt justifiée: les altitudes du rêve furent encore davantage nécessaires aux hommes que leurs projections terrestres.
Comme il règne toujours certains malentendus  tenaces à propos des légendes et des mythes, les remarques suivantes ne seront sans doute pas inutiles.
Et d'abord il faut préciser l'usage des termes.
On admet généralement que le mythe-récit traite d'actions exemplaires accomplies par des êtres surhumains, héros ou dieux; ou bien se développe à propos de quelque énigme majeure.
La légende, d'intentions plus modestes, et souvent très localisée, reste dans un ton fantastique, mais familier.
Les frontières entre les deux genres demeurent assez floues.
Le véritable critère qui peut faire basculer une légende dans la catégorie des mythes est l'apparition d'une ambiance sacrée, où l'âme, pleine de désir et de bruit, brusquement "cristallise".
On verra plus loin, quand on tentera de cerner cette notion du sacré, ce que recouvrent les mots.
Le temps où l'on considérait l'ensemble des traditions fabuleuses comme un fatras est révolu.....................................................................................................
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Mais l'important, je pense, c'est encore de fournir à un lecteur non préparé, mais curieux, l'occasion de pénétrer sans s'égarer dès les premiers pas dans un monde à bien des égards prodigieux; car il recèle et dévoile, la plupart du temps de façon discrète, une somme non moins prodigieuse d'expériences, dont certaines paraissent assez bizarrement refléter à la fois le passé et l'avenir; et les perspectives s'y confondent souvent avec celles de la poésie pure.
Le fait témoigne d'une vérité méconnue : c'est que l'interprétation poétique de l'univers est une démarche naturelle aux hommes, leur fut donnée "comme un instinct nécessaire", et que beaucoup l'ont perdue, comme ils ont perdu d'autres instincts...................................................................................................................
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Faut-il supposer que les hommes non dénaturés portent en eux une sorte de prescience du cosmos, et l'ont exprimée dans une langue merveilleusement éloquente et esthétique, celle des mythes ?

http://www.telerama.fr/scenes/samivel-l-autre-genie-des-alpages,94105.php

mardi 20 octobre 2015

Le blanc du linge

Je ne m'attarderai pas sur le chapitre de la christianisation de l'offrande, puisque dés les années 1820 l'église ne pouvait tolérer le symbolisme pré-chrétien d'une nourriture des défunts par les vivants; l'offrande va encore exister mais il faudra la déposer sur le seuil de l'église  dans une grande "saca" (non sans une certaine réticence).
 Je préfère revenir sur les "interdits" dont je vous avoue que je ne comprends pas bien l'intention, ces:

"il fallait pas joindre les vaches ni rien".

à vous parler de repli, d'enfermement, je finis par y croire mais la neige n'est pas encore là, pour bloquer l'entrée de mon garage.
C'est dans ma bibliothèque que je cherche l'ouverture, et je vous réserve une surprise.
Je le suis moi-même, surprise, d'y retrouver des textes qui m'ont passionné.
Pour aujourd'hui, revenons à ces linges blancs. Nous allons à nouveau flirter avec les "hadas" et les" hantaumas".

   " Un interdit spécifique aux femmes, celui de la lessive, est mentionné fréquemment et avec insistance. Il exprime la relation entre le monde des morts, le sein de la Terre et la féminité.
Mais la justification en est ambiguë.
Pour certains: "l fallait pas faire la lessive pour la Toussaint parce qu' on faisait mourir quelqu'un" ( Simone Artigues, née en 1914).
Pour d'autres, une formulation trés répandue relie le thème de la lessive à celui des mythiques "hadas", ces êtres souterrains bénéfiques qui étendaient leur linge non loin de leurs grottes, et dont la mémoire est encore très présente dans la tradition orale de la Haute-Gascogne.
Pour d'autres encore et les plus nombreux, ce linge évoquait les hantaumas, les fantômes.

Ce n'est pas tant la lessive qui est prohibée, que le fait d'étendre le linge le Premier novembre:
"Ma mère, le jour de la Toussaint, si j'étends quelque chose, elle l'enlève vite de la corde; ça porte malheur...... qu'on voit du linge flottant le jour de la Toussaint."(Jeanne Payrot, née en 1901, Juzet-d'Isaut.) "Les vieux ils savaient ce qu'ils faisaient, ouais !
La mère de Jeanne (née vers 1870) est morte depuis longtemps, mais, dans son récit, Jeanne actualise le geste en faisant un transfert sur elle-même: elle non plus n'étend jamais le Premier novembre.
La réticence devant les lessives de" blanc" mises à sécher à la vue de tous, n'est d'ailleurs pas limitée au jour de la Toussaint. Quel que soit le jour de l'année, on n'aime pas ostenter le linge, ce "blanc" qui évoque à la fois, en un amalgame confus, le linge des "hados" bénéfiques et "les hantaumas" (fantômes, esprits) redoutés : "Cachez ça ! Elles nous disaient les vieilles quand elles nous voyaient étendre.  Que sembla eras tendas d'eras hadas !
(On dirait le linge des "hados" !
(Marthe Daspet, née en 1898, Le Couéou) 



A Girosp, chez Philomène Barès (née en 1896) pas d'ambiguité. Le linge étendu n'est pas celui des hadas.. Raison de plus pour: "le jour de Toussaint, vous pensez, eh! Bon diu, non ! ça il fallait pas étendre, eh!".
Philomène ne s'exprime qu'avec réticence sur ce thème qui est celui du Mauvais.
Par définition, il est donc dangereux de prononcer le nom de ses diverses concrétisations.
Elle détourne la tête, l'air buté, fixe le plancher de la cuisine et consent à ajouter:" Les vieux, ils savaient ce qu'ils faisaient, ouais !"
De toute évidence, pour Philomène, le linge mis à sécher le jour de la Toussaint sur les haies de buis et d'aubépine, évoque le monde hostile et dangereux des hantaumas plutôt que celui des hadas....................................................................
Puis des hadas, elle passe tout aussi vite au thème inévitable dans toute conversation lors d'une visite ou d'une rencontre: "eth tents" , le temps celui qu'il fait pour la Toussaint. Il fallait faire attention au temps, ouais!"
et celui qu'il fera trente jours après, pour la Saint André (30 novembre)

Enta Sent Andreu, ca dits era nieu                    A Saint André dit la neige

Se non i so qu'i sere leu                                Si je n'y suis pas j'y serai bientôt

Dans le Larboust et la vallée d'Oueil, plus élevés, la neige est déjà là d'ordinaire pour la Saint André:
Ta Sent Andreu, asi so nieu                            A Saint andré, je suis là, la neige..

                              "  Se non i so iei sere leu"
                        Si je n'y suis pas j'y serai bientôt

lundi 19 octobre 2015

La Terre-Mère

 Toutes ces coutumes ne sont pas inhérentes à la montagne gasconne, il n'y a qu'à voir celles destinées à Pachamama en Amérique du Sud, par exemple, mais encore dans beaucoup d'autres pays d'Europe ou d'Asie.

                       
                               "Les morts qui, pour une nuit, reviennent dans la maison, apportent avec eux les forces vitales des profondeurs de la Terre-Mère et permettent ainsi à la vie de la surface de continuer. De continuer et non de commencer.
N'oublions pas que dans la montagne, la mythologie montre que nous sommes ici dans un monde jamais né parce qu'il a toujours été.
Elle montre aussi que le "surnaturel" imprègne toute chose au point qu'il est identique au "naturel".

Le retour des morts, dans la nuit du premier au deux novembre, est donc vécu comme un épisode de la vie, qu'elle soit des ancêtres ou celle des vivants.
Si ceux-ci laissent sur la table, le pain, la pomme ou le fromage, et s'ils font brûler la bûche, c'est pour remercier les ancêtres à qui ils doivent la vie.
Mais c'est aussi pour les aider et "réchauffer leur âme".
En une dualité fréquente dans le don rituel aux ancêtres ou aux dieux, on craint le châtiment si l'on ne s'est pas plié au don obligatoire, tout en espérant de la part de ceux que l'on a honorés, un don en retour si l'on a effectué le rite comme il convient.
Le jour de la Toussaint est donc un noeud de signifiances qui lui donnent une densité symbolique lourde et complexe.
Car les mémoires ont conservé tous ces thèmes entremêlés en un amalgame confus où subsiste, toutefois, l'idée de descente, de repli, d'enfermement.


Quand le solstice sera là, le soir de la Noël, on déposera de nouveau l'offrande alimentaire, sans oublier, surtout, la bûche qui réchauffe.
La fonction symbolique est identique à celle de la Toussaint, même si la christianisation du geste, pour la Noêl, a fait oublier les destinataires premiers.
Le don aux ancêtres est demeuré plus "authentique" pour la nuit de tous les Saints qui est restée, dans le vécu populaire, celle de tous les morts.
Dans la montagne gasconne, les mots qui racontent les jours apportent le souvenir d'un monde où les Hommes n'avaient pas encore eu besion de partir à la recherche de leur origine. Ils disent un univers où le balancement inexorable du temps de Chronos ne commence ni ne finit.
Le temps annuel y est encore un temps pendulaire qui bat au rythme de l'apparent mouvement du soleil.
Et les récits des Hommes de la montagne dessinent, de l'un à l'autre, la sinusoïde éternelle d'un temps invulnérable qui ne peut pas mourir parce qu'il n'a jamais commencé."




http://cent.ans.free.fr/pj1913/pj119802111913.htm



dimanche 18 octobre 2015

Le monde mythique souterrain



                   La montagne des grottes et la montagne sans grottes.
       
           " Dans la partie calcaire qui est, de par sa nature même, le monde des grottes, la version la plus fréquente du retour des Morts se construit autour du thème du linge et de celui des "hados" bénéfiques.
Le monde souterrain est familier à ceux qui voient quotidiennement, dans les falaises et les bois qui les entourent, des entrées de grottes et des ouvertures de gouffres.
(Je vais vous décevoir mais je me suis souvent penchée sur l'entrée de Fontestorbes, les anciens d'ici m'avaient dit que les hadas y battaient leur linge avec des battoirs d'or, mais je n'ai jamais entendu que le bruit des flots qui en jaillissent.
La verticalité du gouffre, toutefois, fait peur, alors que l'horizontalité de la grotte rassure : les êtres qui y vivent ne peuvent qu'être proches des humains...
Et puis, il arrive souvent que la grotte soit une résurgence, une source qui apporte l'eau.
Elle est alors appellée : era boca (la bouche), celle qui donne la vie qui sort du ventre de la terre.
Pourtant , même dans la montagne calcaire, le blanc du linge étendu est souvent celui du linceul.
Il est à la fois la couleur de la féminité porteuse de vie et la couleur du vêtement des morts.
Les morts comme les "hados" arrivent de l'ailleurs du monde souterrain et, dans la mémoire populaire, le retour des défunts se mêle souvent à celui des êtres mythiques bénéfiques.
Car les témoignages montrent qu'il s'agit là du retour des morts protecteurs si l'on a su les honorer, et non celui de la Mort implacable et destructive de toute vie.
La Toussaint retour des ancêtres, rejoint, dans sa symbolique, le mythe des "hados" féminines qui sortent de l'au-delà de leur demeure chtonienne pour conseiller et guider des humains avec qui elles parlent et à qui elles ressemblent parce qu'elles viennent du même univers.


Il faut être sur les schistes puis, au-dessus des métamorphismes marbreux, sur les zones primaires granitiques de l'amont des vallées, là où les cavités n'existent plus, pour que le monde mythique de l'au-delà souterrain, réveillé par le linge étendu le jour de la Toussaint, soit celui des "hantaumas" redoutées.
Dans ces  hautes vallées sans grottes, tout ce qui vient des ténèbres incompréhensibles  du monde chthnonien, ne peut qu'être la "différence", le non-humain maléfique.
Dans la Haute-Pique, la vallée d'Oueil et le Larboust, la même unanimité assimile le linge étendu le jour de la Toussaint au monde inquiétant et fangereux des hantaumas, ceux qui reviennent pour tourmenter et non pour aider."



http://www.cds09.com/Topos/Corbeaux.pdf

http://fontestorbes.canalblog.com/albums/la_beaute_de_la_fontaine_sous_le_soleil____/index.html


samedi 17 octobre 2015

Fruits de saison

                                             
                                                Les potimarrons

                                            citrouilles et potirons
                                            
                                               les courges.... tous ronds.


                                                  Puis les butternuts

                                               les courges asiatiques
                                              
                                                   en bonnes soupes

                                        
                                                  Et la pastèque

                                                  ira en confiture

                                                   vieille recette . 




                            Pour rester dans le cadre des siècles passés,
                                le livre de mes arrières grands-mères
 (mise au courant du progrés annuel  !!! tenez-vous bien ) 
          une mine de "savoir-faire" complètement dépassés.......

vendredi 16 octobre 2015

L'offrande aux ancêtres


Voilà bien un sujet qui n'intéresse guère.
On veut bien jouer à mettre une bougie dans la citrouille ou se recouvrir d'un drap pour jouer au fantôme mais imaginer le retour"en vrai" des ancêtres paraît plutôt glaçant.

Et pourtant, les anciens faisaient bon ménage avec ces coutumes.

                                   il y a des brodeuses dans la maison

ou même cette boite de ma confection, où j'ai intégré les petits personnages dans un paysage Pyrénéen.
Cette introduction un peu ludique, est destinée à banaliser le texte, un peu inquiétant pour les enfants.

                       "On honore les morts de la maison qui reviennent pour une nuit parmi les vivants, en les nourrissant et en les réchauffant.
Dans le Haut Nistos, Jeanne Pène (née en 1909) a laissé jusqu'en 1982, sur deux assiettes posées devant le foyer :
"des noix, des châtaignes et même du fromage. On l'a toujours fait, pauvre."
Et si Jeanne ne dépose plus son offrande depuis 1982, ce n'est pas pour des raisons métaphysiques :
"Les souris m'y foutent la pagaille. Alors je le fais plus"
Jeanne ajoute vite, pour montrer qu'elle se comporte tout de même comme il convient:
"Et dans la cheminée j'y mets le souquet, qu'il brûle toute la nuit"
Les morts qui reviennent ne sont plus morts.
Il est bon de les réchauffer comme on le ferait pour les vivants.
La tradition est encore vivante chez bon nombre des plus de 70 ans.
Dans le Nistos, Léontine, née en 1905 explique comment:
"Y en a qui y croyaient, eh, aux esprits des morts, ça je l'ai entendu et j'ai connu un bonhomme qui y croyait.
Il fallait laisser le soir de Toussaint deux tisons allumés, dus tisons alugats
(deux tisons allumés). Pour qu'ils viennent se chauffer! Botaon dus tisons que's punen e que s'amortashen cap. (Ils mettaient deux tisons qui s'embrassent et qui ne s'éteignent pas).
Dans le Haut-Job, de même Maria (née en 1900) affirme, désireuse de convaincre, que son père, "il y croyait'. (au retour des âmes des morts pour la Toussaint).Et elle enchaîne avec des recommandations vigoureuses, qui montrent qu'elle y croit tout autant:
"Que cau dishar dus tisons alugats, cogar-les amb un tinhà de cendres per dessus,'ta quan vendran, se han hereth que's poiran cauhar, eths morts que siran a casa". ( Il faut laisser deux tisons allumés, les couver avec un tas de cendres pardessus, de telle façon que lorsqu'ils viendront s'ils ont froid, ils pourront se chauffer, les morts qui seront à la maison).
Le témoignage de Maria est aussi un de ceux qui montrent comment le premier Novembre est le jour du nécessaire repli sur l'aire domestique; il convient visiter la maison.
Ainsi la veille de Toussaint, sa mère refusait à Maria l'autorisation de sortir pour aller veiller dans une maison amie:
"Ma maï disio que cau demorar a casa"
(Ma mère disait qu'il faut rester à la maison )

Ici, c'est une joyeuse pagaille dans les produits de beauté et de maquillage, pour les déguisements.



jeudi 15 octobre 2015

Un culte immortel

  Je poursuis cette lecture du temps de Toussaint tout en écoutant sur France Musique une émission vouée à Marc Chagall mettant en évidence une exposition qui lui est consacrée  à la Philarmonie de Paris.


 Comme plupart des fêtes calendaires de la montagne gasconne, celle de la  Toussaint est l'habituel et inévitable amalgame entre vieux fonds "païen" et liturgie chrétienne.
La tentative que fit Louis le Pieux, en 835, de remplacer la célébration des morts par celle de tous les saints, fut un échec.
 Ainsi, à Malvezie, j'ai à peine prononcé le mot "Toussaint"  que Lucie Boué (née en 1871) s'exclame:
Oh! les morts, on les respectait plus que maintenant ! Eh ! Vous badinez ! 
La religion, plus que maintenant ! (1972)
On ne peut mieux exprimer cette constante cultuelle de la religion populaire, présente, d'ailleurs, dans tout l'Occident chrétien : à la fin du XXème siècle, pour Lucie Boué comme pour des millions d'autres avant elle, ce sont les honneurs rendus aux morts le Premier novembre qui constituent l'acte religieux.
Comme les autres axes cardinaux de l'année solaire, le temps pascal de l'équinoxe ou la Saint Jean solsticiale par exemple, la célébration des morts de Premier novembre, était trop authentiquement une composante première des comportements religieux pré-chrétiens, pour être extirpée par un décret, fut-il toyal.
Ce fut aussi le cas, nous l'avons vu, pour tous les autres repères au rythme quarantenaire qui découlent de la scansion solsticiale de l'année.



Ne parvenant pas à substituer le culte des saints à celui des morts, l'Eglise se résolut à les faire cohabiter en instituant, au lendemain de la Toussaint, une fête des morts : vers l'an 1000, Odilon, troisième abbé de Cluny, ordonna que fut célébrée le 2 novembre, une messe pout tous les morts qui dorment en Christ.
Mais le peuple continua à honorer pareillement les morts le Premier novembre, faisant du jour de tous les Saints ce qu'il avait toujours été, à savoir celui de tous les Ancêtres.
                                                                                                                                                            Au point que de nos jours, dans le calendrier civil, c'est le Premier novembre qui est férié et consacré au souvenir des morts, et non le deux, pourtant dit "le jour des morts".

 C'est pour le Premier novembre que les cimetières se remplissent des vivants venus fleurir les tombes.
On les fleurit avec d'autant plus de soin, ces demeures des morts honorés, qu'elles sont ressenties comme un prolongement  de la demeure des vivants : le rectangle tombal s'inscrit dans l'aire domestique.
Jusqu'en 1940, à l'église, dés le début de la messe de la Toussaint, chaque maison allumait son "plec" (nous avons vu précédemment comment il était confectionné
la Chandeleur) édifié avec la fine chandelle de cire que l'on avait fait bénir à la Chandeleur et le laissait brûler pendant toute la cérémonie.
En cette descente vers l'ombre de l'hiver et du domaine des morts, la flamme symbolique qui est à la fois le soleil et la vie, compense et exorcise ses contraires."



http://philharmoniedeparis.fr/fr/musee-expositions/expositions/expositions-venir